metadata: dcterms:identifier ECHO:merse_quest_508_fr_1635.xml dcterms:creator (GND:118581201) Mersenne, Marin dcterms:contributor (GND:118537229) Galilei, Galileo dcterms:title (fr) Questions physico-mathematiques : et Les mechaniques du sieur Galilee : avec Les Prelvdes de l' harmonie universelle utiles aux philosophes, aux medecins, aux astrologues, aux ingenieurs, & aux musiciens dcterms:date 1635 dcterms:language fra echodir /permanent/archimedes_repository/large/merse_quest_508_fr_1635 text (fr) free parameters: despecs = 1.1.2 unknown: <006> = ℞ (prescription take), ℟ (response), or ꝶ (rum) (occurs 7 time(s), ok) <007> = i or ı (dotless i) (occurs 130 time(s), ok) <015> = ☾ (occurs 18 time(s), ok) <016> = ♄ variant of ♄ (planet: saturn / alchemy: plumbum) (occurs 41 time(s)) <017> = ◻ Kalenderzeichen Quadrat (similar characters: ◻ [white medium square] and □ [white square]) (occurs 6 time(s)) <018> = *** <019> = *** <020> = *** <021> = *** <022> = ♉ (zodiac: taurus) ? (occurs 4 time(s), ok) <023> = * or Kalenderzeichen Sextil (similar character: ✶) (occurs 1 time(s), ok) <024> = *** <025> = ע (occurs 2 time(s), ok) <026> = ח (occurs 4 time(s), ok) <027> = א (occurs 2 time(s), ok) replacements: ɔ = é (1 occurence) [00002] QVESTIONS PHY SICO-MATHE- MATIQVES. ET LES MECHANIQVES du $ieur Galilee tres excellent Ma- thematicien, & Ingenieur du Duc de Florence. AVEC LES PRELVDES del harmonie vniuer$elle. Vtiles aux Philo$ophes, aux Medecins, aux A$trolognes, aux Ingènieurs, & aux Mu$iciens. Traduites del Italien par L.P.MM. APARIS, Chez HENRY GVENON, rue S. Iacques prèsles lacobins, à l’image S. Bernard. M DC. XXXV. Auet Approbation & Pr@@ilege. [00003] [00004] LES QVESTIONS THEOLOGIQVES, PHYSIQVES, MORALES, ET MATHEMATIQVES. Où chacun trouuera du contentement, ou de l’exercice. Compo$ees par L. P. M A PARIS, M. DC. XXXIV. Chez HENRY GVENON, ruë $ainct Iacques, prés les Iacobins, à l’<007>ma- ge $ainct Bernard. Auec Pr<007>uilege & Approbation. [00005] [00006] A MONSIEVR MONSIEVR MELIAN, THRESORIER General de France. MONSIEVR,

Apres auoir con$ideré plu$ieurs effets dela nature, & quelques difficultez dans les $ciences, qui arrestent les plus $çauans, i’en ay voulu propo$er vn cer- tain nombre dans ce liure que ie vous pre$ente, affin de vous tèmoigner l’e$ti- me que ie fais de vo$tre excellent e$prit, & d’ exciter les doctes àla recherche des rai$ons, qui peuuent $atisfaire a tous ceux qui ne ferment pas les yeux à la lumiere. Ie ne doute nullem\-et que vous [00007]EPISTRE. ne $çachiez tres bienqu il e$t mal ay$é derencontrer les vrayes ra<007>$ons dont on croit $ouu\-et enui$ager l’éclat, &la $pl\-e- deur, encore que l on n’ayt trouué que l’ombrc, & l’ob$curité, qui font $ou- uent paroi$tre le men$onge $ous les habits de la verité. Ce qui n’empe$che pas que ceux qui $’efforc\-et de la trouuer ne meritent de la loüange; & certes l’on auroit tort de bla$mer tous ceux qui ont recherché la rai$on pourquoy la pierre d’aymant ne peut attirer le fer rougi, pourquoy elle cha$$e les aiguilles par l’vn de $es co$tés, & qu’elle les attire par l’autre, pourquoy le bout des barres qui demeure long temps en bas attire le midy de l’aiguille touchée, & que l’autre bout le cha$$e, & qu’il attire $a partie $eptentrionale, encore qu’ils n’ayent pas trouué des rai$ons a$$ez for- tes pour contenter tout le monde. Ilfaut iuger la méme cho$e des autres qui tra- ua<007>li\-et à la recherche desveritez parti- [00008]EPISTRE. culieres, car <007>l $emble que la capacité des hommes e$t bornée par l’ècorce, & par la $urface des cho$es corporelles, & qu’ils ne peuu\-et penetrer plus auantque la quant<007>té, auec vne entiere $atisfa- ction. C e$t pourquoy les anciens n’ont peu donner aucune demon$tration de ce qui appartient aux qualités, & $e $ont re$treints aux nombres, aux lignes, & aux figures. $i l’on en excepte la pe$an- teur, dont Arcb<007>mede a parlé dans $es I$orropiques.

Ori’e$pere que les Corollaires qui $ont àla fin des Que$tions que ie propo$e, ne vous plairon<007> pas moins que les Que- $tions me$mes, & que vous vous ran- gerez librem\-et du partide Socrate, qui tenoit que l’on ne peut rien $çauo<007>r $i l’on ignore Dieu: car puis qu’il n’ya rien de po$$ible $i Dieu n’e$t, & que la po$- $ibilité de tous les e$tres depend ab$olu- ment de l’e$tre actuel de Dieu, comme la pui$$ance de l’acte, il est certain que [00009]EPISTRE. l’onne peut auoir la parfaite connoi$- $ance d’aucune cho$e, $i l’on ne connoi$t la $ource dont elle prend $on origine. Et comme l’on auroit $uiet de bla$mer vn Philo $ophe qui voudroit connoi$tre la nature des couleurs $ans $çauoir celle de la lumiere, qui leur donne l’e$tre, & la $ub$i$tance, puis qu’il e$t impo$$ible qu il y ayt des couleurs $ans elle: de me$me l’on peut iu$tement me $pri$erce- luy qui s’applique aux $ciences, s’il n’e$$aye par leur moyen de s’auancer à la connoi$$ance de Dieu, pui@ qu’ elles $ont comme des rayons de la d<007>uinité, qui; demon$trent par leurs veritez im- muables & eternelles, & par leur grande @$tend@ë $on immutabil@tè, $on éternité, & $on in@men$ité. C’e$t donc ence$te maniere que @ous les Chre$tiens doiuent enui$ager les $ciences, & qu’ils s’en doiu\-et $eru<007>r comme de pu<007>$- $antes machines pour éleuer leur amour qui@$tle cen<007>re de la pe$anteur de toutes [00010]EPISTRE. leurs affections, aucentre de toutes les creatures quine $e trouue que dans la bonté diuine, dont toutes les cho$es tant actuelles que po$$ibles dependent beau- coup plus que les rui$$eaux ne depen- dent de leur $ource. Car il e$t tres rai- $onnable qu’elles y retournent, & qu’elles n’ayent point de plus grand de$$ein que de s‘y rendre, & de s’y pre- cipiter, comme font tous les corps pe$ans au centre de la terre, & toutes les ri- uieres dans l’Ocean. Ie ne doute pas, MONSIEVR, que vous ne vous $eruiez. de toutes les $ciences en cette façon, & que vous n’en agreyez l’v$age, dont i’ay tracé quelque crayon dans ce liure, lequel <007>e vous prie de receuoir auec la me$me affection que celle qui m’a porté à vous l’offrir; c’e$tce qu’e$pere

Vo$tre tres humble & tres- affectionné $eruiteur. F.M.Mer$ene M.

[00011] PREF ACE AV LECTEVR.

LEs Que$tions de ce Liure ne $ont pas trop longues pour ennuyer, ny $i courtes qu’elles ne fa$$ent voir les difficultez, qui $e rencontrent dans toutes les cho- $es que l’on $e peut imaginer; c’e$t pourquoy i’e$pere qu’elles $eront a$$ez agreables à ceux qui prendront la peine de leslire, & qu’elles $eront cau$e que plu- $ieurs nous dõneront leurs expe- riences, & qu’ils enrichiront le public de leurs pen$ées, & des $o- lutions de plu$ieurs doutes qui$e $ont formez, ou que l’on leur a propo$ez. Neantmoins $i qu’el- qu’vn $e plaint de leur briefueté, il trouuera dequoy $e $atisfaire dans l’autre traité des Preludes de [00012]PREFACE. l’harmonie, dont les Que$tions ont vneiu$te longueur, & dans celuy des Mechaniques, qui re- quiert plus d’attention que les autres. Quoy qu’il en $oit, l’on verrale tiltre de$dites Que$tions dans la table qui $uit.

[00013] TABLE DES QVESTIONS deceLiure.

_I. Qu. Q_Velles $ont les principales cu- rio$itez quioccupent les hõmes.

_II. Quclt._ Pourquoy il y a des hommes qui s’e$timent $i $çauans, & que les autres qui $ont plus $çauans qu’eux s’e$timent $i ignorans.

_III. Que$t._ Powrquoy l’e$tain calciné e$t plus pe$ant que non calciné.

_IV. Que$t._ A$$auoir $i les corps pe$ans aug- mcntent tou $iours leurvi$te$$e en de$cendant aucentre de la terre.

_V. Que$t. P_ourquoy l’or de tonnerre fait- ilvn grand bruit lors qu’il $ent la chaleur.

_VI. Que$t._ Comment les metaux s’en- gendrent-ils dans la terre, puis que la cha- leur du Soleil n’entre pas $i auant.

_VII. Quc$t._ Quele$t la plus grande por- tée des Arque@u$cs, & des Canons, & en quelle proportion diminuent ils leur force, & leurvite$$e,

_VIII. Que$t._ Quelle e$t la ligne de di- [00014]TABLE. rection qui $ert aux Mechaniques.

_IX. Que$t._ Peut on donner la rai$en de tout ce qui arriue à la Romaine & aux ba- lances.

_X. Que$t._ Pourquoy les Romans $e de- bitent-@s mi@ux que les liures des $ciences.

_XI. Que$t._ Pourquoy les $çaisans n’arri- uent-ils pas $i ordinairement aux grandes dignitez, que les vaillans.

_XII. Que$t._ Peut-on trouuer la vraye longitude tant $ur la mer que $ur la terre pour la $eureté, & la facilité des nauigarions, & des autres vorages.

_XIII. Que$t._ Quelle e$t la cho$e la plus admirable de tout le monde.

_XIV. Que$t._ Pourquoy la plu$part des hommes preferent-ils le lucre & l’vtilité à la $cience, & à l’honne$teté.

_XV. Que$t._ Peut-on faire vn monuement perpetuel par artifice.

_XVI. Que$t._ La quadrature du cercle e$t- elle impo$sible?

_XVII. Que$t._ Les Tali$mans & les me- taux que l’on graue peur attirer les influen- ces du ciel ent ils quelque vertu particuliere?

_XVIII. Que$t_ Les Camaieux & Gamahez ont-ils quelque vertu on $ignification.

_XIX. Que$t._ A quoy $eruent les $ections [00015]TABLE. Coniques, & quel e$t leur v$age.

_XX. Que$t._ Peut-on lire dans les a$tres par le moyen des miroirs, & de leurs rencontres.

_XXI. Que$t._ La lumiere e$t-elle di$tincte des couleurs: & quels corps terre$tres ent de la lumicre.

_XXII. Que$t._ D’où vient la $ympathie, & l’antipathie, & qu’elles $ont les vertus occultes.

_XXIII. Que$t._ Pourquoy les nouuelles demon$trations que l’on trouue donnent-elles tant de plai$ir.

_XXIV. Que$t._ Pourquoy la corne, le verre le talc, & c. $ont-il; tran$parans.

_XXV. Que$t._ Le froid n’e$t-il autre cho$e que la priuation du chaud, & l’ombre de la lumiere.

_XXVI. Que$t._ Qui $ont les $ecrets les- plus recherchez dans tous les arts.

_XXVII. Que$t._ Combien la pierre d’ay- mant a-elle de proprietez.

_XXIII. Que$t._ Peut-on confirmer les my$teres de la Religion Chre$tienne par les operations de la Chymie: où l’on void la ten$ure de la Sorbonne $ur les liures de K un- rath.

_XXIX. Que$t._ Que peut-on inferer de tou- tes les macules, & les flammes du Soleil.

[00016]TABLE.

_XXX. Que$t._ Que $eruent les lunettes de longueveuë pour la vie & pour les $çiences.

_XXXI. Que$t._ Peut-on $e chauffer en France $ans v$er de bois, auec la $eule torre.

_XXXII. Que$t._ Si le $el engrai$$e la terre pourquoy en $ome t’on de$$@@ pour la rendre $terile.

_XXXIII. Que$t._ A quoy $eruent les rai- $ons, & les proportions de la Geometrie: & qu’i$t-ce que la Quadrature de la Parabole.

_XXXIV. Que$t._ Peut-on inuenter vne nouuelle $cience des $ons, qui $e nomme p$opho´ogie:

_XXXV. Que$t._ Pourquoy fait-il plus chaud à l’ E$té qu’a l’byuer, auquelle Soleile$tbeau- coup plus pres de nous.

_XXXVI. Que$t._ Pourquoy les nuës qui $ont $i pe$antes ne tombent elles pas $ur nous.

_XXXVII. Que$t._ Combien faut-il e$tre éleué $ur la terre, ou $ur le Soleil pour voir tele$pace qu’on voudra.

_XXXVIII. Que$t._ Les principes de l’O- ptique $ont ils plus certains que ceux de la Mu$ique.

_XXXIX. Que$t._ De quelles matieres $e $oruent les Teincturiers pour teindre la leine, & la $oye.

_XL. Que$t._ Pourquoy void-on l’baleine [00017]TABLE. dupoulmon à l’byuer, & non à l’e$té.

_XLI. Que$t._ Les figures I$oporimetres les mieux ordonnées $ont elles tou$iours les plus grandes.

_XLII. Que$t._ La blancheur e$t-elle la plus exellente de toutes les conlour.

_XLIII. Que$t._ Pourquey les recreations que l’on prend en pre$ence des Superiturs ne $ont-elles pas $i grandes qu’on leur ab- $ence.

_XLIV. Que$t._ Quelle doit @$tre la force de la voix pour e$tre portée, & ente@due de- puis la terre iu$ques au Firmament.

_XLV. Que$t._ E$t il permis de $ou$tenir que la terre e$t mobile: où la Cen$ure des dia- logues de Galilee e$t rapportée tout au long.

_XLVI. Que$t._ Pourquoy la nature $e plai$t elle à la diuer$ité des obiets.

[00018] APPROBATION.

Novs Decteur en la Faculté de Theolo- giede Paris, & Curé de S. Iacques de la Boucherie certifions auoir leu le liure de qua- rantes $ix _Que$tions Phy$iques & Mathemati-_ _ques compo$é Par le R. P. Mer$enne R. Minime,_ & n’y auoir rien trouué qui $oit contre les bon- nes mœurs & regles de la foy. Faict à Paris cezo. Iuin, 1634.

CHAPELAS.

APPROBATION.

NOvs auons veu & approuué lestraitez $uiuans du R. P. M. Mer$enne Reli- gieux de no$tre Ordre, à $çauoir _les Que$tions_ _Thcologiques, Phy$iques, & tradution des Mecbani-_ _ques de Galiiée, & les Preludes de l Harmonic &_ c. & n’y auons rien trouué qui ne $oit conforme à la vraye Theologie, & aux bonnes mœurs. En foy dequoy nousauons icy misnos $eings faic en noltre Conuent de la place Royalle cezo. Iuin 1634.

F. FRANÇOIS DE LA NOÜE Minime.

F. MARTIN. HERISSE Minime.

[00019] PRIVILEGE DV ROγ.

PAr lettres du Roy donnees à Paris le mois d’Aou$t de l’année 1634. $ignees Perrochel, & $eellees du grand $ceau de cire iaune, il e$t permis au P. M. Mer$enne Religieux Minime de faire imprimer par tel Libraire que bon luy $emblera _Plu$ieurs Trautez de_ _Philo$ophi@, de Theologie, & de Mathema-_ _tique._ Et deffences $ont faite; à toutes per$onnes de quelque qualite qu’ils $oientde les faire imprimer, vendre & di$tribuer pendantle temps de $ix ans à compter du iour que leidits liures $e- tont acheuez d’imprimer, comme il e$t plus amplement potté dans les let- tres dudit Priuilege.

Etledit P. M. Mer$enne à con$enty & con- fent que Henry Guenon ioüi$$e dudit Pri- nilege, comme il e$t plus amplement decla- ré par l’accord fait entr eux.

[00020] PREMIERE PARTIE DES QVESTIONS THEO- LOGIQVES, MORALES, Phy$iques & Mathematiques. QVESTION PREMIERE. Quelles $ont les principales curio$itez qui occupent les hommes?

IEne mets pasles Arts qui $ont nece$$aires à la vio humaine entre les curio- $itez, mais $eulem\-et ceux dont il e$t ay$é de $e pa$- $er: car l’Agriculture & tous les Att@ qui appattiennent au me$nage, par exemple, l’att de la pe$cherie, & de la cha$$e, l’art de boulanger, & de faire l@ [00021]Que$tions Phy$iques, beurre, & c. $ont $i vtiles à la vie, qu’il e$t difficile de l’entretenir $ans ces Arts que la nece$$ité a fait rencontrer.

Or les hommes mon$trent euidern- ment par leur procedé, & par leurs exercices, qu’ils donnent plus de temps aux curio$itez qu’aux cho$es nece$$ai- res, car les Canadois & plu$ieurs autres nations témoignent par leur façon de viure que l’art de lire, & d’écrire, & que tous les Arts, dont ie parleray apres, ne $ont pas nece$$aires; & con- $equemment qu’ils peuuent e$tre mis au nombre des curio$itez, car les doigts $uffi$ent à nombrer tout ce dont on a be$oin, tant parce que le nombre de- naire contient tous les autres, que par- ce qu’on recommence à nombrer par les me$mes doigts tant de fois que l’on veut; ce qui $e peut au$$i faire auec de petits cailloux, qui ont donné le nom au _calcul_, $ans qu’il $oit be$oin de jettons, ou de plume. L’on peut dire la me$me cho$e de la @eometrie, & de toutes les parties des Mathemati- ques, mais parce que l’õ les a iugées ne- ce$lairesen no$tre temps, à rai$on de la guerre, des fortifications, & de plu- [00022]& Mathematiques. $ieurs parties de la police, il vaut mieux mettre l’art des Flori$tes qui gouuer- nentles Tulipes, & les autres fleurs, & ceux qui font des cabinets de medail- les, d’empreintes, de crayons, de por- traits, d’images, & de tableaux, entre les curieux, d’autãt que cet e$tude n’e$t pas nece$$aire à la Republique. Ce qu’il faut au$$i conclure de ceux qui rama$- $ent les gemmes, les camaieux, les pie- res fines, les coquilles, les fruits e$tran- gers, le $celet des differentes e$peces de poi$$ons, les papillõs, les mouches, & les autres in$ectes. Ie lai$$e l’art de filler la $oye, de nourrir lesvers, les be$tes fau- ues, & les oy$eaux, & de leur apprendre à parler: l’art de faire les In$truments de Mu$ique, & d’enioüer, & generale- ment toutes les differentes $ortes de ieux, & d’exercices tant de l’e$prit que du corps, $ans le$quels l’on peut viure, & dont on n’a pas grand be$oin, car l’on peut mettre tous ces Arts entre les principales curio$itez du monde: $i ce n’e$t que l’on leur prefere l’e$tude des A$trologues, des Phy$ionomes, & des Chyromanciens, & que l’on croye que toutes les gentille$$es qui dependenr [00023]Que$tions Phy$iques, des miroirs, des lunettes à longue & courte veuë, & des operations de Chy- mie, $ont les principales curio$itez.

Oril y a plai$ir de con$iderer ce que les hommes pri$ent dauantage dans chaque genre de curio$ités: parexem- ple, ce que l’on iuge de plus excellent, & de plus remarquable parmy les co- quilles, dõt quelques-vns croyent que celles qui $ont faites à vis, ou en helice qui va de droit à gauche $ont fort rares, parce que toutes les autres vont de gauche à droit. Où l’on peut $embla- blem\-et remarquer, que toutes les plan- tes & les herbes qui s’entortillent au- tour des pieux, ou des arbres qu’elles rencontrent, commencent & conti- nuent tou$iours leurs plis de droict à gauche, comme l’on experimente aux poids de coq & à toutes celles que l’on appelle _Volubiles_, excepté le $eul hou- blon, qui s’entortille de gauche à droit. On tientau$$i queles coquilles qui ont des notes de Mu$ique, $ont rates: ce qui arriue encore aux papillons, qui ont des lettres Grecques, ou d’autres characteres $ur leurs ai$les. Ie lai$$e la maniere de tourner en l’air par le moy\-e [00024]& Mathematiques. de laquelle on fait des e$caliers $i me- nus en forme de colomnes torces, & en plu$ieurs autres manieres, que l’on a de la peine à les voir, ou à les tenir, en- core qu’ils $o<007>ent d’vn pied de long. Ie lai$$e toutes les $ubtilitez des pompes, des fontaines artificielles, des differen- tes manieres d’écrire occultement $ans que l’on pui$$e apperceuoir l’écriture; la maniere de tirer & de battre l’or, l’ar- gent & les autres metaux, de faireles tapi$$eries de haute lice, & plu$ieurs autres Arts, qui peuuent e$tre mis au rang des curio$itez, puis qu’ils ne $ont pas nece$$aires à la vie humaine, com- me l’on experimente chez les Toupi- nambous, Montagnards, & autres $au- uages, qui viuent $ans l’v$age de ces Arts.

D’où l’on peut ai$èment conclure que la plus grande part<007>e de lavie & du labeur des hommes s’employe aux cu- rio$itez, & con$equemment que l’on en employe la moindre à la nece$$ité.

COROLLAIRE

Il $eroit à de$irer que ceux qui ont [00025]Que$tions Phy$iques, des cabinets tres-rares, remarqua$$ent ce qu’il y a de plus exquis dans chaque genre, & qu’ils aduerti$$ent de l’vtilité que l’on en peut retirer pour les Arts, & pour les $ciences: par exemple, qu’ils fi$$ent vn dénombrement des coquil- les les plus rares, & dont on fait plus d’e$time; & puis des fleurs, & des oi- gnons de tulipes, & des autres plan- tes, & c. car <007>l n’y a nul doute que l’on peut découurit de grands $ecrets de la nature par la $peculation de $es ouura- ges, comme a fait Pali$$y, lors qu’il a trouué le moyen de rendre vne place imprenable par le moyen de l’helice, qui $e remarque dãs les coquilles, dont quelques-vns maintiennent que l’on peut v$er pour $çauoir quelle heure il e$t par les differentes couleurs, ou lu- mieres qu’elles font, à rai$on de leurs differentes reflexions.

L’on pourroit au$$i grandement pro- fiter des differ\-etes remarques que font les Iardiniers, & les Flori$tes en culti- uant les plantes, car ils ob$eruent plu- $ieurs cho$es dans les oignons, & dans les racines, qui peuuent aider à la Phy- $ique. Et qui doute que la conduite [00026]& Mathematiques. de la durée & de la vie des plantes de- puis leurs germes ju$ques a la maturité de leurs graines ne pui$$e nous $eruir de conduite pour la no$tre, pui$que toute la nature e$t $i bien reglée, que les plus $çauans $ont contraints de confe$$er que le moindre de $es ouurages $urpa$- $e toute la $age$$e, & la $cience des hõ- mes, & qu’il e$t tout à fait impo$$ible qu’elle les pou$$e, & les ameine au point de perfectiõ, où nous les voyons, qu’elle ne $oit conduite & aydée par vne $ouueraine intelligence, qui nous oblige par des $entimens interieurs à l’adorer, & à l’aimer eternellement?

QVESTION II. D’où vient qu’il y a des bommes qui s’e$ti- ment $i $çauans, & que les autres qui $ont plus $çauans qu’eux s’e$ti- ment $i ignorans?

L’On pourroit re$pondre que quel- ques-vns font s\-eblant de s’e$timer $çauans, encore qu’ils cognoi$$ent a$$ez qu’ils ne $cauent rien, ou qu’ils $cauent [00027]Que$tions Phy$iques, fort pcu de cho$es, parce qu’<007>ls veulent acquerir de la reputation, afin de par- uenir au de$$ein qu’ils $e $ont formés, & qu’ils $e sõt propo$és, & de paroi$tre les plus $cauans dans les compagnies, où ils $e rencontrent, parce que voyant qu’ils y ont quelquefois reü$$i, & n’a- yant rencontré per$onne qui leur ait peu, ou voulu re$i$ter, $oit par re$pect & mode$tie, ou pour quelqu’autre rai- $on, ils veulent entretenir le monde dans la bonne opinion que l’on a con- ceuë de leur capacité. Mais l’autre ré- ponce e$t, peut-e$tre plus veritable, particulieren<007>ent à l’égard de ceux qui $e croyent tre$-$çauans, & qui $e $ont per$uadez que cela e$t, & qu’en effect ils peuuent in$truire, & de$abu$er tout le monde: or ce$te creance peut e$tre fondée $ur ce qu’ils ont rencõtré quel- que façon de rai$onner qui leur $emble extraordmaire, $oit pour di$courir des difficultez de la Phy$ique, ou des au- tres $ciences, ou parce qu’ils ont $pecu- lé quelque verité particuliere, dont ils ne trouuent nulle connoi$$ance ail- leurs.

Mais quand ils rencontrent quel- [00028]& Matbematiques. qu’vn qui ne leur cede point pour la fa- cilité du di$cours, & qui a autant, ou plus de@apacité qu’eux, ils $e peuuent ay$ément de$abu$er, & quitter toute $orte de pre$omption, & de preoccu- pation d’e$prit, quoy qu’il ne $oit pas nece$$aire d’e$tre remis dãs le bon che- min, quand on a a$$ez d’e$prit & de ju- gement pour cognoi$tre, & pour con- clure que l’on ne $çait qua$i rien dans la Phy$ique, $i l’on $uit la definition de la $cience qu’ Ari$tote a donnée_:_ car $i el- le doite$tre des objects eternels & im- muables, & que Dieu pui$$e changer tout ce qui e$t dans la Phy$ique, l’on n’en peut faire vne $cience.

COROLLAIRE

Il faut icy remarquer que le plus haut $ommet de la $cience où les hom- mes pui$$ent arriuer, $ert à les humilier, & à rabatre leur orgueil, d’autant qu’ils voyent clairement qu’apres auoir e$tu- dié l’e$pace de 60. ou 80. ans, qu’ils ont $eulement trauaillé à de$couurir, & à reconnoi$tre leur igno<007>ance. De là vient que quelques-vns e$timent que [00029]Que$tions Phy$iques, l’extreme $cience des hommes a le me$me effet qu’vne extreme ignoran- ce, & que toutes les extremitez $e ren- contrent au me$me but, comme le $on graue, & l’aigu de l’Octaue, ou du Dia- pa$on, qui $ont $i $emblables, qu’il e$t difficile d’en remarquer la difference. D’où l’on pouroittirer plu$ieurs autres conclu$ions, queiere$erue pour vn au- tre lieu. I’ajou$te $eulement que cha- cun peut faire la preuue de ce corollai- re $ur $oy me$me, lors qu’il con$idere- ra qu’il $’imaginoit pouuoir donner la rai$on de toutes cho$es à la $ortie du cours de Philo$ophie, ou de Theolo- gie, & qu’il $era contraint d’auoüer 20. ou 30. ans apres qu’il ne $cait nulle rai- $on qui le contente, & qui luy $oit $i euidente, & $i certaine, qu’il n’en pui$$e douter.

C’e$t pourquoy il ne faut nullement craindre que la plus grãde $cience que l’on pui$$e aquerir en ce monde rem- pli$$e l’e$prit des $çauans de vanité, ou d’artogance, attendu qu’il y a plus de danger qu’ils s’aillent cacher $ans o$er paroi$tre, & qu’ils demeurent dans vn perpetuel $ilence, auec vn de$e$poic [00030]& Matbematiques. d’arriuer à quelque connoi$$ance eui- dente, & infaillible des ouurages de la nature, ou de ce qui $e fait dans eux- me$mes, qu’il n’y en a qu’ils s’\-eorgueil- li$$ent de connoi$tre $eulement qu’ils ne $çauent nulle cho$e auec a$$cz d’eui- dence, & de certitude pour en e$tablir vne $cience.

Car l’on peut dire que nous voyons $eulement l’écorce, & la $urface de la nature, $ans pouuoir entrer dedans, & que nous n’aurons jamais autre $cience que celle de $es effects exterieurs, $ans en pouuoir penetrer les rai$ons, & $ans $çauoir la maniere dont elle agit, iu$- ques a ce qu’il plai$e à Dieu de nous de- liurer de cette mi$ere, & nous de$$iller les yeux par la lumiere qu’il re$erue à $es vrays adorateurs.

QVESTION III. E$t-il vray que l’E$tain calciné, e$t plus pe$ant apres auoir e$té calciné, que lors qu’il e$t crud.

L’Experi\-ece que plu$ieurs’ publient pour veritable, e$t a$$ez e$trange, [00031]Que$tions Phy$iques, à $çauoir que l’E$tain calciné e$t plus pe$ant que lors qu’il e$t crud, encore que l’on n’adjou$te rien à $a chaux, & qu’en le calcinant il $’euapore grande quantité de $es parties en fumées & vapeurs. Ce que le $ieur Brun excel- lent Apoticaire de Bergerac, con$irme par l’experience qu’il propo$e à Mon- $ieur Rey Docteur en Medecine, pour en $çauoir la rai$on. Ledit Brun ayant mis deux liures & 6. onces du plus $in e$tain d’Anglcterre dansvn va$e de fer, accommodé à vn fourneau ouuert, & l’ayant reduit dans $ix heures en vne chaux tre$-blanche $ans y adjoûter au- oune cho$e, il en a trouué 2. liures 13. onces, ce$t à dire 7. onces dauantage: quoy qu’apres auoir calciné 6. liures de plõb, il ayt trouué 6. onces de dechet.

Or il e$t rai$onnable queie die mon jugement $ur cette difficulté, pui$que l’vn & l’autre m’ont fait l’honneur de m’écrire $ur ce que ie leur auois pro- po$é $ur ce $ujet, & que le $ieur Rey m’a donné $on liure, dans lequel il e$- $aye de prouuer qu’il n’y a nul corps dãs la nature qui ne $oit pe$ant: ce qu’il mon$tre par l’air, qui de$cend tre$-vite [00032]& Mathematiques. dans tous les puits, & les autres trous que l’on fait en terre , de $orte qu’il conclud dans $on 6. e$$ay, que la terrc c$tant conuertie en eau, & l’eau en air, l’air e$t au$$i pe$ant que la terre. Son fondement con$i$te en ce que le $eu du fourneau fai$ant euaporer les parties les plus $ubtiles de l’air, $es parties plus gro$$ieres & plus pe$antes de$cendent dans le vai$$eau de fer, & f’attachent tellementà la chaux de l’e$tain, qu’el- les la rendent plus pe$ante, commeil arriue au $able, qui deuient plus pe$ant par l’humidité de l’eau quel’õ y adjoû- te : de forte que fi l’on di$tilloit l’air dans vn alarnbic en vn lieu plus leger quela Sphere de l’air, l’on trouueroit que celuy qui demeureroit aufond du vai$$eau $eroit plus pe$ant que celuy quel’on auroit di$tillé, & qui$e$eroit exhalé.

Ie croy queceux qui liront$on liure en receuront vn particulier contente- ment, car il rapporte plu$ieurs belles remarques qui $ont veritables, & don- ne de l’entrée á plu$ieurs excellentes difficultez dela Phy$ique, & de la Me- decine. Orauant que de conclure cet- [00033]Que$tions Phy$iques, te que$tion, ie veuxaduertir quele _Ca-_ _laë_, dont il e$tparlédans le 27. e$$ay de $onliure, e$t vne e$pece deregule, que l’on apporte des Indes, & que l’on appelle _Sin_, ou _Speautre_. Il re$$emble qua$i à l’e$tain de glace, comme m’a récrit le $icur Brun : $i quelques-vns veulent voir la lettre que Mon$ieur Rey m’a enuoyée pour l’éclairci$$em\-et des difficultez que i’ay formées $ur $es e$$ais, iela leur mon$treray tre$-libre- ment.

Quant à la $olution de la difficulté, l’on peut, ce$emble, re$pondre quela chaux d’e$tain deuient plus pe$ante, parce qu’elle attire vne grande quan- tité de vapeurs, parmy le$quelles $ont me$lées plufieurs petites partiesdeter- re, qui augmentent $on poids: quoy qu’il $oit difficile qu’elle en attire au- tant, ou dauantage que ce qu’elleen perd parla force du feu: ce quiarriue $emblablement, à ce quel’ondit, á la chaux de l’antimoine, & à plu$ieurs au- tres metaux calcinez, car encore que la chaux de plomb $e $oit trouuée plus legere dans l’experience du $ieur Brun, clle $’eft trouuée plus pe$ante dansl’ex- [00034]& Mathematiques. perience des autres: & f’il arriue quo quelque chaux $e trouue beaucoup plus legere, il en fautrapporter la cau- $e àla trop grande quantité de vapeurs qui$ont $orties du corps calciné, com- mel’on experimente dans les plantes, & dans les animaux.

Mais cette rai$on ne me $atisfait pas, c’e$t pourquoy ie prefere celle dudit Rey à toutesles autres, quoy que l’on pui$$e propo$er plu$ieurs difficultez contre elle, dontil en a re$olu vne bon- ne partie.

COROLLAIRE.

Ie de$irerois quetousfe porta$$ent à ayder le public, & qu’ils ob$erua$$entla grandeloy de la morale, qui con$i$te à faire tout le bi\-e à tous les hommes quo l’on voudroit receuoir d’eux. C’eft à quoy les Chymi$tes, & ceux qui tra- uaillent $ur les metaux mãquentgran- dement, car s’ils communiquoient mil- legentilles ob$eruations qu’ils rencon. trent en trauaillant, plu$ieurs excel- lents e$prits en pourroient tirer des lu- mieres pour e$tablir quelque cho$e de [00035]Que$tions Phy$iques, certain dãs la Phy$ique, ou d’vtile pour la vie, & pour la $ocieté des hommes. N’e$t ce pas vne cho$e cent fois plus genereu$e & plus glorieu$e d’ayder tous les morteis de ce que l’on peut, quand on n’en reçoit nul dommage, que deretenir la verité en inju$tice, & d’empe$cher que la lumiere ne $orti$$e $on e$$ect, qui con$i$te à $e communi- quer, & à $’e$tendre à l’infiny, à l’imita- tion, & par la participation de la viue $ource de la lumiere eternelle, quinous conuie par $on exemple à fairetoutes $ortes de plai$irs à nos freres, c’e$t à di- re à tous les hommes, qui tous ont Dieu pour leur pere.

QVESTION IV. A $çauoir $i les corps pe$ans augmentent tou$iours leur vi$te$$e quand ils de$cen- dent vers le centre de la terre.

ILeft certain qu’vne boule de bois, ou de plomb, ou de quelqu’autre matiere a$$ez pe$ante pour penetrer l’air $ans varier d’vn co$té ny d’autre, [00036] augmente tou$iours $a vi$te$$e dans toutes les haulteurs, dont nous la pouuons faire tomber: car la boule qui tombe de 12. pieds de haut dans letemps d’v- ne $econde minute, tombe de 48. pieds ou enuiron dans le temps de 2. $econdes, & ain$i con$equemment, de $orte que les e$paces que fait la boule en diuers t\-eps, $ontenrai$on dou- blée de$dits temps, ou peu s’en faut, comme i’ay mon$tré dans vn traité particulier. Mais il e$t di$$icile, & peut-e$tre impo$$i- ble de determiner le peu qui s’en faut, & de $çauoir en quel lieu la boule comm\-eceà garder vne autre proportion dans $on mouue- ment. Ie metsicy vne ligne diui$ée en certaines parties, $elon le$quelles il y a grande apparéce quela boule de$cend: de $orte que $ielle fait la premiere par- tie A B dans la premiere $econde, quel- le fait la partie B C dansla $econde, & C D dansla 3. & D E dans la 4. Les Geometres trouueront ay$ement la maniere de faire cette diui$ion, qui [00037]Que$tions Phy$iques, doit tou$iours garder vne me$me rai- $on.

Ie $uppo$e $eulementicy quela pre- miere partie A B ayt 12. pieds de lon- gueur, affin qu’ils determinent com- bi\-e B C & les autres parties en doiuent auoir: car quant aux autres diffcultez qui$e rencontrent dans ces cheutes, ie les re$erue pour vn autre lieu. I’ad oûte $eulement que V endelin m’a fait pen- $er à cette proportion, dontie parleray plus amplement dans vn autre traité.

COROLLAIRE

Pui$quenous ne pouuons $çauoir les vrayes rai$ons, ou la $cience de ce qui arriue dans la nature, parce qu’il y a toufiours quelques circon$táces, ou in- ftances qui nous font douter files cau- $es que nous nousimaginons $ont veri- tables, & s’iln’y en a point, ou s’il n’y en peutauoir d’autres, ie ne voy pas que l’on doiue requerirautre cho$e des plus fçauans que leurs ob$eruations, & les remarques qu’ils auront faites des dif- ferens effets, ou phenomenes de la na- ture. Par exemple, pu<007>$que l’on ne [00038]& Mathematiques. peut demon$trer que la terre $oit $table & mobile, l’on doir $e contenter de $ça- uoir toutes les ob$eruations que les A$tronomes ont faites au Ciel, & en tout ce qui$emble auoir quelque $orte de mouuement reglé. Et pcut-c$tre que cette ignorance des vrayes cau$es, ou rai$ons des cho$es fera rentier plu- $icurs en eux-me$mes, pour con$iderer les mouuements de leurame, & tous les re$$orts interieurs qui les fonnagir, a$in que chacun éprouue $ila connoi$- $ance de $oy-me$me e$t plus vtile, & plus ay$ée que celle des cho$es exter- nes. Ie m’a$$eure que l’on trouuera quelquere$$ort quifait mouuoirtoutes lesfacultez, & les pui$$ances du corps, & de l’ame, d’où elles dependent, & qui ne depend de nul autre: & qu’ils confe$$eront hautement quel’oecono- mie du corps humain, & de toutesles facultez, & des operations de l’amere- connoi$t vn ouurier tre$-$age & tre$- intelligent, qui opere toutes cho$es en nous, & en tout l’vniuers, & dont la bonté, & la grandeur e$t infiniment adorable. Ce font là les pen$ées qui nous doiuér $eruir de principal alimét, [00039]Que$tions Phy$iques, & qui occupant nos $oins, & nos veil- les, doiuent remplir no$tre e$prit, afin del’vnir au Pere des e$prits, & de commencer dés cette vic les exta$es eternelles dela beatitude, & lesraui$- $emés quinous metterót hors de nous- me$mes, pour nous aby$iner dans l’Im- men$ité diuine.

QVESTION V Pourquoy la poudre de l’or, que l’on appelle fulminant, fait elle vn $igrandbruit, quand elle $ent la chaleur?

ILe$t difficile de rencõtrer dans tou- tela nature des effets plus eftranges que ceux de l’or fulminant, car $i to$t qu’il e$t a$$lez échauffé, il $e precipite d’vne $i grande impetuo$ité, qu’il rópt lefer, & tous les autres metaux que l’on met de$$ouz, & fait vn bruit $i$ec, & $iéclatant, qu’il e$t beaucoup plus di$$icile de le $ouffrir que celuy d’vn pi- $tolet, ou d’vn canon.

Oril faut premierement remarquer que cet or n’e$tautre cho$e qu’vne pou- [00040]& Mathematiques. dre de$$eichée quel’on tire dete@@e pie- ce d’or que l’on veut: parexemple, d’v- ne pi$tole, ou d’vn écu: ce que l’on fait ay$ément en mettant premierement l’or dans de l’eauregale, dans laquellc il $e di$$outay$ément, & puis l’on verfe del’huile de Tartre dedans pour le $e- parer d’auec ladite eau. Et puis l’on y ver$e de l’eau toute pure, afin dele fai- re precipiter apres qu’il a jetté toutes $es fumees, $onfeu, & $afurie; & fina- lement l’on ver$e cette eau parinclina- tion, afin de prendre la poudre qui $e trouue aufond, & que l’on fait $eicher au feu, ou au $oleil; ce qui e$t $i ay$é, que l’on peut faire cette poudre dans vne demie heure, $ans vier de feu, com- me j’ay experimenté.

En 2. lieu, il fautremarquer quecet- te poudre vatou$iours en bas, & pou$- $e ou rompt les cueilliers, & les autres corps $ur le$quels on la met, au$$i-to$t qu’elle eft a$$ez échauffée:& lors qu’el- le prend feu, elle luy donne, ce$emble, vne couleur blua$tre, & féleue vn peu; mais quand elle rencontre vn corps $i fort, & fi dur qu’elle ne peutle rompre, il e$t difficile de $çauoir où elle va, par- [00041]Que$tions Phy$iques, ceque l’on n’en trouue point de ve$ti- ge: quoy que l’on puiffe tellement l’en- fermer entre 4. cartons, que l’on re- marquera ay$ément de quel co$té elle va, lors qu’elle ne peutromprele corps $ur lequel elle s’enflamme.

En 3. heu, jay experimenté quele feu de la poudreà canon, quel’on me$- le parmy, n’e$t pas $uffi$ant pour l’en- flammer;& quele plus grand Soleil de l’E$té ne la fait pas partir, encore que plu$ieurs tiennent que la $eule chaleur du corps la pui$$e enflammer, quand on la porte dans la poche, c’e$t pourquoy hl faut prendre garde que l’on ne l’é- chauffe trop en la fai$ant $eicher. Or il e$t probable quele $alpe$tre, qui s’e$t attaché à cette poudre d’or, e$t cau$e dece qu’elle prendle feu, & qu’elle va en bas à rai$on de $a pe$anteur, quine peut e$tre enleuée par les e$prits du $al- pe$tre.

Quant au bruit qu’elle fait, on peut la comparer à celuy du tonnerre, ou plu$to$t à celuy d’vnfoüet, carl’vn & l’autre e$t tre$ $ec, & penetrát, & $e fait par la dureté de la colli$ion, ou du bat- tem\-et del’air, qui te$moigne la grande [00042]& Mathematiques. violence qu’il endure par l’;éclat qu’il fait. Mais le bruit de la poudre à canon e$t plus muet, & plus $ourd, à rai$on qu’elle e$t beaucoup plus molle, & plus gro$$iere que la poudre d’or, dont cha- que grain e$t fort dur, encore qu’elle $oit qua$i impalpable.

COROLLAIRE.

Sil’on auoit tellement $peculé tou- tes $ortes de $ons, & de bruits, que l’on peu$t juger de toutes les $ortes, & les qualitez, ou proprietez des mouuem\-es enles oyant, & que l’on íceût tous lës effets qu’ils peuuent produire, l’on en- richiroit grandement la Phy$ique; & peut-e$t<007>e que la beauté, l’excellence, l’vtilité & l’e$tenduë des $ons ne cede- roient pas à la lumiere, laquelle n’a pas $eruy $i immediatement à no$tre $alut, quele$on, quinous a fait conceuoir la reuelation Diuine, & nous a fait em- bra$$er la vraye Religion. Mais ie trai- te ailleurs de tout ce que l’on peut con- noi$tre par le moyen du $on, de $orte qu’<007>l $uffit maintenant de con$iderer que les $ons, quoy que pa$$agers, ne [00043]Que$tions Phy$iques, $ontpas $i peu de cho$e, qu’ils ne contri- buent grandement à la gloire de Dieu, & à no$tre $alut, comme l’on experi- mente aux Cantiques de loüange, que nous luy offrons tous les jours.

QVESTION VI. _Comment les metaux peuuent-ils s’engen-_ _drer dans la terre, puis que le Soleilne_ _penetre pas $i auant?_

L’Experience fait voir que la terre e$t tou$iours froide, lors qu’on l’ou- ure, & qu’on la creu$e de 6. ou 7. pieds, quelque chaleur qui pui$$e faire, ce qui mon$tre, ce $emble, que le Solcil n’en- gendre pas les metaux dans les entrail- les de la terre: & ce qui témoigne qu’el- le a quelque chaleur particuliere, qui luy e$t au$$i naturelle, comme celle de l’e$tomach aux animaux, & comme la lumiere au Soleil. Ce qui a fait con- clure à Bernard Pali$$y, que la matiere des pierres, & des metaux, n’e$t autre cho$e que le $el del’eau, dans laquelle il e$t tellement me$lé, que l’on ne peut [00044]& Mathematiques. l’apperceuoir que par $es effets, c’e$t à dire, par les pierres, les marca$ites, & les meraux, qu’il engendre premiere- ment tous blancs de couleur de $el, qui attire toutes les parties terre$tres qui luy $ont propres, & puis chaque corps prend differentes couleurs, $uiuant les differents degrez de congelation, & les differens $els, qui coagulent & arre- $tent les matieres qu’ils rencontrent.

Or cette eau congelatiue, qui e$t me$- lée, & confule auec l’eau commune, qui $’exhale, peut e$tre appellée cin- quie$me element, & contient en emi- n\-eceles couleurs, les $aueurs, les odeurs, la dureté, & toutes les autres qualitez des corps qu’elle engendre. Où l’on peut remarquer que la $em\-ece de cha- que cho$e, ou la uge quelle jette e$t blanche à $on commencement, & que le $el e$t cau$e de toutes les gene- rations, car $i l’on o$toit le $el des me- taux, des pierres, des plantes, ou des animaux, ils s’en iroient tous en pou- dre : c’e$t luy qui donne la dureté, & la $olidité aux os, & aux pierres, & qui $emble e$tre le $ou$tien de toutes les cho$es corporelles. Mais ily a autant [00045]Que$tions Phy$iques, de differentes $ortes de $els que de cou- leurs, & d’odeurs: par exemple, la cou- pero$e e$t vn $el di$tinct du $el nitre, du vitriol, de l’alun, du borrax, du $ubl<007>mé, du $ucre, du $alpeftre, du $el gemme, du $alicor, du tartre, du $el armoniac, & de tous les autres $els, qui empe$- chent la corruption des corps où <007>ls $e rencontrent, qu<007> blanchi$$ent le linge dãs les le$$iues, qui tannent & endurci$- $ent le cuir des taneurs, par l’entremi- $e de l’écorce de che$ne, laquelle a vne grande quantité de $el, qui $e commu- nique au cu<007>r: car les écorces des arbres en contiennent qua$i tout le $el. Or ie ne m’e$tendray pas dauantage $ur ce $ujet, afin qu’on li$e les excellens di$- cours qu’en a fait ledit Pali$$y, qui ex- plique au$$i la maniere dont on fait le $el commun dans les marais & dans les $alines de Xaintonge. Ceux qui pren- dront la peine de le lire, croyront ay$é- ment que les coquilles, les herbes, les animaux, &c. $e peuuent petrifier, & $e reduire en metal, par le moyen de ladite eau congelatiue. Mais il e$t dif- ficile de $çauoir d’où vient la differen- ce des $els, & $’ils $ont tous homogenes [00046]& Mathematiques. au commencement, de $orte qu’ils ne reçoiuent point d’autre differ\-ece, que des differens accidens qu’ils rencon- trent, ou $i Dieu les a faits de differen- tcs e$peces dés le commencement du monde.

COROLLAIRE.

Sil’on $e donne le loi$ir de con$ide- rer que plu$ieurs e$peces de bois, & me$me que les corps des hommes $e peuuent petrifier, il faudra aduoüer que l’eau tant de pluye, que de riuiere, de fontaine, &c. ou que l’air joint aux vapeurs, & aux exhalai$ons ont la ver- tu, & la pui$$ance de cõuertir les corps qui en $ont touchez, en pierre, & con- $equemment de les rendre beaucoup plus pe$ans qu’ils n’e$toient. Or il e$t tre$-difficile de fçauoir d’où vient cet- te plus grande pe$antcur, $i ce n’e$t que l’õ die que l’eau, ou l’air vaporeux rem- plit les pores des bo<007>s, & des autres cho$cs qui $e petri$ient; & par con$e- quent qu’il les rend plus den$es qu’ils n’e$toient, pui$que nous ne reconnoi$- $ons nulle autre cau$e de la plus grande [00047]Que$tions Phy$iques, pe$anteur des corps, que leur plus grã- de den$ité: de $orte que $i l’on pre$$e tellement la laine, ou l’éponge, qu’elles ayent autant de parties en me$me vo- lume que l’or, elles $eront au$$i pefan- tes que l’or.

Co qui peut faire pen$er à ceux qui portent toutes cho$es au bien, c’e$t à dire à la gloire, & à l’amour de Dieu, qui $ont les $ouuerains biens de l’hom- me, que $iles actions morales peuuent e$tre renduës meilleures, & plus meri- toires par quelque $orte de conden$a- tion, & qu’elles tirent leur bonté, & leur poids, des differentes fins, & inten- tions, qu’elles $eront d’autant plus effi- caces, qu’elles $eront faites auec vne plus grande multitude de bõnes inten- tions; par exemple, auec intention de plaire à Dieu, & de $e conformer à fa faincte volonté, auec intention de faire plai$ir au prochain, & de $e perfe ction- ner en la vertu, &c. Mais la grace di- uine e$t celle qui opere le plus, & qui donne le poids, & la vertu à chaque action, de $orte qu’elle peut e$tre com- parée à l’eau congelatiue, qui affermit, & appe$antit les corps $ans leur faire [00048]& Mathematiques. perdre leur figure, comme la grace an- noblit nos actions $ans changer leur apparence exterieure.

QVESTION VII. _Quelle e$t la plus grande portée des arque-_ _bu$es, & de l’artillerie, & en quelle_ _proportion les boulets diminuent-_ _ils leur force, & leur vi$te$$e?_

ENtre plu$ieurs proprietez qu’a l’an- gle de 45. degrez, l’on peut dire qu’il dõne la plus grande portée à tou- tes $ortes d’armes à feu, à bales, & à fle- ches, parce qu’il conduit tellement les bales, qu’elles $ont au milieu du plan horizontal & du vertical. Mais il e$t difficile de $çauoir en quelle propor- tion leur vi$te$$e $e diminuë; quoy que $i le mouuement violent e$t oppo$é au naturel, l’on pui$$e dire que cette dimi- nution e$t en rai$on doublée des e$pa- ces que font les boulets, & les autres mi$$iles, pui$que la vi$teffe des corps pe$ans, qui vont au centre, $’augmen- te, ce $emble, en rai$on doublée des [00049]Que$tions Phy$iques, e$paces, par le$quels ils de$cendent, comme j’ay remarqué dans vn traité particulier. Il y a encore plu$ieurs au- tres grandes difficultez, dont ie re$er- ue la $olution pour vn autre lieu: par exemple, à fçauoir quelle ligne fait le boulet en fini$$ant $on vol, ou $a cour- $e; & $i la courbeure de $on arc e$t hy- perbolique, ou parabolique, comme croyent quelques-vns, ou $i elle e$t d’vne e$pece differente de toutes les autres lignes courbées, & $i elle tient dauantage de la ligne droicte, que de la circulaire: ce que l’on pourroit de- terminer $i l’on $çauoit en qu’elle pro- portion le mouuement naturel du bou- let $’augmente, & en qu’elle propor- tion $e diminuë $on mouuement vio- lent. Ie lai$$e plu$ieurs autres d<007>fficul- tez qui appartiennent aux effets diffe- rens des boulets, $elon les differentes inclinations, ou incidences, dont ils frappent les murailles, parce qu’elles meritent des di$cours entiers.

COROLLAIRE.

Il y a plu$ieurs cho$es à con$iderer dans les portées des canons, des mouf- [00050]& Mathematiques. quets, & des autres in $trumens, qui $eruent à letter des bales, des pierres, ou d’autres chofes: par exemple, qu’ils font plus de fau$$ée de loin que de pres, car le boulet de canon a plus d’effet à 3. ou 4. cens pas, qu’à 50 ou centpas: & pu<007>s quelle difference il y a entre tou- tes les fau$$ees que fait le boulet à tou- tes fortes de diftances depuis la bouche du canon, ju$ques à ce qu’il ce$$e de $e mouuoir. Quand les canons commen- cent à e$tre $i longs qu’ils d<007>minuent leur portée qu’ils auoient e$tant de 16. ou 18 pieds. Si leur recul a autant de force en arriere que leurs boulets en deuant: $i e$tant tirez perpendiculai- rement en haut, ils ont vne au$$i gran- de portée, que lors qu’on les tire à 45. degrez, ou à quel degréil les faut t<007>rer, pour auoir vne portée qui $oit égale à la perpendiculaire: $i e$tant tirez en bas perpendiculairem\-et, leur mouuement de violence dure dauantage, & les por- te plus loin qu’e$tant tirez en haut, ou à tel degré que l’on voudra. Il y a en- core plu$ieurs autres experiences à fai- re, dõt les Canoniers pourroient gran- dement ayder à ceux qui e$$ayent d’é- [00051]Que$tions Phy$iques, tablir quelque cho$e dereglé, & de cer- tain dans la Phy$ique.

QVESTION VIII. _Quelle e$t la ligne de direction qui $ert_ _aux Mechaniques?_

CEtte ligne pa$$e par le centre du monde, & par celuy de la pe$an- teur de chaque cho$e; & l’on $uppo$e qu’elle $oit tirée, ou e$tenduë vers le Zenith d’vn co$té, & de l’autre vers le Nadir iu$ques à l’in$iny. Or elle e$t ap- pellée _ligne de direction_, parce que tout ce qui pe$e, & ce qui tombe la $uit, ou s’atre$te $ur l’vn de $es points: c’e$t pourquoy elle pa$$e entre nos pieds, & par le milieu du centre de pe$anteur de nos corps, quand nous $ommes debout, autrement nous tomberions, comme il arriue à ceux qui danlans $ur la cor- de, n’v$ent pas bien de leur contrepoix, & $ont contraints de tomber, s’ils ne re- compen$ent la perte de la ligne de di- rection par la violence & l’impetuo$ité du mouuement de leurs corps, car la [00052]& Mathema tiques. pierre, que l’impetuo$ité $ou$tient en l’air, apprend que l’on peut tellement voltiger, que la ligne de direction ne $era pas nece$$aire. Il faut doncremar- quer l’vtilité de cette ligne, qui con- traint les jambes, & la poictrine à faire vn angle aigu auec les cui$$es, lors que l’on $e leue, afin que les pieds, & le cen- tre de pe$anteur de tout le corps $e ren- contrent dans la ligne de direction: $urquoy l’on peut voir la 30. que$tion des Mechaniques d’Ari$tote, dans la- quelle il tient que l’angle droit e$t cau- $e du repos, à rai$on de l’égalité, cõme l’on experim\-ete aux balances, quifont cetto angle auec leurs bras, quand elles $ont en équilibre. D’où il $’en$uit que l’angle aigu, ou l’obtus e$t cau$e du mouuement, parce qu’il e$t le princi- pe de l’inegalité.

Les vieillards qui pãchent trop $ur le deuant, $e $eruent de ba$tons, pour ap- puyer le centre de leur pe$anteur; & nous auançons l’vn des pieds en deuãt, ou nous le retirons en derriere, lors que nous nous bai$$ons pour rama$$er ce qui e$t tombé, afin d’appuyer le me$me centre. Ie lai$$e plu$ieurs autres ob$er- [00053]Que$tions Phy$iques, uations: par exemple, que l’on peut fai- re des tours qui panchent vers la terre $emblables à celles de Pi$e, & de Bolo- gne, pourueu que les centres de leurs pe$anteurs $e rencontrent dans la per- pendiculaire, qui diui$e la tour en 2. parties équiponderantes.

D’où il e$t ay$é de conclure que le point, dont les corps $ont $u$pendus, $e rencontre tou$iours dans la ligne de dï- rection. Mais il faut remarquer que cette ligne a 3. $ortes de points, à $ça- uoir le $uperieur, l’inferieur, & celuy du milieu, qui concurre auec le centre de pe$anteur: & que chaque corps peut e$tre $u$pendu par l’vn de ces 3. points, que l’on appelle pour ce$ujet, _points de_ _ret\-etion, & de $u$pen$ion,_ autour de$quels le corps $e peut mouuoir. L’on peut en- core les nommer centres de violence, ou du mouuement violent, lors qu’on leue vn corps pe$ant, ou qu’on le jette en haut, ou en bas, car la pierre jettée en bas e$t porrée par ces 2. centres, ou par vn me$me centre, lequel e$t dou- ble en pui$$ance. L’on peut au$$i met- tre vn centre de legereté dans les corps legers, mais ils ne $ont pas dans la pui$- [00054]& Mathematiques. $ance de no$tre Mechanique, comme e$t celuy de pe$anteur.

COROLLAIRE.

Ceux qui $e plaignent de l’aridité des $ciences, & particuherement des Mathematiques, à rai$on qu ils ne cro- yent pas que l’on en pui$$e tirer aucun fruit pour la vie $pirituelle, & pour la moralité, ont, ce me $emble grãd tor@: car ils condamnent ce qu’ils ne $çauent pas; attendu qu’il n’y a point d’hom- mes d’e$prit, quine pui$$ent con$iderer qu’il n’y a nul meilleur moyen de par- uenir à Dieu, qu’en imitant la cheuto des corps pe$ans, dont le centre de pe- $anteur ne $ortiamais de la ligne de di- rection, qui les conduit tout droit au centre de l’vniuers; or le cœur, ou la volonté de l’homme, qui e$t cõme $on centre de pe$anteur, $uiuant le beau mot de S. Augu$tin, _amor meus, pondus_ _meum,_ fera le me$me chemin vers Dieu, $inos affections qui donnent le bran$le à la volonté, $e tiennent tou$iours vnies à la Loy de Dieu, qui e$t la vraye ligne de direction de toutes nos actions: de [00055]Que$tions Phy$iques, $orte qu’il faut $eulement $e maintenir dans cette ligne pour arriuer au centre de no$tre repos, auquel nous $ommes pou$$ez par toutes $ortes de con$idera. tions, comme le centre de grauité d’v- ne pierre e$t pou$$é v@@ le centre de la terre, par toutes les parties qui l’\-euiron- nent. Mais $i l’on met quelque empe$- chement dans ladite ligne: par exem- ple, $i l’on met vne épingle, ou vne ai- guille dedans, qui tienne ferme, il e$t impo$$ible que la pierre de$cende, en- core qu’elle $oit au$$i pe$ante que toute la terre, comme il e$t impo$$ible que nous arriuions à Dieu, $i nous $ub$ti- tuons quelque empe$chement à $a loy, & à $a $ainte volonté, qui $eule e$t la $ouueraine regle de toutes nos vo- lontez.

Ie lai$$e mille excellentes con$idera- tions, que l’on peut de duire de cette que$tion, & de celle qui $uit, dans la- quelle ie n’ay pas voulu mettre des fi- gures, quoy qu’elle en ayt be$oin, de peur d’épouuanter ceux qui les hay$- $ent, & qui $’imaginent qu’elles ne $er- uent que de croix à l’e $prit: cncore que les experts $çachent tre$-bien qu’elles [00056]& Mathematiques. apportent de grandes lumieres aux di$cours.

QVESTION IX. Peut-on donner larai$on. de tout ce qui arrt- ue à la Romaine, & aux balances?

CEux qui $çauent la $cience des Mechaniques, demon$trent que les poids, qui $ont mis dans les balan- ces, ou qui $ont $u$pendus par quel- qu’autre in$trument $emblable, ont me$me rai$on entr’eux que les di$tan- ces, le$quelles con$equemment. ont me$me rai$on entr’elles que les poids; ce qu’ils preuuent par le cercle, parce que les cercles qui $ont décrits par les. branches de la balance, $ont d’autant plus grands, que les points au$quels on $u$pend les poids, $ont plus éloignez du point fixe de la balance: d’où il arri- ue, qu’ils font d’autant plus de chemin en quittant la ligne horizontale de l’é- quilibre pour arriuer à la perpendicu- laire.

Il faut donc conclure que les poids [00057]Que$tions Phy$iques, peuuent e$tre rendus plus pe$ans en les éloignant dudit point de la balance, & pius legers en les en approchãt: que la capacité, & la pui$$ance qu’ils ont à faire plus de chemin, ou à de$cendre plus vi$te, e$t cau$e de leur plus grande pe$anteur: que tous les in$trumens de la Mechanique, dont parle Ari$tote dãs $es Que$tion@ & Balde, Blancan, Mo- nantolius, & Gueuare dansleurs Com- mentaires, tirent leur force de ces rai- fons, commeil e$t ay$é de prouuer par l’explication de la figure, & de la force des Grues, des Cheures, des Mouffles, des Tenailles, des Ci$eaux, des Rames, des Ma$ts de Nauire, des Pre$$es, & des Pre$$oirs, des Leuiers, des Roües, des Poulies, & de tous les auttes in$tru- mens que l’on $e peut imaginer.

Il $uffit de remarquer icy ce qu’en- $eigne, & demõ$tre Guid-Vbalde dans le traité qu’il a fait du Leuier, à $çauoir, que la force qui $ou$tient le poids atta- ché au leuier, à me$me rai$on auec le poids, qu’a la partie du leuier qui e$t entre l’appuy, & le poids, auec la partie du leuier qui e$t entre l’appuy, & la for- ce. D’où il arriue prcmierement que la [00058]& Mathematiques. force qui leue, ou qui $ou$ti\-et le poids, e$t dautant moindre que l’appuy s’ap- proche dauantage du poids: de $orte que l’e$pace de la force e$t à l’e$pace du poids, comme la di$tance de l’appuy à la force, e$t à la di$tance de l’appuy au poids $u$pendu; $econdement que la force, qui $ou$tient le poids, a me$me proportion auec luy, qu’a la di$tance de l’appuy, ju$ques au point, auquelle Jeuier e$t coupé par vne ligne, qui de$- cend perpendiculairement du centre de la pe$anteur du poids $ur l’Orizon, auec la di$tance de l’appuy, & de la force.

De plus, il demon$tre dans la 8. pro- po$ition, que quand la force $ou$tient vn poids, dont le centre de pe$anteur e$t $ur le leuier parallele à l’Orizon, que cette force e$t dautant moindre que le poids e$t leué plus haut par le leuier, & qu’elle e$t d’autant plus grande, que le poids e$t dauantage abai$$e. La neu- fie$me fait voir, que cette force qui $ou- $tient le poids abai$i\-e $ouz le leuier é- quidi$tant à l’Orizon, doit e$tre aug- mentée en me$me proportion que l’on éleuera le poids $ur l’Orizon, & qu’elle [00059]Que$tions Phy$iques, doit e$tre diminuée à me$me propor- tion qu’on l’abai$$era $ouz l’Orizon.

Finalement la 10. propo$ition en$ei- gne, que le poids e$t tou$iours égal, & qu’il faut tou$iours vne me$me forc’e pour le leuer, & pour le $ou$tenir en haut, ou en bas, ou à niueau, quand il a $on centre de pe$anteur dans le leuier, $oit que le poids $e rencontre entre la force, & l’appuy, ou que la force $e ren- contre entie l’appuy, & le poids, ou que l’appuy $oit entre le poids, & la force: d’où il conclud, qu’il n’y a nul poids $i lourd, ny $i grand, que l’on ne puif$e donner vne force capable de l’enleuer & de le $ou$tenir par le moy\-e du leui er.

COROLLAIRE

Entre plu$ieurs cho$es qui $ont tre$- con$iderables dans la Mechanique, i’en remarque vne merueilleu$c, qui $evoid au contre poids de la Romaine, que l’on appelle _Crochet,_ carce cõtre-poids a vne infinité de pe$anteurs au$$i diffe- rentes, que les differentes di$tances qui $ont entre luy, & le point fixe, parle- quel on $u$pend ladite Romaine: par [00060]& Mathematiques. exemple, $i le contre-poids ne pe$e qu’v@e liure à vn poulce dudit point, il pe$@ra cent mille liures à cent mille poulces: de $orte que ce point empe$- che d’autant plus $a pe$anteur qu’il $en approche d’auantage, $oit parce que le contre-poids en e$t d’autant plus con- traint, & plus empe$ché de de$cendre perpendiculairement, cõme l’on prou- ue par les angles que font les cercles auec la ligne de directiõ, ou pour quel- qu’autre rai$on que l’on ne $çait pas.

Quoy qu’il en $oit, cette ob$eruation nous peut faire $ouuenir, que le propre poids de nos mauuai$es in clinations e$t dautant plus grand que nous nous éloi- gnons dauãtage de la volonté de Dieu, qui e$t le point fixe, lequel no<_>9 dépoüil- le d’autant plus de cette pe$anteur qui nous pou$$e á no$tre ruïne, que nous en approchons dauantage par vn amour re$pectueux qui nous rend $i prompts à l’ob$eruance des Commandemens diuins, que nous ne $entons nulle pe- $anteur, parce que le contre-poids de nos affections déreglées e$t $ou$tenu par la crainte que nous auõs d’offen$er la Souueraine bonté, & par l’a$$i$tance [00061]Que$tions Phy$iques, que nous donne celuy qui a prononcé ces paroles, _Iugum meum $uaue e$t, &_ _onus meum leue._

QVESTION X. D’où vient que les Romans, & les autres li- ures quine traittent pas des $ciences, $ont mieux vendus, que les liures qu<007> parlent des $ciences, & qui demon$trent plu$ieurs cho$es vtiles, & nouuelles?

IL n’y a nulle apparence que la rai$on de ce Phenomene $e doiue tirer de ce que la plus grande partie des hom- mes negligent les liures $çauans, parce qu’ils $ont trop pleins de curio$itez, puis qu’il n’y a rien qui les charme $i pui$$amment, que d’appr\-edre des cho- $es curieu$es, & nouuelles, comme l’on experimente en tous ceux qui $e plai- $ent à entendre ce qui arriue de nou- ueau, $oit dans leur païs, ou ailleurs. Maisil $emble que les Romans $e ven- dent mieux, parce que tout le monde e$t capable de les lire, & que l’on n’y rencontre pas ordinairement des’diffi- [00062]& Mathematiques. cultez ab$tru$es, qui de$irent de gran- des $peculations, commeil riue dans les liures, qui traitent desences, & qui $emblent tousremplis @épines aux ignorans Lesfemmes, & les enfans $e plai$ent à l’hi$toire fabuleu$e, ou veri- table, parce qu’elle n’a be$oin que de la memoire, & de l’imagination, au lieu que les $oi\-eces requierent vn iugement $olide, & vne pointe d’e$prit, qui pene- tre toutce qu’il y a de plus $ubtil, & de plus difficile dans la nature.

Or puis qu’il$e rencontre vn moin- dre nombre de bons e$prits, & d’hom- mes $çauans, il e$t euident que les liures qui leur plai$ent, & qui répondent à leur capacité, doiuent e$tre en moindre nombre queles Romans, & les hi$toi- res, ou les autres liures qui traittent d’vne$emblable matiere Si l’õ$çauoit le nombre des $çauans, & designorans, & de ceux qui prennent plus de con- tentement aux recherches curieu$es des $ciences, qu’aux di$cours du vul- gaire, les Libraires $çauroient combien ils doiuent tirer de copies de la Pre$$e pourles vns, & pourles autres.

A quoy l’on peut adjou$ter que l’ex- [00063]Que$tions Phy$iques, cellence du $tile des Romans e$t cau$o qu’ils $e vendent mieux, au lieu que le $tile des liures qui traittent des $cien- ces, e$t le plus $ouuent a$$ez rude, & qu’il e$t remply de plu$ieurs termes, qui ne $ont entendus que de ceux qui onte$tudié.

D’ailleurs ils traitent pour l’ordinaire de la morale, & me$lent des intriques, & des rencontres, qui excitent, & e$- branlent les pa$$ions des lecteurs, le$- quelles $ont ordinairement plus pui$- $antes dans les ignorans, que dans les $çauans qui en ont e$teint vne partie par la frequente contemplation qu’ils font des $ouuerains principes. Ortous $ont capables des $entimens, & desre- glemens de la Morale, tant parce que l’on nous contraint perpetuellement de les pratiquer, que parce que nous en $entons les $emences dãs nous me$- mes, $ans qu’il $oit nece$$aire de les prendre, ou de les receuoir d’ailleurs; & con$equemment tous $ont capables de lire les Romans, qui $ont pleins de moralitez.

Finalement, tous confe$$ent que l’a- mour e$t la plus pui$$ante de nos pa$- [00064]& Mathematiques. $ions, & qu’elle en e$t le commence- ment, & la fin; & me$me l’on peut di- re que toutes les autres pa$$ions ne $ont que l’amour reue$tu de differ\-etes cou- leurs ; or les Romans $ont pleins de de$criptions de l’amour, & n’ont point, ce $emble, d’autre but, ny d’autre fin, que de faire ay mer, & d’embra$er leurs lecteurs de cette pa$$ion: c’e$t pour- quoy il ne faut nullement s’e$tonner de ce qu’ils $e vendent mieux que les li- ures des $ciences_:_ au contraire, il fau- droit s’e$tonner s’ils ne $e v\-edoient pas mieux: quoy que $i l’on compare la $cience à l’amour, & les $ouueraines actions de l’entendement auec celles de l’appetit, ou de la volonté, celles-là $oient, peut-e$tre, preferables à celles- cy; mais cette difficulté doit e$tre re- $eruée pour vn autre lieu.

COROLLAIRE.

Sitous les hommes v$oient parfaicte- ment de la droite rai$on que Dieu leur a donnée, il n’y auroit plus de guerres, ny de querelles, ou de di$$entions au monde, car tous auroient me$mes $en- timens, & nul n’auroit iamais plus de [00065]Que$tions Phy$iques, contentement, apres les deuoirs qu’il doit à la diuine Ma e$té, que de faire toutes $ortes de plai$irs à vn chacun: de $orte que celuy qui auroit be$oin d’ar- gent, de liures, de ve$temens, ou de quelques autres commoditez, en trou- ueroit tou$iours dix fois d’auantage qu’il n’en de$ireroit, parce que tous $es voi$ins, & $es amis luy porteroient à l’\-enuy tout ce qu’ils croyroi\-et luy e$tre nece$$aire, vtile, ou agreable. D’où il arriueroit que tous auroient vn $ujet tre$-grand, & continuel d’éleuer les mains au Ciel, & de remercier la Bonté diuine de tant de graces, ou plu$to$t de la $upplier de retrancher vne partie de tant de con$olations. Or s’il $e rencon- tre quelqu’vn qui trouue du defaut dans cet heureux genre de vie, il e$t ay- $é de $atisfaire à toutes les objections qu’il pourra faire, & à toutes les diffi- cultés qu’il propo$era, & de luy demon- $trer qu’il ne contient autre cho$e que l’explication de la grande loy de la Mo- rale, qui con$i$te a nous comporter en- ners tous les hommes, comme nous voudrions qu’ils $e comporta$$ent en no$tre endroit.

[00066]& Mathematiques. QVESTION XI. Pourquoy les gens de lettre, c’e$t à dire les hommes $çauans, ne paruienuent-ils pas pour l’ordinaire à de $i grandes for- tunes, que ceux qui $ont vaillans, ou qui ont quelqu’autre addre$$e.

PLu$ieurs s’e$tonnent de ce que les $çauans n’ont pas cou$tume de par- uenir aux grãdes dignitez, atendu qu’il s\-eble, qu’ils doiuent e$tre les plus adui- $ez &les plus $ages, à rai$on de la grãde lumiere qu’ils reçoiu\-et de la lecturedes bons liures, & de la frequente medita- tion qui leur e$t ordinaire_:_ & con$e- quemment qu’ils doiuent gouuerner les Republiques, & les E$tats, & com- mander aux peuples, $uiuant le de$ir des anciens, qui ont creu que le mon- de $eroit bien-heureux quand il $eroit gouuerné par les Philo$ophes, quoy qu’ils ne $e $oient pas mis $ouz la con- duite de Pythagore, ou de Platõ. Mais l’on peut répondre que ceux qui em- ployentleur vie à la lecture, & à la $pe- [00067]Que$tions Phy$iques, culation, ne $ont pas propres pour gou- uerner les e$tats, $i quant & quant leur extraction ne les rend recommanda- bles, & venerables aux peuples, qui choi$i$$ent ordinairement ce qui a plus déclat, & d’apparence. Et puis le long e$tude affoiblit l’e$prit des hommes, & ne permet pas $ouu\-et qu’ils $oient vail- lans, hardis, forts, & courageux, com- me il e$t requis à ceux qui doiuent pro- teger les peuples enuers tous, & contre tous. D’ailleurs, le plai$ir des bonnes lettres e$t $i charmant, que ceux qui l’ont gou$té, mépri$ent celuy des grãds honneurs, lequel e$t $ouuent accom- pagné de plus d’épines que de ro$es. Or la principale rai$on de toutes celles qui $e peuuent imaginer, doit e$tre pri- $e de la Prouidence éternelle, qui choi- $it ceux qui luy plai$t, pour les mettre $ur les Thrônes, & pour leur faire por- ter $on Image en terre.

Ce$t donc $ur elle que nous deuons nous repo$er, comme $ur la plus ferme ba$e de toutes nos re$olutiõs, qui n’ont nulle vertu, qu’entant qu’elles la pren- nent pour leur fondement: c’e$t elle qui donne lerang, & l’ordre à chacun, [00068]& Mathematiques. & qui fait que les vns $ont Roys, les au- tres Philo$ophes, les vns riches & pui$- $ans, les autres pauures & debiles, & finalement c’e$t elle qui conduit tou- tes les creatures à leurs fins, & qui s’ac- cõmodant auec vne douceur ineffable à leurs capacitez les conduit aux lieux qu’elle leur a preparez dés l’éternité. C’e$t pourquoy chacun $e doit conten- ter de $a vacatiõ, & adorer cette gran- de Prouidence, afin d’en joüir eternel- lement, lors qu’elle nous appellera de cette vie, pour nous dõner celle qui n’a point de terme, ni de limites.

COROLLAIRE.

Quiconque con$iderera attentiue- ment qu’il ne $e fait, ny ne$e peutrien faire, que par la conduite & par la pro- uidence de Dieu, & que c’e$t luy qui gouuernè toutes cho$es immediate- ment, n’y ayant que le $eul peché, c’e$t à dire le rien, ou le neant qu’il ne fait pas, il ne pourra e$trè emporté par au- cune affliction, & demeurera tou$iours ferme & con$tant dans toutes $ortes de rencontres, qui luy donneront le [00069]Que$tions Phy$iques, t\-eps de $e reconnoi$tre, & de rai$onner. Car il conclurra, que c’e$t vne folie in- tolerable de vouloir s’oppo$er aux de- crets Diuins, & à la volonté du Mai$tre de l’vniuers, & que c’e$t la plus grande $age$$e que les hommes pui$$ent auoir, que de $e lai$$er gouuerner par les $ain- ctes loix de la Prouidence eternelle, qui ne permet pas qu’vn $eul poil tom- be de nos te$tes, qu’elle n’en ayt vn $oin particulier, ny que nous fa$$ions vn $eul pas, qu’elle n’en tienne vn conte tro$- exact, & qu’elle ne nous en recompen- $e, $i nous le fai$ons pour quelque bon- neintention.

QVESTION XII. A $çauoir $i l’on peut trouner la vraye lon- gitude, ou la di$tance des Meridiens, tant $ur la mer que $ur la terre, pour l’v$age de la nauigation?

LA di$tance des Meridiens, ou la difference des longitudes de deux lieux de la terre, ou de la mer, $e trou- ue par l’ob$eruation que l’on fait en [00070]& Mathematiques. deux lieux a$$ez éloignez l’vn de l’au- tre, de l’in$tant precis, auquel l’Eclip$e de la Lune commence, ou finit_:_ car la difference du temps du midy e$tant conuertie en degrez, mon$tre la verita- ble di$tance des Meridiens_;_ d’autant qu’à l@égard de tous ceux qui ont la Lu- ne $ur l’horizon, elle entre veritable- ment, & vi$iblement en me$me temps, c’e$t à dire au commencement de l’E- clyp$e, dans la pyramide de l’ombre de la terre, & en $ort à la fin. Car encore que la Lune face parallaxe en cette po- $ition, neantmoins ce n’e$t pas à l’égard de l’ombre, dans laquelle elle e$t plon- gée, mais à l’égard de la region du Ciel, qui luy e$t $uperieure, & qui e$t plus é- loignée de la terre. A quoy il faut ad- jou$ter, que dans le pa$$age de la Lune, l’ombre de la terre, & elle, gardent vne égale di$tance d’auec la $ur-face de la terre, à l’égard de laquelle elles ne font nul parallaxe, mais elles paroi$$ent par tout en me$me in$tant, $ouz la me$me ligne de vi$ion, comme font les cho$es contiguës qui $ont les vnes $ur les au- tres.

Il y a encore vn autre moyen, dont [00071]Que$tions Phy$iques, le fondement e$t demon$tratif, quoy que la pratique en $oit plus fa$cheu$e, & plus difficile, à $çauoir l’Eclyp$e du Soleil, dont on aura ob$erué le com- mencement, & la fin en des lieux diffe- rents, car $i l’on compare le temps de la durée, du commencement, & de la fin que l’õ aura ob$erué en ces deux lieux, auec la difference des parallaxes de la Lune entre les deux ob$eruations, l’on $çaura la di$tance des Meridiens, & la difference des longitudes.

Mais il faut $uppo$@r que les Ob$er- uateurs cognoi$$ent la me$ure, & la grandeur des refractions de l’orizon $ur lequel ils ob$eruent, autrement l’ob- $eruation $era $u$pecte.

L’on peut dire la me$me cho$e de l’approche de la Lune aux e$toilles fi- xes, & aux Planettes, à $çauoir quand elle $interpo$e entre no$tre œil, & leurs corps lumineux. Ce qui ne mãque pas de difficultez, d’autant que la Lune e$tant hors du point vertical, ne $e pre- $ente jamais à no$tre veuë en $on vray lieu, à cau$e du parallaxe, car elle e$t tou$iours plus ba$$e, &plus inclinéevers l’orizon. Or ce parallaxe qu’elle falt [00072]& Mathematiques. hors le point du Zenith, $e di$tribuë quelquesfois touten longitude, à $ça- uoir quand le Zodiaque pa$$e par le Zenith, & quelquefois tout en latitu- de; ce quiarriue lors qu’elle e$t dans le 90. degré de l’Eclyptique $url’orizon: mais hors de ces 2. líeux $on parallaxe $e di$tribuë, partie en longitude, & par- tie en latitude.

Apres ledit parallaxe, il faut con$i- derer la refraction, qui accompagne la Lune ju$ques au 45. Almicantarat, ou degré de hautcur $ur l’orizon, car elle fait vne diuer$ité de vi$ion contraire à la precedente, puis qu’elle hau$$e, & le- ue vers le Zenith, au lieu que le paral- laxe abai$$e vers l’orizon, de $orte que la Lune e$t encore $ouz l’orizon, quand la refraction la $ait voir de$$us.

D’où il s’en$uit que l’ob$eruation qui $e fera par cette voye, $era plus dif- ficile que l’autte, parce qu’elle requiert vn homme experim\-eté dans les ob$er- uations, & vn long calcul des paralla- xes_:_ & puis elle e$t enuelopée d’vne grande perplexité, à rai$on desrefra- ctions qui mon$trent tou$iours la cho$e hors de $on vray lieu.

[00073]Que$tions Phy$iques,

Or il faut pre$uppo$er trois cho$es en ces ob$eruat<007>õs, dont la premiere e$t la connoi$$ance a$$ez preci$e de l’éle- uation du pole $ur l’orizon où $e fait l’ob$eruation. La 2. e$t le t\-eps, & l’heu- re exacte de l’apparence, & la 3. e$t vne connoi$$ance certaine des refractions du lieu, où l’on ob$erue: le$quclles 3. cho$es e$tãt preci$ém\-et connuës, con- duiront infailliblement à la connoi$- $ance de la di$tance des Meridiens.

Car quant aux parallaxes, la con- noi$$ance en e$t a$$ez certaine, & $ont égaux par toute la terre, lors que la Lune e$t d’vne égale hauteur, ou du moins la d<007>fference ne fait nulle erreur $en$ible. Mais la diuer$ité des refra- ctions rend les ob$eruations $u$pectes, quandla Lune e$t proche de l’Orizon, comme l’on remarque dans celles de Mce$tlin excellent A$tronome de Tu- binge, qui remarqua l’an 1590. le 7. Iuillet, que le Soleil $e leuoit enOrient, lors que la Lune eclip$ée de quelques doigts e$toit qua$i éleuée de 2. degrez; à l’Occident, & lors que $on centre $e couchoit, lc Soleil e$toit éleué do deux degrez.

[00074]& Mathematiques.

D’où il@s’en$uit, comme Kepler la re- marqué dans l’onzie$me prop. de $es Paralipomencs $ur Vitellion, nombre 8. que la refraction horizontale fut ce iour là à Tubinge de plus de 2. degrez; ce qui e$t e$trange, attendu que les plus grandes que Tycho a ob$eruées dans le Dannemarc, n’ont iamais excedé 33. minutes dans la Lune. Le me$me Ke- pler remarque que les refractions $ont plus égales, & plusvniformes $ur la mer que $ur la terre, $ur laquelle elles $ont quelquesfois in$en$ibles, & d’autres fois prodigieu$es à raisõ que l’Athmo$- phere retient qua$i tou$iours vne me$- me di$tance d’auec l’eau.

Le Lantgraue de He$$ a$$eure dans les Epi$tres de Tycho, qu’il a vne fois ob$erué Venus, comme $i elle eu$t e$té $tationnaire dans l’orizon l’e$pace d’vn quart d’heure, encore qu’elle fu$t veri- tablement plus de deux degrez $ouz l’orizon; & qu’elle di$parut dans vn in- $tant; ce qui prouue vne refraction ex- ce$$iue, & extraordinaire.

Or ces refractions arriuent quand l’air e$t épe$$i par vne vapeur qui monto de la terre, de $orte que la conden$a- [00075]Que$tions Phy$iques, tion de l’air fait vne plus grande refra- ction du rayon. Surquoy l’on peut en- core rapporter que lesHollãdois ayant nauigé l’an 1596. iu$ques au 76. degré de l’eleuation du pole, vers les terres de$ertes de la nouuelle Zemble, pour chercher le pa$$age qui entre dans l’O- cean Scythique Oriental, & e$tant ar- re$tcz par les glaces, leSoleil leur appa- rut pour la derniere fois le 3. iour de Nouembre, qui ne deuoit plus paroi- $tre iu$ques à ce qu’il eu$t me$me decli- nai$on Au$trale, laquelle arriuoit iu$te- ment le 6. iour de Feurier l’an $uiuant 1597. & neantmoinsil leur apparut le 24. de Ianuier, lequel a pour caractcre infaillible l’ob$eruation de la conjon- ct<007>on de la Lune à Iupiter au 2. degré du Taureau, quelques heures apres que le Soleil futretiré.

De $orte que le Soleil c$toit encore réellement 4. degrez $ouz l’orizon, quand <007>l $e mõ$tra en partie $ur iceluy: d’où il s’en$uit nece$$airement, que la refraction horizontale fut ce iour là de plus de 4. d@grez dãs la nouuelle Zem- ble, à rai$on de l’cpe$$eur de l’air con- den$è par les tenebres, & par le froid [00076]& Mathematiques. continuel de ces terres gelées. D’ail- leurs, les refractiõs $ont par tout moin- dres en Automne, qu’en Hyuer, & en autres $ai$ons de l’année, & $uiuent la den$ité, & la rarcté de l’air des differens lieux où l’on $e rencontre_:_ c’e$t pour- quoy l’on n’e$t iamais a$$euré du vray lieu de la Lune, & de @E$toile, que l’on ne connoi$$e la grandeur de l’angle de refraction dans l’orizon, & en quelle proportiõ <007>l $e diminuë, ous’augmente.

Or pour $çauoir $i ce moyen, ou quel- qu’autre peut $eruir à ceux qui naui- gent la grande mer du Nord, du Sud, & des auttes parties de l’Ocean, lors qu’<007>ls veulent trouuer la di$tance des Mcridiens, & le degré de leur longitu- de, il faut $uppo$er 4. cho$es, dont la premiere e$t vn Meridien fixe $ur quel- que lieu de la terre. La 2. que les tables A$tronomiques du mouuement des planettes, & particulierement de la Lune, re$pondent exactement aux ap- par\-eces du Ciel, & au Meridien $uppo- $é. La 3 que l’Ob$e ruateur cognoi$$eles refractions du lieu, où il ob$erue; & la 4. que l’ob$eruation $e face par v@ homme exercé, & $çauant en telles [00077]Que$tions Phy$iques, cho$es, & qui ayt des in$trumens tre$- ju$tes, & a$$ez grands.

Quant à la premiere cho$e, elle e$t po$$ible, facile, & v$itée: la 2. e$t dou- teu$e, & n’e$t pas encore certaine, d’au- tant que le mouuement de la Lune (qui $eul peut $eruir à cette operation) determiné par les 3. Equations de Ty- cho Brahé e$t quelquefois moindre, ou plus grãde de la $ixiéme partie d’vn de- gré, comme les ob$eruations de Tycho l’ontobligé de le confe$$er, & de $uiure le milieu de cet excez, & de ce defaut.

Kepler $e $ert de cette vaté dedans $es tables, de $orte que $on calcul $e trouue different de celuy de Tycho, de huict ou neuf minutes, qui font quelquefois le tiers d’vne heure dans le mouuement de la Lune, & 5. degrez de lõgitude $ur la terre, qui vallent 75. lieuës d’Allemagne $ouz l’Equateur.

Les autres tables, comme les ancien- nes de Ptolomée, & d’Alphon$e, au$$i bien que les nouuelles Pruteniques dre$$ées par Era$me Reinhold, & qui ont les ob$eruations, & le calcul de Copernic pour leur fondement, s’éloi- gnent des apparences iu$ques à vn de- [00078]& Mathematiques. gré & dauantage: celles de Lansberge s’eloignent au$$i des apparences, & du calcul de Tycho, quoy qu’il conuienne le plus exactem\-et de tous auec le Ciel: de $otte qu’il en faut demeurer à celles dudit Tycho, puis qu’elles $ont les plus certaines: or il e$t con$tant qu’elles s’é- loignent encore quclquefois des appa- rences, & con$equemment l’on ne peut s’a$$eurer de la 2. condition, laquelle e$t la plus nece$$aire en cette matiere.

La 3. qui con$i$te à connoi$tre les refractions, requiert l’experience de plu$ieurs années, & mãque le plus $ou- uent. Quant à la 4. elle e$t po$$ible en vn point, puis qu’il y a des Pilotes tre$- $çauans, & exercez dans les Mathema- tiques: mais elle e$t tre$-difficile, à rai- $on qu’il faut vne grande tranquillité pour ob$eruer, car $i l@in$trument n’e$t arre$té, & immobile, iamais l’ob$er- uation ne $era exacte, & fidelle: or l’on $çait combien la mer e$t in$table, de $orte que la 2. condition n’e$tant point encore arriuée, & la 3. & 4. e$tant $i difficiles, il e$t impo$$ible de $çauoir tellement la di$tance de 2. Meridiens par vne $eule ob$eruation faite en l’vn [00079]Que$tions Phy$iques, d’iceux, l’autre e$tant po$é, qu’il n’y ait nul $oupçon d’erreur.

D’où l’vn de mes amis, tre$-excel- lent A$tronome, conclud qu’il e$t im- po$$ible de dre$$er des tables perpetuel- les, & vniuer$elles des longitudes, & qu’<007>l $aut lai$$er cela à la dexterité du Pilote, qui peut arriuer a$$ez prés de la difference des Meridiens par les ob$er- uations de plu$ieurs iours, s’il e$t bon A$tronome, & s’il $çait ob$eruer le cours des E$toiles, pourueu qu’il pren- ne la Lune dans le 90. degré, ou proche d’<007>celuy, & lors qu’elle $era en quadrat, ou en oppo$ition auecle So@@il, ou vn iour deuant, ou apres.

Chri$tianus Longomontanus propo- $e á la $in de $on 2. liure des Theori- ques, le moyen de connoi$tre la di$tan- ce de toutes $ortes de Meridiens d’auec celuy de Hafnie, par la di$tance de ia Lune pri$e de quelque E$toile proche du Zodiaque, mais il veut que la Lune $oit dans lc 90. degré de l’eclyptique, & quel Azimuth, ou cercle des hauteurs de la Lune couppe le Zodiaque á an- gles droits, d’autant qu’elle n’a pour lors nul parallaxe en longitude:

[00080]& Mathematiques.

Sans doute cette $ituation de la Lu- ne e$t la plus $eure, pourueu que l’E- $toile, dont on prendra la di$tãce, n’ayt pas grande latitude; mais $i elle $urpa$- $e 2. degrez, & que la di$tance de l’E- $toile, & de la Lune $oit moindre que 10. degrez, on peut commettre vn er- reur de 15. minutes, que la Lune fait en demie-heure; d où il arriue vn er- reur de 7. degrez & demy en longitu- de, quivallent 112 {1/2} lieuës d’Allemagne $ouz l’Equinoctial. Or cét erreur peut s’augmenter au double, $i par exemple, l’E$toile e$t en $a latitude Meridiona- le, & la Lune dans la Septentrionnale, ou au contraire.

Il vaudroit donc mieux prendre la di$tance de la Lune d’auec 2. E$toiles, & par l’analy$e d’vn triangle $pherique trouuer $on vray lieu. Or $i l’on prend la Lune hors du 90. degré du Zodia- que, elle fera tou$iours parallaxe en longitude, & $era pour lors tre$-diffici- le de trouuer exactement $on vray lieu, comme il a e$té mon$tré cy - deuant, & neantmoins $i l’on n’a ce vray lieu, l’on de$e$pere de iamais pouuoir con- noi$tre la vraye di$tance desMe<007>ldiens, [00081]Que$tions Pby$iques, & la difference des longitudes, dont on ne peut au$$i iuger par le leuer, & lc coucher de la Lune, tant á cau$e des differentes refractions, que parce qu’il peut arriuer, & arriue en effet, qu’en deux meridiens éloignez de deux cent lieuës l vn de l’autre, $ouz me$me pa- rallele, bi\-e que la Lune $e leue premie- rement, dãs l’vn que dans l’autre, l’on ob@erue $ans erreur $en$ible la me$me heure, & la me$me di$tance du Soleil au Meridien, & con$equemment il e$t impo$$ible de determiner la di$tance des deux. Ce qui arriue parce que la Lune fait demy degré dans vne heure, & quelquefois n’e$t pas vne minute d’heure à $e leuer.

Or apres le di$cours de cet excellent A $tronome, j‘adjou$te que ces longitu- des $e peuuent trouuer par le moyen d’vn horloge d’eau, ou de $able, & d’vn autre au Soleil, dont le premier fera $çauoir le temps qui $e $era écoulé de- puis le premier lieu, du quel on $uppo$e que le Meridien, ou le degré de longi- tude e$t cogneu, $oit que le vai$$eau ayt enduré mille tourmentes, & que l’on ne $çache où l’on e$t, $oit qu’il ayt [00082]& Matbematiques. cu toute $orte de calme, car $i l’orlogo d’eau c$t bien fait, & qu’il demeure tou$iours pcrpendiculaire, comme fait la lampe de Cardan, il mon$trera iu$te- ment combien il y a d’heures qu@ l’on vogue $ur la mer, & con$equemment qu’elle heure il e$t au lieu d’où l’on @ party, & dont on connoi$t le Meridien. Par exemple, $i l’orloge dure 24. heu- res, & que l’on $oit party à midy, il $era iu$temcnt midy au lieu, d’où l’on e$t party, $i toute l’eau e$t tombée: ce qui arriuera$emblablem\-et, $i elle s’e$t vui- dée 3. 4. ou 5. fois, &c. caril y aura au- tant de iours depu<007>s le depart.

Quãt à l’orloge au Soleil, $oit que l’õ v$e d’vn a$@rolablevniuer$el, ou de quel qu’autre in$trum\-ettre$ exactpourtrou- uer l’heure, & pour prendre la hauteur du Soleil au midy du lieu, où l’on $era, il mon$trera la di$tance du Meridi\-e con- nu, & $uppo$é d’auec celuy du lieu, où l’on e$t; par exemple, s’il y a 24. heures que l’on e$t party de de$louz le Meri- dien connu, & que l’horlogeau Soleil mon$tre vne heure apres midy, c’e$t cho$e a$$eurée que le Meridien où l’on c$t, $era éloigné dc I 5. degrez du Meri- [00083]Que$tions Phy$iques, dien $uppo$é, qu’il lai$$e vers l’Occi- dent, & s’il n’e$t qu’onze heures, il l’au- ra lai$$é à l’Orient : or il faut faire les ob$eruations quand le Soleil e$t en $on midy, parce qu’il e$t pour lors exempt de refractiõ, ou s’il en a, elle e$t la moin- dre de tout le iour. Il faut dire la me$- me cho$e des E$toiles, qui peuuent $er- uir pour $çauoir l’heure, & la longitude au lieu du Soleil. Mais il faut tou$iours prendre les E$toiles en leur plus grande hauteur au$$i bien que le Soleil, afin d’éuiter l’erreur des refractions.

COROLLAIRE.

Ceux qu<007> $’imaginent la Geographie de la Lune, & qui croyent en pouuoir marquer, & di$tinguer les differentes prouinces, & les riuieres, & les fore$ts, $ont bien éloignez de leur de$$ein, puis qu’ils ne peuuent pas $eulement trou- uer les longitudes de la terre, ny de la mer, quoy qu’elles leur $eruent de de- meure. Mais les e$prits bien-heureux ont vn grand contentement de $çauoir les longitudes de no$tre monde, & de tous les A$tres, $i toutesfois ce conten- [00084]& Matbematiques. tement peut e$tre de quelque con$ide- ration à l’égard de celuy qu’ils reçoi- uent de la vi$ion, & de la jouï$$ance de D<007>eu, qui les éleue à vne $cience bien plus grande, & plus excellente que celle de toute la nature. C’e$t donc apres celle la qu’<007>l faut tou$iours a$pi- rer, & qu ne$ acqmert @ue par l’ob$er- uation des commandeméns de D eu, & par l’accompli$$ement de $a $aincte volonté, qui a vne au$$i grande di$fe- rence de longitude d’auec la no$tre, qu’il y a d’<007>mperfections dans la crea- ture, & de perfectiõs dans le Createur.

QVESTION XIII. Quelle e$t la cho$e la plus admirable de tout le monde ?

CEtte que$tion $e doit entendre des cho$es vi$ibles & corporelles, a$in que l’on ne me$le pas la beauté, & l’ex- cell\-ece de l’e$prit, auec celle du corps, & que l’on $e tienne dans le me$me or- dre des creatures. Or il $emble que tous les mortels contemplent les@cieux [00085]Que$tions Phy$iques, comme la plus excellente piece du monde, & que le Soleil $oit le corps le plus admirable de toute la nature: de là vient qu’il e$t nommé _Opus admirabi_- _le, vas excel$i_, dans le 43 chap. de l’Ec- cle$ia$tique; dans lequel nous li$ons encore, _tripliciter Solexurens montes_, ce que l’on peut expliquer de $es trois $or- tes de ray ons, à $çauoir des droits, dont il les frappe quand il e$t leué; des refle- chis qu’il enuoie de$$us par la reflexion de la Lune & des autres a$tres, & des rompus, dont il les illumine auant que d’e$tre leué $ur no$tre horizon par l’en- tremi$e de l’atmo$phere, ou des nuës: $i cen’e$t que l’on die qu´il les illumine le matin, & le $oir, cncore qu’il n´illu- mine plus les campagnes, & que s’ima- ginant les montagnes $ouz l’équateur, ou dans la Zone torride, il les échauffe dauantage, parce qu’il en e$t plus pres que des campagnes: quoy que le con- traire $e remarque à leur $ommet, à rai- $on qu’il reçoit moins de lumiere refle- chie, & que l’air y e$t plus rare, & con- fequemment moins capable de cha- leur.

Certes il e$t malai$é de trouuer, ou [00086]& Matbematiques. de s’imaginer vne plus belle cho$e au monde que la lumiere, puis qu’il $em- ble que la beauté de toutes les autres cho$es depen@ d elle, du moins à no$tre égard: c’e$t pourquoy l’on excu$e or. dinairement plus volontiers ceux qui ont adoré la lumiere, que ceux qui ont tendu des honneurs diuins aux plantes, & aux animaux.

Et puis $a production imite celle des cho$es $pirituelles, dautant qu’elle $e fait dans vn moment, & $e tire en quelque maniere du $ort, & de la por- téee des autres agens corporels, qui ont be$oin du mouuement local, & du t\-eps pour agir. D’ailleurs elle $e porte à l’in- fini, de $orte que $i l’on rama$$oit toute la lumiere d’vne chandelle qui éclaire depuis la terre ju$ques au firmament, l’on verroit au$$i clair $ur le concaue dudit firmament, comme $i l’on auoit la chandelle dans la main. V eritable- ment c’e$t vne cho$e admirable d’ex- perimenter qu’vne petite e$teincelle de feu, que l’on fait tomber en frappant vn caillou, rempli$$e $en$iblement tou- te la $olidité d’vne $phere d’air de 20. ou cent pieds de large, & que $i elle [00087]Que$tions Pby$iques, n’e$t pas re$eruée dans vne chambre, qu’elle rempli$$e toute la $olidité du mõde de tous les co$tez oùil ne $eren- contre nul corps opaque; & finalement qu’e$tant renfermée, cette infinie ca- pacité $oit bornée par vne e$pace de 4. pieds, ce qui ne peut arriuer $ans vne infinité de reflexions. D’où il e$t ay $é de conclure qu’elle e$t la cho$e la plus admirable du monde, & qu’il n’y a rien entre toutes les cho$es corporelles qui nous repre$ente la Diuinité plus viue- m\-et que la lumiere, qui nous doit tou- $iours faire $ouuen<007>r d’auoir recours à celle du S. E$prit, $uiuan@ la priere de l´Egli$e,_ô lux beati$sima, reple cordis inti_- _ma tuorum fidelium_.

COROLLAIRE.

Encore que la lumiere du Soleil $oit tre$-excellente, & admirable, comme nous auons dit, neantmoins elle n’e$t pas qua$i con$iderable à l’égard de l’ex- cellence de la vie, ou du Principe de la vie, qui anime les plantes, & les ani- maux; & ie ne doute nullement que sous les hommes $eroient rauis, $’ils [00088]& Matbematiques. pouuoient comprendre ce Principe, & s’ils en pounoient di$po$er, comme de la lumiere, qu’ils contraignenten for- me de coue, ou de cylindre par le moy\-e des glaces paraboliques, $pheriques, & hyperboliques, quoy qu’il $oit peut- e$tre au$$i difficile de $çauoir la di$po$i- tion, & les qualitez que doit auoir vn corps pour e$tre lumineux, & pour é- clairer, que de connoi$tre la preparatiõ & les di$po$itions qui $ont requi$es dans vn corps pour e$tre animé.

O quel contentement nous receurõs, quand nous verrons toutes ccs difficul- tez au$$i clairement que la lumiere du Solcil, & que nous joüirons de ce que nous e$perons icy, toutes & quantes- fois que nous di$ons, _In lum<007>ne tuo vide_- _bimus lumen_.

QVESTION XIIII. où vient que la plus grande partie des bommes preferent l’argent, & le lucre à la $cience, & à l’bonne$teté.

IL e$t, ce $emble, bien difficile d’ex- pliquer la vraye rai$on de ce Pheno- [00089]Que$tions Pby$iques, mene Moral, dautant que les hom- mes e$tant rai$onnables, il n’e$t pas ai$é de s’imaginer pourquoy ils ne $uiuent pas la rai$on, attendu qu´ils n’ont tien de plus excellent qu’elle: or elle en$ei- gne que l honne$teté & la vertu $ont preferables aux richef$es, parce qu’elles appartiennent à l’e$prit, qui e$t plus noble quele corps. Et l’on ne rencon- tre point d’hommes qui ne prote$tent qu ïls veulent $uiure la rai$on, & qui ne croyenr l’auoir de leur co$té en tout ce qu’<007>ls font, & cn ce qu’<007>ls di$ent. C´e$t pourquoy il faut conclure que tous ne croyent pas que la vertu $oit meilleute que les riche$$es, ni que les $ciences vaillent m<007>enx que l’argent: de $orte qu’il e$t nece$$aire de leur per$uader cette verité, & de la leur demon$trer cuidemment, pour la lcur faire embra$- $er. Et s’il s’en rencontre qui le croyent, & qui neantmo<007>ns recherchent les ri- che$$es auec plus de pa$$ion & d’ar- deur que les $ciences & la vertu, il faut dire que la pa$$ion les aueugle, ou qu elle a plus de pui$$ance $ur eux que lara<007>$on.

Ce qui arriue ai$ément, parce que [00090]& Matbematiques. la plus grande partie des hommes $e lai$$e emporter aux $ens & à leurs ob- jects, & prefere les cho$es vi$ibles aux inui$ibtes, & $i l’on compare le temps que l’on employe aux exercices du corps qui nous $ont communs auec les brutes, l’õ aduoüera qu’il y a plus d hõ- mes qui des dix partics de leur vie en donnent neuf au corps, qu’il n’y en a qui en donnent neufà l’e$prit.

D’ailleurs les $cienccs e$tant inui$i- bles, comme l’e$prit, dans lequelelles font leur re$idence, <007>l faut $erendre $pi- rituel, ou s’acc@u$tumer aux fonctions de l’entendement pour enui$ager leur beauté, & pour en apprendre la valeur & l’excellen c; quoy qu’elles ne $oient pas capables de faire vn hõne$te hom- me, $i quant & quant il n’e$t vertueux: car la principale partie de l’honne$teté con$i$te dans la vertu, & particuliere- ment dans celle qui nous vnit plus pui$- $amment à Dieu, qui e$t la $ource & la fontaine de toute $ortc d honne$tcté & de ve<007>tu.

D’où il e$t ai$é d’inferer que les $ça- uans $ont grandement obligez à la di- uine Prouidence, qui les a mis dans vn [00091]Que$tions Pby$iques, e$tage plus releué que celuy des igno- rans & qui leur a preparé vn e$tat dans ce monde, qui approche de celuy des Anges, afin qu’en v$ant des lumieres qu´ils ont, ils en$eignent les auttes & attirent tout le monde à Dieu, pour qui $eul nous deuõs tous viure & mou- rir, $uiuant les deux beaux mots de l A. po$tre, _mib<007> viuere Chri$tus @$t, & mori_ _lucrum_.

COROLLAIRE. I.

Les $çauans ont de grands auantáges $ur les ignorans, s’ils s’en veulent pre- ualoir, car e$tãt de$ia detachez des $ens, & des cho$es corruptibles, il leur e$t beaucoup plus ai$é de s’éleuer, & de s‘vnir à Dieu, tant par conformité de leur volõté aucc la $ienne, que de leurs $peculations auec les pen$ees diuines, à l im<007>tation de plu$ieurs excellens & Sai<007>ncts per$onnages, qui v$ent de cer- ta<007>nes prieres fort courtes, qui leur $er- uent de memorial pour e$tre perpe- tuellement attentifs à la pre$ence de Dieu, comme quand S. Bernard di$oit $i$ouuent pour ce $ujet:

[00092]& Mathematiques.

Ie$u dulcis memoria Dans vera cordis gaudia, Sed $upermel & cmnia Eius dulcis pra$entia.

Sa<007>nct Augu$tin, _amor meus, pondus meũ,_ _illuc feror quocunque f@rar_, & puis, _@g@o$ce_ _quod tuun @$t, igno$ce auoa meum @$t_. Saint Bruno, _@ boni@as!_ S. François d’ A$$i$e, _Deus meus & omn<007>a_: S. Françoi<007>s de Pau- le, _charitas!_ S. Ignace Martyr, _frumen-_ _tum Chri$ti $um_: & _amor meus cruci$ixus_ _e$t_: S. Ignace de Loyla, _$orde$c<007>t mihi_ _terra, quando a$picio cœ!um:_ S. Xauier, _$atis e$t domine, $atis e$t:_ S. There$e, _ternum benè, aternum malè_; & vne autre, _tr@p e$t auare à qui Dieu ne $uf$it_: le Pro- phete Royal, _quàm dilecta tabernacula_ _tua domine virtutum, concupi$cit, & defecit_ _anima mea in atria Domini;_ & puis, _quàm_ _bonus I$raël Deus bis qui recto $unt corde:_ vn autre, _O Seigneur mon Dieu que tu es_ _grand en toute grandeur_. A quoy l’õ peut rapporterles dernieres paroles, par le$- quelles plu$ieurs ont finy leur vie, com- me celles de lean Ger$on, _ô Deus ! for-_ _tis e$t vt mors dilect<007>o tua_, qu’il di$t en mourant, apres auoir expliqué les 50. propr <007>etez de l’amour diuin.

[00093]Que$tions Phy$iques,

Saint Louis Roy de France mourut en di$ant, _Introibo in domum tuam, adora-_ _bo ad Templum $anctum tuum, & con$itebor_ _nomini tuo_: S. Thomas d Aquin en di- $ant, _veni dilecte mi, egrediamur in agrũ:_ S. François en di$ant, _Educ de cu$todia_ _animam meam ad con$itendum nomini tuo,_ _me expectant iu$ti donec retribuas mibi_. S. Xauier en di$ant, _ô Ie$us Dicu de mon_ _cœur_, S. Ba$ile en di$ant auec plu$ieurs autres, & me$me auec no$tre Sauueur, _in manus tua Domine commendo $piritum_ _meum:_ feu Mon$ieur Gamache, _& an-_ _nos aterno in mente $emper habebo_, & S. François de Paule, _O Domine Ie$u Chri-_ _$te, P a$tor bone, iu$tos con$erua, peccatores iu-_ _$ti$ica, & omnibus defunctis mi$erere, &_ _propitius e$to mibi mi$errimo peccatori:_ qui furent les dernieres paroles de ce grand Sainct.

COROLLAIRE. II.

L’on peut dire que l’on prefere l’ar- gent & les autres biens à la $cience, parce qu’il e$t plus ai$é d’acquerir celle- cy par le moyen de ceux là, que d’ac- querir les biens par la $cience. Et puis [00094]& Mathematiques. l’argent e$t plus nece$$aire, à la vie hu- maine, or t@@ute la nature embra$$e premierement, & auec plus d’ardeur ce qui luy e$t nece$$aire que ce qui ne luy $ert que d’ornement. A quoy il faut adjou$ter qu’il n’y a rien qui plai$e da- uantage aux hommes que la bonne re- putation, & le bon accueil qu’ils reçoi- uent dans toutes $ortes de compagnies: ce qui leur arriue quãd ils ont cinquan- te mille liures de tente, quoy qu’ils ne $çachent rien, & qu’ils n’ayent nulle vertu quiles rende recommandables: au lieu que les plus $çauans qui $e pui$- $ent rencontrer $ont mépri$ez, & n’ont nul accez dãs les grandes compagnies, dans le$quelles ils $ont a$$ez $ouuent mal traitez, de $orte qu’ils $ont con- traints de $e contenter d’vne crou$te de pain, tandis que les autres v$ent des mets le’ plus exquis.

D’où <007>l e$t ai$é de conclurre, qu’ils ont be$oin d’vne grande pati\-ece qu’ils peuu\-et acquerir par vne parfaite $oub- mi$$ion à la prouidence de Dieu, & par vne entiere re$ignatiõ de tout ce qu’ils $ont, & de tout ce qu’ils peuuent àla volonté de celuy qui les contemple [00095]Que$tions Phy$iques, dans leur pauureté, & qui les aime au- tant que les plus riches du monde.

QVESTION XV. Peut-on inuenter, & faire vn mouuement perpetuel?

CE $eroit vn grand coup $i l’on pou- uoit dé$abu$er tous ceux qui per- dent le temps à la recherche du mou- uement perpetuel artificiel, qu’ils l’em- ploya$$ent aux cho$es qui sõt po$$ibles & vtiles; car il n’y a nul doute qu’ils reu$$iroient en plu$ieurs machines tãt pneumatiques, qu’hydiauliques, au$$i bien comme font les Chymi$tes en plu- $ieurs $els & e$$ences, $i les vns & les autres ne trauailloient iamais à leurs inuentions, que la demon$tration ne leur eu$t fait voir la po$$ibilité de l’exe- cution. Quant aux Ingenieurs, il e$t ai$é de leur per$uader que ce mouue- ment e$timpo$$ible, à rai$on que ce qui donne le premier bran$le aux machi- nes, ne peut e$tre meu par elles d’vn bran$le égal de reciprecation, & que [00096]& Mathematiques. toute $orte de mouuement violent s’al- lentit & diminuë tou$iours $a force peu à peu, depuis $on commencement ju$ques à $a $in. Et puis il e$t plus ai$é de faire tomber les re$$orts que de les rele- uer, & nulle cho$e ne pout monter plus haut que $a $ource par $es propres for- ces: ce qui arriueroit au mouuement perpetuel, qui ne peut e$tre, s’il n’a vn principe naturel qui $ub$i$te tou$iours dans vne égalité, ou qui $oit plus fort que les re$$orts, ou les engins qu’il doit mouuoir: car nulle cho$e égale n’agit $ur ce quiluy e$t égal. C’e$t pourquoy il ne $uffit pas de dire que ce mouue- ment perpetuel n’e$t pas po$$ible, à rai- $on de la matiere dont on v$e, qui ne peut pas tou$iours durer, pui$que les rai$ons de $on impo$$ibilité $e prennent de plus loin, & que l’incorruptibilitó de la matiere ne fait rien à ce $ujet. Mais l’on ne peut pas mon$trer en par- ticulier en quoy manque chaque inu\-e- tïon, $i l’on ne rapporte toutes les figu. res & tous les de$$eins des differentes machines que l’on a trouuées, ou qui $e peuuent rencontrer, affin d’en expli- quer les defauts: car l’vn manque à la [00097]Que$tions Phy$iques, force de l’eau, l’autre à la connoi$$ance de l’air ou à celle de la force qu’ont les poids $or chaque plan incliné: mais quoy qu’ilen $oit, l õ en decouure tou$- jours l’erreur, encore que cela ne $e fa$- $e pas tou$iours $ans peine, & $ans des labeurs qui $ont quelquefois tre$-en- nuicux. L’on tient que Cornelius Drebel a trouué vne liqueur qu’il en- ferme dans vn canal circulaire de ver- re, par la quelle il repre$ente le flux & le reflux de la mer, & le mouuement perpetuel: il e$t ai$é d’experimenter $i l’eau de la mer enfermée dans vn an- neau de verre retient le mouuem\-et de I’Ocean, & de iuger $i vn tel mouue- ment peut $eruir aux mouuemens per- petuels des machines, c’e$t pourquoy ie n’en parle pas dauantage

I’adiou$te $eulement qu’il faudroit e$$aier à remarquer $i la mer a quelque repos entre $on flux & $on reflux, com- me l’on tient qu’il y a vn point, ou vn moment de repos entre le mouuement droit & le reflechi, & cõbien dure ce re- pos, & quelle force a chaque flot, pour faire mouuoir des machines. L’on peut dire la me$me cho$e des ondes de [00098]& Mathematiques. l’air, ou du vent, quoy qu’il $oit beau- coup plus difficile d’en reconnoi$tre les flux & les reflux, parce qu’ils ne $ont pas vi$ibles comme ceux de la mer.

Or ceux qui de$ir\-et de $e perfection- ner, peuuent s’e$tudier à reconnoi$tre les flots, & le flux & reflux du Sang & des pa$$iõs qui affectent le coeur, & des affections qui agitent l’e$prit d’vn mou- uement continuel, afin d’en v$er $eule- ment, ou principalement pour faire mouuoir les re$$orts qui donnent le mouuement aux vertus, & d’arriuer par leur moyen au lieu, où le mouue- ment perpetuel de l’ame & de la rai$on e$t dans le repos perpetuel, $uiuant ce beau mot de l’Egli$e, _in labore requies, in_ _a$tu temperies, in fletu $olatium; ô lux bea-_ _ti$sima reple cordis intima tuorum fidelium._

COROLLAIRE.

Si l’on pouuoit connoi$tre euidem- ment le re$$ort qui donne le mouue- ment perpetuelau coeur, & quile fait élargir & re$tre$$ir, ie ne doute nulle- ment que l’on arriueroit à vne grande connoi$$ance de la Diuinité, & que, l’on [00099]Que$tions Phy$iques, receuroit vn contentement tre$-parti- culier; ce qu’il faut e$tendre aux re$- $orts qui font mouuoir toutes les par- ties des plantes, & qui tran$portent la ro$ée & la pluye depuis le pied des ar- bres iu$ques au haut des brãches, pour les conuertir en moüelle, en bois, en e$- corce, en fibres, en fleurs, & en fruits. Car c’e$t vne cho$e capable de rauir tous les hommes, lors que l’on con$ide- re que le petit arti$an qui e$t dans cha- que plante, & dans ch@que animal, trã$porte la viande dans toutes les pat- tie, $ans aucuns engins, gruës, mouf. fles, & poulies, & qu’il l’arrange auec tant d’adre$$e dans chaque lieu, depuis le bout des pieds iu$ques au haut de la te$te, qu’elle ne peut plus e$tre di$tin- guée d’auec les parties du corps.

Certes, puis qu’il n’y a nulle indu$trie humaine qui pui$$e faire cela, ni qui pui$$e former de tels automates, il faut nece$$airement auoüer que l’arti$an qui trauaille à cet ouurage, e$t plus ex- cellent que tous les hommes, & que c’e$t à luy $eul qu’il appa<007>tient de faire des mouuemens perpetuels, de $orte qu’il n’y a rien de viuant qui ne nous [00100]& Mathematiques. mon$tre la pre$ence de Dieu, agi$$ant tou$iours en toutes cho$es, & quine nous exhorte à nous écrier auec le P$al- mi$te, _mirabilis facta e$t $oient<007>a tua ex me,_ _confortata e$t, & non potero adeam._

QVESTION XVI. La quadrature du cercle e$t-clle imp@$iblc?

CE$te que$tion e$t extremement difficile, car l’on trouue d’excel- lens Geometres quitiennent qu’il n’e$t pas po$$ible de trouuer vn quarré, dont la $urface $oit égale à celle du cercle, & d’autres qui tiennent le contraire: parce que les premiers croyent que l’on ne peut arriuer à @ette connoi$$ance, à rai$on quenous n’auons nuls principes qui y meinent, & que ce probleme ap- partenant aux lieux plans ne peut e$tre re$olu par le peu de connoi$$ance que nous ont lai$$é les anciens Geometres.

Mais lesautres con$iderants qu’ Ar- chimede a demon$tré la quadrature de la parabole, croyent que l’on peut au$$i trouuer celle du cercle, puis que la $ur- [00101]Que$tions Phy$iques, face de ladite parbole e$t au$$i bien enuironnée d’vne ligne courbe d’vn co$té, que le demy cercle. Or l’on de- mon$tre que le plan, ou l’aire de la pa- rabole e$t plus grande d’vn tiers, quele triangle, quia me$me hautcur & me$- me ba$e que ladite parabole. Ce qu’ Ar- ch<007>mcde a prouué par ce theoreme: _l’exiez par lequ@l le plus grand e$pacc $ur-_ _pa$$e le moindre pent @$tre multiplié, ou com-_ _posé tant de fois qu’il $urpa$$era toute autre_ _$orte d’e$pace donné_. Mais ie traiteray plus amplem\-et des vtilitez de cette $ection parabolique dans la 19. que$tion. Il $uffit maintenant de remarquer que le triangle, ou le quarré, que l’on dit luy e$tre égal, n’a pas $on circuit égal à ce- luy de la parabole, auquel on ne $çau- roit donner vne ligne droite égale, non plus qu’au cercle: de $orte qu’il faut en- tendre cette égalité des capacitez de leurs figurcs. Quant à la quadrature du cercle, nul n’a encore demon$tré qu’elle $oit po$$ible, ou impo$$ible; ce qui donne occa$ion à plu$ieurs de ne perdre pas l’e$perance de la pouuoir rencontrer.

Or les moyens qui ont $eruy à trou- [00102]& Mathematiques. uer celle de la parabole, ne peuu\-et $er- uir au cercle: & nuln’a trouué la qua- drature de l’hvperbole, & de l’cllip$e, de $orte quelecercle n’e$t pas $eul $ans quadrature, & l’on peut donner vne in- fin<007>té de lignes courbes, dontles capa- citez ne peuuent e$tre quarrées par les Geometres: quoy queie ne doute nul- lement que les Anges n’en $çachent le moyen.

COROLLAIRE I.

Il vaut beaucoup mieux $appliquer aux parties de la Geometrie, qui $ont vtiles, & dans le$quelles on peut de- mon$rer plu$ieurs excell\-es theoremes, qu’á ces quadratures; quoy que l’õ die que quelques- vns ont trouué des veri- tez tre$-excellentes en les cherchant, cõme il arriue que les Chym<007>$tes trou- u\-et de beaux $ecrets par hazard en cher chant la pierre Phy$ique. Or l’on peut voir plu$ieurs autres cho$es de la qua- drature du cercle, & de la proportion des polygones qui luy $ont in$crits, & circon$crits, dans le 6. chapitre du 4. liure de la Verité des $ciences, dansle [00103]Que$tions Phy$iques, Cyclometre de Snellius, & dans plu- $ieurs autres lieux.

COROLLAIRE II.

Encore que l’on eu$t trouué geome- triquemant la quadrature du cercle, neantmoins ellene $eroit pas plus iu$te, & ne $eruiroi@ pas dauantage que celle dont v$e mechaniquement, carl’on ap- proche $i prés de la iu$te$$e, qu’il nes’en faut pas la cent millic$me partie d’vne ligne que le quarréne $oit égalau cer- cle, encore que $on diametre $oit cent fois plus grand que celuy du Ciel des e$toiles. Or peut e$tre que la demon- $tration de la vraye quadrature $e peut trouuer par le moyen deslignes, & des $ections Coniques, puis qu’elles ont $erui à demon$trer la tri$ection de l’an- gle, & la duplication du Cube.

QVESTION XVII. Les Tali$mans, & les metaux, on les autres corps que l’on grane pour attirer les influences du Ciel, ont ils quelque ver<007>n particuliere?

AVant que de re$pondre à la diffi- culté, il faut remarquer que le [00104]& Mathematiques. mot _Tali$man_, $ignifie vne lame d’or, d’argent, de cuiure, de plomb, ou d’au- tre matiere, $ur laquellc on graue quel- que figure, ou image, $oit d’vn lion, d’vn taureau, d’vn $erpent, de lupiter, de Mars, ou de telle autre cho$e que l’on veut, $elon le dc$$ein que l on a, pourattirer les influ\-eces du Ciel, com- me $i la figure de Mars, on de Iupiter graué dans l’e$tain, ou dans lefer de- uoit attirer la vertu de ces denx planet- tes. Ce qui e$t $i ridiculo, & $i incpte qu’il n’y a plus que les vie<007>lles, & les trop credules qui ne s’cn moqucnt cõ- me d’vne pure fable: car outre que l’ex- perience fait voir que ces graueures & ces figures n’ont nulle force, ou aptitu- de pour determiner & pour attirer les vertus des A$tres, la rai$on y repugne entierement, qui me$me per$uade que les a$tres n’õt pas la force, n<007> les influen- ces qu’õ leur attribuë, car chaque a$tre n’a point d’autre force $ur nous que cel- le qu’il exerce auec $a lumicre, & $a chaleur; de $orte que $i l’on di$po- $oit autant de chandellcs autour de la terre, comme il y a d’e$toiles au Ciel, dont elle fu$t au$$i illuminéc, & [00105]Que$tions Phy$iques, échauffɔe, comme elle e$t par le$di- tes e$to<007>le@, nous $entirions les me$mes influences; & $iles chandelles lui$oient plus fort, leurs in fluences $eroient plus fortes que celles des e$toiles, qu’il ne faut pas $’<007>maginer auoir $eulem\-et e$té crées pour la terre, mais pour plu$icurs autres rai$ons que Dicu s´e$t re$eruées, & que nou@ connoi$trons au Ciel.

Il faut e$tre merueilleu$ement cre- dule pour $e per$uader que des figures écrites, peintes, ou grauées dans telle matiere que l’on voudra, & $ouz telle con$tellation que l’on choi$ira, ayent la pui$$ance de cha$$er les be$tes vene- neu$es $oit que les Hebreux, les Chal- deans, & les Grecs en ayent v$é ( com- me tiennent ceux quitirent la dict<007>on Tali$man du _T$elen_, ou de _Tt$at<007>man_ ou de _T$ilme@ia_ ou du _τι´λεπμα_, des Grecs, & qui di$ent que le Grec _ζαχεĩα,_ & le _Magne@._ Hebraïque $ignifient la me$me cho$e ) & que les anciens s’en $oient $eruis pour leurs D<007>eux Tutelaires, & pour mettreà ´a proüe de leurs nau<007>res, afin d’empe$cher la tempe$te, apres les auoir grauées, & dre$$ées $ouzle $igne des poi$$ons, ou que toutes les hi$toires [00106]& Mathematiques. que l’on en rapporte $oient fau$$es, car ceux qui ont experimenté la grande multitude des fau$$etez qui $ont dans les hi$toriens, qui parlent des pierres, des plantes, ou des autres cho$es natu- relles, ou artificielles, & me$me dans les écrits des Philo$ophes, qui ne de- uroient rien écrire que de bien a$$euré, ne doiuent pas $elai$$er $urprendre par les di$cours fabuleux que l’on lit de la force des caracteres, & des Tali$mans dans Albert, Cardan, Galeotus, Para- cel$e, Ficin, Crollius, & ailleurs.

Mais il n’e$t pas nece$$aire d’auertir les $çauãs de ces erreurs, puis qu’ils $ont a$$ez $ages pour ne cro@erien de tous ces contes, s’ils ni $ont forcez par l’ex- perience, qui nous découure tou$iours la fau$$eté de plu$ieurs cho$es, quoy qu’on les aye tenuës iu$ques à pre$ent pour tre$- veritables, & qui conuaincra perpetuellement que les Tali$mans n’ont nulle vertu, comme ie pourray mon$trer dans le Traité de la force de l’imagination.

COROLLAIRE.

Il y a de certaines per$onnes trop [00107]Que$tions Phy$iques, $crupulcu$es, comme il y en a de trop libertines, mais il faut que la rai$on é- clairée de la Foy diuine fa$$e reuenir les vns & les aut@es au milieu, dans le- quel con$i$te ordinaire ment la vertu. Or puis que l’on rencontre des Philo- $ophes, qui maintiennent la force des Tali$mans, dont nous venons de par- ler, & qui l’appuyent de rai$ons, & d’experiences, il n’y a nul doute qu’vn Philo$ophe Chre$t<007>en peut expre$$e- ment en faire les experiences, afin de dé$abu$er les $imples, qui croyent la plus grande partie de tout ce qu’<007>ls li- $ent dans les bure@, $ans pa$$erà l’exa- men que font les $çauans de tout ce qu’ils $oupçonnent de fau$$eté; & afin qu’il de$tru<007>$e les ob$eruations preten- duës ( qui <007>ont pri$es de quelques rela- tions hi$toriques, la plu$part fabulcu- $es ) par de veritables experiences, qui $oient $ans reproche, & qui guari$$ent la fo<007>ble$$e des e$prits trop credules.

Sil’on fa<007>t cela, ie m’a$$eure que l’on n’attribuëra plus de$ormais nulle vertu aux Tali$mans. & que leurs deffen$eurs co@ fe$$eront ingenuëment qu’ils n’en auoient pas fait l’examen. Ce qui $@ [00108]& Mathematiques. doit au$$i entendre de la Chiromantie, de l’A$trologie Iudiciaire, de la Geo- mantie, & de plu$ieurs autres badine- ries dont l’c$tude, & l’exercice e$t tout à fait indigne d @n honne$te homme.

QVESTION XVIII. Les Camaieux, o@Gamahez ont-ils quelque force, on quelque $igni$ication?

L’On appelle les Agathes, & les au- tres p<007>crres, $ur le$quelles il $e ren- contre naturellement des figures gra- uées, & en bo$$e, _Gamahé_, ou _Cama<007>eux_, $oit que les figures $oient colorées, ou $ans couleur; dont on vo<007>d plu$ieurs cxperiences en diuers lieux, comme dans la $ale des antiques du Louure, dans laquelle il y a vne pierre, où l’on void la peinture d’vn pigeon, & dans plu$ieurs marbres, qui ont des figures qui repre$entent en quelque façon des mai$ons, des villes, des images de la Vierge, ou de no$tre Seigneur, & c. I´ay dit _en quelque facon_, parce qu’elles $ont tou$iours $i defectueu$es, qu’il e$t be- [00109]Que$tions Phy$iques, $oin que l’imagination $upplée la plus grande partie des traits, & des linea- mens. A quoy l’on peut rapporter les differentes lettres Grecques, ou Lati- nes, & les mots de Mu$ique que l’on remarque $ur les coquilles de mer, & $ur les ai$les des papillons, les aigles qui $e trouuent $ur le plan des branches de fougere apres que l’on les a coup- pées, & les Soleils qui $ont $ur les pate- no$tres faites de guy de che$ne, & mil- le autres $ortes de figures qui $e r\-econ- trent dans les plantes, dãs les animaux, & dans les pierres, $uiuant les differents degrez de coction de leur matiere, & les differents atomes, dont elles $ont compo$ées. Ie lai$$e les differentes fi- gures que fonr les vapeurs, les fumées, & les nuës, parce qu’elles ne $ont pas fixes comme les autres, & qu’elles ont encore be$oin d’vne plus grande force del imagination: de là vient que l’on $e figure qua$i tout ce que l’on veut dãs les nuës, comme dans le $on des clo- ches.

Mais la principale difficulté qui $e rencontre dans les camaieux & dans toutes les figures precedentes, con$i$te [00110]& Mathematiques. à $çauoir $i elles ont quelque plus gran- de vertu que les caracteres, & le@ figu- res des _Tali$mans_, dont nous auons pat- lé: car encore que l’on p@$$e s’imagi- ner que la figure du Scorpiõ cmp@e@te par la nature $ur vne pietre, pu@$$e tirer le venin de la playe que le vray Scorp<007>õ a faite, afin qu’elic $e noutri$$e, & s’aug- mente tant qu’elle poutra, pour le changer dans la nature de l’animal qu’elle repre$ente, comme l’on tient qu’il e$t arriue à plu$ieurs figures de cra- paux, qui ont peu à peuengendré ces animaux, neantmoins cela e$t d’vne trop grande con$equence pour s’arre- $ter à cettc rai$on, & à ces phenomnes que l’on n’a pas encore a$$ez bien exa- minez: or l’on perd le temps à faire la recherche des rai$ons, & des cau$es d’v- ne cho$e, dont on n e$t pas a$$euré, & dont on n’a pas remarqué vne a$$ez grande multitudc de c<007>rcon$tances, car le m’a$$eure que nul de tous ceux qui s’efforçent de tronuer la rai$on de ces phenomenes, n’en a iamais fa<007>t l’e$$ay: & $i l’on examinoit tout ce que Crol- lius, & les autres Chym<007>$tes & Na- tural<007>$tes ont écrit des differentes $i- [00111]Que$tions Phy$iques, gnatures des plantes, & de leurs effets és maladies, ie ne doute nullement que de cent cho$es qu’ils auancent har- diment, l’on n’en trouueroit pas quatre de veritables.

COROLLAIRE I.

Pali$$y maintient que toutes les fi- gures des pierres, & des bois $e forment par la de$cente, & l’égout des eaux cõ- gelatiues, qui engendrent & nourri$- $erlt les poi$$ons dans la mer, les ani- maux, & les plantes dans la terre, qu’el- les conuertiroient toutes en pierre, $i elle nageoient dedãs, & que les pierres s’engendrent dans nos corps par la $eu- le vertu de cette cau, dont i’ay parlé plus amplement dans la 6. que$tion.

COROLLAIRE. II.

Les Peintres appellent _Camaieux_, les crayons qu’ils font d’vne $eule couleur $oit rouge, ou noire, &c. c’e$t ce que Pline appelle _Monochrome_, quoy que l’on y puif$e adjou$ter plu$ieurs cou- leurs di$tinctcs, pourueu qu’elles ne [00112]& Mathematiques. $oient pas me$lées, comme l’on fait aux figurcs des chartes, quine $ont point ombragées, car les ombres commen- cent à rendre la peinture plus excellen- te, quoy qu’elle manque encore des douces tran$itions, qui confondent tel- lement les coulcurs que l’on n’en peut reconnoi$tre la di$tinct<007>on. Surquoy Loys de Montioye remarque dans le traité qu’il a fait de la Pe<007>nture, que la di$putc qu’ A pelles eut auec Protoge- ne à Rhodes, $e doit entendre de cet addouci$$ement de couleurs, qui fait perdre in$en$iblement les vnes dans les autres, & non des $imples lignes, dont les plus habiles mai$tres ne fõt nul état, comme il prouue par l’authorité deMi- chel Ange Bonarot, Raphaël Vrbin, Saluiat, Polidore, de Parmes, & du Titian: quoy que l’on pu<007>$$e peut-e$tre mieux expliquer ce pa$$age du 5. cha- pitre du 35. liure de Pline, du traict, quï fait reconnoi$tre l’excellente main, & l’hcureu$e imagination des Peintres. Maisil <007>nerite d’e$tre leu, afin de con$i- derer la lumiere, la $plendeur, ou lc tõ, & ce qu’il appelle _l’ Armoge_ dans les ta- blcaux; car il veut que lc ton $oit la [00113]Que$tions Phy$iques, partie, où la couleur a plus de force, & qu il $oit cntre la lumiere ou le clair de la couleur, & entre l’ombre, & quel’ _Ar-_ _moge_ $erue pour pa$$er d’vne couleur à l’autre, comme le demy ton $ert pour pa$$er du ton graue à l’aigu: c’e$t ce qui re$pond aux nuances des Brodeurs, & des T’api$$iers.

QVESTION XIX. A quoy $eruent les $ections Coniques, & quel peut e$tre leur v$age?

L’V$age des $ections, & des lignes Coniques e$t $i general, & $i mer- ueilleux, qu’il e$t difficile que ceux qui n’\-e $çauent pas la nature & les proprie- tez, le croyent, comme il e$t ai$é de conclurre pat ce pet<007>t di$cours que ie commence par la con$ideration de la fection, ou de la ligne hyperbolique, dont vne ligne droite s’approche tou- $iours de plus en plus, $ans qu’elle pui$- $e iamais la rencontrer. Elle $ert au$$i pourfaire, & pour conduire des allées, des berceaux, & des galleries qui pa- [00114]& Mathematiques. roi$tront tou$iours d’égale largeur, en- core que l’œil $oit éloigné de c\-et lieuës, ou dauantage de leurs extremitez, ou des autres endroits, qui born\-et $a veuë, comme Aguilon demon$tre dans le 4. liure de $on optique, prop. 47. ce que l’on peut encore appliquer aux autres lignes des $ections coniques, qui $ont tre$-ai$ces à décrire par les differentes manieres queMon$ieur My dorge à dõ- nées dans $on 2. liure des Coniques. Cette ligne $ert encore pour les mi- roirs, car elle rama$$e dans $on foyer in- terieur tous les rayons de la lumiere, qui vont aboutir à $on foyer exterieur, comme la glace parabolique rama$$e tous les rayons qu’elle reçoit paralle- les, dans le $ien; & comme l’elliptique renuoie tous ceux qui partent de l’vn de $es foyers à l’autre.

Mais la ligne hyperbolique e$t enco- re plus admirable dans les lunettes, & dans la refraction, que dans les miroirs, & dans la reflexion, car elle fait dans les diafanes ce que fait la parabolique dans les opaques, puis qu’elle rama$$e dans vn $eul poinct, ou dans vn $eul fo- yer tous les rayons paralleles qu’ellc [00115]Que$tions Phy$iques, reçoit: c’e$t pourquoi les Lunettiers de- uroient faire les verres de leurs lunet- tes de longue veuë en formed‘hyper- bole conuexe, afin de multiplier la grã- deur apparente des obiets tant qu’ils voudroient, & de nous faire voir claire- ment tout ce qui e$t dansle Soleil, & dans les autres corps cele$tes.

Quant à l’v$age de cette ligne, &des 2 autres (à $çauoir de la parabolique, & de l’elliptique) dans la de$cription des lignes horaires, des horloges, & de la gnomonique, ou Scioterique, il e$t tre$- grand, & e$t au$$i agreable qu’il e$t nece$$aire, comme l’on peut voir dans les 3. l<007>ures qu’a fait Maurolic des hor- loges, & particulierement dans le 3. où il donne la maniere de les décrire, & vne partie de leurs proprietcz. Ie lai$$e plu$ieurs autres particularitez de ces lignes: par exemple, que l’on en peut v$er pour bru$ler iu$ques à l’in$iny, cõ- me i’ay remarqué ailleurs: qu’elles $er- uent pour expliquer la maniere dont $e fait la vi$ion, & dont le Soleil, & les autres a$tres agi$$ent auec leurs rayons, dautant qu’elles meritent vn liure cntier.

[00116]& Mathematiques. COROLLAIRE

L’on trouuera plu$ieurs proprietez de$d<007>res $ections Coniques dans le 16. chap. du 4. liure de la V erité des Scien- ces; dans le 6. chap. de la 2. partie de l’Impieté des Dei$tes, où neuf e$peces de miroirs $ont expliquées, & dans le 13. chap. de la 25. objection quefont les impies contte l’exi$tence de la Di- uinité, où les proprietez, & la fabrique des miroirs paraboliqucs $ont expli- quées: de $orte qu’il n’e$t pasicy nece$- $aire d’vn plus long di$cours. Et $i l’on veut $’in$truire plus amplement de ces lignes, & de tout ce qui leur apparti\-et, il faur lire l’Apollonius Pergæus, & les liures des $ect<007>õs Coniques de Mõ$ieur Mydorge, que tous les $çauans de- uroient prier de donner les 6. derniers liures qu’il a promis, a$in de joüir de ce chef-d’œuure, & de s’en $eruir en mille occa$ions.

[00117]Que$tions Phy$iques, QVESTION XX. A $çauoir $i l’on peut lire dans les a$tres par le moyen des miroirs, & $i l’on peut connoi$tre les cho$es futures dans les E$toiles?

QVelques-vns $e $ont imaginez que l’on pouuoit lire dans la Lune par le moyen de 2. ou plu$ieurs miroirs, dont l’vn porte les characteres ju$ques à cet a$tre, & l’autre les reçoit par la re- flexion de ladite Lune, & les renuoye à l’œil; Agrippa s’e$t vanré dans $es li- ures d’en $çauoir le $ecret, & plu$ieurs autres di$ent qu’on a fait $çauoir des nouuelles bien $ecretes par ce moyen, à ceux qui e$toient bien éloignez; mais s’ils parlent toutà bon, ils $e trompent lourdement, car encore que l’on peu$t enuoyer l’õbre, ou la lumiere des cha- racteres que l’on forme $ur les glaces des miroirs auec de la cireou du papier, & que la Lune fu$t vn corps $i poli, qu’elle peu$t renuoyer les me$mes cha- racteres ju$ques à terre, & $ur l’autre [00118]& Mathematiques. glace, les rayons de$dits characteres $eroient $i affoiblis, qu’il $eroit impo$- $ible de les apperceuoir. D’ailleurs, encore que l’on $uppo$a$t que la Lune fu$t ronde, plate, ou creu$e, l’on ne peut e$t ablir le lieu pour po$er le mitoir $i à propos, que la reflexion de la Lune $e face dedans? Mais il n’e$t pas nece$- $aire de m’e$t\-edreicy plus amplement, puis qu’il n’y à nul homme $çauant, & judicieux, quine $çache que cette ma- niere de communiquer les pen$ées au loin, n’e$t pas po$$ible. Si ces vanteurs $çauoient le $ecret, & la pui$$ance des diaphanes, ils eu$$ent plu$to$t dit que l’on eu$t peulire dans la Lune, $’il s’y r\-e- controit quelque écriture, quoy que l’on pui$$e s’imaginer des miroirs $i grands, & $i parfaits, qu’ils repre$ente- ront tout ce qui e$t dans les a$tres a$$ez di$tinctement pour e$tré apperccu de l’œil: mais l’execution n’e$t pas dans la pui$$ance des hommcs.

Or la que$tion ayant deux parties, il faut $atisfaire à la $econde, quiappar- tient à l’A$trologie, que quelques-vns croyent auoir e$ié pratiquée par les premiers Patriarches, qui ont veu, & [00119]Que$tions Phy$iques, leu, di$ent-<007>ls, les cho$es futures dãs les e$toiles: Surquoy ie dy premierement que nous n’auons nulle rai$on d’établir cette lecture, puis que Iacob l’vn des plus grands Patriarches, & amis dc Dieu, ny ceux de $on temps n’ont point leu dans les e$toiles, que la famine deu$t durer 7. ans, autrem\-etils eu$$ent fait vne $i bonne proui$ion qu’ils n’eu$- $ent pas e$té contraints d’enuoyer en Ægypte pour achepter dufroment.

Quant à ce qu’on rapporte que Lia nomma $on fils _Gad_, parce qu’il e$toit né $ouz Iupiter, que l’on appelle _bonne_ _fortune_, cela n’e$t pas $i cõ$tant que l’on en pui$$e tirer aucune conclu$ion pour l’écriture des e$toiles: & $i l’on fait re- flexion $ur les Cometes, & $ur les figu- res que l’on remar que dans le Ciel, ou dans les nuës, l’on aduoüera qu’elles ne figni$i\-et point les cho$es futures, ou que cette $ignificatiõ ne peut e$tre connuë par les hommes: de là vient qu’ils $e trompent qua$i tou$iours, quãdils pre- di$ent ce qui doit arriuer apres tous ces $ignes, Il faut dire la me$me cho$e des e$toiles, car encore que lesCieux $oient comparez à des liures, & à des voix, qui [00120]& Mathematiques. racontent la gloire de Dieu, & que l’on pui$$e s’imaginer que les lettres He- braïques, ou Atabe$ques $ont repre- $entées par les differentes di$po$itions des e$toiles, & des plan@ttes, neant- moinsil n’y a nul moyen de lire, ou de trouuer quellc a c$té l’intention de Dieu, lors qu’il les a ain$i di$po$ées; & con$e quemmentelles ne nous peuuent $eruir pour $çauoir les cho$es futures. A quoy l’õ peut adjou$ter que les e$toi- les e$tant tou$iours en me$me di@po$i- tion ne $ignifient qu’vne me$me cho$e, & partant que l’on ne pcut $çauoir $i ce qu’elles repre$entent e$t pa$$é, ou fu- tur.

Car encore que l’on pui$$e dire que lc changement des Planettes change les dictions, nous n’auons iamais veu d’hommes qui en pui$lent lire aucunes dans les cieux, & nous experimentons que les plus $çauans du monde $e mo- quent de cette lecture, comme d’vne fable: ce qui $uffit pour per$uader aux bons e$prits que tout ce que les Rabins, & les autres ont aduancé $ur cette ma- tiere, e$t $ans nul fondcment. Mais ie parle plus amplement de l’A $trologie [00121]Que$tions Phy$iques, dans vn autre lieu. Quant aux miroirs, l’on peut voir ce qui e$t dans le 13. chap. de la 25. objection, que i’ay de$ia cité dans leCorollaire prccedent, & en plu- $ieurs autres endroits, où i’en traite.

QVESTION XXI. La lumiere o$t-elle vi$ible, & di$tincte des couleurs ? il e$t au$si parlé des corps terrc$tres qui ont de la lumie- re en eux.

CEtte que$tion e$t difficile en $es deux patries. car encore que la lu- miere pour grande qu’elle pui$$e e$tre, ne $e voye point dans le foyer des mi- roirs ardens, qui bru$lent par reflexion, ou par refraction, iu$ques à ce que l’on y applique vn corps opaque, qui le face paro<007>$tre, neantmoins on la void quand elle e$t reflechie, lors que l’on regarde directement le Soleil. Or l’on peut di- re qu elle n’e$t pas vi$ible quand elle n’e$t pas rcceuë, ou terminée par vn corps brute, & opaque, comme l’on ex- perimente dans les endroits de l’air, où [00122]& Mathematiques. elle e$t $i forte qu’elle bru$le, car enco- re que toute la lumiere du Soleil, ou vne autre plus grande $e trouua$t dans le _focus_ d’vn miroir, il $eroit impo$$ible dela voir, $i l’on n’appliquoit quelque corps opaque quila peu$t reflechir iu$- ques à l’oeil. Mais il faut remarquer que ce corps opaque ne doit pas e$tre poli, parce que toute $orte de poli$$ure repre$ente $eulem\-et l@image du Soleil, particulierement $i elle e$t parfaicte, comme l’on experimente aux miroirs plats, le$quels e$tant expo$@z aux ravõs du Soleil, en repre$entent tellement l’image, que l’on n’apperçoit ny lumie- re, ny glace de miroir, de $orte que ceux qui ne $çauent pas $i l’on a e$tably ladite glace au lieu où elle e$t, croyent que c e$t le corps du Soleil.

D’où il e$t ai$é de conclurre que $i tous les corps opaques e$toient parfai- tement polis, que l’on ne verroit que la $eule image du Soleil en quelque l<007>eu que l’on peu$t regarder: de $orte qu’il n’y a que l’égalité des $urf@ces qui em- pe$che que cette image ne $e forme di- $tinctement, car elle e$t la $ource de la confu$ion, comme l’égalité l’e$t de la [00123]Que$tions Phy$iques, di$tinction, dautant qu’elle rompt, & di$$ipe tellement les rayons du Soleil, qu’ils n’ont pas a$$ez de force pour re- pre$enter leur orig<007>ne, quoy qu’ils n’a- yent point, ce $emble, d’autre de$$ein. Ce qui a fait p\-e$erà quelques- vns que la lumiere n’e$toit autre cho$e que l’i- mage du corps lumincux, & que les hommes ne paroi$troient qu’vne pure image de Dieu, s’ils n’apportoient nul- le @@$i$tance à $es faueurs, & s’ils refle- chi$$oient tous les ray ons de $es graces $ur leur prochain, & con$equemment qu’ils ne con$idereroient autre cho$e dans toutes les creatures, que la $eule image de Dieu.

Ie ne veux pas obmettre vne con$i- deration tre$-particuliere touchant les corps lumineux, qui con$i$te à remar- quer tous ceux qui ont de la lumiere en eux-me$mes, afin que l’on pui$$e mieux conjecturer quelle e$t $a nature, lors que l’on aura examiné tous les $u- jets, où elle $e rencontr@. Or nous ex- perimentons que les vers lui$ans, l’A- gar<007>c, le che$ne pourry, & plu$ieurs au- tres bois, & que le Haran, le Merlan, & plu$ieurs autres poi$$ons illuminent, [00124]& Mathematiques. auant qu’ils $oient cuits, & écaillez. Il arriue la me$me cho$e à la Raye cuite & boü<007>llie, qui luit $i fort que l’on peut qua$i lire à $a lumiere. A quoy l’õ peut ad@ou$ter l’eau de la mer, qui produ<007>t mille e$tincelles par $on mouuement. Et quelques. vns tiennent que le coeur entretient vne flamme perpetuelle dãs $es $eins, ou ventricules, tandis qu’il a de la vie, & du mouuement.

Quant aux couleurs, il e$t cein qu’elles ont quelque cho$e di$tinct de la lumiere, dont les rayons prennent la reinture des $urfaces differen@es, lors qu ils entrent dans leurs pores, & qu’ils en $ortent par differentes reflexions. Mais l on peut dire que ces $urfaces n@õt nulle couleur en $oy, & que les differ\-e- tes couleurs s eng\-edrent actuellement par les diuer$es refractions, & reflexiõs, qui $e font dãs les corps qui reçoiu\-et & qui renuoyent la lumiere : quoy qu’il $oit bi\-e difficile de determiner le nom- bre des rayons, ou la grandeur de la lu- miere, qui e$t nece$$aire pour faire pa- roi$tre le blanc, le rouge, ou les autres couleurs; & combien de fois vn me$me rayõ doit e$tre rompu, ou reflechy pour [00125]Que$tions Phy$iques, faire paroi$tre telle couleur que l’õvou- dra, car ce $ecret $upo$e vne $peculatiõ tre$ $ubtile, & tre$-exacte de la figure, & de la grandeur de chaque pore, qui $erencontre dans la $urface des corps, pui$que chaque pore e$t $emblable à vn petit miroir concaue, dont la glace a $a figure differente de celle des autres pores.

Or les pri$mes, ou triangles de chry- $t & les verres taillez en differentes manieres peuuent ayder à $urmonter cette difficulté, car leurs refractions, qui produi$ent le bleu, le vert, le @aune, & plu$ieu@@ autres couleurs, peuuent e$tre me$urées_:_ & l’on peut $çauoir cõ- bien il $e perd de lumiere par les diffe- rentes immer$ions du rayon dans les corps diafanes, encore qu’il $oit diffi- cile d’en faire l’application à la perte qui s’en fait par le moyen des pores de chaque corps opaque.

Ceux qui compo$ent tous les corps d’atomes de differ\-etes figures, peuuent rapporter les couleurs aux differentes reflexions, qui $e font par leur moyen, & dire que l’eau $e teint de couleur de rubi par l’or, & de couleur d’azur par [00126]& Mathematiques. l’argent, & de plu$ieurs autres $ortes de couleurs par les autres metaux & mi- neraux, & par les differ\-es $ucs des her- bes, à rai$on des differencs atomes de ces corps, qui $e me$lent parmy ladite eau, & qui font que $a $urface rompt & reflechit differemment les rayons qu’elle reçoit, & con$equemm\-et qu’el- le fait paroi$tre toutes les differentes couleurs que nous voyons. Mais il fau- droit determiner quelle figure doiuent auoir les atomes pour engendrer le blanc, le noir, &c. & comme ils doi- uent e$tre di$po$ez pour re$lechir, & pour rompre la lumiere en telle manie- re que l’on voudra.

COROLLAIRE.

L’on peut voir toutes les proprietez de la lumiere, qui $ont expliquées dans la 4. que$tion $ur la Gene$e, & dans le 2. liure de la Mu$ique. Mais il faut re- marquer que quand ie dis que la lumie- re e$t inui$ible dans le foyer des miroirs qui bru$lent, ou en tel autre lieu que l’õ voudra, que cela arriue parce qu’elle ne peut enuoyer de rayõs àl’oeil, car elle e$t [00127]Que$tions Phy$iques, $terile, de $a nature, n’ayant rien que ce qu’elle reçoit du corps lumineux, qui la fait reflechir à la rencontre des corps opaques, de $orte que $i l’oeil ne $e ren- contre vis à vis de la ligne droite du ra- yon direct, reflechy ou rompu, il ne peut rien voir; & toutes & quantes- fois qu’il s’y rencontre, il void le Soleil, ou les autres corps lumineux parfaite- ment, ou imparfaitement, $uiuant les $urfaces brutes, ou polies qui reflechi$- $ent, ou rompent les rayons. Car l’on peut dire que toutes les couleurs $ont les tableaux, & les images du Soleil, ou des autres corps lumineux: par exem- ple, de la flamme des chandelles, com- me i’ay dit dans cette que$tion. Or il y a plu$icurs autres difficultez dans la lumiere, dont il faudra traiter ailleurs: par exemple, comme elle peut $e rare- fier, & $e conden$er iu$ques à l’infiny; comment $on infinie pui$$ance, & ra- diation e$tant renfermée dans vne pe- tite chambre, ne la peut a$$ez éclairer pour y pouuoir lire, nonob$tant l’infi- nité de reflexions qu’elle y fait: pour- quoy la lumiere, ou la flamme d’vne chandelle paroi$t plus grande à propor- [00128]& Mathematiques. tion que l’on s’en éloigne dauantage: $i le feu que l’on void e$t different de la rarefraction de l’air, &c.

QVESTION XXII Quelles $ont les vertus occuites, & la $yin- pathie, & antipathie, & d’où elles viennent.

L’On appelle ordinairement les vertus occultes, celles dont on apperço@@ les effects, & dont on ne $çait pas la rai$on; par exemple, l’on dit que l’Aymant attire le fer par vne vertu occulte, mais l’on ne $çait pas pourquoy, ny comment $e fait cette at- traction: par où l’on void que les ver- tus occultes $e rapportent à leur effect, qui nous en$eigne qu’elles $ont, mais ils ne nous font pas connoi$tre quelles elles $ont. Quant à la $ympathie, & à l’antipathie, dont l’vne rend deux ou plu$ieurs cho$es amies, & l’autre enne- mies, elles procedent au$$i des quali- litez, que l’on appelle occultes; parce que l’on ne $çait pas l’origine des rap- [00129]Que$tions Phy$iques, ports, & des re$$emblances, qui $e ren- contrent entre les corps, & les e$prits. Or ces qualitez ne viennent pas de la di$po$ition des a$tres, puis qu’elles $ont differentes dans vn me$me climat, $ur lequel les me$mes a$tres ont vn me$- me a$pect, comme l’on remarque dans les plantes, dans les animaux, & dans les pierres de me$me e$pece, dont les qualitez $ont differentes, quoy que les a$tres les regardent e$gale- ment. C’e$t pourquoy il e$t plus rai- $onnable de dire qu’elles ont leur $our- ce dans le different mélange des ele- mens, ou des atomes, dont les corps $ont compo$ez, ou dans la quantité du fel, du $ouffre, & du mercure, qui$ont les principes $en$ibles des corps. Mais il faut remarquer que ces qualitez $ont $eulement occultes aux ignorans, car les doctes qui $cauent l’origine des actions, que le vulgaire nomme _$ympa_- _thie_, ou _antipathie_, n’v$ent point de ces termes, & mon$trent que ce qu’on ap- pelle _occulte_, leur e$t euident: & s’il y a des qualitez qu’ils ne connoi$$ent pas, ils auouënt librement leur ignorance en cela. de $orte que l’on peut conclure [00130]& Mathematiques. que tous les hommes $ont fort ignorãs, puis qu ils $ont contraints d’auoüer que plu$ieurs qualitez leurs $ont occultes, & qu ils ont be$oin de la $ympathie pour couurir leur défaur. Car encore que les Chymi$tes e$$ayent à per$uader qu’ils $çauent la rai$on de tous les effets de la nature, neantmoins $i on les pre$- $e, & qu’on leur demande pourquoy tel $el, $ouffre, ou mercure a vne telle vertu, & dequoy il e$t compo$é: pour- quoy la fecondité de la $em\-ece dépend plu$to$t de l’vn des principes que d’vn autre: qui a contraint les principes à $e me$ler auec les excremens des corps, qu’ils appellent, _Caput mortuum_, & mil- le autres cho$es $emblables, l’on trouue qu’ils ne $çauent rien, & l’on e$t con- traint d’auoüer que l’homme n’e$t pas capable de $çauoir la raisõ d’autre cho- $e que de ce qu’il peut faire, ny d’autres $ciences, que de celles, dont il fait luy- me$me les principes, comme l’on peut demon$trer en con$iderant les Mathe- matiques.

[00131]Que$tions Phy$iques, QVESTION XXIII. D’où vient le grand contentement que l’on reçoit, lors que l’on croit auoir trouué quelque nouuelle demon$tration, ou verité?

L’On peut con$iderer deux cho$es en cette que$tion, à $çauoir pour- quoy nous $entons des tran$ports d’vn contentement extraordinaire, au me$- me temps que nous auons trouué quel- que verité, & pourquoy ce contente- ment $e pa$$e tout au$$i to$t, de $orte qu’il $emble que l’on a beaucoup plus de contentem\-et en cerchant la verité qu’apres que l’on la trouuée. Quant à la premiere partie, il e$t ai$é d’y $atisfai- re, à rai$on que l’aqui$ition des perfe- ctions augmente en quelque maniere no$tre e$tre, car puis que la connoi$$an- ce de la verité e$t le plus bel ornement de l’e$prit, & qu’elle luy donne comme vne $econde vie, il e$t certain qu’elle e$t la plus grande de $es perfections: de là vient que la felicité des Saincts con- [00132]& Mathematiques. $i$te dans la parfaite connoi$$ance de Dieu. D’où il e$t ai$é de conclure qu’il n’y a nul threfor, dont la joüi$$ance pui$$e donner autant de $atisfaction comme fait la po$$e$$ion d’vne verité, lors qu’elle récontre l e$prit d’vn hom- me qui pri$e dauantage l’honne$teteé quelegain. Car chaque veritérepre- $ente la beatitude, dont elle e$t vne participartion, & vn rayon, ou vneima- ge; & parce que nous cherchons tous la felicité, comme no$tre derniere fin, & quetoute $orte de connoi$lance, & de demon$tration $emble en e$tre vne partie, nous receuons vn particulier contentem\-et dans la po$$e$$ion de cha- que connoi$$ance, lequel a cou$tume d’e$tre d’autant plus grand, que la ve- rité que nous auons acqui$e, e$t plus rare, plus excellente, & plus releuée.

Mais l’autre partie me $emble plus difficile, à $çauoir pourquoy l’on a plus de feu, & d’ardeur à la recherche de la verité, que l’on ne reçoit de plai$ir de l’auoir trouuée : quoy qu’il $oit nece$- $aire de $çauoir $i cela e$tveritable, auãt que d’\-e rechercher laraisõ, carpuis que l’on n’entteprend point le trauail, que [00133]Que$tions Phy$iques, pourarriuer au but que l’õs’e$t propo$é, il $emble que le plai$ir que l’on a d’e$tre arriué à ce que l’on de$iroit, doit e$tre beaucoup plus grãd que celuy que l’on $ent dans le trauail: quoy que l’on pui$- $e dire qu’il a quelque $orte de plai$ir actuel, qui ne $e rencontre pas dans la po$$e$$ion, à cau$e du mouuement qui l’accompagne, & qui appartient à la vie actuelle, au lieu que la joüi$$ancere$- $emble à l’habitude, & au repos, qui e$t pre$que ins\-e$ible. Et puis l’õ de$ire tou- $iours pa$$er outre, de $orte que les ve- ritez acqui$es ne $eruent que de degrez pour arriuer à d’aurtes: c’e$t pourquoy l’on n’en tient non plus de conte, qu’vn homme auare des thre$ors qu’il a dans $es coffres, carl’homme croid que tout luy appartient, & que tout a e$té fait pour luy: d’où il arriue qua$i tout ce que nous con$iderons dans $es actions, & d’où l’on peut tirer des nouuelles rai- $onspour la Morale.

[00134]& Mathematiques. QVESTION XXIV. pourquoy le chri$tal, le verre, le talc, la cor- ne, & plu$ieurs autres corps $ont-ils diaphanes, ou tran$parens?

CE$te difficulté e$t l’vne des plus grandes de toute la Philo$ophie, car quelques rai$ons que l’on apporte pour la per$picuité, ou la tran$parence des corps diafanes, ou pour l’opacité des autres, il n’y en a point qui $atisfa$- $ent entierem\-et: puis qu’il y a plu$ieurs corps, dans le$quels l’eau & l’air pre- dominent dauantage que dans le chry- $tal, & dans les autres diaphanes qui $ont opaques : c’e$t pourquoy l’on ne peut, ce $emble, re$pondre que la tran$- parence des corps vient de l’abondan- ce de l’eau, ou de l’air. Quant à la re- ctitude des pores, que l’on s’imagine e$tre vis à vis les vns des autres lors que la lumiere les penetre, il s’en$ui- uroit que ces corps $eroient percez de part en part, & qu’ils auroient autant de trous, qu’il y a derayons qui pa$$ent [00135]Que$tions Phy$iques, à trauers; ce quin’a nulle apparence de verité. Et certes la matiere, & les qualitez des corps diaphanes, $ont $i differentes, qu’elles nous empe$chent de trouuer vn principe vniforme de leur tran$par\-ece, car $i elle venoit d’v- ne parfaire mixtion, ou d’vne me$me nature des parties, il $emble que l’or deuroit e$tre le plus diaphane de tous les corps: & $i elle v enoit de l’eau, la glace $eroit plus diaphane que le chry- $tal: finalement $i elle venoit de l’air, les cho$es qui $ont plus rares, & plus le- geres, $eroient plus tran$par\-etes, ce qui e$t contraire à l’experience, car la pier- re ponce, le liege, & plu$ieurs autres corps fort legers $ont opaques; & le talc, quoy que rama$$é, & terre$tre, e$t diaphane; de $orte qu’il $emble que la dureté, la molle$$e, la pe$anteur, la le- gereté, la froideur, la chaleur, & toutes les autres qualitez $ont compatibles auec la tran$parence, & l’opacité; & que nous n’auons nul moyen de $çauoir le vray principe de l’vne, ny de l’autre; dont il ne faur pas s’e$tonner, puis que la me$me cho$e arriue qua$i tou$iours, lors que nous e$$ayons à trouuer la rai- [00136]& Mathematiques. $on primitiue, & originaire des Pheno- menes de la nature, dautant que nous n’e$tions pas, quand l’on a po$é $es fon- demens, & que $es effets ne nous mei- nent pas a$$ez euidemment à la $ource pour nous conuaincre, & pour nous contraindre de nous y arre$ter par la force d’vne parfaite demon$tration.

QVESTIONXXV. Le froid e$t-il $eulement vne priuation de la chaieur, ou vn e$tre po$itif? ce que l’on peut e$tendrc à la lumicre, à l’o, nbre, & à plu$ieurs autres cho$es.

L’On peut faire la me$me que$tion de l’ombre à l‘égard de la lum<007>ere, & de la $eichere$$e comparée à l’humi- dité, car il $emble que le froid n’e$t rieu autre cho$e que la priuation de la cha- leur, comme l’ombre e$t la priuation de la lumiere; car $i to$t que la chalcur manque, le froid $uccede, qui accom- pagne le re$tre$$i$$ement, & la con- den$ation des corps, qui auoient e$té rarefiez par la chaleur. Or eõmel om- [00137]Que$tions Phy$iques, bre n’e$t pas vne entiere priuation de la lumiere, mais $eulement d’vne plus grande lumiere, puis qu’elle e$t di$tin- cte des tenebres, qui cha$$ent toute $or- te de lumiere, le froid n’e$t pas au$$i pour l’ordinaire vne priuation de toute $orte de chaleur, car il n’y a peut-e$tre nul corps au monde qui n’en ayt quel- que degré. Mais parce que l’on ne $çait pas encore quelle e$t la nature de la chaleur, il e$t difficile d’expliquer com- me arr<007>ue le froid, qui depend particu- lierement des vents du Septentrion: $urquoy l’on peut voir le traité que V erulamius a fait des v\-ets. De là vient que l’ob$curité de la nature, & l’igno- rance des rai$ons veritables lai$$ent la liberté de $’imaginer que la lumiere, la chaleur, & les $ons, ou les mouuem\-es peuuent au$$i bien e$tre appellez priua- tions des tenebres, du froid, & du $ilen- ce, ou du repos, comme le $ilence, le froid, & l’ombre, ou les tenebres $ont appellées priuations du $on, du chaud, & de la lumiere. Cat $i la chaleur $e de- finit, ou $e connoi$t par la rarefactiõ, & par d’autres effets réels, la me$me cho- $e arriue au froid, lequel on cõnoi$t pat [00138]& Mathematiques. la cõden$ation, & par $es autres effets: & l’œil, ou l’ore<007>lle ne nous mon$trent pas mieux l’e$s\-ece de la lumiere, & des $ons, que celle de l’ombre, & du $ilence. Neantmoins ie ne veux pas icy faire le panegyrique de l’ombre, comme a fait Vouuerius dans $on iour d’E$té, ou dans $on _p &gnion_, auquel il e$t ai$é d’ajou$ter plu$ieurs cho$es : quoy qu’il $uffi$e de lire cet excellent Autheur, pour com- prendre la grande vtilité, & la nece$$i- té des ombres, puis que c’e$t d’elles que dep\-edent la Gnomonique, & l’vne des principales parties de la Per$pectiue, de l’Architecture, & de la Geode$ie.

Or encore que nous ne $çachions pas la nature de la lumiere, & que l’on ne pui$$e demon$trer qu’elle e$t plus po$i- tiue, que l’ombre, ou les tenebres, par- ce que l’on n’a pas de rai$on a$$ez eui- dente pour ioindre les deux extremi- tez qui doiuent entrer dans la demon- $tration, neantmoins nous $entons dans nous-me$mes quelque $orte de con- trainte, qui nous fait croire que la cha- leur, & la lumiere $ont des e$tres po$i- tifs, & que leurs contraires meritent le nom de priuation. L’on peut dire la [00139]Que$tions Phy$iques, me$me cho$e de l’humidiré, àl’égard de la $eicherc$$e, qui $uit nece$$airement dans les corps, dont on o$te l’humidité, & medirer ce qui $e peut dire de l’e$tre comparé au neant, qui a e$té mis par quelques Philo$ophes pour le principe de toutes cho$es, au contraire de ceux qui ont tenu que nulle cho$e ne $e peut faire de rien, _@x nihilo nibil_: ce qui peut e$tre veritable en vn $ens, parce que chaque crcature e$t tirée de l’e$tre en pu<007>$$ance, qui n’e$t pas vn rien, ou vn neant $i ab$olu, que le non e$tre, qui n’a pas me$me la pui$$ance d’e$tre, c’e$t à dire qui n’enferme nulle po$$ibilité, & qui n’a nul ordre, ou rapport à la pui$- $ance de Dieu.

QVESTION XXVI. Des inuentions & des $ecrets que l’on re- cherche, ou que l’on de$ire dauantage dans les arts, & dans les $ciences.

L’On $çait que les Chymi$tes re- cherchent, & de$irent particulie- ment la pierre Phy$ique, & la poudre, [00140]& Mathematiques. qui aille $ur le blanc, ou $ur le rouge, pour conuertir le mercure, le plomb, & les autres metaux en or, ou en argent, & que pour ce $ujet ils e$$ayent à tirer le mercure du plomb pour le fixer, & l’e$prit, ou la teinture de l’or, dont vne goute pui$$e penetrer & teindre vne grande quantité de vif argent, quoy qu’ils y perdent tout le temps qu’ils y employent. Les T’einturiers chcrchent la pourpre des anciens, qu ils appellent $ouuent _Murex, & conchylium,_ comme l’on peut voir dãs les notes de Salmuth $ur Pancirolle; & les Vitriers e$$ayent de trouuer vn rouge tran$par\-er, & vne maniere de teindre le verre en couleur de Rubi par le moyen de la poudre, ou de l’e$prit de l’or. Ceux qui trauaillent à la Mechanique, cherchent le mou- uement perpetuel dans l’eau, dans les roüës, & dans toutes $ortes de re$$orts, & la maniere de cheminer $ur l’eau $ans enfoncer, & de voler en l’air. A quoy l’on peut adiou$ter les Ingenieurs, qui de$irent vne place $i bi\-e fortifiée qu’el- le $oit imprenable, comme e$t celle, que propo$e Bernard Pali$$y dans le li- ure qu’il a fait $ur ce $uiet; & les Archi- [00141]Que$tions Phy$iques, tectes, qui n’ont pas encore trouué, ou prouué par rai$on, quel doit e$tre le ba- $timent, dans lequel l’on ne pui$$e rien adjou$ter, ni quãt à la bcauté, ni quant à l’vtilité.

Ceux qui font le verre de $alicor, & des autres matieres, de$irent r\-econtrer la maieabilité, quoi qu’elle ait cou$té la vie à ceux qui l’auoi\-et trouuée, $i les hi- $toires ne nous trompcnt: finalement il n’y a nul art qui n’ait $es preten$ions, qui $urpa$$ent tou$iours l’indu$trie des hommes, comme il e$t ay$é de mõ$trer par vne longue induction, que ie lai$$e à ceux qui la voudront faire.

Quant aux $ciences, elles ne $ont pas plus parfaites que les arts, car l’on n’a encore peu demon$trer $i la quadratu- re du cercle e$t impo$$ible, ou $i elle peut e$tre trouuée: & il y a mille pro- blemes qui concement la quantite cõ- tinuë, & la di$crete, dont plu$ieurs Mathematiciens recherchent en vain la $olution, parce qu’ils nc $çauent pas le chemin qu’il y faut tenir. Nul Mu- $icien n’a encore trouué la maniere de produire les effets dont $e vantent les Grecs, & nul Catoptricien ou Miroüet- [00142]&Mathematiques. tier n’a fait de miroirs qui ayent l’effet de ceux d’Archimede, ou de Proclus. Les Dioptriciens, ou Lunettiers n’ont peu rencontrer de lunettes à longue veuë, quifa$$ent voir les traits du vi$a- $e de 7. ou 8. lieuës, & qui $eruent à lire, ou à voir ce quie$t $ur la Lune, ou $ur les auttes a$tres, encore que la $ci\-e- ce leur en$eigne que l’õ peut repre$en ter vn ciron au$$i gros qu’vne mai$on, & vne mai$on au$li petite qu’vn ciron. Ceux qui de$irent $çauoir ce que les ancicns ont eu dauantage que nous dãs les arts, & ce que l’on a ttouué de nou- ueau dans nos derniers $iecles, peuuent lire Pancirolle, quia fait deux volumes $ur ce $ujet.

QVESTION XXVII. Combien la pierre d’ Aymant a-clle de proprictcz?

ENcore que nous ne pui$$ions $ça- uoir toutes les proprietez des corps naturels, parce que nous ne $çauons pas le principe, & la $ource d’où elles deri- [00143]Que$tions Phy$iques, uent, ny toutes les differentes rencon- tres qui modifient, & qui empe$chent, ou aydent leurs effects, neantmoins il e$t ay$é de remarquer tous les pheno- menes , qui nous paroi$$ent dans les corps differens, comme iefais icy dans la pierre d’Aymant, qui peut e$tre con- $iderée à l’égard du Ciel, vers lequel elle $e tourne, ou du fer qu’elle attire. Quant à l’égard du Ciel, toutes $es par- ties en regardent vn certain point, ce qui dépend de $a conuer$ion vers le po- le Arctique , car lors qu’on fait nager cette pierre $ur l’eau par le moyen du liege, ou en quelqu’autre maniere, elle tourne l’vn de $es co$tez vers le Septen- trion _:_ mais il e$t difficile de $çauoir $i ce co$té de la pierre e$t Meridional , ou Septentrional, d’autant qu’il faut frot- ter le bout des aiguilles du co$té qu’el- le tourne vers le Midy , pour les faire tourner vers le Septentrion, car f’il e$t frotté du co$té de la pierre , qui va vers le Sept\-etrion, il ira vers le Midy. Mais elle ne tourne pas tou$iours l’vn de ces co$tez iu$tement vers le Pole, car elle decline tanto$t vers l Orient, & d’au- tresfois vers l’Occident, $elon qu’il y @ [00144]& Mathematiques. vneplus grande ma$$e de terre, ou plus ou moins de mer d’vn co$té, ou d’au- tre. Ce qui arriue $emblablement aux aiguilles qui en $ont touchées, & qui deuiennent plus pe$antes que deuant d’vn grain, ou enuiron, $elon la bonté de la pierre, quiles touche, $oit que $es e$prits corporels s’in$inuënt dans les pores des aiguilles, ou qu’elle leur don- ne vne vertu particuliere de de$cendre en bas.

Or quand on les veuttoucher, il faut choi$ir la ligne de la pierre, qui va du Midy au Septentrion, & la conduire $elon cette ligne par de$$us l’aiguille, ju$ques à ce que l’on $oit au bout, $ur lequelil faut demeurer vn peu de t\-eps, afin que la pierre luy communique vne plus grande vertu _:_ car encore queles bonnes pierres la communiquent à l’a- cier, & au fer $ans les toucher, neant- moins il e$t meilleur de les toucher, comme j’ay dit.

Quant à la traction du fer, elle en ti- re d’autant plus pe$ant qu’elle e$t meil- leure, comme i’ay experimenté auec vne, qui leue 2. fois au$$i pe$ant de fer comme elle e$t, encore qu’elle ne $oit [00145]Que$tions Phy$iques, pas armée: & l’on en rencontre quile- uent 8. ou io. fois au$$i pe$ant comme elles $ont. Quand elles $ont armées, ou accõpagnées de 2. petits morceaux d’aciér par leurs 2. poles, elles deuien- nent cent fois plus fortes qu’elles n’e- $toient deuant : ce qui e$t $i veritable quei’en ay veu qui ne pcuuent qua$i le- uer vne petite aiguille e$tãt de$armées, encore qu’elles leuent plus d’vne liure de fer, $i to$t qu’elles $ont armées : où l’on doit remarquer que la pierre, & le fer n’ayant nulle force d’attirer d’autre fer, conçoiuent cette force parla con- jonction de l’vn auec l’autre, commeil arriue à la matiere, & à la forme. L’vn des plus gentils effets de cette pierre $e void lors qu’elle enleue deux ou 3. pi- roüettes, que l’on fait tourner $ur vne table, car elle les tient en l’air, tandis qu’elles continuënt leur mouuement, qui dure 5. ou 6. fois dauantage qu’il n’eu$t fait $ur la table : & $i l’on en fait tourner vne autre à rebours, elle la leue encore, & l’entretient dans ce mouue- ment contraire à celuy de la premiere: & finalement $i on luy pre$ente vn@ troi$ie$me piroüette immobile, elle la [00146]& Mathematiques. leue au$$i, & la fait tourner comme la piroüette, à l’e$$ieu de laquelle elle s’at- tache _:_ mais cette derniere piroüette continuë $on mouuement long temps apres que celle dont elle l’a reçeu, a fini le $ien _:_ ce qui e$t a$$ez merueilleux. le @ai$$e plu$ieurs particularitez de cet- te pierre _:_ par exemple, queie fer qu’el- le aura touché en la menant d’A à B. perd $a vertu d’attraction, $i to$t que l’on remeine l’A ymãt de B de à A _;_ que $i ce fer A B e$t leué perpendiculairement, de $orte que B $oit en haut, & A en bas, qu’èn condui$ant l’éguille d’A à B, elle $eretourne $ito$t qu’elle arriue vers le milieu C, & plu$ieurs autres, dontie ne veux pas parler iu$ques à ce que i’aye verifié les experiences de Gilbert, & de Cabeus, & que i’en aye remarqué de nouuelles.

QVESTION XXVIII. Peut-on prouuer, ou confirmer les my$teres de la Religion Chre$tienne par les opera- tions, & les principes de l’ Alchymie?

PLu$ieurs $e $ont efforcez de confir- mer les my$teres de la Rcligion [00147]Que$tions Phy$iques, Chre$tienne par les operations, & par les principes de l’Alchymie, dont ils $e $ont $eruis pour tirer des comparai$ons, qui $ont meilleures, à leur aduis, pour faire comprendre les articles de la Foy, que celles dont S. Chry $o $tome & les autres Peres de l’Egli$e ont v$é pour le me$me $ujet. De là vient qu’ils ont dit que le $el , ou lemercure de la nature, qui demeure tou$iours incorruptible, & qui con$erue, & nourrit tous les in- diuidus corporels, repre$ente Dieu _;_ & que $a chaleur naturelle, qui engendre l humide radical, e$t la figure du Pere, quiengendre le Fils _;_ & finalement que le $ec vnit l’vn & l’autre, comme le S. E$prit vnit le Pere & le Fils: de $orte qu’ils croyent que ce$te premiere ma- tiere contient beaucoup de proprietez de la Trinité : ce qu’ils confirment par le nom du$el, que les Hebreux appel. lent _Mclach_, qui vant 78. lequel diui$é par 3. donne le nombre 26. quie$t $a- cré, à rai$on qu’il e$t $ignifié par le nom Tetragramme _Iehoua_.

A qu@y ils adjou$tent que l’e$prit du monde, qui de$cend du premier mobi- le par le Firmament, & par les Planet- [00148]& Mathematiques. tes, dont il attire la vertu, vient s’incor- porer auec la ma$$e terre$tre, qu’il pur- ge de $es imperfections en endurant la mort, & en deuenant apres plus clair, & plus glorieux pour engendrer d’autres indiuidus plus excellens, & pour pur- ger l’ordure des metaux imparfaicts, afin de les conuertir en vn or tre$-pur, comme le Fils de Dieu de$cend dans les entrailles de la Vierge, pour mourir pour nous, & pour re$u$citer plus glo- rieux , afin de nous transformer par le diuin aliment de l’Euchari$tie, & de nous rendre $emblables à luy. Ie lai$$e ce qu’ils di$ent des operations de leur laboratoire, pour prouuer les 7. Sacre- mens, la re$urrection des morts, & plu- $ieuts autres cho$es, d’autãt que ie n’e- $time pas que ces comparai$ons pui$- $ent apporter plus de clarté à nos my- $teres, que les comparai$ons ordinaires, que l’on prend de la lumiere des a$tres, & de la proprieté des Elemens, & des mixtes. Et puis j‘ay experimenté que plu$ieurs Chymi$tes $e perdent telle- ment dans ces caprices, qu’au licu de demeurer dans la $eule comparai$on, ils s’imaginent que leur $ec, leur chaud, [00149]Que$tions Phy$iques, & leur humide, c’e$t à dire le $el, le $oul- fre, & le Mercure, doiuent principale- ment e$tre entendus par le my$tere de la Trinité, & que leur agent vniuer$el dégagé des impuretez tant $pecifiques, qu indiuiduelles e$t Dieu _:_ que lesim- puretez $ont les e$prits malins _;_ & que les fêces, ou le _Capnt mortuum._ $ont l’en- fer: de $orte qu’ils ont voulu donner vn $ens naturel à l’E$criture $aincte, com- meont fait K unrath dans $on Amphi- teatre, Flud dans tous $es liures, & plu- $ieurs autres, comme $i le $eul vray $ens de l’E$criture ne $e deuoit entendre que de la poudre, ou de la pierre Phy$i- que, ce qu’ils di$ent, & e$$ayent auec vneimpieté d’autant plus grande qu’ils la cachent auec plus d’accorti$e, & d’a- dre$le $ouz le voile de la pieté. C’e$t pourquoy il faut y prendre garde, & $uiure en ce $u@et la c\-e$ure que les Do- cteurs de Sorbonne ont fait des œuures dudit Kunrath, & croire que la Reli- gion Chre$tienne n’a pas affaire de la Chymie pour $a confirmation, ou pour $a deffence, & qu’elle luy nui$t plus en la bouche de ceux qui cherch\-et le $ens alchymi$te dans les paroles de Dieu, [00150]& Mathematiques. dans le liu@e de Thomas à Kempis de l’Imitation de Ie$us-Chri$t, ou me$me dans les lïures Sacrez , qu’elle ne luy $ert, comme l’on aduoüera librement, quand on l’aura experimenté.

Ie ne veux pas neantmoins condam- ner tous les Chymi$tes, qui comparent le Bapte$me à la calcination, & à la lo- tion, d@nt ils v$ent pour épurer les mix- tes : ni ceux qui trouuent de la re$$em- blance entre la Confirmation & la fixa- tion _;_ entre l’Euchari$tie, & la pierre Phy$ique : entre la Penitence, la cal- cination, la putrefaction, & la di$$olu- tion _;_ entre l’Extreme Onctiõ, & l’hui- le de vie, par le moyen de laquelle ils di$ent que les metaux imparfaits $e cõ- uerti$lent en or, comme ils prouuent par le clou du cabinet de Flor\-ece, qu’ils di$ent e$tre moitié fer & moitié or : en- tre les Ordres $acrez, & l’huile me$lé auec les cendres du $el tre$-parfaict, qu’ils appellent le _$auon des $ages_; & fi- nalement entre le mariage, & le $oulfre metallique rouge, & blanc, d’ oùils ti- rent leur Elixir Arabique : parce que ie ne doute nullem\-et qu’il n’y en ait quel- ques-vns quile font à bonne intention, [00151]Que$tions Phy$iques, & qui ne prennent les operations Chy- miques que pour de $imples comparai- $ons, & des ombres de nos my $teres.

Mais il n’y a pas grande apparence des’@maginer que l’on les pui$$e prou- uer, ou per$uader par cette voye, atten- du qu’il y a plu$ieurs Caluini$tes, Lu- theriens, Iuifs, Turcs, Arabes, &c. qui $çauent au$$i bien la Chymie que les Catholiques, quoy qu’ils ne vueillent pas embra$$er les 7. Sacremens, ny les autres my$teres de no$tre Foy.

Or il faudroit examiner $i Dieu a tel- lement compo$é la nature@ des corps, que leur di$$olution, & tout ce qu’ils peuuent faire, ou endurer, repre$ente tout ce qui appartient à la Religion Chre$tienne _:_ car il n’y a nul doute qu’il l’a peu faire _;_ mais il n y a pas moyen de connoi$tre s’il l’a fait, s’il ne le reuele, parce que nous ne $çauõs pas la manie- re qu’il a tenuë à la compo$ition. & à l’arrengement des parties du monde, & de chaque indiuidu.

[00152]& Mathematiques. COROLLAIRE. De la Cen$ure de la Sorbonne, contre le liure de Kunrath.

I’ay creu que ceux qui re$pectent la Sacrée Faculté de la Sorbonne $eront bien ay$es decon$iderer le iugement, & la cen$ure qu’elle a fait de l’Amphi- teatre de Henri Kunrath, & que l’on connoi$tra par cet aduis en quoy pe$- chentles liures de Chymie, c’e$tpour- quoy ie le metsicy.

La Sacrée Faculté de la Theologie de Paris, à tous les Cathθliques.

PVi$que l’Apo$tre nous enjoint d’é- prouuer toutes cho$es, & derete- nir ce qui e$t bon, ayant apperceu que depuis quelques mois les Catholiqucs ont vn certain liurc tre$-pcrnicieux en- tre les mains, dans lequel il y a premie- rement quelques figures, & puis plu- $ieurs explicatiõs de diuers paflàges de la $aincte E$criture di$po$ées par $ept [00153]Que$tions Phy$iques, degrez, & finalement quelques corol- laires, & dont le tiltrce$t, _l’ Amphil. @@re_ _Chri$tianocabali$t<007>que Dinincmog que,_ _Phy$ico chymique, Tertriun-c, de_ _la $age$$e eternelle $@ule veriteble, par Honri_ _Kunrath de Lip$e, ama<007>cur $idille de la Thco-_ _$opbie, & Doctenrd: l’vne, & l’artre Mc-_ _decine:_ La $u$dite Faculté de Theologie ayantleu exacte ment, & examiné le li- ure entier par quelques Docteurs qu’el- le a $pecialement deputcz pource $u- iet, a iugé que les explications e$tant pri$es à la lettre, & tous les corollaires pris cõmeils $ont, auecle liure me$me, doiuent e$tre condamnés, particuliere- ment parce qu’e$tant remply d’impie- tez, d’erreurs, & d’here$ies, & d’vne perpetuelle profanation $acrilege des pa$$ages de la $aincte E$criture, il abu$e des plus $aints my $teres de la Religion Catholique, & conduitles lecteurs aux arts deffendus, & abominables. C’e$t pourquoy elle aiugé qu’vn liure $i con- tagieux ne peut e$treleu, ny expo$é en public $ans perte de la Foy, de la Reli- gion, & de la pieté.

Fait à Paris dans no$trc a$$emblée ge- neralle, celebrée $olemnellement au [00154]& Mathematiques. College de Sorbonne, l’an de no$tre Seigneur 1625. le I. iour de Mars.

Parle commandement de Mon$ieur le Doyen, & des Mai$tres de ladite Sa- crée Faculté de la Theologie de Paris. Ph. Bouuot.

QVESTION XXIX. Puis qu’ile$t certain que le Soleil a beaucoup de taches, ou de macules, & de facu- les, qu’en peut-on inferer?

ILn’e$t pas be$oin de prouuer qu’ily a plu$ieurs macules dans le Soleil, puis qu’ily a peu de per$onmes $tudieu- $es qui ne les ay\-et ob$eruées, ce$t pour- quoy i’explique $eulement icy leurs proprietez, & l’vtilité que l’on en peut tirer, $uiuant la $peculation de Schei- ner, quia remarqué dans la 580. page de $on Soleil, que $on diametteluy a $ouuent paru de 51. d’où il infere qu’il e$t éloigné de la terre de 87. de$es dia- metres: & d’autrefois il a veu $on dia- metre de 55’. à $cauoir le 19. du mois d’Octobre de l’an 1626. & de 56’. l’an [00155]Que$tions Phy$iques, $uiuantle 23. de Septembre. Oril e$t certain queles macules, quiparoi$$ent dans le So’leil, $ont d’autant plus gran- des, qu’il paroi$t plus grand, & qu’il e$t plus éloigné de nous. Mais a$in de $ça- uoir leur grandeur a$$ez preci$ément, il faut $uppo$er que le rayon, ou le de- midiametre de la terree$t de 860. lieuës d’Allemagne, dont chacune e$t com- po$ée de 4000. pas Geometriques, & con$equemment que $on circu<007>t e$t de 5403 {2152/4000} licuës, c’e$t à dire que le tour dela terre a 21614152. pas Geometri- ques & sõ demidi@metre 3440000, Et puis il faut $upo$er que le demidiame- tre du Soleil a 4602 {16119/4000} l<007>eues, & $a cir- conference 28920 {362/4000} Cecy e$tant po- $é: il a remarqué plu$ieurs macules, dõt les vnes $ont $i grandes que leur diame- tre e$tau demidiametre du Soleil, com- me 1. à 10. ou à 7. & con$equemment elles ont 660. licuës de grandeur. Ily en a d’autres qui $u@pa$$ent la grandeur de l Europe, ou de l’ Afrique, encore que l’on $uppo$e $eulem\-et la grandeur, & l’éloignement que Tycho donne au Sol@<007>l, &quele, Jiamotre de la terre $oit à celuy du Sole<007>l, comme 1. à 12. ou à 13.

[00156]& Mathematiques.

Il en remarque d’autres qui $ont plus grandes que laterre, car ellesont 2410. lieuës en diametre, mais elles $e font de plu$ieurs petites macules, qui s’ama$$ent peu à peu en$emble, de $or- te que le Soleil e$t tou$iours me$lé de tenebres; d’où il conclud que l Eclyp- $e du Soleil, qui arriua à la Pa$$ion de no$tre Seigneur, $e fi$t par l’entremi$e d’vne grande quantitè de ces macules, puis que la Lune ne peut nous larendre vniuer$elle comme elle fut. Or ces macules paroi$$ent $ouuent 13. iours ou enuiron dans le Soleil, & con$equem- ment font leur tour en 26. ou 27. iours, plus ou moins: mais elles ne font nul parallaxe, d’où l’on conclud qu’elles le touchent & parce qu’elles $’cuanoüi$- $ent, & di$paroi$$ent $ouuent dans le milieu du Soleil, il e$t difficilo de iuger quelle e$t leur matiere, $i l’on ne dit qu’elles $ont des nuës, qui $’éleuent du corps du Soleil, comme celles de la ter- re, car elles vont quelquesfois en $e gro$$i$$ant, & d’autresfois en $e dimi- nuant depuis l’vn des bords du Soleil iu$ques à l’autre; & d’ob$cures elles de- uiennent claires cõme des $lambeaux, [00157]Que$tions Phy$iques, apres qu’elles $e $ont terminées en fu- mée. car le Soleil e$t comme vn grand bra$ier, qui les en$lamme, $i to$t qu’el- les $ont a$$ez rarefiées. Mais il fautre- marquer que les facules, ou flambeaux du Soleil $e conuerti$$ent au$$i bien en macules, que les macules en facules & que les vnes $uccedentaux autres, ou qu’elles $e me$lent $ouuent en$emble: & finalement qu’elles commencent tou$iours à l’horizon de l’Orient du So- leil, & fini$$ent à l’horizõ de l’Occid\-et.

L’on peut encore dire que ces macu- les $e tournent quelquefois en Come- tes, & que la Comete de l’an 1618. & les autres e$toient des macules $orties du Solcil: quoy que toutes ces ob$er- uations ne prcuuent pas a$$ez euidem- ment que le Soleil $oit corruptible, & qu’il reçoiue des alterations, comme la terre, & particulierement comme le mont V e$uue, pour obliger les hõmes à embra$$er cette opinion, car Claude Berigard maintient que l’on peutenco- re retenir l’incorruptibilité, & me$me la $olidité des cieux, dans le liure qu’il a fait contre les Dialogues de Gali- lee du mouuement de la terre.

[00158]& Mathematiques. COROLLAIRE.

Ile$tay$é de verifier les ob$eruations & les experiences des macules du So- leil, parce que Malaperta dõné les ob- $eruations qu’il en a faites depuis l’an 1618. ju$ques à 1627. dans le liure qu’il int<007>tule _Heliocycl<007>a_, en me$me temps que Scheiner a donné les $iennes dans $a R o$e V r$ine, car celuy-cy les a ob$er- uées à Ingol$tad, & à Rome, & celuy- la à Arras, où il m’a fait voir $es in$tru- mens, & la maniere dont il a ob$erué les macules.

QVESTION XXX. Quelle vtilité peut-on tirer des lunettes de longue veuë pour les $ciences, & pour la v<007>e?

IL faut premierem\-et remarquer que les lunettes $ont faites de verre, ou de chry$tal, & qu’elles gro$$i$$ent, ou diminuent les objects; elles les gro$$i$- $ent, quand les verres $ont conuexes [00159]Que$tions Phy$iques, d’vn co$té, & plats de l’autre, ou qu’ils $ont conuexes des deux co$tez: mais elles les diminuënt, lors que les verres $ont creux ou concaues d’vn, ou deux co$tez. Or auant que de parler des lu- nettes de longue veuë, dont on rappor- te l’inuencion à Galilée, ou aux Hol- landois, ou à quelques autres plus an- ciens, il faut remarquer en $econd lieu que les verres creux $eruent à ceux qui ont la veuë courte, d’autant que leur humeur chry $tallin fait la portion d’v- ne $i petite Sphere, qu’il r’acourcit trop le cone des rayons vi$uels, de $orte qu’il ne peut arriuer iu$ques à la retine, qui en doit e$tre pcinte di$tinctement pour nous faire voir.

Et parce que ce racourci$$ement de la pointe du cone e$t plus grand, quand il vient des objects éloignez, il faut ap- pliquer le verre concaue à l’œil, a$in d’allonger ladite pointe, iu$ques à ce qu’elle arriue di$tinctement à la retine: quoy que l’on n’en ayt pas be$oin, lors que les objects sõt proches, parce qu’ils font la pointe du cone a$$ez longue.

Mais il faut autant de differentcs lu- nettes creu$es, comme il $e rencontre [00160]& Mathematiques. de differents cõuexes dans les humeurs chry$talins, & de differens éloignem\-es de$dits chry$talins iu$ques au fond de la retine: & l’on experimente tou$iours que la differente concauité, ou conue- xité des verres a des effets differens, tãt pour l’œil que pour la lumiere_:_ c’e$t pourquoy chacun peutiuger de la figu- re de l’humeur chry$talin qu’il a dans l’vn, ou l’autre œil, dans le$quels il e$t le plus $ouuent different, de là vient $ouuent que l’on void mieux d’vn œil, que de l’autre.

En troi$ie$me lieu, il faut dire toutle contraire de ceux qui ont leur chry$ta- lin $i plat, ou $i peu courbe, ou fait d’v- ne $i grande portion de $phere, qu’il al- longe trop le cone de la pyramide ra- dieu$e, car ils doiuent v$er de verres d’autant plus conuexes, qu’ils ont ledit chry $talin moins conuexe.

Cecy e$tant po$é, ie dis que les lunet- tes de lõgue veuë $ont compo$ees d’vn verre conuexe, que l’on met au bout du tuyau, qui regarde l’object, & d’vn concane, que l’on applique à l’œil, & qu’elles gro$$i$$ent d’autant plus l’ob- ject que la portion du conuexe e$t pri$e [00161]Que$tions Phy$iques, $ur vne plus grande $phere, & celle du concaue $ur vne moindre. Delà vicnt qu’il faut faire les tuyaux d’autant plus longs que le$dits conuexes approchent dauantage d’vn plan droit, & d’autant plus courte, que la pottion de lcurs ver- res conuexes e$t pri$e d’vne moindre $phere.

Or ces lunettes $eruent premierem\-et pour connoi$tre ce qui e$t, ou ce qui$e fait à vne, ou deux lieuës, d’où l’on e$t, quand elles $ont bõnes, & con$equem- ment elles peuuent $uppléer le chemin qu’il faudroit faire pour $çauoir la me$- me cho$e, & aydent à éu@ter vneinfi- nité de dangers, & de mauuai$es ren- contres: mais il faut d’autant plus ac- courcir les lunettes, que l’on a la veuë plus courte: delà vi\-et qu’elles ont qua$i aurant de differents points comme il y a de differens chry$talins.

En deuxie$me lieu, elles $eruent pour remarquer plu$ieurs cho$es dans les a$tres, que l’on ne peut voir $ans leur ayde, comme l’on experimente aux Inacules du Soleil, donti’ay parlé dans la que$tion precedente, car quand on applique les lunettes au trou que l’on [00162]& Mathematiques. fait dans la fene$tre d’vne chambre, quin’a nulle lumiere d’ailleuts, & que l’on éloigne vne charte blãche du ver- re concaue, iu$ques à ce que l’on voye di$tinctement la repre$entation, ou l’i- mage du Soleil $ur ladite charte, l’õ re- marqueav$ément la multitude, la figu- re, & la grandeur des macules, qui $ont quelquefois en grand nombre, & d’au- trefois il y en a peu, ouil n’en paroi$t point du tout.

Troi$iémement, elles mon$trent que lc Soleil e$t plus proche de la terre à l’Hyuer, qu’à l’E$té, car la me$me lu- nette fait paroi$tre $on image beau- coup plus grande dans le $igne du Ca- pricorne, que dans celuy del Ecreui$- $e, delà vient qu’il faut vn peu $acour- cirà l’E$té, car elle doit e$tre plus lon- gue pour voir di$tinctementles obiects qui $ont plus proches, & plus courte quand ils $ont plus éloignez: d’oùil ar- riue que l’on doit plus éloigner la char- te de la lunette à l´Hyuer, qu’à l’E$té, pour voir également ce que l’on veut remarquer. Finalement elles $eruen@ pour remarquer le Croi$sãt, le decours, & les autres apparences de V enus, qu<007> [00163]Que$tions phy$iques, imite toutes les figures de la Lune; pour découurir plu$ieurs nouuelles E$toiles, que l’on ne peut apperceuoir auec les yeux, pour en remarquer les diametres, & pour plu$ieurs autres cho. $es, qui meritent vn traité particulier, $ans lequel on ne peut expliquer a$$cz clairement tous les differents effets des. lunettes compo$ées de deux ou plu- $ieurs conuexes, & concaues, quiren- dentles rayons paralleles, & concur- rents, & qu’ils écartent quandils con- current, ou qu’ils $ont patalleles, com. me il arriue aux miroirs.

QVESTION XXXI. Peut-on trouuer en France de la matiere pour entretenir le feu, & pour $e chauffer $ans v$er de bois? & peut-on faire du $alpe- $tre par arti$ice?

IL e$t certain que l’on v$e de mottes, ou de gazõs de terre enHollãde, que l’on appelle tourbes, & de la _Hθüille_ au pays du Liege, pour faire du feu, & pour $e chauffer: cette _Hoüille_ e$t vne [00164]& Mathematiques. e$pece de charbon de terre que l’on ti- re des mines tre$-profondes, & quie$t $emblable à l’écume du fer. Or l’on a vnegrande quantité de terres en Fran- ce, qui$ont propres à bru$ler, & qui $ont proches des riuieres; qui peuuent e$tre trauaillées depuis le commence- ment d’Apuril ju$ques à la $ainct Mar- tin. Etelles peuuent $uppléer aux fo- re$ts, dent la couppe, & la degradation apporte de grandes pertes, comme a mon$tré le $ieur de Lamberuille, qui donneles moy\-es de $e $eruir des Aby$- mes, Croullieres, & Mollieres, qui viennent des Tourbieres, dans $es di$- cours Politiques. Certainements’il y a a$$ez de cette terre propre à bru$ler, & à chauffer toutes $ortes de fourneaux, $ur les rui$$eaux, & les petites riuieres, qui de$cendent dans les grandes riuie- res de France, & $i elle e$t plus propro quele bois à faire cuire tout ce que l’on veut, il faudroit re$eruer le bois pour ba$tir, & pour meubler les mai$ons, & pour tous les autres v$ages de la Me- chanique; or il maintient qu’il yen 2 a$$ez proche d’Aultre, Canche, Thare, Therin, Nounete, Ai$e, Leyt, & Lyane, [00165]Que$tions Phy$iques, qui de$cendent dans la Somme, & pro. che des riuieres & rui$$eaux qui en- trent dans la Seine, à $çauoir, Aube, Aubete, Or$e, Creu$e, Legnes, Ar$e, Lozain, Voire, Amane, Au$on, Lui- $tre, Bar$an, Ardu$$on, Sorme, Doruin, Yonne, Senin, Arman$on, Serain, Cu- re, Cou$in, O$erain, Loze, Sault, Vil- lenoce, Lamboye, Vannes, Loin, du Biez, Durtan, la Iuyne, Yrre, Loet, Orge, Remande, Yuete, Marne, Sui- ze, Vennory, Sault, Roignon, Blai$e, Ourc, Morin, Bieure, Crou$t, Oy$e Somme, Aine, Vele, Bione, Tourbe, Valie, Ardilie, Nore, Epte, Vegre, Blai$e, Hadre, Iton, Andele, Olne, Oudon, Eure, Drome, Vire, la Done, Ardre, Burd, Yue, Rille, Somme.

Ie veux encore mettre les rui$$eaux qui de$cendent dans la Loire, dans le Ro$ne, dans la Garonne, & dans la Charante, afin que l’on admire la dili- gence de cet Autheur.

Dans la Loire, Colence, Dolizon, Borne, Cheneualet, Ve$i$$e, An$e, Li- gnon, De, Argent, Or, E$cu, I$able, Vs, Coy$e, Donzi, Verne$an, Neiron- de, Soruin, Renai$on, Recon$e, Aroux, [00166]& Mathematiques. Alier, Alamon, Sumare, Thieure, la Iordane, la Sole, Drogne, Bedac, Do- re, Chi$$on, Iolare, Vrile, Oeuf, Loiret, Cire, le Brãle, le Cher, Auuron, Theol. Yeure, Naon, le Sauldre, petite Saul- dre, Po$o, Indre, E$chandron, Indrois, la Diue, Theoret, le Thon, Briaude, Bu$$e, Laution, le Layon, Oudon, Se. nure, le Latan, Litome, Mayene, Vo- lon, Satte, la Vigne, Aigre, Aurule, Eidre, Huyne, Beuuron, Cu$$on, Vie- ne, Creu$e, la Crau$e, petite Crau$e, la Gartampe, Vincon, la Ba$ile, la Vi- gnane, Taurion, Aurance, Brance, Goere, le Clan, la Vone, la Cloere, Mo<007>$lan, Thoe, Tyrõ, Mu$$uue, Braye, Ardre, la Vilaine, Aou$t, Blauet, Oder, Rance, Minete, Coe$non, les Conies.

Dans le Ro$ne, Ain, Saune, Vencel- le, la Tylle, Be$ne, Ou$che, Su$on, Na- uigenne, Therin, Bur$ure, le Doux, Grone, Pianete, Mourgon, A$ergue, Saene, le Garon, Giers, la Gere, Bar, Salize, Clomar, Furan, le Dorbe, la Canée, Cani$e, Dome, Li$ere, Ayre, Grye, Drac, Die, Acha$$e, la Ru$$e, la Durance, Ozon, Charny.

Dans la Garonne, Bai$e, Ciron, La- [00167]Que$tions phy$iques, rod, Ladour, le Luis, le Gaue, Ourth, Oleron, le Nes, O$$eau, A$pe, le Vert, Haum, Vidoux, Bidou$e, le Nine, le Salar, la Cre$te, la Riege, le Gers, Hi- cis, Salat, Aigue la Vaul, la Sane, le Tarn, Ta$con, la Drot, Dordoigne, Gironde, la Somme, Leyre, Lers, le Lot, Li$le, la Drone, Agou$t, Dauey- ron, la Lous, la Douce, Mydon, le Nibe.

Dansla Charante, la Peru$e, Argent, Or, Son, Sonnete, la Bõnuyre, la Tar- doere, les Gaues, de Rancogne, le Gaue, Churet, Toulure, Anguyene, la Noere, la Boeme, le Ne, Suyne, Che$boulonne, Indre, Gironde, la Se- pure, Aultize, la Vandeze.

Ce qui pcut $eruir à ceux qui pren- dront la peine de cheminer au long de ces riuieres, pour $çauoir le nom des rui$$eaux quel’on rencontre, & pour éprouuer s’il $e trouue des Tourbes propres à faire dufeu dans tous ces en- droits.

Le $ieur Guillain a au$$i propo$é la maniere de faire tant de $alpe$tre que l’on voudra, par le moyen de l’vrine, & des auttes excremens des cheuaux, & [00168]& Mathematiques. dela cendre qui a de$ia $eruià la le$$iue; d’où l’on peut tirer plu$ieurs vtilitez, tant pout la poudre à canon, que pour faire de l’eau $alpe$trée, qui ne gele ia- mais, encore qu’elle rafraichi$$e dauã- tage quela glace, & pourtirer plu$ieurs medecines qui $e peuuent faire de $a fleur, qui ne vaut plus rien, quandle$el en e$t o$té. Or cette fleur $ert à faire vcgeter la terre, & à l’engrai$$er, & cõ- ucrtit le ciment envne $emblable fleur. A quoy il adjou$te quelaro$ée deMay, & de Septembre engendre du poi$$on dans l’eau morte, $il’on prend des ga- zons couuerts d’herbe, & remplis de ro$ée, & que l’on les mette $ur des ba- $tons, ou des clayes, l’herbe en bas, car la ro$ée quitombera dans l’eau engen- drera des poi$$ons, dont l’experience e$t $i ay$ée à faire aux lieux où l’on a de l’eau morte, qu’il vaut mieux la faire, que d’\-erechercher la rai$on auant que d on $çauoir la verité.

COROLLAIRE

L’on trouuera plu$ieurs cho$es excel- lentes de l’eau, & du$el, qui$eruent à [00169]Que$tions phy$iques, la generation des poi$$ons, & detoutes les autres cho$es dans les traitez que Pali$$y en a faits, car ils $ont pleins de rares experiences.

QVESTION XXXII Sile $el engrai$$e la terre, pourquoy les on- ciens ont-ils fait paroi$tre la malcdiction qu’il luy donnoient en $emant du $elde$- $us pour la rendre $terile?

L’Experience de la marne, & dufu- mier fait voir que leur $el engrai$- $ela terre, & qu´ils $onr inutiles à cet effet, lors qu’ils en $ont dépoüillez, cõ- me en$eigne Pali$$y dans $on traité de la marne, & du fumier, qu’il appelle le thre$or des champs. Or la matne e$t vne terre argilleu$e, qui$e tourne $ou- uent en pierrespropres à e$tre calcinees & en craye: elle $ert 10. ou trcnte ans à engrai$$er la terre, lors qu’elle a e$té di$$oute par ia pluye, qui tire l’eau de la marne, qu’iiappelle congelatiue, gene- ratiue, & cinquie$me Element, quine s’éuapore pas comme l’eau commune, [00170]& Mathematiques. qui luy $ert de vehicule; elle engen- dre au$$i les écailles des poi$$ons, les os, les pierres, & tout ce qui e$t dur dans les plantes, & dans les animaux. C’e$t elle qui congele les liqueurs, & qui $e di$$out, quandla pluye tombe de$$us la marne, pour engrai$$er la terre: ce qui arriueroit à toute $ortes de pierres, $ila pluye les pouuoit di$$oudre pour en porter le cinquie$me Element aux ra- cines des plantes.

L’on peut au$$i v$er de l’argille au lieu de la marne pout engrai$$er les terres, comme les foulons en v$ent pour de- gre$$er leurs draps: finalement le $el de toutes $ortes de plantes a cou$tume de rendre la terre plus feconde, de $or- te qu’il faut, ce $emble, re$pondre à la difficulté du $el qu’ Abimelec fei$t jet- ter dans Sichen, & que plu$ieurs ont fait ietter en d’autres endroits de la ter- re, qu’ils ont voulu rendre $terile, que le $el commun e$t trop cau$tique, & bru$lant, & con$equemment qu’il con- $omme l’humide radical, le $el naturel, ou la partie oleagineu$e de la terre, qui contribuë dauantage aux generations des indiuidus que les auttes parties.

[00171]Que$tions phy$iques,

Or ceux qui croyent que la dureté des corps vient du $el, ou de l’eau con- gelatiue, qui e$t dans l´eau commune, di$ent que le fer, ou l’acier que l’on tr\-e- pe dans les forges pour l’endurcir, tire le $el des liqueurs, dans le$quelles on let rempe, & que c’e$t pour ce $uiet que l’on me$le du verre broyé, du vinaigre, du $el, &c. parmi l’eau de la trempe, & nient que la marne, & l’argille $oient oleagineu$es, d’autãt qu’elles $ont $eu- lement pateu$es, comme la farine mé- lée auec de l’eau. Mais quoy que l’on pui$$e s’imaginer pour expliquer la ma- niere dont $e fait la generation des in- diuidus par le moy\-e de la marne, & des autres cho$es qui engrai$$ent la terre. il e$t fort difficile d’en expliquer les actions, & les circon$tances particulie- res: & la plus grande difficulté demeu- re tou$iours, à $çauoir ce quirend cct cau plus cõgelatiue que les autres par- ties qui s’exalent; d’où vient l’acrimo- nic, & la fecondité du $el, puis qu’il $e peutencore re$oudre en d’autres par-. ties, & en d’autres principes, $i cc n’e$t que l’on die que les premiers principes que Dieu fei$t au commencement du [00172]& Mathematiques. monde ayent e$té le $el, le $oulphre & le mercure, & que ces trois pieces de chaque compo$é ne pui$lent e$tre diui- $ées, oureíoluës en d’autres principes: ce que les Peripateticiens n’auoüeront pas, puis qu’ils re$oluent toutes les cho- $es corporelles en forme & en matiere, dont l’vne, & l’autre e$tinui$ible, & in- diui$ible, puis que la vi$ibilité vient de la couleur, ou de la lumiere, & la diui- $ibilité de la quantité, qui ne $ont pas nece$$aire à l’e$$ence de ladite forme, ou de la matiere.

COROLLAIRE.

Le $el peut rendre la terre $terile, par- ce qu’il empe$che les corruptions or- dinaires, qui $e font dans $a $urface, car la generation n’ariue pas $ans la cor- ruption: Mais le di$cours des $els meri- te vn traité particulier, puis qu’il y a autant de di$$erence de $els, qu’il y a de differ\-etes e$peces de mixtes: ce que l’on peut au$$i dire des differents $oml- phres, & mercures.

[00173]Que$tions Phy$iques, QVESTION XXXIII. A quoy $eruent les rai$ons, & les propor- <007>ions de la Geometrie? où l’on void la quadrature de la Parabole.

CEux qui $e contentent de $çauoir le nom, & la $igni$ication des rai- $ons, & des proportions, ne croyent pas que l’on en pui$$e tirer de grandes vtili- tez, c’e$t pourquoy ils les negligent- mais s’ils con$iderent que la plus excel- l\-ete partie de la Logique d’Ati$tote dé- pend de ces rai$ons, & que l’on ne $çau- roit ent\-edre ou expliquer aucune cho- $e parfaictement $ans leur aide, comme il e$t ay$é de prouuer par toutes les par- ties de la Philo$ophie, ils quitteron@ leur opinion. Or encore que la diui- $ion, & la compo$ition des rai$ons, & que les differentes analogies, ou pro- portions $eruent plus $onuent à la Geo- metrie, qu’aux autres parties de la Phy- $ique, elles $ont neãtmoins tre$-nece$- $aires pour cntendre la proportion des mouuemens naturels, & des violens, [00174]& Mathematiques. commeie mon$treray dans vn di$cours particulier, dans lequel i’expliqueray la propottion des vi$te$$es de la picrre, ou des auttes corps qui de$c\-edent vers le centre de la terre, $oit dans l’air, ou dans l’eau.

Elles $erucnt au$$i pour la per$pecti- ue, & pour toutes les parties de l’Opti- que: & ceux qui $uiuent l’égalité des tons, & des demitons dans la Mu$ique, $ont contraints de trouuer 11. lignes moyennes proportionnelles entre les 2. qui font l’octaue, dont i’explique l’inuention dans le traité du Luth, & dans celuy du diapa$on des Orgues. Fi- nalement les Mechaniques ne peuuent e$tre entenduës $ans les rai$ons, & les proportiõs, dont i’ay traité fort ample- ment dans vn @@uie entier: Mais il faut $çauoir le 5. liure des Elemens d Eucli- de pour les entendre en per$ection. I’a- jou$te $eulementicy l’vtilité de ces rai- $ons, qu’Archimede a demon$trées en quarrant la parabole, dont l’vne e$t que $i l’on décrit vne ligne perpendiculaire à la ba$e de la $ection parabolique, par le milicu de ladite ba$e, & vne autre pat le milieu du re$te de la ba$e, c’e$t à dire [00175]Que$tions Phy$iques, par le quart de la ba$e, iu$ques à la $e- ctiõ, la plus grande ligne e$t $e$quitier- ce de la moindre, par la 19. propo$ition: La 2. vtilité $e prend du triangle in$crit dans ladite $ection, (qu’il appelle por- tion compri$e $ouz vne ligne droite, & $ouz la $ection d’vn conerectangle) qui a la me$me ba$e, & la me$me hauteur que ladite $ection, lequel e$t octuple des 2. triangles, qui $ont in$cripts dans les 2. petites portions de la $ection qu’il lai$$e à $es 2. co$tez: Et chacun de $es triangles e$t octuple des 2. autres, que l’on décrit dans les 2. petites portions qu’ils lai$$ent à leurs co$tez: ce qui arri- ue à tous les autres petits triangles que l’on peut décrire dans les petites por- tiõs, quire$tent tou$iours ju$ques à l’in- $ini, comme il demon$tre dans la 21. propo$ition. La 3. vtilité e$t, que ledit triangle dècrit dans la $ection parabo- lique e$t $ouz$e$quitierce de ladite $e- ction, par la 24. prop. & que $i l’on pr\-ed tant de grandeurs que l’on voudra, qui $e $uiuent en rai$on quadruple, qu’e$tãt adjou$tées auec le tiers de la moindre, elles $ont $e$quitierces de la plus grãde, cõme l’on void dans ces 4 nõbres 3. 12. [00176]& Mathematiques. 48. 192. car l’vnité, qui e$t le tiers de 3. adjou$tée à la $omme de ces 4. nõbres, fait 256. qui e$t $e$quitierce de 192. L’õ trouue qua$i la me$me cho$e dans le tiers du quart, car $i on les adiou$te en- $emble, ils font le tiers du total; par ex\-eple, l’vnité qui e$t le tiers du quart de 12. c’e$t à dire de 3. adiou$tee à 3. fait 4. quie$t {1/3} de 12. ce qui peut $eruir aux Mu$iciens pour l’interualle, oula rai- $on du Diate$$aron, qu’ils appellent la Quarte, car cette rai$on, & ce tiers ont $erui à Archimede pour la quadrature de la parabole, laquelle il a trouuée en $uppo$ant que l’õ peut tellem\-et adiou- $ter, ou cõpo$er l’e$pace, dont le plus grãd $urpa$$e le moindre, qu’il $era plus grand que tout autre e$pace dõné, dont les autres Geometres plus anci\-es qu’ Ar- chimede ont $emblablement v$é pour demon$trer que tous les cercles $ont en rai$on doublée, & les $pheres en rai$on triplée de leurs diametres: que toutes les pyramides $ont le tiers du pri$me, quia la me$me ba$e, & la me$me hau- teur: & que tout cone e$t le tiers du cy- lindre, qui a me$me ba$e, & me$me hauteur.

[00177]Que$tions Phy$iques, QVESTION XXXIV. Quelles ra<007>$ons a-t’on pour prouuer, & pour per$uader le mouucment de laterre, autour de $on axc, dans l’e$pace de vingt-quatre heures?

LA premiere rai$on dõt on v$e pour prouuer que la terre $e meut, & qu’elle fait chaque @our $on tour en- tier, $e prend de ce qu’il n’y a nulle ap- parcnce que toute la grande machine de l’vniuers $e remuë, & que le $irma- m\-et, ou les e$toiles facent chaque iout 6000. licuës, ce qui $emble incompre- hen$ible: au lieu que $i la terre $e meut, elle fait $eulem\-et 7200. lieuës pariour, c‘e$t à dire 14000. mo<007>ns que les e$toi- les. 2. L’ordre de la nature $emble mieux e$tabli $i les moindres corps $e meuuent plus vi$te, & les plus grands plus lentement: par exemple, $i <016> fait $on tour en 30. ans, ♃ en 12. ♂ en 2. @ en 9. mois, ☿ en 80. iours, la @ en vn mois, la premiere cõpagne de ♃ en 24. heur. la 2. en 3. iours & {1/2}: la 3. en7. iours, [00178]& Mathematiques. & la 4. en 16. iourscõme remarque Gali- lée, & $inalem\-et la terre dãs vn iour, ou dãs vn an, de $orte que les e$toile@, & le Soleil demeurent immobiles $i l’on ex- cepte le mouuement du Soleil, qui $e fait dans 27. iours ou enuiron, $ur $on axe d’Occident en Orient, & celuy des e$toiles pour expliquer la prece$$iõ des équinoxes. 3. Pui$que la terre a be- $oin du Soleil, elle doit l’aller chercher, comme nous cherchons le feu, dont nous auons be$oin: car $i nous ne de$i- rõs pas que les villes, & les campagnes $e tournent, quand nous montons au haut des tours pour les cont\-epler, au$$i ne deuons nous pas de$irer que le So- leil, & les e$toiles $e tournent pour en- ui$ager la terre. 4. Il n’e$t pas à pro- pos d’attribuer 2. mouuem\-ets contrai- res à vn me$me corps, ce que font neãt- moins ceux qui di$ent que les e$toiles, & les autres a$tres $e meuuent, & que la terre e$t immobile, car il e$t beau- coup pl<_>9 facile de tenir qu’elle $e meut d’Occident en Orient, tandis que la Lune, & les autres planettes $e meu- uent $eulement de leur propre mouue- ment. Lan$berge croid que la premie- [00179]Que$tions Phy$iques, rerai$on e$t demon$tratiue, qui con$i- $te en ce que le Soleil e$t éloigné de la terre de 1498 {1/2} $emidiametres terre- $tres, lors qu’il e$t en $a moy\-ene di$tan- ce, & que les e$toiles en $ont éloignées de 10302927. $emidiametres; d’où il ar- riue que les e$toiles font chaque heure 23178529692. lieuës d’Allemagne, & dans vn battement de l’attere, ou dans vne $econde minute, 643848. lieuës, ou enuiron: au lieu que la terre, dontil met le circuit de 400. lieuës, ne fait que la $ezie$me partie d’vne lieuë, c’e$t à dire 250. pas dans vne $econde: qui n’e$t guere dauantage que ce que fait vne bale d’arquebu$e en me$me temps.

Ie lai$$e plu$ieurs autres rai$ons, que l’on apporte pour le mouuement de la terre: par exemple, qu’il explique tou- tes les apparences, ou les phenomenes plus clairement, & plus briefuement; qu’il s’en$uit me$me qu’elle $e meut, $i les cieux $e meuuent, parce qu’ils la doiuent rauir auec eux, puis qu’elle n’a nulle re$i$tence, à rai$on qu’elle ne s’é- loigne point de $on centre, & plu$ieurs autres, au$quelles Mon$ieur Morin [00180]& Mathematiques. Profe$$eur royal a répondu dans vn li- ure particulier; de $orte qu’il n’y a nulle rai$on qui prouue le mouuement de la terre, car puis que Dieu a enuoyé $on Fils pour nous $auuer par $a mort, l’on ne doit pas s’étonner s’il faitrouller les cieux pour nous, & s’il a creé tout le monde conporel pour l’v$age, & pourle plai$ir des hommes.

Mais nous n’en $çauons point au$$i iu$ques à pre$ent qui prouue $on im- mobilité, car il n’y a pas plus d’ab$ur- dité de faire les e$toiles de la premiere grandeur 127. $ois plus grandes que le grand orbe terre$tre, & 1575473627. fois plus grandes que le Soleil, que de faire aller les e$toiles $i vi$te qu’elles $a- cent $ix cent mille lieuës dans le temps d’vn battement d’artere. Et bien que nous ne $çachions pas pourquoy il y a 59967010. lieues, entre <016> & les e$toi- les, il ne s’en$uit pas que cet e$pace no $oit veritable. Il n’e$t pas au$$i nece$- $airc de $çauoir la cau$e dumouuement de la terre, pour aduoüer qu’elle $e meut, pui$que ceux qui mett\-et le mou- uement des e$toiles, n’en connoi$$ent pasla cav$e. Quant à l’A$trologie lu- [00181]Que$tions Phy$iques, diciaire, elle demeure en $on entier, encore que l’on mette la terre mobile, car il n’e$t pas nece$$aire qu’elle $ere- po$e pour receuoir les in$luences du Ciel, qui ont vne moindre force au c\-e- tre qu’és autres endroits: car $i l’on di$- po$e plu$ieurs chandelles en rond, le centre $era le moins illuminé de tous les points, qui $eront dans le cercle. Et quand cet art $eroit o$té d’entre les au- tres, l’on n’auroit perdu nulle $cience, puis qu’il n’a nulle demon$tration.

Les autres rai$ons que l’on apporte pour prouuer $on immobilité, ne $ont pas meilleures: car les corps pe$ans, qui de$cendent du haut d’vne tour, tom- bent au$$i bien perpendiculairement $ur la terre, que $i elle e$toit $table, par- ce que toutes les cho$es corporelles, qui $ont proches de la terre, $ont por- tées en rond comme elle, & $ont tou- $iours également éloignées du me$me point de la terre. Et lors que l’on jette vne pierre, ou que l’on tire le canon vers l’Orient, il va au$$iloin que du co- $té de l’Occident, encore que l’on $up- po$e que la terre $e meuue vers l’Ori\-et, & qu elle face 250. pas Geometriques [00182]& Mathematiques. dans vne $ecõde minute d’heure, d’au- tant que le boulet e$t porté du me$me mouuement que la terre, & outie ce mouuement commun, il a le violent, qui le porte tou$iours également loin de quelque co$té que l’on le pui$$e ti- ret: & s’il fait 250. pas vers l’Occident dant vne $econde minute, comme fait la terre vers l’Orient, l’õ peut dire qu$rs;il demeure dans vn me$me lieu, encore qu$rs;il abbatte les murailles, d$rs;autãt qu$rs;il n$rs;importe que la muraille $e meuue vers le boulet, ou le boulet vers la mu- raille, pourueu qu$rs;il tienne ferme à la rencontre: de $orte que $i l$rs;on tiroit vn coup de mou$quet vers l$rs;Occident, dans vn parallele de la terre, quialla$t de me$me vi$te$$e vers l$rs;Occident, $ila bale alloit tou$iours d$rs;vne me$me vi- $te$le, elle demeureroit tou$iours dans vn me$me lieu au regard des e$toiles, ou de quelqu$rs;autre point immobile.

Ie lai$$e plu$ieurs autres rai$ons, com- me e$t celle que l$rs;on prend du mouue- ment droit, que l$rs;on $uppo$e le plus $imple de tous, car il n$rs;e$t nullement nece$$aire que les pierres tombent au centre par vn mouuement droict, puis [00183]Que$tions Phy$iques, que le circulaire leur e$t au$$i propre, & au$$i ai$é, comme ie mon$treray dans vn di$cours particulier, dans lequel on verra, que toutes cho$es $e meuuent circulairement, ou par helices, dans la $uppo$ition du mouuement de la terre. Et puis l$rs;on peut dire que le mouuem\-et circulaire e$t le plus $imple de tous, puis que le cercle e$t la pius $imple de tou- tes les figures, & que la $phere e$t le plus $imple de tous les corps. Ie lai$$e cncore la 4. & 5. iai$on de Mon$ieur Morin, par le$quelles il combat la ver- tu magnetique, ou attractrice de la ter- re, d$rs;autant qu$rs;elles meritent vn exa- men plus particulier, qui ne $e peut fai- re dans la brieueté que ie me $uis pro- po$ée dans cette petite que$tion, par la- quelle on void qu$rs;il n$rs;y a point de de- mon$tration naturelle qui contraigne d$rs;embra$$er la $tabilité, ou la mobité de la terre.

COROLLAIRE I.

La rai$on fondamentale dont on a v$é iu$ques à pre$ent pour prouuer la mobilité de la terre, n$rs;e$t pas bonne, [00184]& Mathematiques. parce qu$rs;elle prouue trop, ou qu$rs;elle $uppo$e bcaucoup d$rs;ignorance car puis que Dieu n$rs;a pas $uiuy dans l$rs;e$tat de la grace le chemin le plus court de tous les po$$ibles, pour nous $auuer. attendu qu$rs;il le pouuoit faire d$rs;vn $eul acte de volonté, pourquoy conclurons nous qu$rs;il a gardé le chemin leplus court dãs la nature ? Ne $etoit-ce pas le plus court pour la $anté, ou pour la guari- $on des corps, qu$rs;il y eu$t quelque trou vers le talon, par lequel toutes les hu- meurs $uperfluës peu$$ent $ortir sãsv$er de tant de medecines ? Certes $i l$rs;on veut s$rs;amu$er à con$iderer toutes lcs œuures de la nature, & à epiloguer de$- $us, l$rs;on y trouuera tou$iours à repren- dre, mais ce $era auec les rai$ons de Momus, qui $eront fondées $ur la pre- $omption de l$rs;homme, & $ur l$rs;ignoran- ce de celles que Dieu à euës en e$tabli$- $ant la fermeté de la terre, & la mobili- té des a$tres, ou en fai$ant quelqu$rs;autre piece de l$rs;vniuers, dont tous admire- roient beaucoup plus l$rs;arti$ice, que l$rs;on ne fait celuy des orai$ons de Ciceron, des Poëmes de Virgile, ou des propo$i- tions d$rs;Euclide, (encore que quelques- [00185]Que$tions Phy$iques, vns maintiennent que l$rs;on n$rs;en peut o$ter vne diction, ou vne lettre, que l$rs;on ne ga$te tout, ou que l$rs;on n$rs;en o$te la grace) s$rs;ils en connoi$$oient les rai- $ons, & les re$$orts, que nous verrons tre$ clairement, quand celuy qui gou- uerne la grande machine de ce monde, nous en découurira les $ecrets, & la $cience.

COROLLAIRE. II.

Ie parleray encore du mouuement de la terre dans la que$tion 44. & 45. qui conti\-enent l$rs;a bregé des Dialogues que Galilée a faits dudit mouuement, pour con$irmer les Hypothe$es d$rs;Ari- $tarque, & de Copernic. Or l$rs;on peut s$rs;imaginer de nouuelles rai$ons en fa- ueur du mouuement journalier de la terre, qui ne $eruent de rien pour l$rs;an- nuel, dontie parleray dans la 37. que- $tion: par exemple, que $iles e$toiles, & les planettes $e meuuent, qu$rs;il e$t nece$$aire que la terre, quin$rs;a nul apuy, ou empe$chement qui l$rs;exépte d$rs;e$tre rauie par le$dits a$tres pour tourner $ur $on axe, face tou$iours $on tour; & plu- [00186]& Mathematiques. $icurs autres que i$rs;obmets, de peur d$rs;e- $tre trop long. Mais l$rs;on trouuera tou- $iours de nouuelles $olutions aux nou- uelles rai$ons, d$rs;autant que nous ne $çaurõs iamais la maniere dont les pie- ces de l$rs;vniuers ont e$té e$tablies, iu$- ques à ce qu$rs;il plai$e à Dieu de nous la reueler: de $orre que nous pouuõs tou- $iours dire auec S. Paul, _nunc per $pecu-_ _lum, & in enigmatc, tunc autens facie ad_ _faciem._

QVESTION XXXV. Pourquoy fait-il plus chaud à l$rs; E$té qu$rs; à l$rs;Hyuer, veu que le soleil e$t beaucoup plus proche de nous à l$rs; Hyuer qu$rs; à l$rs; E$té? & pourquoy fait-il froid à l$rs; ombre?

ENtre mille cho$es que l$rs;on peut di- re du soleil, il faut remarquer qu$rs;il illumine & e$chauffe la terre par 3. $or- tes de rayons en me$me temps, dont le plus fort e$t perpendiculaire, le 2. e$t le rayen, quitombe obliquement, & qui $e rompt dans les vapeurs, qui $ont l$rs;atmo$phere, & le 3. e$t celuy que les [00187]Que$tions Phy$iques, planettes, & les e$toiles reflechi$$ent, de $orte que la partiedu Soleil que nous ne voyons point, & qui e$t tournée vers le firmam\-et, nous éclaire par le moyen de la reflexion, & que l$rs;hemi$phere du Soleil que nous voyons, illumine au$$i nos Antipodes. Or il y en a qui tien- nent que la rai$on pourquov il échauffe dauantage en E$té qu$rs;en Hyuer, ne$e doit pas prendre de ce que les rayons tombent plus obliquem\-et, ou en moin- dre nombre à l$rs;Hyuer, puis que les co- nes radicux qui $e terminent à chaque point de la terre, $ont d$rs;vne égate for- ce, & que le Soleil nous frappe per- pendiculairement en $e leuant & en $e couchant. C$rs;e$t pourquoy nous $enti- rions plus de chaleur au leuer, & au coucher du Soleil, qu$rs;à $on midy, s$rs;il n$rs;y auoit nulles vapeurs Ce que l$rs;on peut con$irmer par les bords de la Lu- ne qui $ont au$$i lui$ans que $on milieu, encore qu$rs;ils $oient illuminez par des rayons plus obliques. Et puis la terre n$rs;e$t pas parfaitement ronde, car elle e$t r\-eplie d$rs;inegalités, qui arre$tent les rayons, qui $ont $eulement debilitez par la quantité des vapeurs, qui $ont [00188]& Mathematiques. remplies de plu$ieurs petits corps opa- ques. Neantmoins les autres main- tiennent que le Soleil échauffe dauan- tage à l$rs;E$té qu$rs;à l$rs;Hyuer, à rai$on que $es rayons frappent la terre plus perp\-e- diculairement, & que les rayons refle- chis $e ioignans aux droits les redou- blent, & les renforcent; ce qui e$t fort probable, car encore que l$rs;on pui$$e di- re que l$rs;atmo$phere e$t beaucoup plus épai$$e à l$rs;Hyuer qu$rs;à l$rs;E$té neãt moins $i les rayons e$toient au$$i perpendicu- laires à l$rs;Hyuer, ie croy qu$rs;il feroit au$- $i chaud qu$rs;à l$rs;E$té, car l$rs;cxperience fait voir que les rayons bru$lent au$$i bien, & éclairent au$$i fort à trauers vn chry$tal bien épais, qu$rs;à trauers celuy qui e$t beaucoup plus mince.

Or l$rs;on peut voir les 2. lettres de Be- nedictus a Raphaël d$rs;Auria $ur ce $u- iet, où il explique la maniere de trou- uer combien le rayon fait plus de che- min par les vapeurs, lors qu$rs;il les pene- tre obliquement, que quand il tombe de$$us perpendiculairement. Quant à la moindredi$tãce qu$rs;a le Soleil à l$rs;Hy- uer, l$rs;experience en$eigne qu$rs;elle n$rs;e$t pas $uffi$ante pour nous écliauffer, en- [00189]Que$tions Phy$iques, core qu$rs;il $oit plus proche de nous qu$rs;à l$rs;E$té de 80. demidiametres terre$tres. A quoy l$rs;on peut adiou$ter qu$rs;il mon- $tre $es 2. hemi$pheres 13. fois & demie chaque année, d$rs;autant qu$rs;il fait $on tour en 27. iours; d$rs;où il arriue de grãds changemens, & d$rs;e$tranges alterations dans la terre, car $a $urface e$t conti- nuellem\-et alt erée par plu$ieurs macu- les, & flambeaux, dont il v en a quel- quefois 50. ou 60. & plu$ieurs taches $ont au$$i gro$$es que la Lune, comme Schener a remarqué dans $on Sole<007>l.

COROLLAIRE.

L$rs;on peut dire qu$rs;ily a cinq rai$ons qui $ont cau$es qu$rs;il fait plus chaud à l$rs;E$té qu$rs;à l$rs;Hyuer: dont la premiere e$t que le Soleil demeure plus long- temps $ur l$rs;horizon; la 2. que $es rayõs reflcchis s$rs;vni$$ent dauantage auec $es rayons incidens: la 3. qu$rs;il y a moindre re$i$tence des vapeurs, qui$ont moins épai$les à l$rs;E$té: la 4. que la lumiere e$t plus grande, parce que les rayons $ont plus perpendiculaires, & qu$rs;ils $ont ay- dez par ceux de la Canicule, & de quel- [00190]& Mathematiques. ques auttes grandes e$toiles: la 5. parce que la grande impre$$ion de la chaleur que le Soleil a engendrée les iours pre- cedens dans la terre $e ioint auec la nouuelle chaleur qu$rs;il produit les au- tres iours $uiuans. A quoy l$rs;on peut ad- iouter que la plus grãde multitude des facules du Soleil ayde à engendrer les plus grandes chaleurs.

QVESTION XXXVI. Comment les nuës peuuent-elles nager, ou $e pourmener dans l$rs;a@r $ans tomber, puis qu$rs;elles $ont $i pe$antes?

PVis que les nuës $e $ou$tiennent dans l$rs;air, il $emble qu$rs;elles doi- uent e$tre plus legeres puis que les cho- $es pe$antes de$cendent au fond des plus legeres, comme l$rs;ay dit dans vn autre lieu, où i$rs;ay expliqué les princi- pes de la nauigation, & de la $ubmer- $ion. Car elles ne monteroientiamais plus haut que l$rs;air, $i elles n$rs;e$toient plusrares, & con$equemment plus le- geres. Or il n$rs;importe nullem\-et qu$rs;el. [00191]Que$tions Phy$iques, les $oient plus opaques & renebreu$es que l$rs;air, d$rs;autant que la rareté & l$rs;o- pacité conuiennent au$$i ay$ément en- $emble, que la den$ité & la per$picui- té, qui rend les corps diaphanes. Et par- ce que les nuës ont plus de parties opa- ques que l$rs;air, elles $erate$ient dauan- tage par les rayons du Soleil, qui n$rs;e- chauffent guere les corps parfaictem\-et diaphanes, à rai$on qu$rs;ils penetrent à trauers, $ans aucune reflexion & $ans empe$chément. Mais lors que les nuës rencontrent des parties de l$rs;air plus ra- res, elles ne pa$$ent pas outre, & de- meurent $u$penduës iu$ques à ce qu$rs;el- les $ere$oluent en pluye, en neige, ou en gre$le, & qu$rs;elles deuiennent plus pe$antes que l$rs;air, qui a des d<007>fferents degrez de rareté, & de pe$anteur, $oit de $oy-me$me, ou par le mélange des vapeurs; dont il arriue que de plu$ieurs nuës, les vnes montent plus haut que les autres, & qu$rs;il e$t tre$-difficile de $çauoir iu$ques où elles peuuent mon- ter, $i l$rs;on ne $çait tous les degrez de la rareté de l$rs;air, & tous ceux que la cha- ieur peut donner aux nuës, qui paroi- ftroient à l$rs;œil mis dans la Lune, com- [00192]& Mathematiques. me les macules du Soleil.

Il faut encore remarquer que le vent meut a@$@ment les nuës, parce qu’elles ne luy fo@ @ qua$i nulle re$i$tence: & qu’il e$t nece$$aire qu’il $e cõden$e au- tant d’air, comme elles eu occupent, puis que les loix de l’vniuers ne pouuãt permettre le vuide ni la penetratiõ des corps, ne permettent au$$i iamais de ra- refaction, qu’elles ne luy oppofent la conden$ation, afin de faire $ub$i$ter la nature par vn perpetuel équilibre, qui ne perd rien d’vn co$té qu’il ne le gai- gne de l’autre, & qui $ert à expliquer vne infinité de difficultez dans la Phy- $ique. Quant à la fumée, l’on peut dire qu’elle e$t vne e$pece de nuë; mais il ne faut pas s’imaginer qu’elle $e change, car elle retombe à terre au$$i to$t qu’el- le deuient plus den$e, & plus pe$ante que luy: $i ce n’e$t que l’on compo$e no$tre air de toutes les vapeurs, & fu- mées, qui $ exhalent de la terre & de tous $es mixtes & indiuidus. Neant- moins l’on peut dire que les nuës ne tombent pas $i to$t qu’elles $ont plus pe$antes, & plus den$es que l’air, puis que l’on experimente qu’vne fueille [00193]Que$tions Phy$iques, d’or, ou d’argent mi$e $ur l’eau, ou en- foncée dedãs ne va pas au fond, & con- tinuë $a nauigation, encore qu’elle $oit beaucoup plus pe$ante, parce qu’elle n’a pas a$$ez de force pour diui$er l’eau, & pour la faire fuir de deuant $oy, pour aller au fond: ce qui e$t grandement con$iderable pour l hydraulique; quoy que l’on pui$$e dire que cet enfonce- m\-e $oit empe$ché par des petites par- ticules d’air, qui $ont dans les pores de ces fueilles.

QVESTION XXXVII. Qhelle rai$on peut on auoir pour croire que la terre $e meut au tour du Soleil, que l’on met au centre du monde?

ENcore que i’aye parlé du mouue- ment journalier de la terre dans la 34 que$tion, & que l’on pui$$e s’imagi ner que la cau$e, pour laquelle elle $e tient dãs $on lieu $ans aller déça ny de- là, $e doit prendre de ce mouuement, comme il arriue que les pierres qui cournent $i vi$te dans l’air, qu’elles [00194]& Mathematiques. ne peuuent tomber, & que les verres, & les autres vai$$eaux, qui $ont pleins de vin, ou de quelqu’autre liqueur, ne l’épanchent pas, lors qu’õ les fait tour- ner a$$ez vi$te, neantmoins il faut con- $iderer $on autre mouuement, que l’on appelle _annuel_, par lequel l’on s’imagine dans l’échole d’Ari$tarque, qu’elle $up- plée le mouuement du Soleil; dont i’expliqueicy les rai$ons.

La premiere $e tire de ce que Mars e$t quelquefois de$$us, & d’autresfois de$$ouz le Soleil, ce qui ne peut arriuer $ans e$tablir vn épicycle d’vne e$trange grandeur, $i la terre ne $e meut pas au tour du Soleil: or le mouuement an- nuel de la terre abolit ces epicycles. La 2. rai$on e$t fondée $ur ce qu’il e$t plus à propos que le Soleil $oit au milieu du monde pour departir égallement $a lu- miere à tout l’vniuers. Ie lai$$e les au- tres rai$ons, parce que l’on peut les lire dans Lan$berge, & dans Kepler, afin d’adiouter $eulernent que l’on n’a don- né iu$ques icy nulle rai$on, qui demon- $tre que le Soleil $oit au centre du mõ- de, ou que la terretourne au lieu du Soleil & con$equemment qu’il e$t au$- [00195]Que$tions Phy$iques, $i à propos d embra$$er les hypothe$es de Tycho & des autres qui $auuent tous les phenom@@es $ans le mouue- ment terre$tre annuel, que de $uiure celles d Ari$tarque; quoy qu il $oit li- bre à vn chacun de $e $eruir de telle hypothe$e qu’il voudra pour expliquer les apparences du Ciel, & pour le cal- cul: & peut e$tre que quelques-vns nous donneront bien-to$t d’autres hy- pote$es differentes de toutes celles qui ont e$té ptopo$ées iu$ques à pre$ent, qui $eront au$$i $imples, & au$$i ai$ées à cõ- prendre que celles de Copernic, & qui pourront e$tre plus veritables. A quoy l’Harmonicon de Viete peut apporter de la lumiere, pourueu que l’on ne la luy re$u$e pas, comme l’õ a fait iu$ques à pre$ent. Or cette difficulté peut $er- uir à nous faire faire des reflexions $ur les principes detres $ciences, qui ne $ont que des hyne$es, le$quelles ne $ont peut-e$tre pas plus veritables que celles de l’A $tronomie, car elles ne nous $ont pas plus euidentes.

COROLLAIRE.

L’on peut rcmarquer la me$me cho$e [00196]& Mathematiques. dans cette que$tion que celle dont i’ay parlé dans le 2. Corollaire de la 34. à fçanoir que l’on peuttou$iours s’imagi- ner de nouuelles rai$ons pout fauori$er le mouuem\-et anhuel de la terre au tour du Soleil: pat exemple, que $i le Soleil n’e$toit le centre de l’vniuers, & de la terre, que nous verrions tou$iours la Lune illuminée, d’autant que la lumie- re du Soleil ne $c perdant point, & ren- contrant la derniere $urface du monde, $e reflechiroit tellement $ur la Lune, qu’elle l’illumineroit toujoürs, me$mes à no$tre égard, $uppo$é que le monde $oit finy; car encore que l’on s’imagi- na$t le vuide apres les e$toiles, il $erui- roit d’vn parfait miroir pour renuoyer tous les rayoris du Soleil, commeil e$t ay$é de dcmon$trer par les loix, & les regles in flexibles de la Catoptrique. Et $i l’on replique que la detniere $urface du monde n’e$t pas polie, il s’en$uit qu’elle $era veuë, comme il arriue aux autres corps brutes. Mais outre que nous ne $çauons pas $i le monde e$t infi- ny, puis que plu$ieurs Theologi\-es e$ti- ment que Dieu e$tant tout pui$$@nt la peu fairc infiny en e$tenduë, & qu’ils [00197]Que$tions Phy$iques, e$tabli$$ent des e$pacesimaginaires in- finis, qu’ils appellent reels, & que le Createur de la grande e$t\-eduë de l’air, qui s’apelle _Rachia_ dãs la $ainte langue, ne nous a pas rewelé s’il la creée finie, ou infinie, la ranon precedente n’a pas la force d’vne demon$tration.

QVESTION XXXVIII. Les principes, & les fondemens de l’Optique $ont-ils plus certains que ceux de la Mu$ique?

CEs deux parties de Mathemati- que n’ont pas la pureté, nicon$e- quemment la cerritude de la Geome- trie, dautant qu’elles $uppo$ent la Phy- $ique, car encore que les principes de la nature fu$$ent au$$i euidens & au$$i certains en eux me$mes que ceux de l’Arithrnetique, neantmoins ils n’ont pas ce degré de certitudeàno$tre égard, comme auoüent tous ceux qui $çauent l’art de la rai$on, & qui $e plaignent de ne pouuoir trouuer des principes de connoi$$ance dans la Phy$ique, qui n’a [00198]& Mathematiques. qua$i nulle certitude en comparai$on de celle des pures Mathematiques, cõ- me il e$t ai$é de conclure par les diffe- rentes opinions des Philo$ophes, qui ne s’accordent iamais $i parfaitement $ur vn me$me $ujet, que l’on n’y recon- noi$$e de la matiere, & des occa$ions de douter.

Mais afin de comparer la certitude de l’Optique auec celle de la Mu$ique, ie dy premierement qu’elles n’ont tou- tes deux nuls principes $i clairs, & $i certains que l’on n’en pui$$e douter, tãt parce qu elles pre$uppo$ent les $ens, & leurs operations, dont la maniere nous e$tincõnuë, que parce qu’elles me$lent tou$iours la Phy$ique dans leurs rai$on- nemens, la quelle ne nous donne pas les principes de connoi$$ance, ou d’effet.

Neantmoins $i l’on fait comparai$on de la certitude de ces deux Arts, il $em- ble que celle de l’Optique e$t plus grã- de, ou pour mieux dire, que $es princi- pes $ont moins douteux, & incertains, ce qui n’arriue pas à rai$on qu elle e$t $ubalterne à la Geometrie, & que la Mu$ique e$t $ubalterne à l’ A rithmcti- que, car ces $ubalternations n’appor- [00199]Que$tions Phy$iques, tent rien aux $ciences _$ubalternées_, qui doiuent auoir des principes propres & particuliers, qui $oient au$$i certains & euidens, que celles que l’on appelle _$u- _balternantes_. Et peut e$tre que cette $ubalternation n’a pas encore e$té b@en entenduë, & qu’il $eroit plus expedient de dire que la Geometr@e, & l’ A rith- metique $ont les regles generales, qui $cruent pour dre$$er les demon$tratiõs, & pour tirer toutes les conclu$ions des autres $ciences, lors que l’on en donne les vrays principes: car encore que l’on attribue cet office à la Logique, neant- moins l’on peut dire qu’elle emprunte de la Geometrie tout ce qu’elle a de plus ferme, & de plus a$$euré.

Mais voyons quelques principes de ces deux $ciences, ($i tant e$t qu’elles meritent ce nom, que l’on ne donne, à proprement parler, qu’à la Geometrie, & à l’Arithmetique) a$in de con$eruer leurs certitudes. L’vn des principes de l’Optique e$t, que tout ce qui $e void, paroi$t $ouz vn angle; & que ce qui $e void $ouz vn plus grand angle, paroi$t plus grand; & l’vn de ceux de la Mu$i- que e$t, que l’Octaue e$t de 2. à i. & la [00200]& Mathematiques. Quinte de 3 à 2. & que les con$onan- ces $ont agreables, & les di$$onances de$-agreables. Or l’on peut douter $i la vi$ion $e doit regler $uiuãt les angles, ou plu$to$t $elon la maniere que la ra- diatiõde la lumiere affecte les tuniques, & les humeurs de l’œil, & particuliere- ment l’aranee ou la R etine, dãs la quel- le le cone de la pyramide Optique n’e$t pas tel que l’on $e l’imagine pour l’ordinaire, comme l’on mon$tre dans la vraye Optique: & plu$ieurs croyent que l’ob@ect paroi$t d’autant plus grand qu il e$t veu par vne plus grande quan- tité de rayõs, encore qu’ils $oient com- pris par vn moindre angle.

Quant aux con$onances, il y en a qui les nient, & qui maintiennent que les di$$onances peuuent donner plus de $a- tisfactiõ à de certaines oreilles que le$- dites con$onances, Et puis tous ne con- fe$$ent pas que l Octaue $oit de 2. à @. & la Quinte de 3. à 2. tant parce qu’elles paroi$$ent bõnes $ouz d’autres termes, & que leurs raisõs $ont peut e$tre $our- des, ineffables, & irrationnelles, que parce qu’il ne s’en$uit pas que les $on@ ayent me$me rai$on entr’eux que le$- [00201]Que$tions Phy$iques, dites cordes, puis qu’en bonne Logi- que, il n’e$t pas permis de pa$$er d’vn genre à l’autre $ans enfraindre la loy des Homogenes.

A quoy l’on peut adjou$ter que tout ce qui depend de l’œil & de l’oreille ne peut e$tre plus certain que leurs opera- tions, qui $ont $uiettes à plu$ieurs trõ- peries, & illu$ions: de $orte que l’on peut conclurre que la $cience, qui ap- partient au $ens, dont l’action e$t plus certaine, a $emblablement plus de cer- titude.

Or ie ne veux pas maintenant decider $i l’oreille e$t plus certaine que l’œil, d’autant que ie fais vn traité de l’excel- lence de l’vn & de l’autre dans vn autre en droit, où i’explique les manieres de tromper, & de de$abu$er ces deux $ens, qui $ont de$tinez aux arts & aux $cien- ces. Et $i l’on prend leur certitude de celles dont on les fait $ubalternes, elles auront vn pareil degré de certitude, parce que l’Arithmetique, d’où l’on fait nai$tre la Mu$ique, e$t au$$i certaine que la Geometrie, dont on tire l’Opti- que: quoy qu’il $emble que l’Optique $oit plus generale, & plus proche de la [00202]& Mäthematiques. demõ$tration, àrai$on qu’elle n’e$t pas $uiette aux mouuemens de l’air, qui $eruent de $uiet, & d’object à la Mu$i- que, & qu’elle embra$$e toutes $ortes de reflexions & de refractions, qui $e font dans vn moment, lequel approche de la durée des operations de l’e$prit.

QVESTION XXXIX. De quelles matieres $e $eruent les Teintu- riers pour teindre la laine, ou le drap, & La $oye de toutes $ortes de coubeurs ¿

SI les arti$ans aymoient les $ciences, ils pourroient aider les Philo$ophes en plu$icurs manieres, & patticuliere- ment en leur donnant plu$ieurs expe- riences, qu’ils font ordinairement, & plu$ieurs ob$eruatiõs qui peuuent don- ner de l’entrée aux difficultez de la Phy$ique, & à leur $olution. Or encore que les Orfeures, les Lapidaires, les Affincurs, les Chymi$tes, les Apoti- quaires, les Tireurs d’or, & tous ceux qui manient les metaux, pui$$ent, ce [00203]Que$tions Phy$iques, $emble, donner plus de lumiere $ur c{ae} $uiet que les Peintres, les Sçulpteurs, les Teinturiers, & les autres arti- $ans, neantmoins il n’y a nulatt, ou me. $tier qui ne pui$$e $eruir en quelque cho$e: par exemple, la con$ideration des drogues, des bois, des racines, des écorces, des herbes, & des autres ingre- diens, dont v$ent les Teinturiers en lai- ne & en $oye, peuuent ayder à com- prendre la nature, & les proprietez des ceuleurs, qu’ils donnent aux draps par le moyen des bre$ils de Farnambour; de Laual, de $ainte Maric, & de S. Mar- the, dont le premter e$t le meilleur.

Ils v$ent au$$i du bois d’Inde, qu’ils appellent _Compeche_, du fu$tel de Sa- uoye, de Dauphiné, & de Roüen: du bois iaune; de l’écorce de che$neaux en taillis, & de plu$ieurs autres bois, com- me des racines de noyer, de l’écorce, & des coquilles des noix vertes: des Gau- des franches & ba$tardes: de gene$trol- les, ou gene$tron, de $oumac, de galles vertes, & $eiches de Tours: d’aluns de Rome, & de roche; de couperozes; de gommes, tant de Per$e, que d’Arabie, de Venize & d’ailleurs: du $auon de [00204]& Mathematiques. Genes, de Ca$tres, & de celuy qui e$t noir, & liquide: d’or$eille de Lyon, de Flandre, d’Angleterre & d’ailleurs: de cendres communes, & de grauelée: de $oude d’alitarbe, & de la blanche, de la potacée: de la chaux communc: de la garence de Flandre, & d’Angleterre, de la cochenille: de la graine d’écarla- te, & de $on pa$tel: de la graine d’Aui- gnon: du tartre de Montpelier: du $af- fran d’Allemagne: de la bourre de Flá- dre, d’Angleterre, & de Paris: d’écor- ces de grenades auec leur fruict $ec: de la limaille de fer, & d’acier: de la terre qu’ils appellent _Terra merita_, & de plu- $ieuts autres drogues, dont i’explique- rois icy les couleurs, le prix, le poids, & les mélanges, $i ie ne iugeois qu’il e$t nece$$aire d’en voir l’e$$ay, & l’expe- rience chez les Teinturiers, pour les comprendre ai$ément.

Quant aux couleuts des Peintres, des Enlumineurs, & des Miniateurs, elles meritent vn di$cours particulier, au$$i bien que celles dont v$ent les Verriers, les Emailleurs, les Vitriers, & les Po- tiers, qui employent l’argent, l’e$tain, le plomb, le cuiure, & les autres me- [00205]Que$tions Phy$iques, taux, & les mineraux pour colorer leurs ouurages; c’e$t pourquoy i’adiou$te $eulement icy que les Chymi$tes de- uroient s’e$tudier à la recherche des rai$ons de la grande multitude de cou- leurs, qui $e font dans les. differents de- grez de la coction, de la generation, ou de la corruption des matieres qu’ils en- ferment dansles Athenors, les retor- tes, & les autres Alembics, dont ils v$ent en toutes leurs operations, afin de voir $i l’on peut rapporter toutes $ortes de couleurs à la differente reflexion, refraction, & immer$ion de la lumiere.

COROLLAIRE I.

Les Peintres $e $eruent de plu$ieurs couleurs pour acheuer leurs tableaux, & pour peindre en gomme, en huile, & à l’eau, $oit $ans trituration, & broye- ment, ou autrement. Ie mets $eulem\-et icy celles dont ils v$ent à l’eau, à $çauoit le noir de cerf bru$lé, de Flandre, de pierre noire, & d’ancre: dont les tan- nez bruns approchent de bien piés, car le tanné mourant en e$t plus éloigné. Et puis ils vs\-et du violet noir, de l’inde, [00206]& Mathematiques. du tourne$ol: du violet de bois de Per$e di$tillé, & cuit en vinaigre: du pa$le, qui $e fait d’vn peu de blanc me$lé auec le precedent: de l’azur, qui a plu$ieurs degrez de prix, & de viuacité: de celuy que l’õ appelle blanchette, & mourãte; du bleu blãc, & cele$te: du rouge brun, de la laque pure commune, de la cou- leur d’armure, qui $e compo$e de ladi- te laque, & du $affran auec l’vrine: de la gomme goutte, & de la laque cou- leur de bois, du vermillon pur, de la mi- ne tant commune, que blanchette, & de celle que l’õ apelle rouge. blanc: de la laque blãchette forte auec ou $ans la ceru$e, de la couleur de chair vermil- lonnée compo$ée de vermillon, de la- que, & de blanc: de la mine, & vermil- lon blanc: de la vraye couleur de chair, de la couleurde chair morte: de la gom- me goutte; de la graine d’Auignon, du $affran, que l’on me$le auec le ma$$icot: du iaune pa$le, & du doré: du minime brun, & cendré, & de la fueille morte: du vert de ve$$ie, du calciné, du mou- rant, du vert de mer & du gay: du $a- frané, du vert iaune, du com po$é auec la grainc d’Auignõ: du di$tillé, d@ vert [00207]Que$tions Phy$iques, bleu, & de montagne, du vert de terre: du gris brun, du gris blanc & noir, du torne-$ol & blãc, & de plu$ieurs autres compo$ez: du blanc de ceru$e de Ve- ni$e, du blanc de plomb, & du blanc de craye. Ie lai$$e plu$ieurs autres cou- leurs, qui $ont di$tillées, & que l’on tire des mineraux, & des metaux, & toutes celles qui $ont à huille, dont les diffe- rentes compo$itions meritent vn liure entier.

COROLLAIRE II.

L’on v$e au$$i de l’or, & de l’argent d’Allemagne, de Flandre, & de Paris dans les couleurs, & peintures à l’eau; mais il faut remarquer que l’or $’appli- que tellement $ur le bois, $ur le fer, & $ur le cuiure, qu’il faut premierement mettre deux couches de blanc $ur le bois, & qu’il faut polir l’orauec la dent de chien, ou de loup: & $i on le couche en huille, il faut mettre vne couche de blanc, 2. de rouge, & puis l’or de cou- leur, $ur lequel on met l’or. Quant à l’or en fueille, on l’applique auec le pin- ceau fait de poil de blereau, & auec le coton.

[00208]& Mathematiques.

Pour employer l’or poly & bruny $ur le cuiure, il faut premierement polit ledit duiure, & le faire rougir, affin d’ap- pliquer l’or auec le caillou; & puis il le faut recuire: ce que l’on fait en met- tant 2.ou 3.couches, l’vne $ur l’autre, & en le remettant tou$iours à feu de char- bon leger pour le polir ! & lors que l’on l’applique $ur de la charte, ou $ur du papier, la dent de bœuf du deuant y doit $eruir.

QVESTION XL. Pourquoy l’haleine que l’on pou$$e du poul- mon, $e void-elle plus aysément à l’Hyuer qu’à l’E$té; & qu’e$t- ce que le vent?

SI ce que l’on pou$$e hors de l’e$to- mac par le mouuem\-et du poulmon n e$toit autre cho$e que de l’air, ou du vent, qui $e fait par $on mouuement, & par $a conden$ation, nous ne verrions pas l’haleine à l’Hyuer, pui$que l’on n’a iamais veu l’air, quoy qu’il ayt e$té tre$- chaud, ou trel-froid, & con$equem- [00209]Que$tions Phy$iques, ment tre$ rare, ou tre$-den$e. C’e$t pourquoy il faut conclure que l’on ne void autre cho$e dans l’haleine qui pa- roi$t à l’Hyuer, queles vapeurs, & les excremens qui $orrent du poulmon, & qui s’epai$$i$$ent, & $e cõden$ent telle- m\-et à la $ortie de la bouche, ou du nez, qu’ils $e rendent vi$ibles, comme la fu- mée, par la reflexion de la lumiere, qui n’e$t pas a$$ez forte à l’E$té, ou lors que l’on e$t expo$é à la chaleur, à rai$on que les vapeurs qui $ortent de la bouche $ont trop rarefiées, & trop e$tenduës, & renuoyent trop peu de rayons à l’œil pour e$tre apperceuës.

Quant à la 2. partie de ce$te que$tiõ, il y a grande appai\-ece que le vent n’e$t pas different de l’agitation de l’air, & qu’il e$t dautant plus froid qu’il le con- den$e dauantage, comme l’on experi- mente dans toutes $ortes de $oufflets, & d’euentails; mais il e$t difficile de $ca- uoir pourquoy le vent du Midy n’e$t pas $i froid que celuy de la bize, lors qu’ils $ont également forts, & qu’ils conden$ent l’air également, $i l’on n’en rapporte la cau$e aux vapcurs, & aux ex: lai$ons chaudes, qui $ont me$lées [00210]& Mathematiques. auec le vent du midy, $ans le$quelles il $eroit au$$i froid que le vent du $epten- trion. A quoy l’on peut adiou$ter que les vapeurs, ou les e$prits qui $ortent des lieux $alpe$treux refroidi$$ent l’air, & que celuy du midy e$t quelquefois au$$i froid que celuy du $eptentrion. Or l’on peut voir le liure que Bacon a fait des vents, & experimenter toutes les manieres, dont on les peut produire auecle $alpe$tre, l’Æolipile, ou au- trement.

QVESTION XLI. E$t-il vray que de toutes les figures I $operi- metres de me$me nature, celle qui e$t la mieux ordonnée, & que de toutes les he- terogenes ordonnées, celle qui e$t la plus terminée e$t la plus grande?

ILy a long-temps que l’on a demon- $tré que la figure circulaire e$t la plus grande de toutes les I$operimetres, par- ce qu’ellc contient vne infinité d’ãgles, au lieu que les autres n’en contiennent qu’vn certain nombre, qui donne tou- [00211]Que$tions Phy$iques, $iours vne plus grande figure reguliere, lors qu’il e$t plus grand.

Mais la difficulté e$t plus grande quand il e$t que$tion de comparer les triangles, & les autres figures de diffe- rente e$pece, & heterogenes. Or il e$t certain que le triangle équilateral e$t le plus grand de tous les triangles, dont le circuit e$t égal: & con$equemment qu’il e$t plus grand que l’Equicture, ou I$ocele lequel e$t au$$i $ouuent plus grand que ceux dont tous les co$tez $ont inegaux, que l’on appelle _$calenes,_ quoy que cela n’arriue pas tou$iours, car le $calene, dont les co$tez $ont 11. 18. 21. e$t plus grand que l’l$ocele, qui a 10.20. 20. pour $es co$tez, car la gran- deur, ou l’aire de ce$tuy. cy e$t $eulem\-et <006> 9375. & l’aire de celuy-là e$t <006> 9800. Quant à l’Equilateral I$operimetre, dont chacun des co$tez a 16 {2/3}, $on aire e$t <006> 14467 {16/27}. Mais quand les figures I$operimetres Homogenes ne $ont pas ordonnées, il peut arriuer que la moins ordonnée $oit moin dre, égale, ou plus grande; par exemple, $i l’on con$idere les 3. parallelogrammes, & les;. trape- zes I$operimetres, quepropo$e Camille [00212]& Mathematiques. Glorieux, le premier parallelogramme 215.15.9.9. pour $es 4. co$tez, le 2. a 12. 12. 3 {1/2}. 3 {1/2}. & le 3. a 12. 12. 4. 4. Les 4. co$tez du premier trapeze $ont 15 6.10. 17. ceux du $econd, 12.8.6.5. & ceux du troi$ie$me 12.4.6.10. or l’aire, ou la ca- pacité du premier parallelogramme e$t 135. celle du 2. e$t 42. celle du 3. e$t 48. celle du premier trapeze a 84. celle du 2. a <006> 2460 {15/16}. & celle du 3. a 48. d’où il e$t ailé de conclure que le premier parallelogramme e$t plus grand que le premier trapeze: que le 2. e$t moindre que le 2. & que le 3. e$t égal au 3. tra- peze. Le me$me autheur demon$tre que la figure, qui e$t la plus terminee entre les I$operimetres ordonnées de differente nature, e$t la plus grande: par exemple, le triangle équilateral, dont le co$té e$t 16 {2/3}, a pour $on aire <006> 14467 {16/17}. & le quarré dont le co$té e$t 12 {1/2}. a 156 {2/4} p $a capacité.

Mais quand ces figures ne $ont pas ordonnées, il peut arriuer que la plus terminée $era plus grãde, ou moindre, ou égale: par exemple, $i le triangle $calene a 10. 17. 21. pour $es 3. co$tez, $a capacité e$t 84. laquelle e$t égale au [00213]Que$tions Phy$iques, parallelogramme, dont le plus grand co$té e$t <006>60 + 12. & le moindre 12. <006>60. & toutesfois le me$me triangle e$t moindre que le parallelogramme i$operimetre, dont les co$tez $ont 14. & 10 car $on aire e$t de 140. mais il e$t plus grand que le parallelogramme, dont les co$tez $ont 20. & 4, car $on ai- re n’e$t que de 80.

Finalement il prouue que la figure, qui approche dauantage de l’ordonnée e$t tou$iours la plus grande des figures i$operimetres de me$me nature qui ne $ont pas ordonnées: & que quand elles conuiennent, ou qu’elles $ont differen- tes en angles, ou en co$tez, celle dont les co$tez, ou les angles approchent dauantage des co$tez, ou des angles de l’ordonnée e$t plus grande.

COROLLAIRE.

L’on appelle la figure _ordonnée,_ ou _re-_ _guliere_, quand $es co$tez, & $es angles $ont égaux, commeil arriue au triangle équilateral, au quarré, à l’exagone, & c. de $orte que la regularité des figures leur donne d’au$$i grands auantages, [00214]& Mathematiques. que celle que l’on ob$erue dans toutes les autres cho$es: delà vient que cha- que figure reguliere e$t la plus grande de toutes les i$operimetres de me$me nature, & que celle d’entre les irregu- licres qui approche dauantage de la re- guliere, e$t la plus grande. Mais l’on ne peut rien determiner, quand les co- $tez de l’vne s’approchent dauantage de la reguliere, & que les angles s’en éloignent dauantage.

QVESTION XLII. La blancheur e$t elle la plus excellente de toutes les couleurs?

ENcore que les peintres, ou les Tein- turiers ne mettent pas le blanc, & le noir entre les couleurs, parce que le blanc e$t vne table d’attente, qui e$t in- differente à receuoir toutes $ortes de couleurs, dont il $emble qu’elle e$t le principe: & que le noir, qui re$$emble à la priuation de toutes les couleurs, n’en pui$$e receuoir aucune, neátmoins il n’y a nul doute que la blancheur e$t [00215]Que$tions Phy$iques, vne couleur, que l’on peut appeller vne lumiere diminuee, ou commençante: car elle luy e$t plus $emblable que tou- tes les autres couleurs, ta@t en ce qu’el- le fait vne plus forte impre$$iõ $ur l’œil, qu’elle ble$$e en di$$ipant $a force, & $a viuacité, qu’\-e ce qu’elle e$t $u$ceptible de toutes $ortes de couleurs, comme le rayon du Soleil, qui en repre$ente les principales, lors qu’il pa$$e à trauers les triangles, ou les pri$mes de chry$tal, & de verre, ou qu’il $e rompt dans les au- tres diafanes. Or il faut remarquer que la blancheur re$i$te dauantage à la cha- leur, ou au feu de la lumiere, que les autres couleuts, comme l’on remarque dans le papier blanc, qui ne bru$le pas $i ay$ément que le papier noir, rouge, verd, & c. lors que l’on y veut mettre le feu auec vn miroir ardent, $oit que ce- cy arriue à cau$e que chaque cho$e agit plus fort & plus ay$ément $ur $on con- traire, ou que le noir, & les autres cou- leurs rendent le papier, & les autres corps plus gras, plus huileux, & plus propres à conceuoir le feu.

Mais l’on peut propo$er plu$ieurs dif- ficultez $ur ce $ujet, qui de$irent d’au- [00216]_& Mathematiques._ cres lieux: par exemple, que le blanc e$t le plus imparfait, puis qu’il attire, & reçoit toutes les autres conleurs, qui $ont comme les actes à l’égard de la pui$$ance: & qu’il di$$ipe la veuë, au lieu que le noir lareunit, lequel on peut appeller le plus parfait, puis qu’il refu$e toutes les autres couleurs (comme l’on dit que la matiere des cicux refu$e tou- tes les autres formes) d’autant que le noir les contient toutes en éminence. D’ailleurs, l’on peut dire que le noir dilate la veuë, puis que la paupiere s’é- largit dans les tenebres, & qu’elle $e re- $treint à la pre$ence de la lumiere. Or il y a plu$ieurs $ortes de blãcs, dont les vns viennent, ce $emble, de la $eule re- flexion de la lumiere, comme il arriue à la blancheur de la neige, qui n’e$t au- tre cho$e qu’vne quantité de rayons re- flechis en mille manieres, par les diffe- rentes parties, tant concaues que con- uexes de la neige: mais la blanchcur du drap, du laict, du lis, & c. $ont fort dif- $erentes de la precedente.

COROLLAIRE.

Sile noir, on quelqu’autre couleut [00217]_Que$tions Phy$iques,_ r\-edle papier plus rude, ou plus poreux, cela peut e$tre cau$e qu’il bru$le plus ay$ément que lors qu’il e$t plus poly, car plus vn corps e$t poly, & moins poreux, & plus ay$ément il re$i$te aux agens contraires, qui ne peuuent im- primer leurs qualités $ur leurs $urfaces, quoy que l’on remarque le contraire dans l’aymant, lequel agit d’autãt plus pui$$amment $ur le fer, qu’il e$t plus po- lv, car vn me$me morceau de fer, qui ne peut e$tre attiré par l’Aymãt brute, e$t attiré $i to$t que l’on a poly l’vn ou l’autre, ou tous deux, aux endroits pat le$quels l’vn doit attirer, & l’autre doit e$tre attiré: ce qui e$t tre$-remarquable pour plu$ieurs rai$ons.

QVESTION XLIII. Pcurquoy ics recreations que l’on prend en la pre$ence des mai$tres, & des $upericurs ne $ont elles-pas $i agreables que celles que l’on prond en leur ab$cence?

LA nature, & la proprieté de la re- creation e$t, ce $emble, tellement [00218]_& Mathematiques._ eonjointe aucc la liberté, que l’vne ne peut $e rencõtrer $ans l’autre, ou qu’el- le e$t d’autant moindre qu’elle a moins de liberté, & plus de contrainte, com- me l’on experimente dans les pri$ons, où les plai$irs que l’on peut receuoir, ne $ont iamais $i grands, quoy que l’on n’y rencõtre quelquefois de meilleurs trai- temens qu’ailleurs, comme ils $ont lors que l’on e$t en pleine liberté: car toute $orte de contrainte, & de retenue e$t vne e$pece de douleur, qui attaque l’e$- prit, ou le corps, & qui nous captiue contre no$tre volonté.

Or quand les mai$tres, ou ceux qui v$ent d’vne pareille authorité $ur nous, $e trouuent pre$ens à nos recreations, nous craignõs qu’ils ne remarquent nos pa$$ions, & nos imperfections, & qu’ils ne diminuënt la bonne opinion qu’ils pouuoient auoir conceuë de no$tre bon naturel, de nos bonnes inclinations, & de nos vertus: ce qui ne peut arriuer $ans la perte de l’e$time que nous auiõs acqui$e dans leur e$prit. Et parce que les hommes ne font pas moins de cas de leur reputation que de leur vie, & de leur e$tre, ils $ont portez d’vne me$- [00219]_Que$tions Phy$iques,_ me pa$$ion, & d’vne me$me violence à deffendre leur honneur, & leur vie; qu’ils e$timent auoir perduë dans la p\-e- $ée de ceux qui les mépri$ent. Delà vient qu’ils ne craignent $eulement pas la pre$ence des $uperieurs, & de tous ceux qui peuuent aduertir le$dits $upe- rieurs de leurs imperfections, mais au$- $i celle de tous les honne$tes hommes, dontils peuuent receuoir du bla$me, & du me$pris.

I’en excepte ceux qui $ont bien ay$es que l’on remarque $oigneu$em\-et leurs actions, a$in qu’ils en pui$$ent corriger les défauts; mais l’on en rencontre fort peu de ceux-là, car nul ne veut e$tre reprimandé; & lors que l’on en trouue, l’on peut conclurre que s’ils ne $ont $o- lidement vertueux, qu’ils $ont bien auant dans le chemin de la vertu, dont ils joüiront bien to$t, puis qu’elle ne re- butte nul de ceux qui la recherchent auec ferueur.

Et ie ne doute nullement qu’ils ne $oient bien ay$es de ne prendre nul- le recreation qu’en la pre$ence de ceux qui ont charge, ou droit de les re- prendre, & de veiller $ur leurs actions, [00220]_& Mathematiques._ dautant qu’ils de$irent de $e recreer honne$tement, ce qui ne peut e$tre re- pris de ceux qui ont du iugement, & de la vertu, & qui $çauent que les plai$irs innocens, dont on v$e pour dela$$er, & pour renforcer l’e$prit, ou le corps, a fin qu’il fa$$e mieux $es fonctions, ne $ont pas moins agreables à Dieu, ny moins honne$tes, que les affaires les plus $e- rieu$es, & les plus grands employs que l’on pui$$e auoir.

QVESTION XLIV. Quia-il de plus not able dans les Dialogues que Galilée a faits du mouuement de la terre? cette que$tion contient tcut $on premier Dialogue.

CE di$cours $eruira pour ceux qui n’ont pas, ou qui n’entendent pas les quatre Dialogues que Galilée a faits des mouuemens de la terro, car il con- tient tout ce qu’ils ont de plus remar- quable. Or il commence par la com- parai$on du mouuement droit auec le circulaire; & dit que les principales [00221]_Que$tions Phy$iques,_ parties de l’vniuers n’ont pas deu awoir d’autre mouuement que le circulaire, dautant qu’elles ont deu e$tre di$po- $ées $i parfaitement, qu’elles n’ayent eu nul be$oin de changer de place, ce qui ne pourroit arriuer $i elles $e mouuoi\-et en ligne droite, qui n’e$t point termi- née, & qui ne $ert que pour éloigner les parties du monde de leur propre lieu.

Mais le circulaire les con$eruant tou- $iours dans vne égale di$tance d’auec leur centre n’a nul point qui ne $oit $on commencem\-et & $a fin; delà vient qu’il e$t égal par tout, au lieu que le mouue- ment droit e$t plus vi$te au commence- ment, lors qu’il e$t violent, ou à la fin, quand il e$t naturel. De plus, le circu- laire e$tant perpetuellement terminé peut e$tre infiny par le moyen de la re- petition de $es tours; ce qui ne peur ar- riuer au mouuement droit, car la natu- re ne donne nul mouuement qui ne pui$$e paruenir à sõ terme: or $i le mou- uement droit va s’allenti$$ant, il $era violent, donc il ne $era pas perpetuel: s’il va s’accroi$$ant, il finira à $on terme, donc il ne durera pas tou$iours, de $or- te que le $eul mouuement circulaire [00222]_& Mathematiques._ e$t propre pour l’éternité.

A quoy l’on peut adiou$ter que $i la pen$ée de Piatõ e$t veritable, que l’Au- theur de l’vniuers a lai$$é tomber les a$tres d’vn certain lieu $i haut, que quand ils ont eu a$$ez de vi$te$$e, il a changé leur mouuement droit au cir- culaire qu’ils cõ$eruent encore, de $or- te que l’on peut $upputer d’où ils ont deu tomber pour acquerir les mouue- mens qu’ils ont en demeurãt dans leurs propres lieux.

D’où il e$t ay$é de conclurre que le mouuement circulaire, & le repos $ont tre$-propres pour la con$eruation de l’vniuers, & que le droit e$t vtile pour renuoyer les parties en leurs lieux na- turels, par vn chemin tre$ court. Et $i Ari$tote a bien definy la nature, il a deu mettre des corps qui $e repo$ent natu- rellement, comme il en a mis qui $e meuuent, puis qu’il dit qu’elle e$t le principe du mouuement & du repos.

Or il faut remarquer que la pierre qui quitte $on repos, $e meut par tous les degre@ po$$ibles de tardiueté, & qu’elle acquiert tou$iouts de nou- ucaux degrez de vi$te$$e. Apres ces [00223]_Que$tions Phy$iques,_ di$cours qu’il e$tend iu$ques à la 39. pa- ge de $on premier dialogue: il combat l’incorruptibilité qu’Ari$tote a mi$e dans les cieux, dautant que $i l’on e$toit dans la Lune, ou dans le Soleil.on n’ap- perceuroit pas mieux les petites cor- ruptiõs de la terre: par exemple, l’em. bra$ement des fore$ts, & des villes, & c. que celles qui peuuent arriuer au So- leil, dans lequel Schener a remarqué tant de corruptions, de macules, & de flammes, qu’il nous a fait douter s’il en- dure autant ou plus de corruptions, & de changemens que la terre, comme ie mon$tre dans vne autre. Si Ari$to- te eu$t veu les nouuelles e$toiles de l’an 1572. & 1604. il eu$t peut e$tre changé d’auis, particulierem\-et s’il eu$t ob$erué le lieu des Cometes au$$i haut que celuy du Soleil, comme Tycho, Kepler, & plu$ienrs autres ont remar- qué, quov que Claramontius $e $oit ef- forcé de demon$trer le contraire par les me$mes ob$ernations, & les me$mes parallaxes, dont les autres $e $ont $er- uis.

Dans la 46. page, il remarque que les macules du Solcil, nai$$ent & $e di$- [00224]_& Mathematiques._ $ipent $ouuent au milieu du Soleil, où elles paroi$$ent pl<_>9 larges qu’aux bords, au$quels leur mouuem\-et e$t plus lent, d’où il cõclud qu’elles ne $ont pas $phe- riques, & qu’elles ne $ont pas portées par des cercles cõcentriques au Soleil. Il adjou$te en $uite que l’incorruptibi- lité n’e$t pas vne qualité qui annobli$$e les corps, puis qu’vne $tatuë, qui ne $e corrompt point par la generation, ny par les autres mouuemens, e$t moins noble, & moins excellente que ne $ont les hommes.

D’ailleursnous ne pouuons $çauoir s’il a des generations dans les a$tres $em- blables ou di$$emblables à celles de la terre, & que nous n’en pouuons pas auoir de plus grandes conjectures, que celles qu’vn homme nourry au milieu d’vne fore$t auroit de la mer, des poi$- $ons, & des nauires, dont il n’auroit ia- mais oüy parler, n’y ayant nulle pen$ée rai$onnable qui nous pui$$e faire con- iecturer autre cho$e $inon que s’il y a des creatures viuantes & intelligentes dãs les a$tres, qu’elles loüent & adorent le Createur de l’vniuers.

Quant à la comparai$on de la terre [00225]_Que$tions Phy$iques,_ & de la Lune, il remarque premiere- ment que l’vne & l’autre e$t $pherique, opaque, & d’vne matiere dure, & $oli- de, comme l’on prouue par les inegali- tez, & les montagnes que l’on décou- ure dans la Lune auec les lunettes, 2, qu’elle a deux parties comme la terre, à $çauoir celle de l’eau qui paroi$t plus ob$cure, à rai$on qu’elle reflechit vne moindre quantité de rayons. 3. que la terre $e void comme vne Lune, $i l’on s’imagine vn œil dans la Lune, car lors qu’elle e$t en tenebres, la terre e$t plei- ne, c’e$t à dire que le contraire s’ob$er- ueroit dans la terre. Mais il remarque que de la terre l’on nevoid que l’hemi$- phere inferieur de la Lune, au lieu que de la Lune l’on verroit toutes les faces de la terre; encore qu’elle ne peu$t e$tre veuë de tous les endroits de la Lune. 4. $i le me$me co$té de la Lune regarde tou$iours la terre, la ligne qui pa$$e par les centres de la terre & de la Lune pa$- $e par le me$me point de la $urface de la Lune, mais l’on ne void pas la me$me face de la Lune quand on e$t $ur la $ur- face de la terre, car l’on apperçoit vn [00226]& Mathematiques. peu dauantage de $a partie Occidenta- le, & vn peu moins de l’Orientale, lors qu’elle $e leue, & au contraire quand elle $e couche. Or l’on prouue par les lunettes qu’elle paroi$t en cette façon, car de 2. macules qu’elle a, l’vne regar- de le vent Me$tral, quãd elle e$t en-$on midy, & l’autre luy e$t oppo$ee, & elle peut e$tre veuë $ans lunettes, comme la premiere dont la figure paroi$t en ellip$e, ou en ouale, & e$t $eparée des plus grandes macules: or elles paroi$- $ent tanto$t deux ou trois fois plus pro- ches, & d’autresfois plus éloignées du bord. Il remarque en 5. lieu que la Lu- ne reçoit vne plus grande lumiere de la terre, quand elle e$t à demy pleine, de $orte que la lumiere reflechie par la ter- re e$t cau$e que nous voyons la partie de la Lune qui n’e$t point illuminée du Soleil. 6. ces 2. corps s’eclip$ent l’vn l’autre reciproquement. 7. $i le corps de la Lune e$toit poly cõme vn miroir, elle ne nous paroi$troit iamais illumi- née qu’en vne partie fort petite, com- meil e$t ay$é de demon$trer par la gla- ce d’vn miroir cõuexe: c’e$t pourquoy [00227]_Que$tions Phy$iques,_ les inegalitez de la Lune nous $eruent pour nous la fairevoir en $es differentes illuminations par le moyen d’vne infi- nité de plans, qui reflechi$$ent la lu- miere de tous co$tez. Et parce que l’eau que l’on répand $urvn corps remplit $es pores, & $es cauitez, & que $a $urface perd $es inegalités, nous le voyons plus noir, & plus ob$cur, comme l’on expe- rimente $ur les carreaux illuminez du Soleil, $ur le$quels on ver$e de l’eau.

En 7. lieu, l’on remarque que la lu- miere de la terre reflechie $ur la Lune paroi$t beaucoup plus claire 2. ou trois iours deuant, qu’apres $a conjonction auec le Soleil, comme l’on experimen- te en la regardant vers l’Orient, auant que l’Aurore paroi$$e, car elle paroi$t mieux qu’à l’Occident: ce qui arriue à rai$on de l’hemi$phere terre$tre, qui e$t oppo$é à la Lune d’Orient, car ce co$té de la terre contient toute l’A$ie, & a plus de terre que de mer: mais l’autre hemi$phere, qui cõtient le grand Oceã Atlantique, e$t oppo$é à la Lune Occi- dentale, & l’experience en$eigne que la reflexion de l’eau e$t plus foible que celle de la terre. D’où l’on ne peut pas [00228]_& Mathematiques._ conclurre que la Lune $oit compo$ee de terre & d’eau, d’autant que la dif- ference de ces lumieres peu. arriuer pour d’autres rai$ons.

En 8. lieu les parties de la Lune les plus polies $ont les moins claires, & fõt $es macules, comme l’on remarque aux lignes des bords qui $eparent la partie illuminée d’auec l’autre, car les lieux où il n’y a point de macules, paroi$$ent merueilleu$ement inegales, & comme remplies d’herbes, d’arbres, ou de mõ- tagnes, au lieu que les lieux des macu- les paroi$$ent tre$-egaux.

En 9. lieu, il conclud qu’il n’y a point d’habitans dans la Lune, ou que s’il y en a qu’ils $ont entierement differens d’auec ceux de la terre, à raì$on qu’elle e$t differemment illuminée par le So- leil, car toute $a $urface n’e$t illuminée qu’vne fois le mois, durant lequel elle a $es 4. $ai$ons, au lieu que la plus gran- de partie de la terre qui e$t illuminéo chaque iour, n’a les $iennes que dans vn an. Et puis les Tropiques de la terre $ont éloignez de 47. degrez, & ceux de la Lune n’ont que 10. degrez, quí font la largeur du ventre du Dragon: [00229]_Que$tions Phy$iques,_ & finalement l’on n’a iamais ob$eruó de nuéo dans la Lune, comme dans la terre.

QVESTION XLV. Qui a-il de remarquable dans le $econd Dialogue de Galilée.

IL s’efforce de per$uader le mouue- ment annuel de la terre dans cette 2. partie par les rai$ons qui $uiuent, car puis qu’il a fallu pour le bien des hom- mes que tout l’vniuers, & particuliere- m\-et les e$toiles, & le Soleil enui$agea$t les differentes parties de la terre, il $em- ble qu’il e$t plus rai$onnable qu’elle fa$$e $on tour en 24. heures, que de fai- re tourner le Soleil, & les e$toiles en me$me temps, puis que le circuit, & le chemin de la terre e$t quatorze mille fois plus court, & que l’õ $e mocqueroit de celuy qui feroit tourner vne ville toute entiere au tour de $oy, pour en voir toutes les mai$ons, au lieu de $e tourner $oy me$me $ur vne tour pour la voir.

Dans la 109. page, il remarque que [00230]_& Mathematiques._ le mouuement des corps e$t $eulement à l’égard des autre; corps qui $ont priuez de ce me$me mouuement, & qu’ Ari$tote a peruerti cet axiome en $ub$tituant que tout ce qui a mouue- ment, $e doit mouuoir $urvne cho$e im- mobile; d’où il conclud que le grand mouuement qu’ont les a$tres de l’O- rient à l’Occident ne peut e$tre appellé mouuement à leur égard, mais $eule- ment en le comparãt auec la terre, par- ce qu’il $e fait pour elle $eule; or elle peut $uppleer tous ces mouuemens en $e tournant elle me$me, & la nature cherche tou$iours, & $uit le chemin le plus court. Et puis $i la terre e$toit im- mobile, il faudroit que les a$tres eu$$ent deux mouuen@\-es contraires en me$me temps, à $çauoir le diurne d’Orient en Occident, & le propre d’Occident en Orient, lequel ils ont $eulement en mettant la mobilité de la terre: que y que l’on luy pui$$e répondre que les a$tres qui $e meuuent plus vi$te de me$- me co$té, ont du mouuement à l’égard de ceux dont le mouuem\-et e$t plus tar- dif, & que $i l’on $çauoit toutes les rai- $ons que Dieu cognoi$t, & tous les e$- [00231]_Que$tions Phy$iques,_ fets & les rencontres qui doiuent e$tre dans tout l’vniuers, que l’on iugeroit qu’il e$t plus à propos que la terre $oit immobile.

Mais il adiou$te que les plus grands cercles, ou $pheres du monde $ont plus de temps à faire leur circuit que les moindres, car Saturne fait le $ien en 30. ans, Iupiter en 12. Mars en 2. le Soleil en vn, la Lune dans vn mois; & $i l’on con$idere les $atellites de Mars, le pre- mier fait $on cours dans 42. heures, le 2. en trois iours & demy, le 3. en 7. & le 4. en $eize. Or la terre ne peut e$tre immobile $ans troubler cet ordre, car il faut pa$$er tout d’vn coup in$ques aux e$toiles qui$e meuuent en 24. heu- res, au lieu que leur mouuement de- uroit e$tre fort tardif, puis que leur $phere e$t beaucoup plus grande que celle de Saturne, & con$equemment qu’elle deuroit e$tre immobile, de peur que l’on $oit contraint d’auoüer que les e$toiles, qui pa$$ent par l’équinoctial, $e meuuent tre$ - vi$te, & que celles qui approchent du pole $e meuuent tre$- lentement. Certes ces rai$ons ne per- $uadent nullement, dautant qu’il n’ya [00232]_& Mathematiques._ nulle ab$urdité que les a$tres, qui ont les plus grandes $pheres, aillent plus vi- $te; & l’ordre fixe, & permanent qu’ils tiennent dans le firmament $olide, ou liquide, ne prouue autre cho$e $inõl’ad- mirable $age$$e de l’Ouurier qui les a $i bien di$po$ez, qu’ils ne peuuent iamais abandonner leur rang. L’autre rai$on pri$e de la facilité qu’il y a de mouuoir la terre indiffer\-ete au repos & au mou- uement, puis qu’elle n’a point d’autre $u$pen$ion que $on propre poids, ou équilibre, & qu’il n’e$t pas po$$ible que le premier mobile raui$$e tous les au- tres cieux, que quant & quant il n’é- branle la terre, qui n’a nul appuy hors de $oy, $emble e$tre plus forte; encore que l’on pui$$e répõdre que Dieu l’em- pe$che de $e mouuoir, & que $on c\-etre affermit tellement toutes $es parties qu’il l@s tient tou$iours dans vn me$me lieu: & il n’e$t pas plus difficile à Dieu derendre chaque partie de la circonfe- rence immobile, que le centre.

Iclai$$e maintenant plu$ieurs autres cho$es, dont il traite dans cc 2. Dialo- gue, & dans le 3. & le 4. dautant que i’en re$eruele di$cours, & l’exam\-e par@ [00233]_Que$tions Phy$iques,_ ticulier pour vn liure entier, c’e$t pour- quoy j’adiou$te $eulement icy le iuge- ment, & la cen$ure que les Cardinaux ont fait à Rome, de $on liure, & de $es opinions, afin que nul ne $e lai$$e $ut- prendre dans ces matieres.

COROLLAIRE.

Il n’e$t pas nece$laire d’expliquer icy les rai$ons pour le$quelles Galilée a e$té condamné, tant parce que l’hi$toire en $eroit trop longue, que parce que la $entence, & le procez qui $uit en de- clare vne partie, comme l’on verra à la $uite du di$cours, qui contient premie- rement les noms des Cardinaux qui y ont a$$i$té.

Sentence contre Galilée, & contre $es Dialo- gues du mouuement de la terre.

NOus Ga$par du titre de $ainct@ Croix en Ieru$alem, Borgia.

Frere Fœlix Centino du titre de $ainct Ana$ta$e dit d A$coli.

Guido du titre de $ainte Marie du Peu- ple, Bentiuoglio.

[00234]_& Mathematiques._

F. De$iré Scaglia de $ainct Charles, dit Cremone.

F. Anthoine Barberin dit de S. Onu- phre.

Laudiuius Zacchia du titre de S. Pier- re és Liens, dit de S. Sixte.

Berlingerius du titre de S. Augu$tin Ge$$o.

Fabrice du titre de S. Laurent in pane & perna Vero$pi, appellez Pre$tres.

François de S. Laur\-et in Dama$o Bar- berin, & Martius de Ste Marie neufue Ginetto, Di@cres par la mi$ericorde de Dieu, Cardinaux de la $aincte Egli$e Romaine, Inqui$iteurs Generaux de la $aincte Foy Apo$tolique, en toute la Republique Chre$tienne, $pecialem\-et deputez contre l’here$ie.

Comme ain$i $oit que toy Galilée, fils de feu Vincent Galilée Florentin âgé de 70. ans, as e$té denoncé en ce S. Office dés l’année 1613. que tu tenois pour vraye la fau$$e doctrine en$eignée par quelques-vns, à $çauoir que le So- leil e$t le centre du monde, & qu’il e$t immobile, & que la terre $e meut au$$i d’vn mouuement journalier; que tu auois quelques di$ciples au$quels tu [00235]_Que$tions Phy$iques,_ en$eignois la me$me doctrine; que tou- chant la me$me cho$e tu entretenois corre$pondance auce quelques Mathe- m@@ciens d’Allemagne: que tu auois f imp@mer quelques lettres intitu- lées, _ du S@l@@l_, dans le$quel- l@@ tu expliquois la me$me doctrine comme vraye: qu’aux obiections ti- rées de la $amcte E$criture que quel- quefois l’on te fai$oit, tu re$pondois en glo$ant ladite E$criture conformém\-et à ton $entiment: & qu’en $uite la co- pie d’vn écrit en forme de lettre fut pre$entée, que l’on di$oit auoir e$té e$- @rite par toy à vn certain ton di$ciple, en laquelle $uiuant l’expo$ition de Co- pernic, $ont contenuës diuer$es propo- $itions contre le vray $ens, & l’aurhori- té de la $aincte E$criture.

P@@rcc $uiet le $ainct Office voulant pourno@r au de$ordre, & au dommage qui prouenoit de là, & qui s’alloit aug- mentãt au preiudice de la $aincte Foy. Par i’ordonnance de $a Saincteté, & des Fminenti$$imes & Reueiendi$$i- mes Seig@eurs Cardinaux de cette $ou- uerai@e. & vniuet $elle Inqui$ition, les deux propo$itions de la $tabilité du So- [00236]_& Mathematiques._ leil, & du mouuement de la terre, ont e$té qualifiées par les Theologi\-es Qua- lificateurs, à $çauoir,

Que cette propo$itiõ, _La terre n’c$t point_ _le centre du monde, @i immohile, mais elle $e_ _ment, me$me du mouuement iourn@li@@_, e$t vne propo$ition ab$urde, & fau$$e en la P@ilo$ophie, & que con$iderée en Theologie, elle e$t au moins erronée en la Foy.

Mais parce que l’on vouloit alors proceder enuers toy auec douceur, il fut decreté dans la Congregatiõ tenuë en la pre$ence de $a Saincteté le 29. de Feburier 1616. que l’Eminenti$$ime Seigneur Cardinal Bellarmin t’enioi- gni$t que tu eu$$e à quitter entierement ladite fau$$e opinion, & qu’au cas que tu refu$a$$e de ce faire, le Commi$$aire du S. Office te fei$t commandement de quitter ladite doctrine, & que tu ne continua$$e plus à l’en$eigner aux au- tres, ni à la deffendre, ni à en traiter: que $i tu n’aquie$$ois à ce commande- ment, tu fu$$e mis en pri$on, & en exe- cution du me$me Decret, le iour $ui- uant dans le Palais, & en la pre$ence du $u$dit Eminenti$$ime $eigneur Car- [00237]_Que$tions Phy$iques,_ dinal Bellarmin, apres auoir e$té beni- gnement aduerti & admone$té par le me$me $eigneur Cardinal, il te fut fait commandement par le Pere Commi$- $aire du S. Office, qui e$toit pour lors auec vn Notaire, & des te$moins, que tu eu$$e à quitter du tout ladite fau$$e opiniõ, qu’à l’aduenir tu ne peu$$e plus la tenir, ni la deffendre, ny l’en$eigner en façon quelconque, ny de viue voix, ny par écrit; ce qu’a yant promis tu fus licentié. Et afin d’abolir entierement vne $i pernicieu$e doctrine, & d’empe$- cher qu’elle n’alla$t $e gli$$ant plus auãt au grand preiudice de la verité Catho- lique, il emana vn Decret de la Con- gregation de l’Index, par lequel les li- ures qui traitent d’vne telle doctrine furent deffendus, & cette me$me do- ctrine declarée fau$$e, & du tout con- traire à la $aincte E$criture.

Et dernierement ayant icy paru vn liure imprimé à Florence l’an pa$$é, dont l’in$cription mon$troit que tu en e$tois l’autheur, le titre e$tant tel, Dia- logues de Galilée Galilei des deux prin- cipaux $y$temes du monde Ptolemai- que, & Copernique, & en $uite la $ain- [00238]_& Mathematiques._ te Congregation e$tant informée que par l’impre$$iõ dudit liure la fau$$e opi- nion du mouuement de la terre, & de l’immobilité du Soleil prenoit plus de pied de iour en iour, & s’e$tendoit de plus en plus; apres que ledit liure fut di- ligemm\-et con$ideré, l’on y trouua l’ex- pre$$e tran$gre$$ion du $u$dit comman- dement, qui t’auoit e$té fait, le me$me liure deffendu continuant ladite opi- nion de$ia cõdamnée, & declarée pour telle en ta pre$ence, encore que tu t’ef- forces dans ledit liure de per$uader par differentes rai$ons que tu la lai$$e, com- me indeterminée, & expre$$ément pro- bable, ce qui $emble vn erreur (vne opinion declarée, & definie pour con- traire à la $ainte E$criture, ne pouuant en nulle façon e$tre probable)

Et pour ce $uiet par no$tre ordõnan- cetu as e$té appellé à ce S. Office, où apres ton $erment e$tant examiné tu as reconnu que tu as compo$é, & fait im- primer le liure, & as confe$$é qu’il y a enuiron 10. ou 12. ans, qu’aprez que l’on t’eut fait le $u$dit commãdement, tu cõmenças à écrire ledit liure, lequel @u as demādé congé de faire imprimer, [00239]_Que$tions Phy$iques,_ $ans toutesfois notifier à ceux qui t’ont donné cette licence, que tu auois com- mandement de ne point tenir, ni en- $eigner en aucune maniere vne tello doctrine.

Tu as pareillement confe$$é que ce qui e$t contenu audit liure e$t tellem\-et deffendu en plu$ieurs lieux que le le- cteur peut $e former cette pen$ee que les argumens rapportez pour la partie fau$$e e$tant deduis, & cnoncez en tel- le maniere, ils $ont plus pui$$ans pour conuaincre, que faciles à $oudre, t’ex- cu$ant d’e$tre tombé en cet erreur ($i éloigné comme tu @s dit) de ton inten- tion, pout au oir écrit en forme de dia- logues, & par la naturelle complai$an- ce que chacun a en $es propres $ubtili- tez, & à $e faire paroi$tre plus $ubtil que le commun des hommes, & me$mes à trouuer des di$cours ingenieux, & des rai$onnemens probables en apparence, pour appuyer des propo$itions fau$$es.

Et t’ayant e$té determiné vn temps conuenable pour faire tes deffences, tu as produit vne Atte$tation écrite de la main de l’Eminenti$$ime Cardinal B@llarmin que tu auois procurée, com- [00240]_& Mathematiques._ me tu as dit, pour te deffendre des ca- lomnies de tes ennemis, qui di$oient que tu auois fait vne abjuration, & que tu auois e$té penitentié par le S. Office; par laqueile atte$tation il e$t dit que tu n’auois fait aucune abjuration, & que tu n’auois point au$$i e$té penitencié, mais que l’on t’auoit $eulem\-et pronon- cé la declaration faite par $a Saincteté, & publiée par la Sacrée Congregation de l’Index, dãs laquelle il e$t porté que la doctrine du mouuement de la terre, & de l’immobilité du Soleil e$t contrai- re aux $aintes E$critures, partant qu’el- le ne $e peut deffendre, ni tenir, & que par con$equent n’y e$tant faite aucune mention des deux parties du comman- dement, à $çauoir _docere, & quouis modo_, l’on doit croire que dans le cours de 14. ou 16. ans tu en auois perdu toute me- moire, & que pour la me$me rai$on tu auois teu le commandement, quand tu as demandé la licence de pouuoir faire imprimer le liure, & que tu di$ois tout cela, non pour excu$er ta faute, mais afin que l’on ne l’attribuë nõ à vne ma- lice, mais à vn@ ambition.

Mais tu es demeuré plus chargé par [00241]_Que$tions Phy$iques,_ l’atte$tation que tu as produite pour ta deffence, puis qu’il e$t porté par icelle que ladite opinion e$t contraire à la $aincte E$criture, tu as neantmoins o$é en traiter, & la deffendre comme pro- bable, la licence que tu as extor quée auec artifice, & fine$$e, ne te peut e$tre fauorable, n’ayant pas notifié le com- mandement que tu auois.

Et nous e$tant auis que tu n’auois pas dit entierement la verité touchant ton intention, nous iugea$ines qu’il e$toit nece$$aire de proceder contre toy à l’e- xamen rigoureux, auquel $ans aucun preiudice des cho$es par toy cõfe$$ées, & deduites contre toy, comme cy de$- $us, tu as répondu catholiquement $e- lon ta dite intention.

Partant veu meurement, & examiné l’importance de cette ti\-ene cau$e auec te$dires confe$$ions & excu$es, & tel- le que l’on deuoit rai$onnablement voir, & con$iderer, nous auons proce- dé contre toy à la $entence definitiue e$crite cy apres.

A yant done inuoqué le Tre$-$ainct nom de no$tre Seigneur Ie$us-Chri$t, & de la tre$-glorieu$e Mere tou$iours [00242]_& Mathematiques._ Vierge Marie, par cette no$tre $enten- ce deffinitiue, laquelle $eansicy en no- $tre Tribunal, du con$eil & aduis des R. P. Mai$tres en la $aincte Theologie, & Docteurs de l’vn & l’autre droit nos Con$ulteurs, nous proferõs en ces écri- tures en la cau$e & és cau$es agitécs pardeuãt nous entre l’honorable Char- les Syncero Docteur de l’vn, & l’autre droit, Procureur Fi$cal de ce $ainct Of- $ice d’vne part, & toy Galilée Galilei $u$dit coupable icy pre$enté, interrogé, pour$uiuy, & confe$$é comme de$$us de l’autre. Nous di$ons, prononçons, & decernõs, quc toy calilée $u$dit pour les cho$es deduites au procez, & par toy confe$$ées comme de$$us, t’es rend@ grandement $u$pect d’here$ie à ce S. Office, à $çauoir d’auoir tenu, & creu la doctrine fau$$e, & cõtraire aux $ain- tes & diuines E$critures, que le Soleil e$t le centre du monde, & qu’il ne $e meut pas d’Orient en Occident, & que la terre $e meut, & n’e$t pas le centre du monde, & que l’õ peut tenir & def- fendre pour probable vne opiniõ apres auoir e$té declarée, & definie pour con- traire à l’E$criture $aincte, & qu’en $ui- [00243]_Que$tions Phy$iques,_ te tu as encouru toutes les cen$ures, & peines des $acrez Canons, & autres con$titutions generales, & patt@culieres impo$ées, & promulg@ées contre $em- blables delinquans, dont nous con- $entõs que tu $ois ab$ous, pourueu que tu abiure, & maudi$$e, & dete$te de- uant nous auec vn cœur $incere, & vne foy non e les $u$dites erreurs, & here$ies, & toute autre erreur, & here- $ie contraire à l’Egli$e Apo$tolique & Catholique, en la maniere & en la for- me que nous te donnerons.

Et afin que ce$te grande erreur, & cette tran$gre$$ion que tu as commis ne demeure pas entierement impunie, & que tu $ois plus adui$é à l’aduenir, & que tu $erue d’exemple aux auttes, afin qu’ils s’ab$tiennent de $emblables fau- tes, Nous ordonnons que par vn Edit public, le liure des Dialogues de Gali- lée Galilei $oit deffendu, te condam- nons aux pri$ons formelles de ce no$trc $ainct Office po@r le temps qu’il nous plaira, & pour penitence $alutaire t’im- po$ons que durant les trois années $ui- uantes tu die vne fois la $emaine les 7. P$eaumes Penitentiels, nous re$eruans [00244]_& Mathematiques._ le pouuoir de moderer, changer, & le- uer du tout, ou en partie les peines, & penitences $u$dites. Et ain$i di$ons, prononçons, decernons, declarons, or- donnons, condamnons, & re$eruons en ce$te, & en toute autre meilleure ma- niere, & forme que de rai$on nous pou- uons, & deuons, _Ita pronunciamus nos_ _Cardinalcs infra$cripti._

_Fr. Cardinalis de A$culo._

_G. Gardinalis Bentiuolus._

_Fr. D. Cardinalis de Cremona._

_Fr. Ant. Cardinalis S. Onofr{ij}._

_B. Cardinalis Gyp$ius._

_F. Cardinalis Vero$pius._

_M. Cardinalis Gine$tus._

Ie Galilée fils de feu Vincent Galilet âgé de 70. ans, con$titué per$onnelle- ment en iugement, & agenoüillé de- uant vous Eminenti$$imes, & Reuer\-e- di$$imes Seigneurs Cardinaux Inqui$i- teurs Generaux en toute la Republi- que Chre$tienne contre la malignité heretique, ayant deuant mes yeux les Sacro $aincts Euãgiles, le$quels ie tou- che de mes propres mains, iure que i’ay tou$iours creu, crois maintenant, & moyennant l’ayde de Dieu croiray à [00245]_Que$tions Phy$iques,_ l’aduenir tout ce que la $aincte Egli$e Catholique, Apo$tolique, & Romai- ne tient, pre$che, & en$eigne: mais dau- tant que par ce $ainct Office, pour auoir dit qu’il n’auoit e$té de $a part me$me iuridiquement inthimé auec comman- dement que i’eu$$e à quiter entierem\-et la fau$$e opinion, que le Soleil e$t le centre du monde, & qu’il ne $e mcut point, & que i’eu$$e à ne point tenir, ny deffendre, ny en$eigner en façon quel- conque, ny de viue voix, ny par écrit ladite fau$$e doctrine, & dit qu’il m’a- uoit e$té notifié que ladite doctrine e$t contraire à la $aincte E$criture, & fait imprimer vn liure, dans lequelie traite la me$me doctrine de$ia condamnée, & apporte des raisõs auec beaucoup d’ef- ficace en $a faueur, $ans donner aucune $olution, i’ay e$té iugé grandement $u$- pect d’here$ie, à $çauoir d’auoir tenu, & creu que le Soleil e$t le centre du mon- de, & immobile, & que la terre n’e$t point le centre, & qu’elle $e meut.

Partant voulant o$ter de l’e$prit de vos Emin\-eces, & de tout fidelle Chre- $tien ce vehement $oupçon, rai$onna- blement conçeu contre moy, Ieiure, ie [00246]& Mathematiques. dete$te, & maudis d’vn cœur $incere, & d’vne foy nõfeinte les $u$dites erreurs, & here$ies, & generalement routes & chacune autre erreur, here$ie, & $ecte contraire à la $u$dite Ste Egli$e, & iure qu’à l’aduenir ie ne diray ny n’affirme- ray plus iamais de voix, ou par e$crit telles cho$es, à rai$on de$quelles on pui$$e auoir vn $emblable $oupçon de moy. Que plu$to$t $iie viens à connoi- $tre quelque heretique, ou quelqu’vn qui en $oir $u$pect, ie le dénonceray à ce $ainct Office, ou bien à l’Inqui$iteur, ou à l’ordinaire du lieu où il $era. Ie iu- re au$$i, & promets d’accomplir, & gat- der entierement toutes les penitences qui m’ont e$té, ou me$eront impo$ees par ce S. Office. Etauant que ie con- treuienne à aucune de me$dites pro- me$$es & iuremens (ce que Dieu ne vueille) ie me $ou$mets à toutes les pei- nes, & les punitions, qui $ont impo$ées, & promulguées par les $acrez Canons, & autres Con$titutions generales, & patticulieres contre $emblables delin- quans. Ain$i Dieu m’a$$i$te, & ce$ont les $ainctes Euangiles que ie touche.

Ie Galilée Galilei $u$dit ay abjuré, [00247]Que$tions Phy$iques, iuré, promis, & me $uis obligé comme de$$us, & en témoignage de la verité, Pay $ou$crit de ma propre main la pre- $ente cedule de mon abiuration, & l’ay recitée de mot à mot à Rome dans le Conuent de la Mineure ce iourd’huy 22. de Iuin 1633.

Ie Galilée Galilei ay abiuré comme de$$us de ma propre main.

QVESTION XLVI. A $çauoir $i la Nature & les $ens $e plai$ent à la varieté, & à la diuer$ité des ob- iects, & pour quelles rai$ons elle y prend plai$ir.

BIen que cette que$tion $emble n’a- uoir pas be$oin d’e$tre prouuée cõ- me e$tant concedée de toutle monde, meantmoins elle e$t plus difficile que plu$ieurs ne $e l’imaginent, car la rai$on n’en e$t pas connue; c’e$t pourquoy le temps qui $era employé à l’expliquer, ne $era pas perdu, pourueu que nous pui$$ions produire les rai$ons, & les cau- $es de $a verité, puis qu’elle e$t l’vn des [00248]& Mathematiques. principaux fondemens de la compo$i- tion de Mu$ique, & de l’att que les Grecs appellent Melopoée. Or cette propo$ition $ignifie pre$que vne me$me cho$e que ce qui $e dit aux écoles, _Na-_ _tura diuer$o gaudet._ Mais on peut parler de la nature en plu$ieurs manieres, car elle $e pr\-ed quelquefois pour celuy qui a fait la nature, c’e$t à dire pour l’Au- theur de l’vniuers, & e$t appellée dans les écoles _Nature Naturante_, cõme tout ce qui a e$té fait, e$t appellé _Nature Na-_ _turée:_ D’autre$ois elle $e prend pour l’e$$ence de chaque cho$e, particuliere- ment pour celle de l’homme qui e$t l’abregé du monde, & qui contient la nature intellectuelle, la $en$itiue, & la vegetante.

Sinous parlons de la nature qui $igni- $ie l’Autheur de l’vniuers, c’e$t cho$e a$$eurée qu’il $e plai$t à la diuer$ité, puis qu’il a fait toutes les differances des e$tres, & des natures qui compo$ent les cieux, & les elemens, car il ne peut fai- re que ce qu’il luy plai$t: De là vient que nous pouuons meriter la vie erer- nelle par le plai$ir que nous prenons à contempler toutes les riche$$es & les [00249]Que$tions Phy$iques, diuer$itez qui $ontau monde, $i toutes- fois nous le rapportons à celuy de Dieu, & $i nous le conformons à celuy duquel le no$tre e$t l’image.

Si nous prenons la nature pour l’e$- $ence, ou les facultez de chaque cho$e, il n’y a que celles qui ont du $entiment, ou la vie $en$itiue, qui pui$$ent recenoir du plai$ir. Nous ne $çauons pas me$me $i les oy$eaux, & les autres animaux qui n’ont que l’ame $en$itiue, prennent du plai$ir à ce qu’ils font à proprem\-et par- ler; car il $emble que le plai$ir con$i$te en la re$lexion que fait l’e$prit $ur les operations des $ens, qui luy $ont agrea- bles & qu’il $oit be$oin de quelque li- berté, $i on veut que l’action ou la pa$. $ion $oit plai$ante, car $i nous e$tions contraints de mãger, de flairer les bon- nes odeurs, ou d’entendre la Mu$ique, ces actions contraintes $e cõuertiroient en déplai$irs. Non que le veuille icy determiner $i les oy$eaux ont du plai$ir à chanter, & les autres animaux à $e joüer en$emble, ou s’ils en ont, quel il peut e$tre, dautant que cette difficulté merite vn traicté particulier; il me $uf- fit de dire $eulement qu’ils ne $ont pas [00250]& Mathematiques. contraints à faire ce qu’ils font encore qu’ils le fa$$ent nece$$airement: car le ro$$ignol, par exemple, ne peut quitter $on chant, s’il n’arriue quelque cho$e de nouueau qui le nece$$ite de ce$$er: & ne peut commencer, s’il ne re$$ant quelque aiguillon, dont il e$t tellem\-et picqué, qu’il ne peut y re$i$ter, $embla- ble aux fleurs@ qui s’ouurent nece$$aire- ment à la pre$ence du Soleil, & qui $e ferment en $on ab$ence; autiement il faudroit aduoüer que les be$tes $eroièt libres en leurs actions, ce qui n’appar- rient qu’à la nature intellectuelle & rai- $onnable, qui porte la re$$emblance de la liberté Diuine, & qui par la preroga- t@ue de $a liberté e$t au$$i éloignée de l’imper$ection des animaux, que le ciel e$t éloigné de la terre. Par con$equent on peut dire que le ro$$ignol, ou les au- tres oy$eaux ne peuuent re$i$ter à la douceu@, & au charme des voix & des luths, qu’ils $uiuent dans les bois, ou ailleurs, dõt ils $ont au$$i pui$$amm\-etou du moins au$$inece$$airem\-et attirésque les carro$$es le $ont par les cheuaux quí les meinent: Ce qu’il faut encore con- clurre des autres objects, au$quels $e [00251]Que$tions Phy$iques, portent, ou plu$to$t $ont portez les ani- maux, qui $uiuent ce qui leur e$t conue- nable, comme le fer $uit l’aymant. Ce qui n’e$t pas de me$me en la nature rai- $onnable, qui a vn contentement plein de liberté, & à qui ie veux appliquer cette propo$ition, car c’e$t pour les hõ- mes que i’écris de la mu$ique, bi\-e qu’el- le face de grands effects $ur les autres cho$es animées, & inanimées, comme i’av dit & demon$tré aux autres liures.

Ce que nous cerchons donc, ce $ont les rai$ons pourquoi nous nous plai$ons à la diuer$ité des ob@ects, & nommé- ment, pourquoy la $uite de differents accords nous plai$t dauantage, que la continuation d’vn me$me accord, en- core que cettuy cy $oit le plus agreable de toute la Mu$ique: par ex\-eple, pour- quoy la continuation de l’octaue, ou de la quinte, qui $ont les deux cõ$onances les plus excellentes, & les plus agrea- bles, ne nous contente autant ou da- uantage que le mélãge des tierces, des $extes, & c. auec la quinte & l’octaue, Il en e$t de me$me des autres obiects, car on remarque que le $ucre qui e$t $i agreable nous déplai$t $inous en v$ons [00252]& Mathematiques. $ouuent, & le verd ne nous e$t pas $i agreable, que nous n’aimions mieux le quitter pour voir d’autres couleurs qui ne nous $ont pas $i conformes.

Certainement $i nous con$iderons le plus par$ait obiect de chaque $ens com- me $a $in derniere, & que, par exemple, le doux $oit la felicité du gou$t, le verd des yeux, l’odeur de l’œillet du flairer, le par$ait poly du toucher, & l’octaue de l’oüie, il $era, ce me $emble, a$$ez difficile de dire pourquoy nos $ens $e plai$ent à la diuer$ité, puis qu’ils doi- uent $e repo$er dans la po$$e$$ion de ce qui leur e$t le plus conforme, & de ce qui leur apporte la plus grande perfe- ction qu’ils pui$$ent receuoir: $i ce n’e$t qu’on di\-e que le parfait obiect de cha- que $ens doit contenir toutes les cho- $es dõt il e$t capable: Par exemple, que l’obiect de l’oreille, ou de l’oüie, doit contenir toutes les con$onances, & me$me toutes les di$$onances formel- lem\-et, ou en émmance: que l’obiectdu gou$t doit cõtenirt@utes les$aueut@, cõ- me on dit de la mãne que Dien enuoya aux enfans d’I$rael; que l’obiect de la v{ae}uë doit embra$$er toutes les couleurs [00253]Que$tions Phy$iques, & toute la lumiere, & c. ce qui n’arriue- ra qu’en Paradis, ou l’e$$ence Diuine $era le parfait obiect de l’entendement des bien-heureux, & ou les $ens ioüi- ront de la perfection de leurs obiects, dont il $era traité plus amplement dans le dernier liure, qui $era de la Mu$ique des bien-heureux. Il $uffit de $çauoir & d’experimenter que les obiects de nos $ens n’ont pas icy leur perfection, ou que les $ens sõt priuez de celle qu’ils auront apres la re$urrection: Mais par- lant $eulem\-et des $ens dont nous nous $eruons maintenant, nous pouuõs dire qu’ils $e plai$ent à lavarieté de leurs ob- iects, afin qu’ils pui$$ent trouuer $epa- rément, ce qu’ils ne peuuent rencon- trer en vne cho$e, & qu’ils $e forment quelque idée de la perfection à laquelle ils a$pirent. D’abondant les organes des $ens $ont compo$ez des quatre ele- mans, & ont leurs quatre qualitez, & celles qui en nai$$ent qu’on appelle $e- condes, de là vient qu’ils ont be$oin de routes les $ortes d’obiects pour leur $a- tisfaction, dont les vns $ont plus terre- $tres, les autres ont plus d’eau, & c. afin qu’ils trouuent aux vns, ce qui n’e$t pas aux autres.

[00254]& Mathematiques.

Mais il faut à mon aduis tirer la prin- cipale rai$on de l’e$prit, puis que c’e$t luy qui reçoit le plai$ir par le moien des $ens qui n’ont nulle connoi$$ance, & qui $eruent $eulement de matiere, & d’in$trum\-et à l’ame. L’e$prit de l’hom- me qui e$t capable de connoi$tre tout ce qui e$t intelligible, de$ire tou$iours d’appr\-edre cho$es nouuel@es, delà vient que $i to$t qu’il a entendu la quinte ou l’octaue, & qu’il a ioüy de tout le plai$ir qui s’y rencontre, il de$ire incontinent de s’appliquer à d’autres connoi$$ances, & de gou$ter le plai$ir qui e$t aux autres con$onances, encore qu’il $oit plus im- parfaict que celuy dont il ioüi$$oit au- parauant; afin que $a perfection $oit augmentée, qui con$i$te dans vne con- noi$$ance qui $oit plus grande en $on e$tenduë ou en $a per$ectiõ, qu’elle n’e- $toit auparauant.

A quoy il faut adiou$ter que l’e$prit de l’homme luy a e$té baillè en partage en contre-échange de plu$ieurs autres cho$es, qui $ont tombées au lot des au- tres animaux, pour $uppléer qua$i à tout ce qui luy pourroit manquer; & com- me toute $orte de cho$es ne peuuent [00255]Que$tions Phy$iques, pas e$tre employées à me$me v$age, il ta$che à les connoi$tre toutes pour s’en $eruir à l’occa$ion; que $i vne $eule cho- $e luy $uffi$oit, il $eroit content de $a $eule connoi$$ance, mais e$tant en la nature comme vn Roy dãs vn Royau- me, qui comme éleué plus $plendide- ment, & nourry plus delieatement a be$oin pour $a per$onne de beaucoup de cho$es, dont $es $ujets, & le re$te du peuple $e pa$$ent, il a nõbre d’officiers, de valets, & de pouruoieurs; au$$i l’e$- prit de l’homme employe tous les $ens, & les enuoye à la proui$ion de tout ce que la nature a e$tably icy bas, pour s’en $eruir, non $eulement en $es nece$$itez, mais au$$i à $es plai$irs & cõtentemens.

Di$ons d’abondant que les hommes ayment la diuer$ité comme infirmes, & peri$$ables, pui$que la vie des hommes ne $e con$erue qu’en peri$$ant. Du pre- mier iour qu’il commence, il court à $a $in, & quoy que toutes $es actions ten- dent à $on augm\-etation, cõme actions, neantmoins elles cõ$omment vne par- tie de luy me$me. Tous les $ens $ub$i- $tent par les e$prits, qui $ont portez par les ner$s à l’organe du $ens, & les e$prits [00256]& Mathematiques. $e con$omment en l’action, de $orte qu’il e$t be$oin de repos pour les repa- rer. Or les vnes des actions $ont repos à proportion des autres, le trop long re- pos e$t oi$i$, & le trop long trauail e$t de$troi$ant, il faut dõc qu’ils $uccedent l’vn à l’autre, & de cette $ucce$$ion nai$t la diuer$ité, & de cette diuer$ité le plai- $ir, comme en la Mu$ique, l’octaue $e peut dire le repos entier, la quinte vn grand $oulagement, la quarte vn tra- uail leger, la tierce vn plus court, la $exte vn moindre, la $econde & $eptie$me des trauaux in$uppor- tables, & qui accablent. Or comme celuy qui e$t chargé d’vn lourd far- deau, & qui luy fait ployer les reins, & flechir les genoux, s’e$time e$tre dans le contentement parfait de $on corps, lors qu’il en e$t déchargé tout à coup, au$$i celuy qui apres auoir oüy vne $e- conde, ou vne $eptie$me, vient à enten- dre promptement vne octaue, croit e$tre dans le plus grand plai$ir que l’e$- prit $e pui$$e imaginer pouuoir receuoir par l’oreille.

Or l’on peut conclurie plu$ieurs cho- $es de ce di$cours, particulierem\-et que [00257]Que$tions Phy$iques, tout ce qui e$t trop $imple, & tout ce qui n’a point de diuer$ité ne plai$t pas aux $ens, ny à l’imagination. De là vient que $i le $on le plus agreable du monde, $oit de la voix ou des in$tru- m\-es, e$t long temps continué, qu’il e$t de$agreable, dautant qu’il n’a point de varieté: s’il e$t interrompu, comme il e$t quand l’on fait quelque po$e, qu’il e$t plus agreable, encore qu’il $oit au$$i bien à l’vni$$on, que quand il e$t conti- nué, parce que l’interruption apporte quelque maniere de varieté: Si auec ces po$es il e$t accompagné de differen- tes $yllabes, & parolles, qu’il e$t plus agreable que quand il e$t $eulement in- terrompu: Si le $on change de quantité $e fai$ant plus aigu, comme il a riue au plain chant, qu’il e$t plus agreable que le $on vni$$on qui a des $yllabes, com- me e$t le chant de quelques Religieux, & $inalement, $i auec l’interruption, & la difference des $yllabes, & le change- ment du graue à l’aigu, il a les differens mouuemens de la Rythmique, ou de la Metrique, qu’il e$t $ouuerainement agreable, dautant qu’il a toutes les beautez que l’on luy peut donner pour le varier.

[00258]& Mathematiques.

Il ne faut pourtant pas que la diuer- $ité $oit trop grande pour plaire, com- me nous dirons au traité des di$$onan- ces, ou nous mon$trerons qu’elles ne plai$ent pas, mais qu’elles $ont de$a- greables à cau$e de leur trop grande di- uer$ité: encore qu’il $oit tre$-difficile de dire combien la diuer$ité doit e$tre grande en toutes cho$es pour comm\-e- cer à déplaire, & qu’il y ayt d’autres cau$es du deplai$ir que l’imagination conçoit des objects.

L’on peut encore conclurre de ce di$cours, que ce que l’on appelle beau, ou beauté, ne doit pas e$tre indiui$ible, ou trop $imple, mais qu’il doit auoir de la diuer$ité: par exemple, $i toutes les parties du vi$age e$toient $emblables, il ne $eroit pas $i beau qu’il e$t: & $i l’on ne remarquoit l’ordre des differentes parties d’vn ba$timent, & qu’il fu$t tout vniforme, l’õ ne le trouueroit pas beau.

Mais il e$t difficile de $çauoir quelle doit e$tre la diuer$ité de l’obiect: par exemple, quels lineamens, quelle figu- re, quelle graudeur, quelle couieur, & quel poly doit auoir le vi$age, pour e$tre raui$$ant: & ce ie ne $çay quoy qui nous [00259]Que$tions Phy$iq. & Mathem. attire, & qui s’empare de no$tre affe- ction, quand nous regardons quelque vi$age qui nous plai$t, ne peut e$tre ex- pliqué, ny entendu.

La me$me di$$iculté $e rencontre en plu$ieurs autres cho$es, cõme aux edi- fices, aux c@@omnes, aux figures, & en tous les autres corps du monde, de $or- te qu’il n’y a, ce$emble, que Dieu qui $çache le vray point de la perfection, & de la beauté de chaque cho$e, & qui connoi$$e parfaitem\-et quelle doit e$tre la diuer$ite de chaque object pour rauir l’e$prit, ou les $ens: de $orte que la plus grande e$t\-eduë de l’e$prit humain con- $i$te à remarquer les apparences de la nature, & particulierement celles qui frappent, & qui contentent les $ens; quoy que l’e$prit e$tãt l’image de Dieu $e doiue éleuer, tant qu’il peut par de$- $us les $ens iu$ques à la Diuinité, dans laquelle il n’y a plus de varieté.

FIN. [00260] LES MECHANIQVES DE GALILE’E MATHEMATICIEN & Ingenieur du Duc de Florence. AVEC PLVSIEVRS ADDITIONS rares, & nouuelles, vtiles aux Archite- ctes, Ingenieurs, Fonteniers, Phi- lo$ophes, & Arti$ans. Traduites de l’Italien par L.P.M.M. A PARIS, Chez HENRY GVENON, ruë S. Iacques, pres les Iacobins, à l’image S. Bernard. M. DC. XXXIV. AVEC PRIVILEGE ET APPROBATION. [00261] [00262] A MONSIEVR MONSIEVR DE REFFVGE, CONSEILLER DV Roy au Parlement.

MONSIEVR,

Puis qu’ily a huict ans que ie vous pre$entay les liures de Mechaniques en latm, & que ie fais voir le iour à ce nouueau traitté de Galilée, qui donne de nouuelles lumieres à cette $cience, ile $t rai$onnable que ie vous l’offre au$$i bien que l’autre, affin que vous $oyez le premier à receuoir le contentement que l’on à cou$tume de re$$entir en li$ant tout ce qui vient de la part de cét excel- lent homme, quia l’vn des plus $ubtils [00263]EPITRE. e$prits de ce $iecle. Si la traduction $emble quelque fois ob$cure, à rai$on des fautes du manu$crit Italienie ne doute nullem\-et que la clairté & la viuacité de vu$tre e$prit n’en di$$ipe ay$ement tous les nüages, Quant aux additions que iy ay mi$es, ellesvous $eront au$$i agrea- bles que lere$te, parce qu’elles contien- nent de nouuelles $peculations, qui peu- uent $eruir pour penetrer les $ecrets de la Phy$ique & particulicrement tout @ qui concerneles mouuemens tãt naturels que violents. Mais i’estime que l’ordre, & le reglement admirable que la nature ob$erue dans les forces mouuantes, vous donnera encore plus de plai$ir, parce que vous y verrez re- luire vne équité. & vne iustice perpe- tuelle qui $e garde, & que l’on remar- que $i iu$tcment entre la force, la re$i- $tence, le t\-eps, la vi$te$$e &, le$pace, que l’vnrecõpen$e tou$iours l’autre, car $i le mouuem\-et est viste, il faut beaucoup de [00264]ESPITRE. force & s’il e$t l\-et, vnepetite force $uffit. En effet il e$timpo$$ible de gaigner la for- ce, & le téps tout ens\-eble, cõme il e$t im- po$$ible qu’vn homme iouy$$e des plai- $irs fola$tres du monde & de ceux du Ciel en me$me temps: de $orte que les Mechaniques peuuent en$eigner à bien viure, $oit en imitant les corps pe$a@s quicherchent tou$iours leur centre dans celuy de la terre comme le $prit de l’hom. me doit chercher le $ien dans l’e$$ence diuine qui e$t la $ource de tous les e$prits ou en $e tenantdans le perpetuel èquili- bre moral, & rai$onnable qui con$i$te à rendre premierement à Dieu, & puis au prochain tout ce que luy appartient. L’autheurde ce traité a obmis beaucoup de cho$es, par ex\-eple il n’a point parlédu coin, qui e$t l’in$trum\-et le plus fort de to<_>9 car $a force en partie depend de l’incli- nation du plan, comme Guid V balde demon$tre dans le traité, qu’tl en a fait, de $orte que le coin entre dautant plus [00265]ESPITRE. ay$ement qu’il e$t plus e$treit, & que $es co$tez panchent dauantage $ur l’ho- riz on, c’e$t à dire qu’ils font de moin- dres angles. Or ce me $me principe e$t cau$e de ce que les cousteaux coupent $i ay$ement, & de plu$ieurs autres effects que l’ on peut @emarquer en mille cho$es, dont on cognoi$tra les rai$ons $i on li$t auec attention les traitez, _della Vite,_ _del Cuneo, della Taglia, della_ _Leua, della Bilancia, & dell’ A$$e_ _nella Rota,_ que Guido Vbalde a com- po$ez: d’où $e tire la nature des Ver- rins, des Crics, des Pre$$es, & de tcut ce qui $ert à augmenter, à con$eruer, ou à diminuer la force, ou le temps.

La force du coin depend au$$i de la per- cu$$ion, qui e$t $i admirable qu’il n’y a point de fardeau $i lourd, que l’on ne pui$$e faire remüer & cheminer auec des coups de marteau, pour petits qu’ils pui$$ent e$tre, ce que l’on tient que Galilée a experimenté en frappant $i [00266]ESPITRE. $ouuent contre vn grand coffre auec vn marteau d’épinette, qu’il la fait chan- ger de place & la fait auancer d’vn pied: ce que plu$ieurs ne croyront nulle- ment encore qu’ils ne prennent pas la peine d’ en faire l’experience laquelle e$t tres digne de con$ideration, car elle peut $eruir d’vn principe pour entrer plus auant dans les $ecrets de la nature. Ie lai$$e plu$ieurs autres cho$e, qui $em- blent admirables, & que vous pouuez, experimenter quand il vous plaira; ie vous en diray $eulement vne des plus rares, laquelle vousverrez en iettãt vne bale, ou vne boule e\‘n haut le plus droit que vous pourrez, lors que vous estes dans vostre carro$$e, ou a cheual, & lors qu’ils courent de telle vi$te$$e que vous voudrez, car la boule vous $ui- ura, tellement que vous la pourrez rece- uoir dans la main encore que le carro$$e, ou le cheual ayent fait cent pas tandis que la boule aura e$té dans l’air. Et $i [00267]ESPITRE. vous la lai$$ez tõber, elle vous $uiura d’autant plus loing que le cheual ira plus viste. Galilèe a cncore lai$$é dau- tres cho$es dans $on traicté comme il e$t ay$é de voir dans les trois l@ures de Mechaniques que ie vous ay pre$entez & qui peuuent $uppléer à ce que l’on pourroit icy de$irer; de $orte qu’il n’e$t pas nece$$aire que ie m’e$tende plus au long $ur ce $ubiect, qui dépend entiere- ment du centre de pe$anteur, que l’on trouue dans toutes $ortes de corps par les moyens, que Commandin & Luc Valere ont donné, dont vous auez tou- tes les propo$itions.

Ie croy que $ila Iu$tice pouuoit par- ler qu’elle cõfe$$eroit ingenuëment qu’il n’y a nulle $cience naturelle: qui luy $oit $i $emblable que celles des Mecha- niques, c’e$t pourquoyievous l’offre a$$in de te $moigner l’estat que ie fais de vos vertus, qui me contraignent d’auoir la me$me affection pour vous, que pour [00268]ESPITRE. celuy qui e$t aymè de Dieu & des hommes, de prier la diuine Maie$tè de vous donner vne’ tres bonne $anté, qui $oit au$$i longue que ie le de$ire: & de me dire auec toute $orte de re$pect.

Vo$tre tres-humble $eruiteur F. M. Mer- $enne Minime.

[00269]PREFACE AV LECTEVR.

IE $eray content $i ie $uis cau$e que le $ieur Galilée nous don- ne toutes $es $peculations des mouuemens, & de tout ce qui ap- partientaux Mcchaniques, car ce qui viendra de $a part $era excel- lent: c’e$t pourquoy ie prie ceux qui on@ de la corre$pondance à Florénce, de l’exhorter par lettres à donner au public toutes $es re- marques, comme i’c$pere qu’il fera puis qu’il a maintenant le remps, & la commodité tres libre dans $a mai$on des champs, & qu’il a cncor a$$ez de force, quoy qu’il $oit plus que $eptuagenaire pour acheucr toutes $es œuures, comme il a$$eure dans vne lettre de $a main que l’on m’a commu- niquée. Or en attendant ces trai- tez excellent, l’on peut voir les [00270]PREFACE. 3 liures des Mechaniques, que ie feis imprimer l’année 1626; à quoy i’aioute maintenant la con$idera- tion des deux cercles qu’ Ari$tote a propo$ez dans la 24 quc$tion de $es Mechaniques, parce que plu- $ieurs la trouu\-et admirable dau- tant qu’ils ne l’entendent pas.

Et pour ce $ujet $oit le grand cer- cle ACB, & le moindre FGH, il e$t certain que quand le quart du grand cercle BD s’e$t meu iu$ques au poinct O, de $orte que le point D $e rencontre au point O, que le point E du quart du moindre cercle FE $e r\-e- cõtre au point N, & cõ$equ\-ement quc le petit cercle fait autant de chemin que le grand en me$me [00271]PREFACE. temps, pui$que le plan FN $ur le- quel il $e meut e$t égal au plan DO, $ur lequel roule le grand.

D’où quelques vns conclunt qu’il n’y a point de $i petit cercle que l’on ne le pui$$e dire égal au plus grand qui $e pui$$e imaginer, puis qu’il re$põd à vn e$pace égal Car plu$ieurs croyent que les par- ties du petit ne trainent point, qu’elles ne froi$$ent nullement le plan, & que chaque point, & cha- que partie de $a circonference touche $eulem\-et à chaque point, & à chaque partie du plan. Il faut dire la me$me cho$e du grand cercle à l’égard du petit, lors que le grand $e meut par le mouue- ment du petit, car le grand dimi- nuë $on chemin $uiuant les traces du petit, de $orte que $i le petit ne fait qu’vn pied de Roy dans vn tour, le grand qu@y qu’égal au [00272]PREFACE. Ciel des e$toiles, ne $ait au$$i qu’vn pied de Roy dans vn tour. Ce que quelques vns expliquent p@r le moyen de la rarefaction, & dela conden$ation, en comparãt le mouuement du grand cercle à celle-cy, & le mouuement du moindre à celle la, quãd le moin- dre e$t meu par le plus grãd, & au contraire, lors que le moindre meut le plus grand. Or il faut aduoüer que la negligence des hommes e$t étrange, qui $e trom- pent $i $ouuent pour ne vouloir pas faire la moindre experience du monde & qui $e trauaillent e\‘n vain à la recherche des rai$ons d’vne cho$e qui n’e$t point, com- me il arriue en celle cy, car le petitcercle ne meut iamais legrãd que plu$ieurs parties du grand ne touchent vne me$me partie du plan, dont chaque partie e$t [00273]PREFACE. touchée par cent parties dif- ferentes du grand cercle quand il e$t cent fois plus grand que l’au- tre. Et lors que le petit e$t meu parle grand, vne me$ine partic du petit, touche cent parties du grand, comme l’experience fera voir à tous ceux qui la feront en a$$ez grand volume.

Les me$mes erreurs arriuenten plu$ieurs autres cho$es, ce qui a donné $uiect à quelques vns d’e$- crire _derebus fal$ò creditis_, dont ie donneray cncore icy vn exem- ple. L’on croyt que $i on iette vne pierre en haut le plus droit que l’on peut: lors que l’on e$t dans vn nauire qui $ingle à pleins voi- les, ou dans vn carro$$e qui va en po$te, que la pierre tombera de- riere le licud’ ou l’on la iette, quoy que l’experience en$eigne qu’elle retombe dans la main qui la rette [00274]PREFACE. encore que le nauire, ou le carro- $$e fa$$e cent pas, tandis que la pierre e$t dans l’air.

Mais ie re$erue la rai$on de cecy pour vn autre lieu, affin que ie ne $ois pas containct de faire vne preface, qui égale le liure qui $uit c’e$t pourquoy i’aioûte $eulem\-et qu’auant que l’on entreprenne les ouurages où les Machines doiuent entrer, & que l’on $e $er- ue des ingenieurs & arti$ans, qu’il e$t à propos de leur faire expo$er leurs de$$eins, & leurs modelles en public, & particulierem\-et à laveûe des excellen ts Geometres qui $ça- uent les vrayes rai$ons de toutes $ortes de Machines, & qui peuu\-et preuoir les inconueniens, & les ob$tacles de l’air, de l’eau, & des autres circon$tances, à faute de- quoy il arriue trop $ouuent que plu$ieurs font des de$pen$es ex- [00275]PREFACE. ce$$iues dans leurs mai$ons où ils veulent faire de grandes éleuatiõs d’eau, en $e $eruant de certains in- genieurs, qui $e di$\-et tres-experts, & qui neantmoins $ont contrains de s’enfuir honteu$ement, lors qu’ils n’ont peu venir à bout de leurs de$$eins.

Or pour éuiter ces de$pences ínutiles, il faudroit afficher par les ruës, ou aduertir publiquem\-et de l’ouurage que l’on veut entre- prendre, affin que tous les inge- nieurs apporta$$ent leur modelle en $ecret à iour nommé & qu’il fu$t examiné par les plus habiles Mathematiciens, par les inge- nieurs, & par les charpentiers de moulins, qui choi$iroi\-et le meil- leur de$$ein. Car il faut ioindre la pratique à la theorie non $eule- ment dans l’execution, mais au$$i dans l’élection, des modelles, affi @ [00276]_PREFACE._ qu’il n’y ayt rien à redire ny à re- faire dans les ouurages de grand cou$t, comme $ont les pompes du pont neuf, & du nouueau que l’on a fait au bas du Louure, & que nul ne $e ruine à faire accom- moder les lieux de plai$ir, ou l’on veut auoir des fonteines des grot- tes, des arcs en Cicl, & c. Mais la con$ideration des pompes merite vn di$cours plus particulier, & cette preface e$t de$ia trop lon- gue, c’e$t pourquoy i’ajoute $eu- lement la table des Chapitres du liure.

[00277] TABLE DV LIVRE des Mechaniques. CHAP. I. _Dans lequel l’vsilité des_ _Mechaniques e$t expliquée:_ CHAP. II. _Des definitions nece$$ai-_ _res pour la $cience de la_ _Mechanique._ CHAP. III. _Des $uppo$itions de cette_ _$cience._ CHAP. IV. _D’vn principe general._ CHAP. V. _Aduerti$$ement $ur les di$-_ _cours precedens._ CHAP. VI. _Du Tremeau, ou de la_ _Romaine de la Balance &_ _du Leuier._ CHAP. VII. _Du tour de la Roue, de la_ _Grüe & du Cabe$ian & c._ CHAP. VIII. _De la nature & de la force_ _des Poulics._ CHAP. IX. _De la viz._ CHAP. X. _De la viz d’ Archimede qui_ _$ert à éleuer l’eau._ CHAP. XI. _De la force de la Percu$sion._ _Elpuis plu$ieurs Additions._ [00278]_Fantes de l’ Impre$$ion corrigées._

Page 13. l. 13. _inegaux._ p. 16. l. 2. o$tez _de_ ligne 7. & 8. D S _à_ C. _de_ page 21. ligne 14. aulieu de P. ü$ez D. p. 24. l. 1. au lieu de _e$t_ _égal_ li$ez. _$ens chacune egales, l._ 4. au lieu de _on_ li$ez _& Atout au contraire._ p. 15. l .18 pour _$ap_ _prochant_ li$ez _approchent._ p.26. corrigez les lettres de la 2 ligne & pour A de l’antepenul. li$ez E. p. 28. l1. _rnüe_ p.30. l. 7. l’Organe. I 25. apres B li$ez F p.33. ligne 6 _l’extremit é_ A. l. 8. poids l. 13. au lieu de F. li${ae}z C. l. 25. apres fardeau li$. E. l. 26 pour C. _li$ez_ G. p. 34. l. 1 A G. l. 3. _poiàs. I._ 10. pout E. li$ez. C. p. 37. l. 16. apres _immobile_ li$ez A. F. 41 l. 8. pour des li$.du l. 24. pour E li$ez _&._ p. 45. l. 8 pour B li$. D. p. 51. l. antep. pour _parce,_ li$. _par._ p. 52. l. penul. B M. p. 53 adioútez la lettre P. au bas de la figure. p. 57. l. 10. C A.p. 78. l. derniere effacez par.

S’ily a quelqu autre faute, le lecteur iudi- cieux la $uppleera.

[00279]_PRIVILEGE DV ROT._

PAr lettes du Roy donnees à Paris le mois d’ Aou$t de l’année 1629. $ignees Perrochel, & $eelees du grand $ceau de cire iaune, il eft permis au P. M. Mer$enne Religieux Minime de faire imprimer par tel Libraire que bon luy $emblera _Plu$ieurs Traittez de_ _Philo$ophie, de Theologie, & de Mathema-_ _tique._ Et deffences $ont faites à toutes per$onnes de quelque qualité qu’ils $oient de les faire imprimer, vendre & diftribuer pendantle temps de $ix ans à compter du iour que le$dits liures $e- ront acheuez d’imprimer, comme il e$t plus amplement porté dans les let- tres dudit Priuilege.

Etledit P. M. Mer$enne à con$enty & con- $ent que Henry Guenon ioüi$$e dudit Pri- uilege, comme il e$t plus amplement decla- ré par l’ accord fait entr eux.

Et le$dits liures ont e$té acheués d’imprimer le 30. luin 1634.

[00280] LES MECHANIQVES DE GALILEE FLOREN-TIN, INGENIEVR ET Mathematicien du Duc de Florence. CHAPITRE PREMIER. _Dans lequel on void la Preface quimon$tre_ _l’vtilité des Machines._

AVANT que d’entrepren- dre la $peculation des in- $trumens de la Mechani- que, il faut remarquer en general les commoditez, & @les profits que l’on en peut tirer, afin que les arti- $ans ne croyent pas qu’ils pui$$ent $eruir aux operations, dontils ne $ont pas ca- [00281]_Les Mechaniques_ pables, & que l’on pui$$e leuer de grãds fardeaux auec peu de force: car la na- ture ne peut e$tre trompée, ni ceder à $es droits: & nulle re$i$tence ne peut e$tre $urmontée que par vne plus gran- de force, comme ie feray voir apres: & con$equemment les Machines ne peu- uent $eruir à leuer de plus grands far- deaux que ceux qu’vne force égale peut leuer $ans l’ayde d’aucun in$tru- ment: c’e$t pourquoy il faut expliquer les vrayes vtilitez des Machines, afin que l’on ne trauille pas en vain, & que l’e$tude que l’on fera, reü$$i$$e heureu- $ement.

Il faut doncicy con$iderer 4. cho$es, à $çauoir le fardeau que l’on veut tran$- porter d’vn lieu à vn autre: la force qui le doit mouuoir; la di$tance par laquel- le $e fait le mouuement; & le temps dudit mouuement, parce qu’il $ert pour en determiner la vi$te$$e, puis qu’elle e$t d’autant plus grande que le corps mobile, ou le fardeau pa$$e par vne plus grande di$tance en me$me temps: de $orte que $i l’on $uppo$e telle re$i$tence, telle force, & telle di$tãce determinée que l’on voudra, il n’y a nul doute que [00282]_de Galilée Florentin._ la force requi$e conduira le fardeau à la di$tance donnée, quoy que ladite force $oit tre$-petite, pourueu que l’on diui$e le fardeau en tant de parties que la force en pui$$e mouuoir vne, car elle les trã$portera toutes les vnes apres les autres, d’où il $’en$uit que la moindre force du monde peut tran$porter tel poids que l’on voudra.

Mais l’on ne peut dire à la fin du trã$- port, que l’on ayt remué vn grand far- deau auec peu de force, puis qu’elle a tou$iours e$té égale à chaque partie du fardeau: de maniere que l’on ne gaigne rien auec les in$trumens, dautant que $i l’on applique vne petite force à vn grãd fardeau, il faut beaucoup de temps, & que $i l’on veut le tran$porter en peu de temps, il faut vne grande force. D’où l’on peut conclurre qu’il e$t impo$$ible qu’vne petite force tran$porte vn grãd poids dans moins de temps qu’vne plus grande force.

Neantmoins les Machines $ont vti- les pour mouuoir de grands fardeaux tout d’vn coup $ans les diui$er, parco que l’on a $ouuent beaucoup de temps, & peu de force, c’e$t pourquoy la lon- [00283]_Les Mechaniqües_ gueur du temps recompen$e le peu de force: Mais celuy-là $e tromperoit qui voudroit abreger le temps en n’v$ant que d’vne petite force, & mon$treroit qu’il n’entend pas la nature des Machi- nes, ny la rai$on de leurs effets.

La $econde vtilité des in$trumens con$i$te en ce qu’on les applique à des lieux dõt on ne pourroit tirer, ou tran$- porter les fardeaux, & beaucoup de cho$es $ans leurayde, comme l’on ex- perim\-ete aux puits, dõt on tire de l’eau auec vne chorde attachée aux poulies, ou aux arbres des roües, par le moyen de$quelles on en tire vne quãtité, dans vncertain t\-eps, auecvne force limitée, $ans qu’il $oit po$$ible d’\-e tirer vne plus grande quantité auec vne force égale, & en me$me temps. Au$$i les pompes qui vuident le font des Nauires, n’ont elles pas e$té inuentées pour pui$er, & tirer vne plus grande quantité d’eau dans le me$me temps, & par la me$me force dont on v$e en pui$ant auec vn $eau, mais parce qu’il e$t inutile à cet effet, dautant qu’il ne peut pui$er l’eau $ans $’enfoncer dedans, car il faudroit le coucher au fond pour pui$er obli- [00284]_de Galilée Florentin._ quement le peu d’eau quire$te: ce qui ne peut arriuer, quand on le de$cend auec vne chorde, qui le porte perpen- diculairem\-et: mais la pompe tire l’eau in$ques à la derniere goute.

La 3. vtilité des Machines e$t tres- grande, parce que l’on euite les grands frais & le cou$t en vsãt d’vne force ina- nimée, ou $ans rai$on, qui fait les me$- mes cho$es que la force des hommes animée, & conduite par le iugement, comme il arriue lors que l’on fait meu- dre les moulins auec l’eau des e$tangs, ou des fleuues, ou auec vn cheual, qui $upplée la force de 5. ou 6. hommes. Et parce que le cheual a vne grande for- ce, & qu’il manque de di$cours, l’on $upplée le rai$onnement nece$$aire, par le moyen des roües & des autres Ma- chines qui $ont ébranlées par la force du cheual, & qui rempli$$ent, & tran$- portent le vai$$eau d’vn lieu à l’autre & qui le vuident $uiuant le de$$ein de l’ In- genieur. Or il faut conclurre de tout ce di$cours que l’on ne peut ri\-e gaigner en force que l’on ne le perde en temps, & que la plus grande vtilité des Machi- ues cõ$i$te à épargner la dépence, com- [00285]_Les Mechaniques_ me i’ay mon$tré, & con$equemment que ceux qui trauaillent à $uppléer la force, & le temps tout en$emble, ne meritent nullement d’auoir du temps, puis qu’ils l’employent $i mal, comme l’on verra à la $uitte de ce traité.

CHAP. II. _Des definitions, nece$$aires pour la $cience_ _des Mechaniques._

NOus commençons ce traité par les definitiõs, & par les $uppo$itiõs qui $ont propres à cet art, afin d’en tirer les cau$es, & les rai$ons de tout ce qui ar- riue aux Machines, dont il faut expli- quer les effects, car chaque $cience a $es de $initions & $es principes, qui $ont cõ- me des $emenc{ae}s tre$-fecondes, de$- quelles nai$$ent toutes les conclu$ions, & le fruict que l’on en pretend retirer, Or puis que les Machines $eruent ordi- nairement pour tran$porter les cho$es pe$antes, nous commençons par la de- finition de la _pe$anteur_, que l’on peut au$$i nommer _grauité._

[00286]_de Galilée Florentin._ _Premiere definition._

La _pe$anteur_ d’vn’corps e$t l’inclina- tion naturelle qu’il a pour $e mouuoir, & $e porter en bas vers le centre de la terre. Cette pe$anteur $e rencontro dans les corps pe$ans à rai$on de la quã- tité des parties materielles, dont ils sõt compo$ez; de $orte qu’ils $ont dautant plus pe$ans qu’ils ont vne plus grande quantité de$dites parties $ouz vn me$- me volume.

_Deuxie$me definition._

Le _moment_ e$t l’inclination du me$- me corps, lors qu’elle n’e$t pas $eule- ment con$iderée dans ledit corps, mais conioinctement auec la $ituation qu’il a $ur le bras d’vn leuier, ou d’vne balan- ce; & cette $ituation fait qu’il contre- pe$e $ouuent à vn plus grands poids, à rai$on de $a plus grãde di$tance d’auee le centre de la balance. Car cet éloi- gnement e$tant ioint à la propre pefan- teur du corps pe$ant, luy dõne vne plus forte inclination à de$cendre: de $orte [00287]_Les Mechaniques_ que cette inclination e$t compo$ée de la pe$anteur ab$oluë du corps, & de l’é- loignement du centre de la balance, ou de l’appuy du leuier. Nous appellerons donc tou$iours cette inclination com- po$ée, _moment_, qui répond au ῥοωὴ des Grecs.

_Troi$ie$me definition._

Le centre de pe$anteur de chaque corps e$t le point autour duquel toutes les parties dudit corps $ont également balancées, ou équiponderantes: de $or- te que $i l’on $’imagine que le corps $oit $ou$tenu, ou $u$pendu pat ledit point, les parties qui $ont à main àroite, con- trepe$eront à celles de la gauche, celles de derriere à celles de deuant, & celles d’enhaut à celles d’en bas, & $e tien- dront tellement en équilibre, que le corps ne s’inclinera d’vn co$té ni d’au- tre, quelque $ituation qu’on luy pui$$e donner, & qu’il demeurera tou$iours en cet e$tat. Or le centre de pe$anteur e$t le point du corps qui s’vniroit au c\-e- tre des cho$es pe$antes, c’e$t à dire au centre de la terre, s’il y pouuoit de$cen- dre.

[00288]_de Galilée Florentin._ CHAP. III. _Des $uppo$itions de cet art._ I. SVPPOSITION.

TOut corps pe$ant $e meut telle- ment en bas que le centre de $a pe$anteur ne $ort iamais hors de la ligne droite, qui e$t décrite, ou imaginée de- puis ledit centre de pe$anteur iu$ques à celuy de la terre. Ce qui e$t $uppo$é auec rai$on, car puis que le centre de pe$anteur de chaque corps $e doit aller vnir au centre commun des cho$es pe- $antes, il e$t nece$$aire qu’il y aille par le chemin le plus court, c’e$t à dire par la ligne droite, s’il n’a point d’empe$- chement.

II. SVPPOSITION.

Chaque corps pe$e principalement $ur le centre de $a pe$anteur, dans le- quel il rama$$e, & vnit toute $on impe- tuo$ité, & $a pe$anteur.

[00289]_Les Mechaniques_ III. SVPPOSITION.

Le centre de la pe$anteur de deux corps également pe$ans e$t au milieu de la ligne droite qui conioint les cen- tres de pe$anteur de$dits corps; c’e$t à dire que deux corps également pe$ans, & également éloignez de l’appuy de la balance ont le point de leur équilibre au milieu de la commune conjonction de leurs éloignemens égaux: par exem ple, la di$tance C A, e$tant égale à la di$tance C B, & les deux poids égaux G & H, e$tant $u$pendus aux points A & B, il n’y a nulle rai$on pour laquelle ils doiuent plu$to$t s’incliner d’vn co$té que de l’autre.

Mais il faut remarquer que la di$tan- ce des poids, ou des corps pe$ans d’auec l’appuy $e doit me$uret par les li- gnes perp\-ediculaires, qui tombent des points de la $u$pen$iõ, ou des centres de la pe$anteur de chaque corps iu$ques au centre de la terre. De là vient que [00290]_de Galée Florentin._ la di$tance B C, e$tant tran$portée en CD, le poids D ne contrepe$era plus au poids A, parce que la ligne tirée du point de $u$pen$ion, ou du centre de pe$anteur du poids D iu$ques au c\-etre de la terre, $era plus proche de l’appuy C, que l’autre ligne tirée du point de la $u$p\-e$ion de B, ou du c\-etre de pe$anteur du poids H. Il e$t donc nece$$aire que les poids égaux $oient tellement $u$- pendus de di$tances égales, que les li- gnes perp\-ediculaires tirées par les cen- tres de leurs pe$anteurs au centre de la terre, $e trouuent égallem\-et éloignées de l’appuy C, lors qu’elles pa$$eront vis à vis d’iceluy.

PREMIERE ADDITION.

La figure qui $uit explique mieux le di$cours precedent, car il e$t euident que le poids E qui pend au leuier A B éleué en E ne pe$e que cõme s’il e$toit au point K; & quand il e$t en G, il ne pe$e que comme s’il e$toit au point I. Or l’õ peut s’in$truire de plu$ieurs cho- $es par cette figure; dont nous parlerõs apres, ie diray $eulementicy que N O, [00291]_Les Mechaniques_ repre$ente au$$i vn leuier parallele à BA, ou $i l’on veut, vne balan- ce, dont le c\-etre ou l’appuy e$t en D, & que ce le- uier peut $eruir pour abbai$$er les corps legers, comme il arriue- roit $i l’air e$toit retenu dans l’eau: par exemple, $i L M e$toient des ve$$ies rémplies d’air, car de n’ageantes qu’el- les $eroient $ur l’eau, la force appliquée à N hau$$ant N vers A feroit abbai$$er ledit air; de $orte que la Mechanique peut au$$i bien s’appliquer, & $eruir pour abbai$er les corps legers, comme pour hau$$er les pe$ans.

CHAP. IV. _Dans lequel l’vn des principes generaux. s_ _Mechaniques e$t expliqué._

APres auoir expliqué les $uppo$i- tions, il faut e$tablir vn principe [00292]_de Galilée Florentin._ general, qui $ert pour demon$trer ce qui arriue à toutes $ortes de Machines, à $çauoir que les poids inegaux $u$pen- dus à des di$tances inégales pe$ent éga- lement, & $ont en équilibre, quand le$- dites di$tances ont me$me proportion entr’elles que les poids. Ce qu’il faut demon$trer par la troi$ie$ine $uppo$i- tion, dans laquelle il e$t dit, que les poids égaux pe$ent égalem\-et lors qu’ils $ont également éloignez de l’appuy: car c’e$t vne me$me cho$e que d’attacher des poids égaux à des di$tãces inégales. Ce qui $e demon$tre par cette figure, dãs laquel- le D E C F repre$ente vn cylindre homogene, ou de me$- me nature en toutes $es parties, lequel e$t attaché par $es deux bouts C & D aux points A B, de $orte que la ligne A B e$t égale à la hauteur du cylindre C F.

Il e$t certain que $i on l’attache par le milieu au point G, qu’il $era en équili- bre, parce que $i l’on tiroit vne ligne [00293]_Les Mechaniques_ droite du point G au centre de la terre, elle pa$$eroit par le centre de la pe$an- teur du $olide E F, & par con$equent toutes les parties qui $ont à l’entour de ce centre $eroient en équilibre, par la 3. definition, car c’e$t me$me cho$e que $i l’on attachoit les deux moitiez du cy- lindre aux deux points A & B.

Suppo$ons maintenant que le cylin- dre $oit couppé en deux parties inéga- les par les points, ou par la ligne S I, il e$t certain qu’elles ne $eront pas équi- libres, & con$equemment qu’elles ne demeureront pas en la $ituation prece- dente, n’ayant point d’autre $ou$tien qu’aux points A & B. Mais $i l’on atta- che vne chorde au point H, pour $ou- $tenir le poids pat le point I, G $era en- core le centre de l’équilibre, parce que l’on n’a pas changé la pe$anteur, ny la $ituation des parties du cylindre.

D’où il s’en$uit que n’y ayant point de changement aux parties du poids, ny dans leur $ituation à l’égard de la ligne A B, le me$me point G demeurera le centre de l’équilibre, comme il l’a e$té dés le commencement. Car puis que la partie E S retiendra tou$iours la me$- [00294]_de Galilée Florentin._ me di$po$ition que la ligne A H, à la- quelle elle $era parallele, $i l’on y ad- iou$te le lien N L pour $ou$tenir S D par $on centre de pe$anteur, & $i l’on adiou$te $emblablement le lien M K pour $ou$tenir la partie du cylindre C S di$iointe d’auec S D, il n’y a nul doute que ces deux parties demeureront en- core en équilibre au point G. Par où l’on void que ces 2. parties e$tant ain$i $u$penduës, & attachées ont vn mo- ment égal, lequel e$t l’origine, & la $ource de l’équilibre du point G. en fai- $ant que la di$tance G N $oit d’autant plus grande que la di$tance G M, que la partie du cylindre E S e$t plus gran- de que la partie S D. Ce qu’il e$t ay$é de dernon$trer: dautant que la ligne M H e$tant la moitié de la ligne H A, & la ligne N H e$tant la moitié de la li- gne H B, toute la ligne M N $era la moitié de toute la ligne A B, dont G B e$t encore la moitié, de $orte que M N & B G $ont égales entr’elles: de$quel- les $i l’on o$te la commune partie G H, M H $era égale à G N.

Or nous auons de$ia fait voir que M G e$t égale à H N. D’où il s’en$uit [00295]_Les Mechaniques_ qu’il y a me$me rai$on de M N à H N, que de K I à L I, & de la double de E I à la double de D I, & finalem\-et du $o- lide C S au $olide S D, dont C I, & D I $ont les hauteurs.

Il faut donc conclurre qu’il y a me$- me rai$on de M G à G N, que de C I à D S, & par con$equent que ces deux corps C I & D S ne pe$ent pas $eule- ment également, quand leurs di$tãces d’auec l’appuy, ou le point d’où ils $ont $u$pendus, $ont en rai$on reciproque de leurs pe$anteurs, mais au$$i que c’e$t vne me$me cho$e que $i l’on attachoit des poids égaux à des di$tances égales: de $orte que la pe$anteur de C S s’e$tend & $e communique en quelque maniere virtuellement par delà le $ou$tien G, duquel la pe$anteur I D s’éloigne, & $e retire, comme l’on peut comprendre par ce di$cours. Ce rriuera $em- blablement $i ces corps cylindriques $ont reduits, & changez aux $pheres X & Z, ou en telles $igures que l’on vou- dra, car l’on aura tou$iours le me$me équilibre, la figure n’e$tant qu’vne qua- lité, laquelle n’a pas la pui$sãce de la pe- $anteur, qui deriue de la $eule quãtité.

[00296]_de Galilée Florentin._

Il faut donc conclurre que les poids inégaux pe$ent également, & produi$ent l’équilibre, lors qu’ils $ont $u$pendus de di$tances iné- gales qui $ont en rai$on reciproque de$dits poids.

CHAP. V. _Où l’on void quelques aduerti$$emens $ur_ _le di$cours precedent._

APres auoir demõ$tré que les mou- uements des poids inégaux $ont égaux, quand ils $ont attachez à des points, dont les di$tances d’auec l’ap- puy ont me$me proportion que les poids, il faut enco- re re- marquer vne autre proprieté qui con- firme la vetité precedente, car $i l’on con$idere la balance B D diui$ée en parties inégales par le pointC, & que les poids $u$p\-edus aux points B & D $oient en rai$on reciproque des di$tances B C, & C D, c’e$t à dire que le poids atta- [00297]_Les Mechaniques_ ché à B $oit d’autant plus grand que le poids attaché à D, que la di$tance C D e$t plus grande que la di$tance CB, il e$t certain que l’vn contrepe$era l’au- tre, & qu’ils $eront en equilibre: & que $i l’on adiou$te quelque cho$e à l’vn, par exemple, au poids D, qu’il de$cendra en bas en I, & con$equemment qu’il éleuera les poids B en G. Mais $i l’on con$idere le mouuement du poids D, & du poids B, l’õ trouuera que le mou- uement de D de$cendant en I $ur pa$$e autant le mouuement de B en G, com- me la di$tance DC $urpa$$e la di$tance C B, ou C G, car les deux angles GCB, & D C I $ont égaux, & con$equemm\-et les deux parties de cercle décrites par D & par B $ont $emblables, & ont me$- me proportion entr’elles que leurs $e- midiametres B C, & C D, par ie$quels elles ont e$té décrites.

D’où il $’en$uit que la vi$te$$e du poids D, qui de$c\-ed en I $urpa$$e autant cel- le du poids B qui monte en G, que la pe$anteur de B e$t plus grande que cel- le de D; & que l’on ne peut éleuer B que D ne $e meuue plus vi$te: parce que la vi$te$$e de D recomp\-e$e la gran- [00298]_de Galilée Florentin._ de re$i$tence de B, qui monte lentem\-et en G, tandis que D de$cend bien vi$te en I, de $orte que G a autant de tardi- ueté que de pe$anteur, comme D a au- tant de vi$te$$e que de legereté.

Or il e$t ay$é de conclurre par tout ce di$cours la grande force qu’apporte la vi$te$$e du mouuement, pour accroi$tre la pui$- $ance du mobile, laquelle e$t d’autant plus grande que le mouue- ment e$t plus vi$te. Mais auant que de pa$$er outre, il faut remarquer que les di$tances qui $ont entre les bras de la balance, & l’appuy doiuent e$tre me- $urées pat la di$tance horizontale: par exemple, les poids A & B $ont égale- ment éloignez de l’appuy C: c’e$t pour- quoy ils $ont en équilibre, qu’ils per- dent, lors que le poids B e$t éleué en D, dautant que la ligne tirée perpendicu- lairem\-et de D $ur l’horizon B C A vers le centre de la terre, s’approche plus pres de l’appuy C, que ne fait le point B: & partant D ne pe$e pas tant que B, à rai$on de $a $ituation, & par con$e- [00299]_Les Mechaniques_ quent D n’e$t plus équilibre à rai$on que la di$tance horizontale de D à C e$t moindre que celle de B à C.

CHAP. VI. _De la Romaine, de la Balance, & du Louier,_

LE me$me principe qui a e$té expli- qué dans le 4. & le 5. chap. $ert en- core pour entendre la nature de ces 3. in$trumens, dont le premier (que les Latins appellent _Statera_, les Grecs φάλαγξ _Phalanx;_ & que nous appellons vulgairement la _Romaine_, le _Crochet_, le _Pezon_, ou le _Poids_) e$t vtile pour pe$er toutes $ortes de fardeaux par le moyen d’vn contrepoids mobile, que l’on nõ- me le _Pezon_, & que les Grecs appellent αρτισύχωμα, σφαίρωμα, άρτήμα, & les Latins _aquipondium._

Soit donc la Romaine B D, dont le $ou$tien $oit au point C, que les Grecs appellent σωάρτιου, & ύχομέχλιου, & les La- tins _agina, $partum,_ & _an$a._ Que B $oit le fardeau que l’on veut pe$er, & D le contrepoids. Ie dis que s’il y a me$me [00300]_de Galilée Florentin._ rai$on de la di$tance D C à C B, que du poids B au contrepoids D, qu’ils $eront en équilibre, parce que les di$tances des bras, ou des branches de la Romaine $ont en rai$on reciproque des poids qui $e contreb lancent.

Or cet in $trument n’e$t pas different du leuier, qui $ert àremuer des fardeaux tre$-lourds, & tre$-pe$ans auec peu de force, comme l’on void dans cette me$- me $igure, dans laquelle B repre$ente le fardeau, qu’il faut leuer en G; & C repre$ente l’appuy $ur lequel le leuier B P pre$$e, & $e meut & la main, ou quelque autre force pre$$e le lcuier au point D, & l abai$$e iu$ques à I pour fai- re monter B en G.

Cecy e$tant po$é, la force mi$e en D leuera le poids B toutes & quantesfois qu’il y aura me$me rai$on de la di$tãce D C à la di$tance B C, que du poids B à la force D, de $orte que l’on peut tou$iours diminuer la force à me$ure que l’on allonge la partie du le- uier C D: par exemple, parce qu’ily a 5. fois plus loin de C à D que de C à B, $i B pe$e 5. liures, la force d’vne liure le tiendra cn équilibre au point D, parce [00301]_Les Mechaniques_ que C D e$t quintuple de C B.

Mais l’auantage de ces 3. in$tru- mens ne con$i$te pas à $urmonter, ou à tromper la nature, en fai$ant qu’vne petite force $urmonte vne grande re$i- $tence, car on fera le me$me effet en me$ine temps, & auec me$me force sãs la di$tãce C D, laquelle e$t cau$e que la force D a cinq fois plus de chemin a fai- re de D en I, que le poids n’en fait de B en G, & con$equemment elle em- ploye 5. fois pl<_>9 de temps que $i elle e$toit en L, pour $e tran$por- ter en M. Or la force D e$tant en L le- uera la cinquie$me partie du poids B de B en G, en me$me temps que D leue B, de $orte qu’elle leuera tout le poids B en G en repetant 5. fois le chemin L M; ce qui e$t la me$me cho$e que de faire vne fois le chemin D I: & con$equem- ment le tran$port de Ben G ne requiert pas moins de force, ou moins de t\-eps, ou vn chemin plus court, foit que l’on mette la force en D, ou en L.

D’où il faut conclurre que le leuier [00302]_de Galilée Florentin._ $ert $eulement pour mouuoir les far- deaux tout d’vn coup, & à vne $eule fois, qu’il faudroit autrement mouuoir par parties, & à plu$ieurs fois.

II. ADDITION.

L’on pourroit icy traiter des deux autres $ortes de leuiers, dõt parle Guid- Vbalde dans $es Mechaniques, mais il $uffit de comprendre la rai$on de celuy que propo$e cét Autheur, car nous par- lerons des autres ailleurs. I’adjou$te $eulement cette figure, par laquelle l’on comprendra mieux $on intention. Soit dõc le leuier A F, par lequel la force ap- pliquée enF leue le far- deau A iu$- ques à G, encore que elle $oit 4. fois moindre qu’A, mais l’arc de $on chemin F I e$t quatre fois plus grand que l’arc A G, car F M, M L, L K, [00303]_Les Mechaniques_ & K I’e$t égal à A G, comme l’on void par la con$truction, de $orte que F ne gaigne rien en force qu’il ne le perde en chemin, ou ne gaigne rien en chemin qu’il ne le perde en force. Or la plus grande difficulté des Mechaniques cõ- $i$te, ce me $emble, à $çauoir pourquoy la plus grande di$tance de la force, ou du poids F d’auec l’appuy B augmente ladite force, & pourquoy le poids A ou C e$tant tran$porté en F a quatre fois plus de force que deuant. Ari$tote croit que la rai$on en doit e$tre pri$e de ce que le centre B empe$che plus les poids prochains que les éloignez, dautant qu’il les contraint dauantage, & leur communique tãt qu’il peut $on immo- bilité, de $orte que le poids e$tant en C ne peut $e mouuoir que de C en H, au lieu qu’e$tant en F il $ait 4. fois autant de chemin en me$me temps, & e$tant en D il en fait deux fois autant pat le quart de cercle commençant en D. Ce que l’on peut ay$ém\-et appliquer à l’ap- proche, ou à la di$tance des creatures d’auec la perfection Diuine, laquelle rend les creatures rai$onnables dautant plus fixes & immobiles dans $a grace, & [00304]_de Galilée Florentin._ dans la ferme re$olution du bien, qu’el- les s’en approchent plus prés.

Mais pour retourner à la rai$on pre- cedente, ie dy que le poids qui e$t en F veut tomber en droite ligne par F N P vers le centre de la terre, & qu’e$tant contraint par l’appuy, ou le centre B de tomber par le cercle F I, qu’il a plus de liberté, & qu’il s’approche 4. fois da- uantage de la perpendiculaire F P, que lors qu’il de$cend par l’arc C H, com- me ie demon$tre par l’angle de contin- gence P F N, qui e$t $ouzquadruple de l’angle de contingence H C O, & con- $equ\-ement la ligne de contrainte H O e$t quadruple de la ligne P N: par où l’on void clairement que B, & F s’ap- prochant également du centre de la terre en me$me t\-eps par les arcs C H, & F P, pui$que les lignes F N & B H $ont égales, que F e$t moins contraint que C.

L’on peut dire la me$me cho$e de la force de la main mi$e en F, dont l’int\-e- tion e$t de $e mouuoir par la ligne droi- te F P. Ie lai$$e maintenant plu$ieurs autres con$iderations qui $e peuuent expliquer par cette figure: par exem- [00305]_Les Mechaniques_ ple, que le poids F, ou B e$tãt en $a plei- ne liberté, de$cend de Fen P ou de B en I en deux fois autant de temps qu’il de$cend de F en N, comme i’ay mon- $tré ailleurs.

CHAP. VII. _Du Tour, de la Rouë, de la Gruë, du Guin-_ _dax, & des autres in$trumens_ _$emblables._

LEs Latins appellentle Tour _axis in_ _peritrochio_, parce qu’il n’e$t autre cho$e qu’vn axe, ouvn e$$ieu, dõt les ex- tremitez $ont appuyées $ur deux pieces de bois, $ur le$quelles il $e tourne. Or la nature de cet in$trument depend im- mediatement du leuier, car il n’e$t au- tre cho$e qu’vn leuier perpetuel, & cõ tinué. Car $oit le leuier B A C, dont le $ou$tien e$t en A; & que le poids G $oit attaché au point B, & que la force $oit au point C, $i l’on tran$porte le leuier en A D, le poids G $e hau$$era vers D. Mais $i l’on veut le faire monter plus haut, il faut arre$ter le poids en D, afin [00306]_de Galilée Florentin._ de le releuer encore vne autrefois de B à D en remettant le leuier dans la me$- me $ituation qu’il auoit deuant, & de leuer peu à peu le poids G, iu$ques à ce qu’il $oit arriué au point B, ou à tel au- tre point que l’on voudra.

Mais la repetition trop frequente de cette action e$tãt trop incommode, ou trop ennuyeu- $e, l’on a inuenté le Tour, & la Rouë, qui ioi- gnent en$emble vne infinité dele- uiers, afin de continuer l’operatiõ $ans aucune interruption. C’e$t pour ce $u- iet que la rouë $e meut à l’entour du centre A, dont le rayon e$t A C, & le $emidiametre de $on e$$ieu e$t A B; le- quel doit e$tre d’vne matiere bien $o- lide, & bienforte, parce qu’il $upporte toute la pe$anteur du fardeau.

L’e$$ieu A trauer$e la rouë par le mi- lieu, & doit e$tre $ou$tenu de deux pieds tres-forts, & e$tre enuironné de la chorde D B G, à laquelle on attache le fardeau G. Il faut au$$i mettre vne [00307]_Les Mechaniques_ autre chorde àlentour de la grãde rouë, afin d’y attacher l’autre fardeau I. Or cecy e$tant po$é, il e$t euident que $i C A e$t à B A comme le fardeau G au fardeau I, que le poids I $ou$tiendra & contrebalãcera G, & que $i i’on adiou- $te quelque force, ou poids à I, qu’il l’emportera.

Et parce que les chordes qui $ou$ti\-e- nent le poids touchent tou$iours la cir- confer\-ece de la rouë auec laquelle l’e$- $ieu tourne, & con$equemment qu’el- les $ont tou$iours en me$me $ituation à l’égard des di$tances B A, & C A, le mouuement $e continuë perpetuelle- ment, & le poids I de$cendant fait mõ- ter le poids G. Mais il faut remarquer qu’il e$t nece$$aire de mettre la chorde à l’entour de la rouë, afin que le poids demeure $u$pendu du point de la cir- conference que la chorde touche: Car $i la chorde e$toit pendante du point F, elle couperoit la rouë par F N, & par con$equ\-et elle ne pourroit $e mouuoir, parce que le moment, ou la force du poids N $eroit diminuée, puis qu’elle n’e$t pas plus grande que $i la chorde e$toit attachée au point N, dautant que [00308]_de Galilée Florentin._ $a di$tance d’auec le centre A e$t deter- minée par la ligne A N, (comme l’on demon$tre par la perpendiculaire F N) & non par le $emidiametre F A. Il faut donc que la force inanimée, qui n’a point d’autte vertu que d’aller en bas, $oit pendue à vne chorde qui touche la rouë & qui ne la coupe pas.

Mais $i la force e$t animée, elle peut faire tourner la rouë pour leuer le poids en quelque endroit de la rouë qu’elle $e rencontre: par exemple en F, mais elle tirera par la ligne trauer$ante F L qui fera vn angle droit auec la ligne A F, & non par la perpendiculaire F N. L’on peut neantmoins faire $eruir la force inanimée à tous les points de la circon- ference par le moyen de la poulie L, car le poids, ou la force K tirera par la ligne droite L K, & leuer@ le poids Gen B, & con$equemm\-et elle agit par la ligne F L, & par ce moyen elle $e con$erue tou$iours en me$me di$tance d’auec le centre de la rouë, & de l’e$$ieu A: de $orte que le leuier B C $e rend perpe- tuel par l’entremi$e de la rouë.

Il faut donc conclurre de tout ce di$- cours que dans cét in$trument la force [00309]_Les Mechaniques_ Cou F doit tou$iours auoir me$me pro- portiõ auec le poids, que le $emidiame- tre de l’axe B A a auec le $emidiametre de la rouë A C.

Quant à la Gruë elle e$t de me$me nature quele Tour, mais le Cabe$tan, le Guindax, ou l’orgene e$t vn peu dif- rent, car $on axe $e meut perpendicu- laire à l orizon, & $a rouë $e meut hori- zontalement, au lieu que l’axe du Tour $e meut horizontale- ment, & $a rouë per- pendiculairem\-et. Ce qui e$t tres-ay$é à cõ- prendre par le moyen de cette figure, dont il faut s’imaginer que l’axe D E $oit perp\-e- diculaire à l’horizon, & que la rouë F C G $oit parallele au me$me horizon. Or la chorde D H tirera, ou trainera le fardeau H iu$ques à l’axe B, ou iu$ques où l’on voudra, par la force d’vn hom- me, ou d’vn cheual qui conduira le le- uier B à l’entour de la circonference F G C, & fera autant de tours comme il e$t nece$$aire pour attirer le fardeau par le moyen de la chorde D H, qui $’en- [00310]_de Galilée Florentin._ tortille à l’entour de l’e$$ieu D E A. d’où il e$t ay$é de conclurre la fabrique du Guindax, ou du Cabe$tan.

Cecy e$tant po$é, il e$t euident que le point, ou le centre du $ou$tien e$t en B, & que l’éloignement de la force F $e prend du point B, & celuy du poids de B à D, de $orte que F B D forme vn le- uier, envertu duquel la force F acquiert vne force égale à la re$i$tance du poids, lors que la di$tance F B a me$me pro- portion à B D, que le fardeau H à la force F.

Mais la nature n’e$t point trompée ny $urmontée, & l’on ne gaigne rien, par- ce que $i le fardeau a dix fois plus de re- $i$tence que la force F, la di$tance F B doit nece$$airement e$tre decuple de B D, & la circonference FC G decuple de la circõference E A D; de $orte que le poids ne fera que la dixie$me partie du chemin de la circonference G C F; par cõ$equent $i l’on diui$oit le fardeau en 10. parties, chacune répondroit à la dixie$me partie du mouuement & de la force F, c’e$t pourquoy $i l’on portoit en dix voyages chaque dixie$me partie autour de l’axe, l’on ne chemineroit [00311]_Les Mechaniques_ pas dauãtage que $i l’on fai$oit vne fois le tour G C F, & l’on cõduiroit le me$- me fardeau en me$me temps à la me$- me di$tance.

Il faut donc conclurre que la com- modité de cette Machine con$i$te $eu- lement à attirer le färdeau tout à la fois $ans le diui$er; & qu’elle ne $ert pas pour l’attirer plus ay$ément, ou plus vi$te, ou plus loin que la me$me force le cõduiroit en le diui$ant en 10. parties.

CHAP. VIII. _De la force, & de l’v$age des Poulies._

APres auoir con$ideré les in$trum\-es qui $e redui$ent aux contrepoids, & à l’équilibre, comme à leur principe, & à leur fondem\-et il fautpar- ler d’vne autre $or- te de le- uier pour entendre la nature des pou- lies, & de beaucoup d’autres effets Me- [00312]_de Galilée Florentin._ chaniques. Or le leuier, dont nous auons parlé, $uppo$e que le poids $oit à l vne de $es extremitez, & la force à l autre; de $orte que $on $ou$tien doit e$tie entre $es deux extremitez. Mais $i l’on met le $ou$tien à l’extremité du leuier, & la force à l’autre extremité C, & que le point D $oit attaché à quelque point du milieu: par exemple, au point B, il e$t certain que $i le poids e$t égale- ment éloigné des deux extremes, com- me quand il e$t au point F, que la force quile $ou$tient en F $era également di- ui$ée: & par con$equent la moitié du poids e$t $ou$tenuë par C, & l’autre moitié par A.

S’il arriue que le fardeau $oit attaché ailleurs, par exemple en B, la force C $ou$tiendra le fardeau en B, quand il aura me$me proportion auec ladite for- ce, que la di$tance A C à la di$tãce B A. Mais pour comprendre cecy, il faut s’imaginer que la ligne B A $oit prolon- gee en G, & que les di$tances B A, A G $oient égales, & que le fardeau $oit at- taché au point C, & qu’il $oit égal au poids D, il e$t certain qu’à cau$e de l’é- galité des poids E, D, & des di$tances [00313]_Les Mechaniques_ A C, & B A, le mouuement du poids D $uffira pour le $ou$tenir, donc la for- ce du moment égal à celuy du point E, lequel le pourra $ou$tenir, $uffira enco- re pour $ou$tenir le poids D. Mais $i l’on veut $ou$tenir E au point C, la force doit e$tre à E, comme G A à C A, donc la me$me force pourra $ou$tenir le point D égal à E. Or la proportion qui e$t de G A à E A, e$t au$$i de B A à C A, G A e$tant égal à B A: Et parce que les poids E D $ont égaux, chacun d’eux aura la me$me proportiõ à la force mi$e en C. D’où l’on conclud que la force C e$t égale au mom\-et D, lors qu’il a me$- me proportion que la di$tance A Bà C A.

Or il e$t tres-ay$é de conclurre de tout ce di$cours que l’on perd autant de vi$te$$e comme l’on acquiert de for- ce tantauec le leuier ordinaire qu’auec celuy- cy: car quand la force C hau$$e le leuier A C, pour le trã$porter en A I, le poids $e meut par l’interualle B H, lequel e$t dautant moindre que l’e$pa- ce I C, qu’a fait la force, qu’A B e$t moindre qu’A C.

Ces principes ayant e$té declarez, il [00314]_de Galilée Florentin._ faut expliquer la rai$on des poulies, dõt nous declarerons la con$truction & l’v- $age. Et pour ce $uiet $uppo$ons que l’on ayt la poulie A B C faite de metal, ou d’vn bois fort dur, & qu’elle pui$$c tourner $ur $on e$$ieu, qui pa$$e par le centre D: & puis il faut mettre à l’en- tour la chorde F C B A E, à laquelle le poids E $oit at- taché. Quant à la force, el- le e$t à l’autre bout de la chorde au point F, où elle $ou$tient le fardeau E. Car $i l’õ $’imagine deux lignes égales tirées du centre D, à $çauoir D C, & D A, l’on aura l’équilibre de deux mom\-ets, ou de deux poids égaux, également éloignez de l’appuy D, qui e$t le point du $ou$tien, lequel e$t également éloigné de tous les co$tez de la circõference du cercle, ou de la poulie A B C. Or ces deux li- gnes, qui $ont les bras du leuier, ou de la balance, determinent les di$tances des deux $u$pen$ions d’auec le centre D: C’e$t pourquoy le poids qui e$t $u$- [00315]_Les Mechaniques_ pendu du point A ne peut e$tre $ou$te- nu au point C que par vne égale force, ou par vn poids égal, $uiuant la nature des poids égaux qui pendent de di$tan- ces égales. Car encore que la force F tourne à l’entour de la poulie A B C, cela ne change nullement l’habitude, & le rapport que le poids, & la force ont à la di$tance A D, & D C: dautant que la poulie garde vn perpetuel équi- libre en $e tournant. D’où il faut con- clurre qu’Ari$tote $e trompe lors qu’il dit que l’on leue plus ay$ément les far- deaux auec les plus grandes poulies, car encore que la di$tance, ou le demidia- metre de la poulie D C $’augmente, ce- la ne $ert de rien à rai$on que la di$tan- ce D A $’augmente également. De $or- te que l’on ne reçoit nulle commodité de cét in$trument en ce qui concerne la diminutiõ de la peine. Mais $a com- modité cõ$i$te à tirer de l’eau des puits, parce que l’on tire de haut en bas, & cõ- $equemment le poids des bras, & du corps $eruent à cela, au lieu qu’en tirãt à force de bras de bas en haut $ans l’ay- de des poulies, le poids des bras, & du corps nui$ent, c’e$t pourquoy la poulie [00316]_de Galilée Florentin._ apporte de la commoditéà l’applica- tion de la force.

Mais $i l’on v$e d’vne autre $orte de poulie, dont on voidicy la figure, l’on pourra leuer vn fardeau auec moins de force, car $i la poulie BDC, qui $edoit mouuoir au tour du centre E, e$t mi$e dans $a quai$$e, ou dans $on ar- meure D, que G $oitle far- deau, & que la chorde A B CF pa$$ant à l’entourde la- dite poulie $oit arre$té par le bout à quelque cheuille, au point ferme, & immobi- le; & finalem\-et $i l’on applique la force au point C, ou F, qui $e meuue en haut vers H, & con$equemment qui fa$$e monter la quai$$e D, & quant & quant le fardeau G, ie dy que la force mi$e en C, ou en F, n’e$t que la moitió du far- deau qu’elle $ou$tient, & par con$equ\-et que le mom\-et en C e$t $ouz double du momenten G; parce que G e$t $ou$te- nu, & porté par les deux parties de la chorde A B, & C D, de $orte qu’il e$t diui$é en deux parties égales, parce que le diametre B C e$t $emblable au fleau [00317]_Les Mechaniques_ d’vne balance, & le fardeau e$t $u$pen- du du point E: & puis le $ou$tien e$t au point B, & la force e$t au point C, c’e$t pourquoy il y a me$me rai$on de la force au fardeau, que de B E à B C, donc elle e$t la moitié du fardeau.

Car encore que la poulie $e tourne, tandis que la force $e meut vers H, neantmoins la $u$dite proportion ne change point, comme l’on void aux points B,E,C, & le leuier B C e$t rendu perpetuel. Mais en recompen$e le che- min que fait la force e$t double du che- min que fait le fardeau, car quand il e$t arriué au point F, c’e$t à dire quãd il e$t monté au$$i haut qu’A, la force à mon- té deux fois autant, c’e$t à dire de C en H. Mais il arriue icy vne incommodi- té à le force, à rai$on de $a pe$anteur qui la fait incliner en bas, c’e$t pour- quoy l’õ y a remedié par l’additiõ d’vne autre poulie que l’õ met en haut, cõme I on peut comprendre par cette figure, quoy que renuer$ée, dans laquelle il faut con$iderer la chorde I B A E F, qui pa$$e à l’entour des poulies B A, & F E, & e$t attachée à l’armure du point D de la quai$$e C D, qui e$t attachée [00318]_de Galilée Florentin._ en haut à la poûtre, ou à la pierre H, de $orte que la force tirant la chorde du point B au point I, ou du point I au point F, fait monter le poids at- taché au mouffle, ou à la quai$$e FE. Or cette force ne doit pas e$tre moindre qu’au point A, dautant que les momens du poids, & de la force $ont $e2;gale- ment di$tans du centre G, car B G e$t égal à G A, c’e$t pourquoy la poulie B A n’augmente pas la force. Où il faut remarquer que les Italiens appellent oét in$trument _la_ _Taglia_, & les Grecs, & les Latins _Tro-_ _chlea_: mais nous le nommons en Fran- ce _Mouffles_; ce qui comprend l’armeu- re, ou la quai$$e, qui $ert de boëte aux poulies, & les poulies, & tout ce qui $ert pour la perfection de cette machi- ne: on l’appelle au$$i _écharpes armée de_ _poulies_.

Or apres auoir mon$tré parles deux figures precedentes que l’on peut dou- bler la force par le moyen des poulies, [00319]_Les Mechaniques_ il faut maintenant faire voir que l’on peut l’augmenter tant que l’on voudra, comme ie demon$tre aux rõbre pairs, & impair des poulies: c’e$t pourquoy ie mets le Lemme qui $uit, afin de de- mon$trer la maniere de multiplier la force en rai$on quadruple.

LEMME.

Soient donc les deux lignes A B, & C D, qui repre- $entent deux le- uìers, qui ont leurs appuis A & C à leurs extre- mitez, & que le fardeau G $oit $u$pendu au milieu E, & F & qu’il $oit $ou$tenu par les deux forces B & D ap- pliquées aux autres extrem tezdes le- uiers, le$quelles ie $uppo$e auoir vn moment égal, ie dy que le moment de chacune e$t égal au moment de la qua- trie$me partie du poids G, carles deux forces B & D $ou$tiennent également, & con$equemm\-et la force D n’e$t con- trariée que par la moitié du poids G qui [00320]_de Galilée Florentin._ e$t attaché à F. Mais quand la force D $ou$tient la moitié du fardeau par le moyen du leuier C D, elle a me$me proportion à G que C D à C F, c’e$t à dire $ouz double, donc le mom\-et D e$t double du moment de la moitié du poids G qu’il $ou$tient, donc il e$t le quart du moment des poids entier.

L’on demon$tre la me$me cho$e du moment B, de $orte qu’il e$t rai$onna- ble que le poids e$tant également $ou- $tenu par les 4 poulies qui $e voyent dans cette autre figure, chacune porte la quatrie$me partie du fardeau: ce que io mon$tre en cette maniere.

Que le poids X $oit attaché au point K par le moven du moufflc K X, ie dy que la force égale à la quatrie$me par- tie du fardeau X, le $ou$tiendra, car $i l’on s’imagine que les deux diametres B A & D E $oient deux leuiers $embla- bles à ceux que nous auons expliquez dans la figure precedente, & que le far- deau $oit $u$pendu aux points C E F, l’õ trouuera que les appuis, ou les $upports de$dits leuiers répondent aux points D & A, con$equemment que la force ap- pliquée en B ou en Is $ou$tiendra le [00321]_Les Mechaniques_ poids X, dont il $era $ousquadruple. Et $i l’õ adiou$tevne pou- lie en haut, & que lachor- de pa$$e par O M B, la force L, $ou$tiendra le me$me poids. Mais il faut accommoder les 4. chordes, cõme elles $ont dans ces mouffles, en $or- te qu’elles ne $e me$lent point lesvnes auec lcs au- tres. Or il faut icy remar- quer ce que nous auons de$ia dit plu$ieurs fois, à $çauoir que l’õ ne gaigne rien auec ces in$trumens, car $i l’on épargne la for- ce, l’on augmente le t\-eps: de là vient qu’il faut tirer quatre pieds de chorde depuis O iu$ques à L pour faire monter le poids X d’vn pied de X en C: & l’on trouucrra perpetuellement que l’on perd autant de temps, ou que l’on e$t contraint d’allonger autant le chemin, que l’on gaigne de force.

Si l’on veut que la force s’augmente au $extuple, il faut adiou$ter vne autre [00322]_de Galilée Florentin._ poulie en bas, comme ie mon$tre par la figure precedente, dãs laquelle on void les trois leuiers A B, C D, & F E. Que le poids K $oit attachéa G, H, & I, & que les trois for- ces B, D, F, $oient éga- les, & qu’elles $ou$tien- nent égalem\-et le poids K, a$in que cha- cune en $ou$tienne le tiers, & parce que la force B $ou$tenant le poids p\-edu à G e$t la moitié du poids, & que nous auõs $uppolé qu’il $ou$tient le tiers dudit poids, il s’en$uit que la force B e$t éga- le à la moitié du tiers de K, c’e$t à dire à la $ixic$me partie de K. Car il $aut tou- $iours s imaginer que les appuys A, C, E $ou$tiennent autant du poids que les forces B, D, F. Par où il e$t ay$è de comprendre que le mouffle inferieur avant trois poulies, & le $upericur deux, ou 3. autres, que l’on peut multiplier la force $elon le nombre $enaire: ce que l’on peut ay$ément s’imaginer en con- $iderant vn mouffle compo$é de $ix pouiies.

Or pour expliquer la maniere de [00323]_Les Mechaniques_ multiplier la force $elon vn nõbre im- pair: il faut encore con$iderer le leuier de la page 40. A B, dont l’appuy e$t en A, & le poids G e$t attaché à E, & $ou- $tenu par deux forces égales, dont l’vne e$t en D, & l’autre en B, & l’õ trouuer- ra que chaque force a vn moment égal au tiers du poids, G, parce que la force mi$e en E $ou$tient vn poids qui luy e$t égal, dautant qu’elle e$t dans la ligne de la $u$pen$ion dudit poids. Mais la force e$tãt en B $ou$tient deux fois au- tant que $on poids, parce que $a di$tan- ce d’auec l’appuy A e$t double de E A, Et parce que l’on $uppo$e que les 2. for- ces B, & E $ont egales, il s’en$uit que la partie de G $ou$tenuë par B e$t double de la partie que $ou$tient E: donc $i l’on fait deux parties du poids G, & que l’v- ne $oit double de l’autre, la plus grande $era de{2/3}, & la moindre de{1/3} de G, donc le moment de la force E $era égal au tiers de G: & parce que nous auons $uppo$é B égal à E, la force B e$t égale à la force E, & con$equemment chacu- ne e$t égale au tiers du poids G.

Cecy ayant e$té demon$tré, il faut l’appliquer aux mouffies qui $uiuent, [00324]_de Galilée Florentin._ dont la poulie A B C $e tourne au tour du centre G, auquelle far- deau H e$t attaché. L’au- tre poulie $uperieure e$t F E; outre le$quelles il faut encore con$iderer la chorde I B C A E F D, qui e$t atta chée au point B, & puis la force qui e$t en I, laquelle ne $upporttera que le tiers du fardeau H. Par où il e$t euid\-et qu’ A B e$t vn leuier, & que la for- ce I s’applique à $es extre- mitez B, & A. G e$t le point du $ou$tien, auquel H e$t $u$pendu. Vne autre force e$t en- core appliquée en D, de $orte que le poids e$t arre$té par 3. chordes qui con- tribuent également à $ou$tenir le poids H: car la force D e$t appliquée au mi- lieu du leuier, & B à $on extremité, c’e$t pourquoy chaque force ne $upporte que le tiers du poids H. D’où il s’en$uit que la force I ayant $on moment égal audit tiers, peut $ou$tenir, & leuer le poids entier. Mais I fera trois fois au- tant de chemin que le poids H, parce [00325]_Les Mechaniques_ qu’il $uit la longueur de trois chordes I B, A E, & F D, dont l’vne me$ure le chemin du $ardeau.

CHAP. IX. _De la Viz._

ENtre tous les in$trumens Mecha- niques que l’on a inuentez pour la vie humaine, la viz que les Grecs, & les Latins appellent _Cochlea_, tient le pre- mier rãg tant pour $a $ubtilité que pour $on vtilité, dautant qu’elle $ert pour arre$ter, pour faire mouuoir, & pour pre$$er auec vne tre$-grande force, & qu’elle tient fort peu de place, quoy qu’elle aye des effets tre$-$ignales que les autres in $trumens ne peuuent auoir s’ils ne $ont reduits en de tre$ grandes Machines. C’e$t pourquoy il faut ex- pliquer la nature, & l’origine de la viz, & pour ce $uiet ie demõ$tre icy vn theo- re$me, qui $emblera, peu$t-e$tre, fort éloigné de ce di$cours, quoy qu’il en $oit la ba$e, & le fondement.

Ie dy donc que tous les corps pe$ans [00326]_de Galilée Florentin._ ont vne inclination vers le centre de la terre, non $eulement quand ils y peu- uent de$cendre perpendiculairement, mais au$$i quand ils y peuuent arriuer par vne ligne oblique, ou par vn plan incliné: ce que l’on peut confirmer par l’eau qui ne tombe $eulement pas à plomb de quelque lieu éminent, mais elle coule au$$i $ur la terre par vne li- gne qui a fort peu d’inclination, com- me l’on remarque aux cours des fleu- ues, dont les eaux de$cendent libre- ment, pourueu que leur lit ayt tant $oit peu de pante.

Or ce qui arriue aux corps fluides, $e remarque, $emblablement aux corps qui $ont durs, pourueu que les figures, & les autres empe$chemens acciden- tels, & extericurs ne les diuerti$$ent point: Car $i l’on prend vne bale par- faitement tonde, & polie, $oit de mar- bre, de verre, ou d’autre matiere, qui reçoiue vn excellent poly, & que l’on la mette $ur vn plã incliné, qui $oit au$- $i patfaitement vni, & poly que la gla- ce d’vn miroir, elle de$cendra $ur ledit plan, $e mouuera perpetuellem\-et tan- dis qu’elle trouuera la moindre inclìna- [00327]_Les Mechaniques_ tion que l’on $e pui$$e imaginer: de $or- te qu’elle ne $arre$tera point iu$ques à ce qu’elle rencontre vne $urface qui $oit à niueau, ou équidi$tante de l’ho- rizon, comme e$t celle d’vn lac, ou d’ vn e$tang glacé, $ur laquelle la bale $e tiendroit ferme, & immobile, mais auec telle condition que la moindre force l’ébranleroit, & que le plan $inclinant de la largeur d’vn cheueu, elle comm\-e- ceroit incontinent à $e mouuoir & à de$cendre vers la partie inclinée, & qu’au contraire elle ne pourroit e$tre meuë $ans viol\-ecevers la partie du plan qui monte. Or il e$t nece$$aire que la boule $’arre$te $ur vne $urface parfaite- ment équilibre, & qu’elle demeure cõ- me indifferente entre le mouuement & le repos: de $orte que la moindre force du mõde $uffi$e pour la mouuoir, com- me la moindre force que l’on peut $i- maginer dans l’air, $uffit pour la rete- nir.

D’où l’on peut tirer cette conclu$ion, que tout corps pe$ant, tous les empe$- chemens exterieurs e$tant o$tez, peut e$tre meu $ur vn plan horizontal par la moindre force que ce $oit, & qu’il faut [00328]_de Galilée Florentin._ d’autant plus de force pour le mouuoir $ur vn plan incliné, qu’il a plus d’incli- nation au mouuement contraire.

Ce qui $era plus intelligible par certe figure, dans laquelle A B $oit le plan parallele à l’o- rizon, $ur lequel la boule e$t indif- ferente au mouue- ment, & au repos, de $orte que le vent ou la moindre force la peut faire mou- uoir; mais il faut vne plus grande force pour la faire mouuoit du point A au point C $ur le plan incliné A C, & en- core vne plus grande pour la mouuoir $ur les plans A D, & A E: & finalement l’on ne peut la leuer $ur le plan perpen- diculaire A F, que par vne force égale à tout le poids G.

Or l’on $çaura cõbien il faut moins de force pour leuer le fardeau $ur les plans A E, A D, & c. $i l’õ tire les lignes perpen- diculairc{ae} à l’orizon CH, DI & KE, car il y aura me$me proportion des forces nece$$ ures pour éleuer le fardeau $ur cha$que plan audit fardeau, que des lignes perpendidulaires aux lignes de [00329]_Les Mechaniques_ leurs plans. Ce que Pappus Alexãdrin s’e$t efforcé de mon$trer dans le 8. liure de $es Collections Mathematiques, mais il s’e$t trompé, à mon aduis, en ce qu’il a $upposé vne force donnée pour mouuoir le poids $ur le plan horizõtal, ce qui e$t faux, parce qu’il ne faut nulle force $en$ible, $i l’on o$te les empe$che- mens exterieurs. C’e$t pourquoy il e$t plus à propos de chercher la force qui meut le fardeau $ur le plan vertical ou perpendiculaire A F, laquelle e$t tou- $iours égale à la pe$anteut du fardeau, que de cherchet la force qui le meut $ur le plan horizontal.

Soit donc le cercle AIC, dontle dia- mettre e$t ABC, & le cen- tre B; & qu’il y ait deux for- ces éga- les aux points A & C, qui repre$\-et\-et vne balãce mobile autour du centre B, [00330]_de Galilée Florentin._ il e$t certain que le poids C $era $ou$te- nu par la force A. Mais $i l’on s’imagine que le bras de la balance BC tombe en BF, de $orte qu’il demeure tou$iours continué auec le bras AB, & qu’ils ay\-et tous deux leur point fixe, ou leur appuy en B, le moment F, ne $era pas égal au moment A, parce que la di$tance du poinct. ou du poids F d’auec la ligne de direction BI n’e$t pas egale à la di- $@ance de la force, ou du poids A d’auec la me$me ligne de direction, comme l’on demon$tre par la petpendiculaire KF, qui determine la di$tãce du poinct Fauec B, ou I, de $orte que le mom\-et, ou le poids, de C porté en F e$t dimi- nué de la di$tance de KC, & qu’il n’a plus que le mom\-et B K: c’e$t pourquoy il faut conclure que le moment d’A $urpa$$e celuy de F de K C. Il faut dire la me$me cho$e du poids C tran$porté au point L, ou en tel autre point du cer- cle que l’on voudra, car la force en A $era d’autant plus grande que la force L, que B A, e$t plus grand que B M.

Parce où l’on void que le poids C diminuë $on moment, & $on inclina- tion d’aller en bas $elon les differences [00331]_Les Mechaniques_ inclinatiõs des plãs FB, LB & c. de $orte que l’on peut s’imaginer la de$cente de C par tous les points du quart de cercle CI, lequel contient vn plan qui s’incli- ne perpetuellement de plus en plus, & que la pe$anteur du poids en C e$t totale & entiere, & con$equemment qu’il $e porte de toute $on inclination à de$cendre, parce qu’il n’e$t nullement empe$ché par la circonfer\-ece, lors qu’il $e rencontré $ur la tangente DCE.

Mais quand il e$t en F, il e$t en partie $ou$tenu par le plan circulaire, & $a pente, ou l’inclination qu’il a vers le centre de la terre e$t autant diminuée que BC $urpa$$e BK: de maniere qu’il $e tient éleué $ur ce plan de me$me que s’il e$toit appuyé $ur la tangente GFH, d’autãt que le point d’inclination F de la circonference CI ne differe point de l’inclination de la tangente GFH, que par l’angle in$en$ible du contact.

Il faut dire la me$me cho$e du point L, lequel e$t incliné comme s’il e$toit $ur le plan de la tangeule NLO, car il diminuë $a pent@, & $on inclinatiõ qu’il a en Cen me$me proportion que Bk e$t à BC, puis qu’il e$t con$tant par la $imi- [00332]_de Galilée Florentin._ litude des triangles KBF & KFH, qu’il y a me$me rai$on de FK à FH que de KB à BF. D’où nous conclüons que la proportion du moment total & ab$olu du mobile dans la perpendiculaire de l’orizon auec le moment qu’il a $ur le plan incliné HF e$t la me$me que la proportion de FH à FK.

Ce qui $e void plus di$tinctement dans le triangle A BC car le moment du mobile $ur le plan AC e$t d’au- tãt moindre que le moment qu’il a dãs la perpendiculaire CB, que CB e$t moindre que C A. Et parce qu’il $uffit pour mouuoir le fardeau, que la force $urpa$$e in$en$iblem\-et celle quile $ou- $tient en quelque lieu que cè$oit, nous faisõs icy cette propo$ition vniuer$elle.

_Que $ur le plan elcué la force a la me$-_ _me proportion au poids que la perpen-_ _diculaire tirée de l’extremité du plan $ur_ _l orizon à la longueur dudit plan, c’ e$t à dire_ _que la tangente à la $ecante_, car FK e$t la tangente du cercle de$crit $ur le dia- mettre KH, & FH e$t la $ecante.

[00333]_Les Mechaniques_

Cecy e$tant po$é, ie reuiens à mon premier de$$ein, qui con- $i$te à trouuer, & à expli- querla nature de laviz; c’e$t pour ce $ubiet qu’il faut con$iderer le triangle AB C, dans lequel A B repre$ente la ligne horizontale, BC la perpendiculaire à l’orizon, & AC le plan eleué, & encliné $ur l’orizon, $ut lequel le mobile E e$t tiré & emporté par vne force d’autant moindre que le poids E, que la ligne BC e$t moindre que C A. Or quand on veut e$leuer E plus haut $ur le plan fer- me A C, c’e$t me$me cho$e que $i le tri- angle BCA e$toit pou$$é iu$ques au point H, parce que s’il $e trouuoit dans la me$me a$$iette que le triãgle HFG, le mobile auroit monté la hauteur AI, & $eroit en E.

D’où il s’en$uit que la na- ture de la viz n’e$t autre cho$e que le triangle ACB, lequel e$tant pou$lé en auãt $ou$tient la pe$anteur & l’éleue: & que c’e$t par $on moyen qu’elle a e$té inuen- [00334]_de Galilée Florentin._ tée. Mais l’on s’e$t auisé d’enuironner le cylindre B D du me$me triangle, affin de le reduire dans vne machine beaucoup moindre, & plus commode.

Et pour ce $ubiet l’on adonné la me$- me hauteur du triangle au cylindre, BE, & l’inclination de l’hypotenu$e CA à l’helice A E, & à toutes les autres qui $uiu\-et de bas en haut, & qui fõtl’he- lice continuë A E F GHID, laquelle on appelle ordinairem\-et le traict de la viz.

C’e$t donc en cette maniere que l’in- $trument appellé par les Grecs & par lesLatins _cochlea_ & que nous appelliõs _la_ _viz_, à e$té inu\-etóe, affin qu’en la tornãt on e$léue les fardeaux cõme l’on feroit $ur le triangle precedent, car l’on trou- uera tou$iours dans la viz, comme $ur tel autre plan que ce $oit, que la force e$t au poids po$é $ur vn plan incliné comme la hauteur dudit plan à $a lon- gucur: & con$equemment que la force de la viz ABCD $era multipliée $elon que toute l’helice $era plus grande que toute la hauteur du cylindre. Par où il e$t ay$é d’entendre, & de conclure que la viz e$t d’autant plus forte que $es helices $ont plus couchées, & plus in- [00335]_Les Mechaniques_ clinées $ur l’orizon, par ce que la lon- gueur des triangles $uiuant le$quels el- les $ont formées e$t en plus grande pro- portion à leur hauteur. Neant moin; il n’e$t pas nece$$aire de me$urer la lon- gueur de toute Phelice, ny la hauteur totale du cylindre pour congnoi$tre la force d’vne viz propo$ée, car il $uffit de $çauoir combien de fois l’vn des tours de l’helice conti\-et $a hauteur, par exem- ple, combien de fois AF e$t contenu en A E, & en E F parce qu’il y à melme proportion de toute la hauteur CB à toute l’helice, que de F A à A EF, que les Italiens appellent _verme de la vite_.

Or apres auoir expliqué la nature de la viz, l’on peut ay $em\-et $çauoir toutes $es proprietez, par exemple que l’on fait monter le poids par le moyen de $a ma- trice auec les helices concaucs dans le$quelles entrele noyau de la viz auec $es helices cõuexes cõme il e$t ay$é de remarquer aux viz d@s p’e$$oirs, & de toutes $ortes de pre$$es à écroux, dont le noyau e$tant tourné fait monter la- dite matrice, & quant & quant le poids qui y e$t attaché.

[00336]de Galilée Florentin.

Mais il faut tou$iours $e $ouuenir que l’õ perd autãt de vi$te$$e, & de t\-eps, que l’on gaigne de force, car A B e$t le plan horizõtal, & A C le plan incliné, dõt la hauteur e$t me$urée, & determinée par la perpendiculaire C B; Or $i l’on po$e vn mobile $ur le plan AC, & que la chorde EDF le tienne attaché, la force qui e$t en F ayant me$me rai$on auccle poids E que BC aà C B, $ou$tiendra le poids en E, & en luy aioutant la moin- dre force du monde, il tombeta en B, & emportera le poids E en le fai$ant mon- ter vers D. Mais F ne fera pas moins de chemin en de$cendant perpendicu- lairement, que le poids E en montant obliquement, c’e$t pourquoy il e$t ne- ce$$aire que F de$cende plus bas qu’il ne fait monter le poids E, dont l’exau- cement $e me$ure par la ligne per- pendiculaire BC: de maniere que la ligne de la de$cente de F $era é galé à CA, quand il aura fait monter le poids de B à C. Carle poids ne re$i$te point au mouuement parallele à l’orizon, parce que ce mouuement ne l’éloigne point du centre de la terre. C’e$i pour- quoy il importe grandement de con- [00337]Les Mechaniques $iderer les lignes par le$quelles $e font les mouuemens, & particulierement lors qu’ils $e font par des forces ina- nimées, dont les momens, & les re$i- $tances $ont en leur $ouuerain degró dans la ligne perp\-ediculaire à l’orizon; mais elles $e diminü\-età proportion que la ligne $e pãche $ur le plan horizontal.

III. ADDITION.

Ily a plu$ieurs cho$es à remarquer $ur ce $ubjet qui Peuuent $eruir pour e$tablir quelque parrie de la Phy$ique, dont i’en mets icy quelques vnes, affin d’cxciter les bons e$prits qui ayment la verité, à pa$$er oûtre. Premierement c’e$t vne cho$e tres- remarquable que la boule F D C E $o pui$$e mouuoir auec la moindre force imaginable $ur lc plan horizontal AB, dont la rai$on e$t qu’elle ne touche le [00338]de Galilée Florentin. plan qu’au point C, & que $es deux moitiez CFE, & CFD $ont en vn par- fait équilibre, comme lon void au leuier ED, dont le bras EG e$t égal au bras GD, de $orte que $i l’on applique la moindre force du mõde à D la boule roullera vers A. En $econd lieu l’on peut cõparer le mouuement des deux boules CDF, & CHG, qui e$t huict fois moindre & mois pe$ante que l’autre, car $on diametre CG e$t $ouz double de CF, & ie $uppo$e qu’elles $oient de me$me matiere: l’on peut doncrecher- cher laquelle des deux $e meut plus ay- $ement $ur le plan AB; car il y en a qui croyent que la petite $era 8. fois plus ay$ée à mouuoir $ur ce plan, quoy que parfaictem\-et dur & poli, à rai$on qu’el- le pe$e 8. fois moins, & que toutes les parties do chaque corps pe$ent $ur le centre de leurs pe$anteurs, & con$e- quemment que toute la pe$anteur de ces deux globes s’vnit au point C, & re$i$te tant qu’elle peut au mouuem\-et. Mais pui$que toutes $ortes de globes tant grands que petits ont la rai$on du leuier ou de la balance comme i’ay ex- pliqué cy-deuant, la moindre force ap- [00339]Les Mechaniques pliquée aux points D, E, ou HI e$t ca- pable de les o$ter de leur equilibre.

En troi$ie$me lieu $i l’on $uppo$e que le plan horizontal $oit rude, $cabreux, & mal poli, il s\-eble que le moindre globe routera plus ay$ement parce qu il fait vn plus grand angle de contingonce, & s’éloigne d’auantage de la ligne droite AB.

IV ADDITION.

Sur ce que Galilee dit que Pappus $’e$t trompé, lors qu’ila voulu determiner la force nece$$aire pour mouuoir vn poids donné $ur vn plan propo$é, ou $ur vn plan incliné, dont l’angle d’inclination e$t cõnu l’on peut remarquer plu$ieurs cho$es, mais particulierement qu’il la $uppo$e beaucoup trop grãde, car il dit qu’il faut la force de 40. hommes pour mouuoir le poids de 200. talents, dans la 9. propo$ition de $on 8. liure, au lieu que la moindre force e$t capable de le mouuoir $ur ledit plan: c’e$t pourquoy il a conclud qu’il failloit 260. hommes pour le mouuoir $ur vn plan incliné de 120 degrez. Mais l’on comprendra cecy plus ay$ement par cette figure, dans la- [00340]de Galilée Florentin. quelle RM repre$ente le plan horizon- tal, $ur lequel ie $uppo$e que le plan PM e$t eleué de 30. degrez, & con$e- quemment qu’il fait 60. degrez auec le plan perpendi- culaire BC. Or il e$t certain que la force qui retient le poids, ou le globe BSA $ur le plan incliné e$t audit poids, comme la perpendiculaire PR e$t à l’hypotenu$e P M: & parce que cette hypothenu$e e$t double de la perp\-edi- culaire, vne force vn peu plus grãde que $ouz double le leuera, de $orte que $i le globe pe$e 2. liures le poids P, ouO pe$át vne liure, & vn grain le pourra tirer. Il faut encore remarquer que la force qui doit empe$cher que le poids ne coule & ne pe$e point $ur le plan P M doit e$tre au poids, comme la ba$e R M à l’hy potenu$e P M. Or quand on veut tirer le poids $ur le plan incliné, il faut mettre vne poulic au haut du plan, comme l’on void en D.

Où l’on doit con$iderer la force qui- $ou$tient le poids dans la ligne perpen- [00341]Les Mechaniques diculaire P R, pour trouuer celle qui le $ou$tient $ur le plan incliné, & parce que le globe B S A pe$e 2 liures dans ladite ligne, il n’en pe$era qu’vne $ur ce plan incliné de 30 degrez. Neantmoins quelquesvns croyent que l’on peut trouuer la force qui tire le poids $ur le plan incliné par la connoi$$ance de la force qui le meut $ur le plan horizõtal; $urquoy l’on peut veoir Cabee au 20. Chapitre du 4. liure de l’aymant.

V. ADDITION.

Cette $peculation des plans differens e$t grandement vtile pour trouuer la force requi$e pour mouuoir toutes $or- tes de fardeaux $ur les montagnes, & dans les valees, & pour plu$ieurs autres cho$es: par exemple, $i l’on vouloit tirer vn fardeau $ur le plan F B, il fau- droit vne force, qui eu$t me$me pro- portion au poids, que la perp @ndiculai- re B E à l’hypotenu$e B F. Mais $i l’on vouloit l’empe$cher de couler ou de pe$er $ur le plan B F, il faudroit vne force qui eu$t me$ine proportion au poids que F E à F B, $uiuant ce qui a [00342]de Galilée Florentin. e$té dit dans l’addition precedente, & con$equemment il faudroit que cette force fu$t $ouztriple du poids, pui$que E F e$t $ouztriple de B F.

Quant à la proportion des mouue- mens qui $e font $ur les plans, nous en parlerõs apres: Ie remarque- ray $eule ment icy que la for- ce e$t tou- $iours à la pe- $anteur qu’il faut $ou$tenir $ur les plans propo$ez, cõme le co$té qui touche la force e$t au co$té $ur lequel le poids e$t appuyé, $oit que le co$t\’e de la force $oit per pendiculaire, ou incliné $ur l’hori- zon: par exemple, la force e$tant po$ée $ur le co$té D F e$t au poids D mis fur H D, comme F D e$t à D H.

Et $i l’on $uppo$e que B E $oit vne muraille impenetrable, qui$oit polie, & qui ne cede nullement aux coups, la bale qui la frapera au point D $elon l’inclination de l’angle C D I, qui e$t de 30. degrez, $ereflechira en H parla li- [00343]Les Mechaniques gne D H, dautant que l’angle de refle- xion L D K e$t egal à celuy de l’inci- dence. Mais il e$t difficile de $çauoir où $c reflechira la bale. L’on peut encore con$iderer de combien vn poids de$- cend plus vi$te $ur vn plan incliné que $ur l’autre: par exemple, de combien il de$c\-ed plus vi$te $ur B F, que $ur C F, ou D F, & s’il y a me$me rai$on de lavi- $te$$e qui s’exerce $ur B F, à celle de D F, que de la ligne B F à D F: mais il faut re$eruer toutes ces con$iderations pour la fin de ce traité. Concluons ce- pendant qu’il faut d’autant moins de force pour leuer le poids donné, que le chemin de la force e$t plus long que celuy du poids, affin que l’vn recõpen$e l’autre, & que la nature ne perde rien d’vn co$té qu’elle ne le gaigne de l’au- tre. Finalem\-et $ivn coup de canõ e$t tiré du point H contre la muraille B E, il aura $a force entiere dans la perpendi- culaire H E; & le boulet appuyera en- rierement contre E. Mais s’il frappe obliquement en D par la ligne H D, il $era d’autant moins fort que D H e$t plus long que H E.

[00344]de Galilée Florentin. CHAP. X. _De la Viz d’ Archimede pour_ _ejieuer les eaux._

IL faut icy adioûter la con$ideration de cette viz, parce que $on effet e$t d’autant plus admirable que la cau$e $emble plus éloignée de la rai$on, car elle fait mon- ter l’eau par- ce qu’elle la fait de$cen- dre. Son v$a- ge paroi$t dãs la figure qui $uit, dans la- quelle Z Y X V T S R & Q $ignifient vn canal qui entoure le cylindre NP. Orle bout du can al N doit e$tre dans [00345]Les Mechaniques l’eau, & le canal doit e$tre incliné; & puis il faut tourner le cylindre autour des points Q P, & N O, iu$ques à ce que l’eau $orte par Q, apres auoir monté tout au long du canal, ou de l’helice N O Y X & c. Dans la quelle l’eau mon- te par ce qu’elle de$cend, comme ie fais voir en cette maniere.

Soit le triãgle A K B, d’où la viz N P prend $on origine, lors que l’helice à me$me inclination que K A, dont la $aillie, ou l’eleuation e$t determinée par l’angle B A K; & $i cet angle e$t du tiers, ou du quart d’vn angle droit, l’e- leuation de l’helice N Z, ou Z Y $era $emblablem\-et le tiers, ou le quart d’vn angle droit. Cecy e$tant po$é, il e$t euidãt que la $aillie du canal A K $era abbai$$ée quand le point K viendra au point B, & qu’elle n’aura plus de pente ou d’inclination, & con$equemment $i on l’abai$$e vn peu plus bas que B, l’eau coulera, & s’engorgera naturellement dans le canal A K, ou XV, & tombera du point A au point K, qui $e trouuera plus bas que B $ouz l’orizon. Or il faut entourer le cylindre C A du triangle A K B, affin de con$truire 12 viz A C [00346]de Galilée Florentin. perp\-ediculaire $ur l’horizon E A: & puis il la faut mettre dans l’eau, & la tour- ner, affin que l’eau monte pat le eanal A E, qui n’e$t pas plus incliné que K A, c’e$t à dire que le tiers d’vn angle droi- te donc $i l’on abbai$$e le cylindre P N du tiers d’vn angle droit, les helices E F, F G & c. $eront inclinées, comme l’on void au cylindre panchant P N, & à $es helices Z Y X V & c. par con$e- quent l’eau de$cendra de N à Z, & tou- tes les autres helices receuront vne me$me di$po$ition pour faire couler l’eau iu$ques au bout de la viz, de $orte que l’eau de$cendra tou$iours en mon- tant de N à P. D’ou il faut conclure que la viz doit auoir vne inclination vn peu plus grande que le triangle $ur lequel on la ba$tie.

VI ADDITION.

Il y a plu$ieurs cho$es à remarquer pour la pente, & la de$eente, & pour l’exaltation des eaux, & pour tout ce qui appartient aux Siphons, & aux Pompes qui attirent l’eau, ou les autres liqueurs par a$piration, mais l’vne des [00347]Les Mechaniques principales con$i$te à $çauoir que l’eau ne $e meut point naturellement $i elle n’a de la pente, cõme l’on experimente aux rui$$eaux, aux riuieres, aux e$tangs & c. ce qui fait reconnoi$tre que le mouuem\-et de la mer $uppo$e de la vio- lence, car $ile reflus luy e$t naturel, le flus doit e$tre violent. Quant au Siphon il peut $eruir pour faire pa$$er des fon- taines depuis le pied d’vne montagne ou d’vn rocher iu$ques à l’autre co$té, pour changer le vin, ou lesautres li- queurs d’vn tonneau en vn autre, pour vuider les marais, & pour plu$ieurs autres commoditez dont nous parle- rons ailleurs.

Quant à l’v$age de l’eau dans les me- chaniques, il e$t tres grand, comme l’on experimente aux moulins à eau, & aux differentes manieres dont on $e $ert pour $çauoir la differ\-ece des pe$anteurs de toutes $ortes de corps plus pe$ans, ou plus legers que l’eau, $oit qu’on les com- pare en$emble, ou auec la me$me eau: mais tout cecy merite vn traicté entier de l’Hydraulique, comme les vtilitez de l’air & du vent requierent vn di$- cours entier de la Pneumatique. Mais [00348]de Galilée Florentin. par ce que Galilée n’en a rien dit dãs ce liure, ie vi\-es à la derniere cõ$ideration qu’il a faite $ur la forcede la percu$$ion.

CHAP. XI.

Il e$t nece$$aire pour plu$ieurs rai$ons derechercher la cau$e de la force de la percu$$ion, parce qu’elle contient plus de merueilles que tous les autresin $tru- mens Mechaniques, car on experimen- te qu’en frappãt $ur vn clou, $ur vn pieu, ou pilotis, & c. ils entr\-et dans des corps fort durs, & qu’ils n’entrent nullement $i l’on ne frappe de$$us, encore que l’on charge & que l’on pre$$e les marteaux auec des fardeaux mille fois plus pe$ãs qu’eux, car à peine feroit-on entrer vn coin au$$i auant en le chargeant d’vne mai$on entiere, comme on le fait entrer à coup de marteau. Ce qui e$t d’autant plus digne d’e$tre con$ideré que nul n’en a donné la rai$on iu$ques à pre$ent: ce qui fait voir la difficulté de cette $peculation: carles pen$ées d’ Ari$tote & des autres qui ont voulu prendre la rai$on de cet effet de la longueur de la maniuelle ou du manche des mar- teaux $ont trop foibles, & mal fondéas, [00349]Les Mechaniques attendu que les poids qui tombent, & qui font de $i grands effets, nont point de manches. Il raut diré la me$me cho$e des poids que l’on pou$$e ou que l’on iette de trauers. C’e$t pourquoy il faut auoir recours à vn autre principe pour trouuer la verité de cét effet, le- quol ie ta$cheray à expliquer & à le rendre $en$ible. Ie di dõc que cet effect vient de la me$me $ource que les autres effets Mechaniques, à $çauoir que la force, la re$i$tance, & l’e$pace par le$- quels $e fõt les mouuem\-es ont vnetelle corre$pondance & proportion entr’eux que la force re$põd $eulement à vne re- $i$tance qui luy e$t égale. & qu’elle la meut $eulement par vn e$pace égal, ou d’vne égale vi$te$$e, dont elle $e meut elle me$me. Semblablement quand la force e$t moindre de moitié que la re- $i$tence, elle la peut mouuoir, $i elle me$me $e meut d’vne double impetuo- $ité, & $i elle fait deux fois autant de chemin. Ce qui $e remarque en toutes $ortes d’in$trumens, par le moyen de$- quels l’on peut mouuoir & $urmonter route $orte de re$i$tence pour grande quelle pui$$e e$tre aucc vne force $i pe- [00350]de Galilée Florentin. tite que l’on voudra, pourueu que l’e$- pace que fait la force ayt me$me pro- portion auec l’e$pace de la re$i$tance, que la grande re$i$tance à la petite for- ce; ce qui $uit entierement la con$titu- tion & les regles de la nature.

Ce n’e$t dõc pas merueille $i en argu- mentant au contraire, la force qui meut vne petite re$i$tance par vn grand in- terualle, en pou$$e vne cent fois plus grande par vn interualle cent fois mbindre, puis qu’il ne peut arriuer au- trement. Cecy e$tant po$’e, il faut con- $iderer qu’elle doit e$tre la re$i$tence pour e$tre meüe par le marteau, qui la doit frapper & pou$$er; & pource $ub- ject il faut remarquer combien la force qui a e$té imprimee au marteau le por- ter a loing, $i l’on $uppo$e qu’il ne frap- pe point, cõme il arriueroit $i le marteau $ortoit de la main auec la me$me impe- tuo$ité dõt il doit frapper vne enclume, vn coin, ou quelqu’autre cho$e, & qu’il ne rencõtra$t nul empe$chem\-et en $on chemin. Et puis il faut cõ$iderer quelle re$i$tance fait le corps qui e$t frappé, & cõbien il e$t pou$$é parvne telle percu$- $iõ, & a yãt remarqué de cõbi\-e il $e meut [00351]_Les Mechaniques_ à chaque coup, & que le coin entre d’autant moins auant que le marteau pou$$é de la me$me impetuo$ité iroit moins loing l’õ trouuera que ledit coin entrera d’autant moins auant dans vne bûche, ou dans vn autre corps à cha- que coup, que la re$i$tance $era plus grande que la force du marteau: de $or- te qu’il ne faut plus admirer les effects de la percu$$ion, puis qu’ils ne $ort\-et pas hors des bornes de la nature.

A quoy i’aioûte vn exemple pourvne plus grande intelligence, en $uppo$ant que le marteau qui a 4. degrez de re$i- $tance $oit pou$$é d’vne telle force que ne treunant nulle re$i$tãce qui l’arre$te, il aille iu$ques à dix pas, & qu’à ce terme on luy oppo$e vne poutre qui ayt 4000. degrez de re$i$tãce & qui $oit mille fois plus grande que la force du marteau, de $orte qu’elle $urpa$$e $ans proportion ladite force, $i elle e$t frap- pée, elle ira $eulement en auant la millie$me partie de dix pas, par le$quels Pon auroit pou$$é le marteau.

D’où l’on peut conclurre que la force de la percu$$ion $uit les loix des autres in$trumens mechaniques, & qu’il e$t [00352]_de Galilée Florentin._ au$$i ay$é de la determiner que les au- tres forces.

ADDITION VII.

Galilée promettoit plu$ieurs proble$- mes à la fin de $es mechaniques, mais pui$que nous ne les auõs point veus, il faut $eulement icy aioûter quelques con$iderations touchãt les mouuem\-es; en attendant que nous en donnions plu$ieurs ob$eruatiõs tres-exactes. Soit done le plan B G incliné de 30. degrez $ur le plan horizontal BF: il e$t premie- rement certain que le poids pe$e d’au- tant m@ins $ur B G que dans la ligne perpendiculaire G X, que B G e$t plus grand que G X, c’e$t à dire deux fois moins, dautãt que GX, e$t $ouz double de B G, par la con$truction.

Secondement il e$t cer- tain que la boule mi$e au point G & roulante $ur G B de$cend plus lente- ment que par la ligne G X. Mais il e$t difficile de $çauoir combien elle de$cend plus vi$te [00353]_Les Mechaniques_ par GX. Galilée croit dans vn autre di$cours qu’en me$me t\-eps que la boule de$cend de G en H elle de$cendroit de Gen E, & qu’au me$me temps qu’el- le de$cend de G en B, elle de$cen- droit de G en D. Car le point de la li- gne perpendiculaire, auquel $e rencon treroit le poids tombant, $e determine par les perpendiculaires de$crites $ur lo plan incliné, commel’on void icy aux perpendiculaires H E & B D tirées des deux points H, B, au$quels on $uppo$e que la boule e$t arriuée en roûlant: ce qu’il faut au$$i, ce $emble, conclutre des autres corps qui gli$$ent $eulement.

En troi$ie$me lieu, l’on peut con$iderer $i les poids qui $e meuuent $ur le plan incliné gardent la me$me proportion en leur vi$te$$e que ceux qui $e meuu\-et perpendiculairement vers le centre de la terre, c’e$t à dire s’ils ha$$\-et leur cour- $e en rai$on doublée des t\-eps par exem- ples $i G ayant de$c\-edu iu$que, au quart de $on plan dans le premier temps, de$cend les trois autres quarts dans le $econd temps. En quatrie$me lieu, la $peculation de Galilée e$t excellente, $i elle e$t veritable, à $çauoir qu’vne bou- [00354]_de Galilée Florentin._ le de$cend en me$me temps $ur tous les plans qui $ont dans le me$me demi cer- cle, ce que l’on comprendra par cette $igure dans laquelle A B e$t le diametre, qui reprelente la cheute perpendicu- laire. E B, D B, & C B, ou F B, G B, & H B mõ- $tr\-erles cheutes obliques, qui $e font toutes en me$me temps depuis le haut iu$ques au bas de chaque plan, de $orte que la boule va au$$i to$t de G à B que d’E à B. Par ou l’on void que le mouuement de la boule e$t d’autant plus lent que le plan obligue s’approche dauãtage de l’hori- zontal I K, $ur lequel il n’a plus de mou- uement par ce qu’il ne peur plus s’ap- procher du centre de la terre. Cette figure contient encore d’autres lignes, à $çauoir A F, F G, G H, A G, & A H, $ur $ur le$quelles on peut encore con$ide- rer les mouuemens d’vne boule, affin de les comparer auec ceux qui $e font $ur les plans F G, G H, &c.

[00355]_Les Mechaniques_

En cinquie$me lieu, il faudr@ it con$i- derer quelle e$t la vite$$e des mouue- mens qui $e font $ur les plans B E, C E, & D E, qui $ont dans le quart du cer- cle B C E, & quelle proportion elle a auec la vite$$e du mouuement d’Aen E, dont la partie A H $e fai$ant dans vn t\-eps don- né, tout le re$te depuis H iu$ques à E $e fait dans vn autre temps egal. Où il faut encore remarquer que $i l’on pend le poids E à la chorde A E, & qu’on tire le poids iu$ques à B, que B de$c\-edra qua$i en me$me te mps de B à E par le quart du cercle B C E qu’il de$cendra de C, ou de D au me$me E. Or les lignes Bk, K L, & L M font veoir combien les poids de$cend\-et $urles plans C E & D E, & con$equemment de combien il $ont retardez, & empe$chez par chaque plan ineliné: par ex\-eple, le poids B roulant [00356]_de Galilée Florentin._ de B à C $ur le plan BC de$cend autant que quand il roulle de C en E, car la li- gne B K e$t égale à K M; & le poids roullant de C à D de$cend plus de deux fois dauantage que celuy qui va de D à E. car L K e$t plus que double de L M.

D’où il e$t ay$é de cõclure que le poids B qui de$cend par le quart de cercle B C E iroit d’autãt plus lentement qu’il approche dauantage du point E, s’il n’a- querroit nulle impetuo$ité.

En $ixie$me lieu, la chorde A B con- duira le poids B iu$ques au diamettre A E dans vn temps donné, $i elle e$t en rai$on doublee dudit temps, lors qu’elle doit $e mouuoir dans vn plus grand temps; ou en rai$on $ouzdoublée, $i el- le $e doit mouuoir dans vn moindre temps: par exemple, $i la chorde A B porte B dans 4. moments iu$ques à E, la chorde $ouzquadruple A I portera’I iu$ques à H dans vn moment.

En $eptie$me liou, le poids qui de$c\-ed de B en M, ou d’A en Eva non $eulem\-et plus lentement en commencant $on mouuement, mai, $$i il pa$$e par tous les degrez po$$iblesde tardiueté, de $or- te ques s’il n’augmentoit point la vi$te$$e [00357]_Les Mechaniques_ qu’il a vers le milieu de la premiere $ep- tie$me minute, il $eroit deux ans & 20 iours à de$cendre l’e$pace d’vn pied de Roy, comme ie demon$treray dans vn traité particulier.

ADDITION VIII.

Il e$t certain que les poids qui de$- cendent vers le centre augmentent tou$iours leur impetuo$ité, & que $i on lai$$e cheoir vne boule $ur le plan C A, elle aura autant d’impetuo$ité lors qu’elle $era arriuée au point A, comme quand elle $era tombée en B du point C parce qu’elle $era au$$i proche du centre en A qu’en B: & cette impetuo- $ité $era a$$ez gran de pour faire remon- ter le me$me poids iu$ques à C $oit par la li- gne oblique A C, ou par la perpendiculai- re B C, pour- ueu qu’il n’y ayt nul empe$chement ex- terieur. Mais tandis que le poids tom- bo de C en T, il tombe de C en B, & par [00358]_de Galilée Florentin._ con$equemment il acquier beaucoup plus d’impetuo$ité en me$me temps par le plan horizontal que par l’in- cliné. Semblablement tandis que le poids tombe par le plan A D de D en I, il tombe de D en B, car la ligne I B e$t perpendiculaire $ur la ligne A D; & $i le poids tombe iu$ques en A, il $era tombé par la perpendiculaire D B prolongée iu$ques au poinct, auque lelle $era cou- pée par la ligne tirée du point A paral- lele à I B, laquelle $era perpendiculaire au plan I A. Or il y a grande apparence que le temps auquel le poids tombe de C en B e$t au temps auquel il tombe de C en A, comme la ligne C B e$t à la ligne C A. Ce que l’on peut exami- ner en cette maniere. Suppo$ons donc que le temps de la cheute d’A en B $ur leplan A B $oit égal au temps de la cheute qui $e fait d’A en D: & pour ce $ubiect qu’au tri- angle rectangle A B D le co$té D $oit de 4. parties, & le co$té B A de deux, $i A D e$t 1000. A B $era 500, & partant l’angle B D A $era de 30 degrez, car D A e$tãt, le rayon [00359]_Les Mechaniques_ A B $era le Sinus de 30 degrez, & l’an- gle B D A $era de 60. degrez, & con$e- quemment le co$té B D $era 866, c’e$t à dire le Sinus de 60. Au triangle A B C rectangle, en C l’angle B C A e$t connu de 60 degrez, donc l’angle A B C e$t de 30. degrez, dont le $inus A C e$t 250, à $çauoir la moitié du rayon B A, & B C $inus de B A C 60. e$t 433. de telles parties dont A D e$t 1000: donc $i A C e$t 250. A B $era 500. & A D 1000, de $orte qu’A B e$t moyenne proportionnelle en- tre D A, & C A; donc A D e$t quadru- ple de C A, & con$equemment A B e$t double de C A. De plus $i l’on $up- po$e qu’A C $oit de 3. pieds, le poids tombe de cet e$pace dans vne $econde, & A D e$tant quadruple d’A C, le poids tombera par A D en deux $econdes, & parce que nous auõs $uppo$é qu’il chet par la ligne A B en me$me temps que par la perpendiculaire A D, il fera au$$i l’e$pace A B en 2. $econdes. De $orte qu’il y aura me$me rai$on du temps de la cheute A C à celuy de la cheute de 3 pieds A B que de la ligne B A à la ligne C A, qui a $ix pieds.

Il faut encore remarquer que comme [00360]_de Galilée Florentin._ A C e$t $ouz quadruple de D A, que C E e$t au$$i $ouzquadruple de B D, & A E de B A, & que de me$me que C D e$t triple de C A, que B E e$t triple d’E A, & que comme la racine de C A e$t à la racine de D A, que le temps de la cheute C A e$t à celuy de la cheute D A. Et parce que le poids qui tombe d’Aen B e$t deux fois autant de temps que celuy qui tombe d’A en C, l’on peut dire qu’il va au$$i vi$te par A B que par A C, puis qu’il faitvn chemin dou- ble dans vn temps double.

D’où ie conclus que le plan peut telle- ment e$tre incliné $ur l’horizon B C, que la boule mi$e de$$us $era plus d’vn an à rouler iu$ques à B, & qu’vn temps infini ne $uffiroit pas pour $on roulement $ur le plan horizontal de C en B, parce que $a tardiueté deuient in- finie quand le plan incliné e$t reduit au plan horizontal, $ur lequei la boule ne $e peut mouuoir que circulairement, $uppo$é que la terre $oit parfaitement ronde, ce qui n’arriue point $i le mou- uement droit ne precede, & n’en e$t cau$e: mais le poids n’aquierra point de plus grande vi$te$$e $ur le plan horizon- [00361]_Les Mechaniques_ tal, $ur lequel il ira tou$iours vniforme- m\-et s’il ne trouue nulle empe$chem\-et, d’autant qu’il e$t tou$iours également éloigné de $on centre.

ADDITION. IX.

Galilée n’a point traité des in$trum\-es qui $e $eruent de roües dentelees, com- me $õt celles cy B & A, qui tournent par le moyen de la maniuelle E, à laquelle la moindre roüe A, que l’on appelle or- dinairement le Pignon, e$t attachée, affin d’accommoder $es dents à celles de la grande roüe B, qui tourne $ur $on e$$ieu C, à @entour duquel l’on met la chorde qui tient le poids D. Or on [00362]_de Galilée Florentin._ multiplie ces roües tant que l’on veut iu$ques à l’infini: mais plus il y en a dãs vn in$trument & plus on e$t long temps à leuer le poids attaché à celle qui tourne le plus lente- ment, cõme l’õ expe rim\-ete aux hor loges à roües, & à re$- $ors. Ie mets $eule- ment icy la fi- gure de l’in $tru- ment que l’on appelle Cry, qui $ert pour [00363]_Les Mechaniques_ releuer les caro$$es, & les charrettesqui $ont ver$ées. La moindre figure I G H faitvoir $a forme exterieure, & les crãs, ou les dents H, qui ont la fourchette G en haut pour leuer les fardeaux. C B fait veoir la maniuelle & le Pignon B qui fait tourner la grande reüe A B, la- quelle fait hau$$er le cry F E par le moyen du pignon à trois dents D qui, $’aiu$te dans les dents de F E. Si l’on multiplie les roües de cry on le rendra$i fort qu’il pourra leuer vne mai$õ toute entiere, mais $on effet $era plustardif en recompen$e. Mais l’on ne peut enten [00364]_de Galilée Florentin._ dre la nature & les proprietcz de ces in$trumens, $i l’on ne comprend les pro- prietez du cercle, dont ie parle dans vn autre lieu. Il y a encore d’au- tres roües qui ont vne grande force, comme $ont celles de la viz $ans fin, do@tie donne $eulement icy la figure, dan@ laquelle E F G e$t la plus grande roüe. A D e$t l’arbre entouré des fi- lets E qui entrent dans les dents de la dite roüe: mais $i l’on adioute la roüe C B, elle redoublera la force, & la mani- neile L fera tourner l’arbre K, dont les filets B entrent dans les dents de la $e- conde roüe B C. Le poids I e$t attaché à la chorde H, & $e tient en chaque degré de hauteur où l’on veut, $ans qu’il $oit be$oin d’arre$ter l’in$trument par aucune force: mais les filets des at- bres s’v$ent bien to$t.

Finalement ie veux adiouter vn mouffle à $ix poulies qui n’a pas e$té mis en $on lieu, dans le chapitre des poulies, affin que ceux qui s’en vou- dront $eruir, voyent comme il faut con$truire cet in$trument, que Pappus appelle Poly$pa$te dans la 24 propo$i- tion du 8. liure de $es Recueils Mathe- [00365]_Les Mechaniques_ matiques oùil nomme l’armeure HF, ou A G _manganum._

L’on voit donc en ce mouffle $ix roües, à$ça- uoir 3 en bas F, D, B, & 3 en haut G, E, C, mais la derniere d’enhaut Gne multiplie point la force, dautant qu’elle ne $ert que comme la $imple poulie d’vn puys. Or cet in$tru- mente$t plai$ant en ce que $i 4 ou 5 hommes employent toute leur force à tirer la chorde I K, celuy qui tire le bout de la chorde L d’vne $eule main les fait venir à luy malgré qu’ils en ayent. Et l’on peut y mettre tant de poulies que l’on mene- ra les Egli$es, les tours, & les autres edifices où l’on voudra, pour- ueuqu’õ les pui$$e cein- [00366]de Gaìlée Florentin. dre de chordes a$$ezfortespour ce $uict, & que les murailles ne $e $eparent point les vnes des autres. Ceux qui veulent $erieu$ement e$tudicr aux Mechani- ques doiuent lire tout le 8 liure de Pappus, dãs lequel il explique plu$ieurs $ortes d’in$truments; & les liure de Gui- don Vbalde, qui a le mieux de tous trai- té de la nature de ces in$trumens.

ADDITION. X.

Ie mets encore icy vnc figure du plan incliné, affin que l’on con$idere l’utilité du triangle rectangle dans les mecha- niques. Soit donc le triangle BAC, dõc la $ou$tendante ou l’hypotenu$e B C e$t double du co- $té B A, & la ba$e A C e$t parallele à l’horizonil: e$t con$tant que le poids F doit e$tre 2. fois au$$i pe$ant que le poids D pour e$tre équilibre, dautãt qu’ilsdoiuent garder entr’ eux la me$me rai$on que le co$té C B au co$té A B. Mais lors que l’on veut $çauoir la force dont le poids F pre$$e le plan B F, il faur prendre la ba$e du triangle A C & la [00367]Les Mechaniques comparer auec l’hypotenu$e B C, d’au- tant que la petanteur entiere du poids F e$t à celle par laquelle il pre$$e le plan B C, comme C B e$t à CA, de $orte que $i B C e$t 5, & CA 4. la rai$on de la pe$ãteur totale e$t $e$qui- qua\’rte de la pe$anteur relatiue, & con- $equãment la force F ne pourroit rom- pre vne re$i$tance de 5. Par où lon voit que la con$ideration du rayon A C, de la tangente B A, & de la $ecãte BC e$t en- tierement necc$$aire pour les mechani- ques, dont i’ay parlé fort amplement dans le dix & l’onzie$me theorême du $econd liure de l’harmonie vniuer$elle.

Or pui$que l’on demon$tre que la vi- $te$$e des poids qui de$cendent $ur les plans inclinez s’augmentent en rai$on doublée des temps, il e$t ay$é de deter- miner vn lieu $urvn plan incliné telque l’on voudra, auquel le poids ira au$$i vi$te qu’en vn autre lieu donné de $a de$cente perpendiculaire, comme l’on peut conclure de ce qui a e$tédit dans la 8 Addition.

[00368] A MONSIEVR, MONSIEVR DE BOVRGES CONSEILLER DV ROY, & Thre$orier Payeur de Me$- $ieurs les Thre$oriers de Fran- ce à Orleans. MONSIEVR,

Ie ne doute pas que vous ne receuiez ce Traité auec contentement, puis qu’il contient le principe des plai$irs les plus purs, & les plus innocens de ce monde, & qu’il e$t capable de de$abu- $er tous ceux qui s’imaginent que "on

[00369] [00370] LES PRELVDES DE LHARMONIE VNIVERSELLE, OV QVESTIONS CVRIEVSES. Vtiles aux Predicateurs, aux Theologiens, aux A$trologues, aux Medecins & aux Philo$ophes. Compo$ees par le L.P.M.M. A PARIS, Chez HENRY GVENON, ruë S. Iacques, prés les Iacobins, à l’image S. Bernard. M. DC. XXXIV. AVEC PRIVILEGE ET APPROBATION; [00371]EPISTRE.

peut predire des cho$es certaines par la connoi$$ance que l’on a de la r\-econtre, & des a$pects des planettes, & des e$toille@s. V ous y trouuerez $embla- blement plu$ieurs cho$es qui appar- ti\-enent aux my$teres des nombres, dont vous faites vn e$tat particulier, car la neufiéme Que$tiõ vous fournira d’idées pour examiner les plus $çauans Analy- $tes, qui $e vantent de pouuoir re $oudre toutes $ortes de proble $mes numeri- ques, & vous donnera $uiet de leur demander vn nombre, dont les parties aliquotes e$tant a$$emblees fa$$ent le triple, & le quadruple ou vn autre nombre qui $oit en rai$on donnée auec le nombre, dont elles $ont parties ali- quotes; & de $çauoir s’il y a vn autre nombre que 120, dont les parties $u$- dites fa$$ent le double, & par quelle regle, ou par quelleanaly$e l’õ peut trou- uer tant de nombres $emblables que l’on voudra. Il e$t certain qu’il y a des [00372]EPISTRE. rencontres dans les nombres, qui raui$- $ent les plus excell\-ets e$prits, lors qu’on les a trouués; & que leur e$tandüe e$t $i va$te, qu’elle arre$te & $urpa$- $e l’ entendement des hommes, lequel neantmoins en peut v$er pour e$tablir vne nouuelle Philo$ophie. En effet la pureté des nombres e$t tre$-propre pour ce $uier, car elle n’e$t nullement me$lée auec la matiere, & con$i$te dans vne $implicité, & dans vne ab$traction beaucoup plus grande que celle de la Geometrie qui $uppo$e des poinsts, des lignes, des $urfaces, & des corps, c’e$t à dire trois e$peces de dimen$ions. Mais le nombre est $i pur & $i $imple que $on principe $e trouue me$me en Dieu, le- quel est vn, & qui est accompagné du $acré Ternaire des rois Per$onnes diuines. Et peut-e$tre qu’il $eroit ay$é de comparer chaque cho$e à chaque nombre, $i l’on connoi$$oit la nature de tous les indiuidus; ce qui $eruiroit [00373]EPISTRE. pour vne Philo$ophie que l’on ne pour- roit oublier, à rai$on du bel ordre que l’on garderoit dans les rai$onnemens, dans les conclu$ions & dans les demon- $trations. C’est, MONSIEVR, ce que vous pouuez con$iderer auec plai$ir, $i vous en voulez prendre la peine, laquelle vous $era d’autant plus agreable, que vous trouuerez vne plus grande multùude de $pecula- tions tre$ rares, & neantmoins tres- fecondes dans l’infinité de l’ Algebre, & dans les aby$ines tres profonds des nombres. I vous offre cependants les Preludes de la $cience, qui $e $ert des nombres. comme de tres $olides fonde- mens, $ur le$quels elle e$tablit $es prin- cipes, & dont elle v$e perpetueliement dans $a maniere de rai$onner, & de conclurre, affin que $on harmonie $e ioigne à celle de vo$tre e $prit, & vous fa$$e re$$ouuenir de la Vocale, dans la- quelle vous reu$$i$$ez $i he ureu$ement [00374]EPISTRE que les Organi$tes font gloire de ioüer, & de faire entendre vos compo$itions $ur leurs orgues quand il vous plai$t de les leur donner. Ce qui fait que i’o- $e me promettre que la lecture de ce li- ure ne vous $era pas de$agreable, puis que vous prenez tant de plai$ir à la $cience, qui donne le nom aux plus belles cho$es, & qui a $erui d’idee à Pythagore, & à Platon, lors qu’ils ont voulu e$tablir leur Philo$ophie. Vous verrez quand il plaira à Dieu, la piece entiere, qui contiendra p@ut e$tre quelqu’vne de vos compo$itions, & la pre$entera à toute l’Europe, & qui me $eruira de caution & d’argument pour demon$trer que i’ay eu rai$on de vous dedar ces Preludes, & de me dire,

MONSIEVR,

Vo$tre tres humble & tres- affectionné $eruiteur. F.M.Mer$ene M.

[00375] PREFACE AV LECTEVR.

I’Ay donné le nom de Preludes à ce Liure, parce qu’il a qua$i le me$me rapport aux traitez de toutes les autres parties de la Mu- $ique, que ie donneray bien to$t auec l’ayde de Dieu, que les Pre- ludes du Luth, de l’Orgue, ou des autres In$trumens ont auec les differentes pieces, & compo$i- tions qui $uiuent apres. Et com- me ils plai$ent dauantage à plu- $ieurs que ce qui les $uit, il $e pourra faire que ce Liure ag- greera dauantage à quelques vns, que ceux qui parleront de ce qui concerne les differentes parties de l’harmonie. quoy qu’il en $oit, l’on trouuera dans les vns & dans les autres dequoy $e contenter, $i [00376]PREFACE. on les lit de la me$me affection, & pour la me$me rai$on que ie les donne. Mais il n’e$t pas be$oin d’vne plus longue Preface, pui$- que la Table des Que$tions $up- pleera à ce que l’on pourroit adiouter.

[00377] TABLE. DES QVESTIONS de ce Liure.

I. Qu. Q_Velle doit e$tre la con$titution_ _iu ciel, on l’Horo$cope d’vn_ _parfait ien._

II. Que$t. _Dans laquelle les principes_ _de l’ A$trologie iudiciaire $ont examinés dans_ _cinq propo$itions._

III Que$t. _Pourquoy les $çauans reietent_ _l’A$trologie iudiciaire comme vne fable: où_ _il e$t @on$tré fort amplement qu’elle ne peut_ _rienpredire de probable de la nai$$ance des_ _hommes, & qu’elle n’a nul fondement a$-_ _$euré._

IV. Que$t. _A $çauoir $ile temperament_ _du parfait Mu$icien doit e$tre $anguin, phlig-_ _matique, bilieux, ou m@lancholique peur pou-_ _uoir chanter, ou compo$er les plus beaux_ _airs qui $oient po{$s}ibles._

V. Que$t. _Quel doit e$tre la $çience, & la_ _capacité d’vn parfait Mu$icien._

VI. Que$t. _A $çauoir $ile $ens de l’oüye_ _doit e$tre le iuge de la douceur des $ons, &_ [00378]TABLE. _des concerts, ou $i ce$t o$$ice appartient à_ _l’entendement._

VII. Que$t. _A $çauoir s’il e$t nece$$aire,_ _ou expedient d’v$er du geure chromatic, & de_ _l’Enarmonic, ou $i l’ on doit $e tenir au $eul_ _Diatonic, & $i l’on $epeut reduire ces treis_ _genres en Pratique._

VIII. Que$t. _A $çauoir $i les chordes par-_ _faitement égales e$t ant tirées d’vn mouue-_ _ment ég il, u d’vne force égale $e romproient,_ _& en quel lieu elles $e romproient._

IX. Que$t. _A $çauoir pourquoy les Grecs_ _ont plu$t @$t v$ é de Tetrachordes pour e$ta-_ _blir la Mu$ique, que du Pentachorde, & c._ _où l’on void plu$ieurs belles remarques $ur le_ _nombre de_ 4. _& où le_ 3. _Proble$me de la_ 15. _$ection d’ Ari$tote est expliqué._

X. Que$t. _A $çauoir $i les $ons forment_ _les mœurs, comme dit Ari$tote, & pourquoy_ _ils $ont plus propre à exciter les pa$sions, que_ _les couleur@, l@s $aucurs & c._

XI. Qu@$t. _A $çauoir comme il faut_ _compo$er les chan$ons pour e$tre les plus excel-_ _lentes de toutes les po$sibles._

Mais il fout remarquer que cette Que- $tion a e$té tronquée, & que nous la donnerons toute entiere dans le Liure des beaux chants. S’il y a quelque cho- [00379] $e à de$irer dans ce Liure, e’e$t particu- lierement que l’on donne le temps des trois natiuitez, qui $ont dãs la premiere Que$tion, & de determiner $i elles $ont de$ia pa$$ées, ouquand elles arriueront: & c’e$t vn excellent proble$me que ie propo$e à tous les A$tronomes, & A$trologues du monde.

[00380] APPROEATION.

NO v s auons veu & approuué les traitez $uiuans du R. P. M. Mer$enne Reli- gieux de no$tre Ordre, à $çauoir _les Que$tions_ _Theologiques, Phy$iques, & tradution des Mecbani-_ _ques de Galilée, & les Preludes de l Harmonie & c._ & n’y auons rien trouué qui ne $oit con$orme à la vraye Theologie, & aux bonnes mœurs. En foy dequoy nous auons icy mis nos $eings Fait en no$tre Conuent de la place Royalle ce 20. Iuin 1634.

F. FRANÇOIS DE LA Noüe Minime. F. MARTIN HERISSE Minime. Quelques fautesde l’impre$$ion des Preludes

Page 14 li$ez rai$on. p. 33 li$e z eu$t & non il fult p. 98. l. 18 o$teza p. 70 l 9 li$ez Almu- ten. p. 71 l 1. @u lieu _à auec_ li$ez _dans._ p. 84 l. penulcie$me on a obmis ☊ ☋ p. 86. l. 8. li$. _laquelle._ p. 107. l. 3. dans _les._ p. 197. l. 14. _$oigneux._ l. 26. _le_

Le lecteur iudicieux peut coriger tout le re$te.

[00381] _PRIVILEGE DV ROY._

PAr lettres du Rov donnees à Paris le mois d’Aou$t de l’année 1634. $ignees Perrochel, & $eel@ecs du grand $ceau de cire iaune, il e$t permis au P. M. Mer$enne Religieux Minime de faire imprimer par tel Libraire que bon luy $emblera _Flu$ieurs Traittez de_ _Philo$ophie, de Theologie, & de Mathema-_ _tique._ Et deffences $ont faites à toutes per$onnes de quelque qualité qu’ils $oientde les faire imprimer, vendre & di$tribuer pendantle temps de $ix ans à compter du iour que le$dits liures $e- ront acheuez d’imprimer, comme il e$t plus amplement porté dans les let- tres dudit Priuilege.

Et Iedit P. M. Mer$enne à con$enty & con- $ent que Henry Guenon ioüi$$e dudit Pri- uilege, comme il e$t plas amplement decla- ré parl’accord fait entr’eux.

[00382] [00383] [00384] PRELVDES DE L’HARMONIE. QVESTION PREMIERE. _Quelle doit e$tre la con$tit@tion du Ciel, ou_ _l’horo$cope d’vn parfait Mu$icien._

PLVSIEVRS e$timent que l’on peut predire ce qui doit arriuer aux hommes par la connoi$$ance des A$tres: par- ce qu’ils di$ent que les differentes con- $titutions de nos corps, & de nos tem- peramens dependent des planettes, & des e$toiles qui $e rencontrent à nos nai$$ances. Or ie veux icy examiner ce que l’on peut dire de la nai$$ance d’vn parfaict Mu$icien, qui $oit capable de [00385]_Preludes de l’Harmonie._ plaire par $es harmonies à toutes $ortes de per$onnes $elon les plus excellentes regles de l’A$trologie. C’e$t pourquoy ie mets icy la Natiuité que les plus $ça- uans A$trologues de ce $iecle ont iu- gée capable de nous donner vn parfait Mu$icien. Et puis i’examineray les fon- demens, & lesregles de l’A$trologie.

_Natiuité du parfaict Mu$icien._ _De la vie, du temperament, & de la propor-_ _tion du corps du plus excellent Mu-_ _$icien qui pui$$e e$tre._

IL faut premierem\-et remarquer dans cette figure, que les malefiques ne [00386]_Preludes de l’Harmonie._ $ont ny trop pui$$ans, ny trop éleuez $ur les luminaires, ou $ur les autres pla- nettes, & qu’ils ne $e trounent point dans les angles. Secondement, que les $ignificateurs de la vie $ont exempts de leurs mauuais tayons: En troi$ie$me lieu, que l’a$cendant rend le Mu$icien fortuné, car il e$t ioint à la Lune, qui e$t heureu$e en la premiere mai$on, & qui reçoit le Soleil d’vn quadrat ioint à ♃ ☿, & ☿ au $extil de ♂, & au trin de <016>, qui tous donnent vne vie forte, & vn temperament chaud, & humide, qui e$t le meilleur, & le plus viuifiant de tous, dont dépend le teint excellent du vi$age, & des autres parties du corps mélées de blanc, & de rouge: A quoy ils adiou$tent qu’il ne faut pas craindre que $a vie $uruiue à $a gloire; & qu’elle $era $uiuie d’vn honneur eternel, dau- tant qu’il appliquera $aMu$ique à l’hõ- neur de la Religion Catholique, qui $eule nous acquiert vn hõneur immor- tel, & vne gloire immen$e dans le Ciel.

Et $i quelqu’vn obiecte que le Soleil vient au quadrat de ♂, que la Lune luy e$t oppo$ee vers la $ixie$me année do $on âge: Que le Soleit remõte par l’op- [00387]_Preludes de l’Harmonie._ po$é de <016>, & que l’a$cendant e$t ble$$é par l’opo$ition de ♂. Il e$t facile de ré- põdre à ces incõueni\-es, qui ne $ont que cheutes, & ruptures de membres, car ils $ont empe$chez & $urmontez par la rencontre de ♃, & par le trin, & le $ex- til de ☿ & de ☿: c’e$t pourquoy il faut attendre que le Soleil, ou l’a$cendant vi\-enent à leur propre quadrat, qui pro- mettent plus de c\-et ans à ce Mu$icien.

De plus ♃, <015>, & ☉ le fortifient d’v- nerare prudence, pieté, & iu$tice pour re$i$ter à tous ces mouuemens, & ne peut y auoir aucune con$tellation $i heureu$e, dans laquelle il ne $e pui$$e rencontrer quelque inconueni\-et, Dieu ayant voulu balãcer toutes cho$es pour no$tre bi\-e, pour la beauté de l’vniuers, & pour $a plus grande gloire.

_Te la profe{$s}ion, des mœurs, de l’e$prit, &_ _de l’excellence du me$me Mu$icien._

DEs l’entrée de cette natiuité on voit que ☿ & ♀ Orientaux e$tant ioints en$emble luy promettent vne grande inclination à la Mu$ique, & à [00388]_Preludes de l’Harmonie._ tout ce qu’elle requie. $es inclinatiõs $ont particulierement $ignifiées par la conionction de ♃ de la <015> & de l’épy de la ♍ par leur a$pect auec le Soleil, & par la conionction de ☿, & de ♀, qui $ont au trin partil de <016> & au $extil de ♂, qui tous le rendront courtois, gay, affable, & d’vn vi$age $erein, & ouuert à tout le monde, & particulierement grand amateur de la verité, & de la Religion Catholique; car ♃ auec l’épi de la ♍ donnent vne particuliere inclination à la pieté, & la me$me étoile le rend apte à coniecturer, & à preuoir: Car cetto aptitude vient de ♀, & des e$toiles de $a nature: Il $era au$$i fort éloquent & di$ert, & aura vne merueilleu$e facilité pour inuenter, à cau$e du $extil de ♂ à ☿, & à ♀ venant d’vn $igne mobile: car les $ignes mobiles donnent l’inuention, qui nai$t de la promptitude de l’e$prit.

Il aura vne grãde facilité à compren- dre les $ciences, dautãt que ☿ & ♀ $ont ioints partilement $ur le point du mi- lieu du Ciel, & $ont auec les e$toiles des pieds des Gemeaux, qui donnent de nouuelles inuentions pour tout ce que l’on entreprend, comme l’on voin [00389]_Preludes de l’Harmonie._ aux natiuitez d’Alciat, de Petrarque, & des autres.

En fin, $a memoire $era grandement heureu$e, & a$$eurée, à cau$e du trin partil de <016>, qui e$t en vn $igne fixe, en $es dignitez, & auec l’étoile lumineu$e d’Aquarius. L’étoile vendangeu$e, & le bouuier en l’a$cendant, dont la pre- miere e$t de la nature de <016>, de ☿, & de ♀, augmenteront beaucoup $on e$prit, & $a memoire: Et le ☉ auec Hercule le rendront $tudieux, parce qu’il e$t au quadrat reçeu de la <015>, laquelle e$tant mai$tre$$e de la neufie$me, & en la pre- miere mai$on, & ♂ e$tant $eigneur de la troi$ie$me en vn $igne mobile, en a$- pect partil du $eigneur de la geniture, & autrin de la fortune, ilfera plu$ieurs voyages, beaucoup de dépence pour conuer$er auec les plus excellents Mu- $iciens qu’il pourra rencontrer, & n’ou- bliera rien de tout ce qui peut rendre la Mu$ique recommandable parmi les hommes.

<016> luy apportera vne grande per$eue- rance, & vne diligence nompareille pour la lecture de tous les anciens, qui ont écrit de la Mu$ique, afin d’enrichir, [00390]_Preludes de l’Harmonie._ & de perfectionner cette $cience: $a voix $era $i douce, $i roulante, $i accor- dante & $i agreable, qu’il rauira les e$- prits auec $es chan$ons; car il la rendra aiguë, quand il voudra par le $extil de ♂, graue par le trin de <016>, & mediocre par ♀, de maniere qu’il pourra chanter la Ba$$e, la Taille, & le De$$us quand il luy piaira.

♂ luy donnera la force d’animer des airs propres pour exciter à la guerre, & pour repre$enter le cliquetis des armes, & les fanfares de la trompette: le trin de <016> le rendra propre pour repre$enter les cho$es langui$$antes, & funebres, & pour $ai$ir les cœurs des auditeurs d’v- ne grande tri$te$$e, qu’il pourra telle- ment amolir, que leur plus violante fu- reur, & leur plus ardente colere $era changée dans les tendres \’elans d’vne douce pitié.

Il $era $çauant en toutes les parties de Mathematique, qui $eruiront pour en- richir la Mu$ique, & fera des vers fort excellents, qui n’auront rien de l’a$cif, & qui $eront remplis de pieté: Car la <015>, ♃, & l’épi de la ♍ $ont conjoincts. Il aura vn grand credit parmi toutes $or- [00391]_Preludes de l’Harmonie._ tes de per$onnes; car la <015> auec ♃, & l’épi de la ♍ receuant le ☉ d’vn quadrat luy acquiereront l’amitié & la faueut des Princes, à cau$e du Soleil; des Pre- lats, à cau$e de ♃, & du peuple, à cau. $e de la Lune: Il $era riche, & pui$$ant en benefices, & en dignitez Eccle$ia- $tiques, qu’il obti\-edra par $on indu$trie; il $era connu des Rois, dautant que le ☉ e$t au milieu du Ciel auec vne belle étoile, & au quadrat receu de la Lune.

Et parce qu’il e$t hors de $es dig nitez, & ☿ au$$i, il $era chery, & admiré, hors de $on pais, & $era honoré des $iens, dautant que ☿ e$t en $a mai$on: ♂ fera voller $a gloire par tout le: monde: <016> auecfomahand, qui $ignifie l’immorta- lité du nom, fera durer $a memoire, & la fera pa$$er à la po$terité, & $es écrits, & compo$itions $eront dignes d’e$tre grauées dans le marbre, ou dans le ce- dre, & lai$$eront vn regret à cous les Mu$iciens de ne pouuoir faire mieux, & vn de$e$poir de le pouuoir imiter. Par con$equent ce Mu$icien aura les trois cho$es qu’vn ancien de$iroit pour deuenir $çauant, à $çauoir _oüir,_ [00392]_Preludes de l’Harmonie._ _voir, & auoir_, & $ur montera tous ceux qui l’auront deuancé, & tous ceux qui viendront apres luy.

Or parce qu’il n’y a per$onne pour grand, & pour excellent per$onnage qu’il pui$$e e$tre, qui ne $oit $ujet à l’en- uie des médisãs, & des e$prits mal faits, $i quelqu’vn luy reproche qu’il e$t en- clin aux $ales voluptez, à rai$on des a$- pects partils de <016>, & de ♂. Ie répons qu’encore que chacun ait $es imperfe- ctions, & qu’il n’y ait per$onne qui $oit parfaitement heureux pendant que nous viuons icy: Neantmoins il pour- ra facilement re$i$ter à cette inclinatiõ, à cau$e de ♃, de la <015>, & du ☉, qui le fortifient, & qui luy dõnent vne gran- de prudence, pieté, & iu$tice.

Voila ce qu’on peut dire de cette na- tiuité $uiuãt l’A$trologie, qui a e$té pra- tiquée, @@ qui $e pratique maintenant: d’où l’on peut tirer beaucoup d’autres iugemens, & conclu$ions: Carie me $uis contenté de marquer tout ce qui s’y voit de principal pour rendre vn homme parfaitement $çauant en Mu- $ique.

[00393]_Preludes de l’Harmonie._ _Rai$ons contre la figure, & la natiuité_ _precedente._

L‘On trouue premierement que ce- luy qui nai$troit $ouz cette figure cele$te, ne $eroit pas de longue vie, & qu’il mourroit de mort violante, car la Lune e$t en l’oppo$é de ♂ a$$ez partil, puis qu’elle s’y peut ioindre dans l’e$pa- ce de 24. heures, & que le Soleil e$t proche de la te$te d’Hercule, qui e$t d’vne nature violente: D’abondant, Mars e$t logé dans la huictie$me, dans laquelle il $ignifie le genre de mort, quant l’oppo$é de ♂, qui e$t anarete, ble$$era la Lune, ou l’a$cendant, dont l’vn vient plu$to$t que l’autre. Et bien que ♃ s’y oppo$e, neãtmoins $on corps ne $uccede pas à ce rayon malefique, & c’e$t $e promettre le retour du iour pa$- $é que d’att\-edre l’effect d’vne direction pa$$ée de neuf ans, pour en empe$cher vne qui la $uit: Quant au trine de Ve- nus, qui l’accompagne, elle ne le peut empe$cher: ♀ e$t e$trangere, & n’a qu’vne force accidentelle, bien qu’elle [00394]_Preludes de l’Harmonie._ $oit dans l’angle du midy: de plus elle n’e$t pas $i pui$$ante que ♂ en $a propro mai$on.

Orce Mu$icien n’auroit pas entiere- ment $on temperament chaud & hu- mide; car le $igne qui monte e$t celuy qui donne la meilleure condition au temperament, lors qu’il e$t $ans planet- tes: Quand il s’y en trouue quelqu’vn elle communique $a nature, de manie- re que le $igne a$cendant de cette nati- uité e$tant froid & $ec, e$t icy nommé la ba$e du temperament, qui $emble corriger $on $ignificateur e$tant ioint à vn planette chaud & humide dans vn $igne de $emblable nature: ce qui n’y apporte pas neantmoins grande cho$e, car il e$t en l’a$pect $extil de ♂ chaud & $ec, & au $igne de me$me qualité, & e$t trin de Saturne retrograde, qui e$t froid & $ec, & qui diminuë l’humide pour augmenter la $eichere$$e; ioint que la Lune, qui gouuerne les humeurs e$tant ble$$ée par ♂, affoiblit grande- ment $a temperature.

Quant à la profe$$ion du Mu$icien, ☿, ♀, & ♂ $ont $ignificateurs (auec le milieu du Ciel) de la vacation, ♀ $igni- [00395]_Preludes de l’Harmonie._ fie les Mu$iciens: & ☿ les Poëtes: Or ♀ e$t icy iointe à ☿, mais elle n’e$t pas $ignificatrice du cœur du Ciel, par con- $equent elle n’e$t pas la principale di$- po$itrice de la vacation, & ne la peut e$tre qu’en t@nt qu elle e$t en la ligne meridionale. Or ☿ y a plus de force car le $igne qui occupe cet e$pace, e$t $on domicile: $çauoir s’il prend la nature de ♀, ou $i e$tant le plus fort il prend $eulement la $ienne, c’e$t la difficulté. @outefois cela ne peut re$oudre le dou- te: par exemple, il y a deux per$onnes qui ont ♀, & ☿ ioints partilement, l’vn aux poi$$ons en l’a$c\-edant, qui e$t con- $eiller, & ayme grandement la poë$ie, & $ur tout la Latine mais il n’ay me nul- lement la Mu$ique: l’autre a cette con- jonction dans le 20. degré de ♍, qui e$t gentil-homme de bon e$prit, mais $ans lettres, & ne $çait point la Mu$ique, par con$equant il faut dire, quoy que ☿ $oit le plus fort, ou le plus foible, qu’il ne fait pas tou$iours des Mu$iciens, ny ♀ auec luy, & qu’il e$t be$oin d’autres cõ- $tellations. Or le $extil de Mars e$t logé en la huictie$me, & le trin de <016> retro- grade, qui le feroient plu$to$t A$trolo- [00396]_Preludes de l’ Harmonie._ gue, & Necromantien, que Mu$icien; En fin la te$te, & la queuë du Dragon ne @ont point en cette natiuité, & par con$equent elle e$t imparfaite.

Re$ponce à l’obiection prec@dente, & confir- mation du mo$me Horo$cope.

LA premiere partie de l’objection con$i$te en ce que la Lune e$t en l’oppo$é de ♂ a$$ez partil: A laquelle on peut répondre que la Lune n’ayant que douze degrez & demy d’orbe, & ♂ huict degrez: & e$tant éloignez l’vn de l’autre de 13. degrez, & demy, il ne $e peut faire qu’il y ait a$pect: $i l’on ne vouloit par vne nouuelle A$trologie o$ter aux a$tres la proprieté des cau$es $econdes à $çauoir d’e$tre bornez d’vne certaine $phere d’actiuité, outre laquel- le ils n’agi$$ent plus, & qu’on di$t que leur force e$t infinie, ou qu’il faille pour leur dõnerforce d’a$pect, qu’ils $e pui$- $e ioindre en 24. heures: ce qui n’ aia- mais e$té allegué, ny experimenté par aucun autheur digne de foy mais pour- quoy plu$to$t en 24. heures, qu’en dou- [00397]_Preludes de l’ Harmonie._ ze, & plu$to$t en douze qu’en vn autre nombre: E$t-ce de me$me pour toutes les autres, comme pour ♂.

De plus, encore qu’ils fu$$ent entre- lacez, ou mélez en leur orbe, comme par exemple, la Lune au vingt vnie$me de ♎, & ♂ comme il e$t, & que ♃ fu$t entre deux: par exemple, au vingt- deuxie$me de ♎, il n’y auroit point d’a$pect entre ♂ & la <015> $elon Cardan, Peucer, Leonitius, Schonner, Magin & tous les autres, quand ils parlent de l’empe$chement, ou prohibition de lu- miere, dont la mai$on e$t euidente, & facile à deduire. Par cõ$equãt la <015> n’ e$t pas en l’oppo$é de ♂, & n’y a point de mort viol\-ete: & l’oppo$itiõ du ☉ à Her- cule n’en peut e$tre cau$e e$tant $eule, mais $eulem\-et de quelques hazards de voleurs, ou autres fort legers, qui $ont tous adoucis, ou o$tez parl’ oppo$itiõ de la <015>, & de ♃ à leur <017> receptif. Il faut di- re la me$me cho$e de ♂ dãs la huitie$- me; car les malefiques doiuent e$tre dans les angles, ou bien les luminaires doiuent e$tre ble$$ez par cux. A quoy on peut adioufter que les morts violen- tes ne $e font qu’aux $ignes de cõtraire [00398]_Preludes de l’ Harmonie._ nature, comme a remarqué Ptolomée, & que les planettes ne menacent point de mort en leur mai$on quand ils $ont empe$chez le moins du monde; à quoy l’on ne $çauroit contredire, puis que l’experience en e$t confirmée par Pto- lomée, & par tous les autheurs de la Iu- diciaire: Par con$equãt il ne faut point aller à l’encontre des lieux $uccedents, comme quand ♃ $uccede à vne dire- ction: ce que l’on peut voir dans Ptolo- mée, au traitté des directions A pheti- ques: Autrement on ne $çauroit dire pourquoy l’on ne meurt pas d’vne ma- ladie, ou d’vn autre accident.

Secondement le <018> de ♀ peut empe$- cher cet accident, puis qu’elle n’e$t pas e$trangere en ♎, où elle obtient plu- $ieurs dignitez, & le <018> de ☿ e$t au$$i bon que celuy de ♁, parce que ☿ prend la nature des a$tres, au$quels il $e ioint: Or vne force doublée e$t plus grande qu’vne $imple, comme celle de ♂ & de ♀ e$t plus forte e$tant dans le centre d’vn angle, Ori\-etale, iointe à ☿, & éle- uée par de$$us ♂, comme dit Cardan, au liure 3. texte 10. du Quadupartit.

La $econde partie de l’ objection trai- [00399]_Preludes de l’ Harmonie._ te du temperament, à laquelle on ré- pond qu’il ne faut pas iuger du tempe- rament par le $igne qui e$t à l’ a$cendãt, encore qu’il n’ait qu’vn degré, dautant que les $ignes n õt point de force d’eux- me$mes: Quant à la Lune, elle n’ e$t point empe$chée de ♂, & ♀ e$t plus for- te: D’auantage, il faut remarquer que <016> de$truit ce que ♂ pourroit faire e$tant nocturne, & dans l’ Aquarius.

De plus, il faut con$iderer le ☉, & la Lune auec $es a$pects, & $es e$toiles; Et pour bien iuger du temperament, il faut $çauoir l’aplication des cinquante deux combinations, toutes par degrez des quatre premieres qualitez, $uiuant l’opinion de Ptolomée, & de Cardan.

Quant à la profe$$ion du Mu$icien, il n’y faut pas mettre ♂, mais $eulem\-et ♀, & ☿, $uiuant les regles de l’art: car il ne faut pas douter que ☿ ne prenne la qualité de ♀, qui e$t comme la forme, & ☿ e$t comme la matiere, dont on peut voir la nature dãs Cardan, au trai- té de la nature des planettes.

De plus, ♀ ne $ignifie pas la profe$- $ion, parce qu’elle e$t en la ligne meri- dienne; mais $eulement à cau$e qu’elle [00400]_Preludes de l’ Harmonie._ e$t Orientale, comme dit Ptolomée. Or la con$equence de l’objection tirée de cette natiuité, dans laquelleon voit les deux con õctions de ☿, & de ♀, e$t nulle: car elle e$t tirée de deux propo- $itions particulieres, differentes, & $e- parées: A quoy l õ peut adiou$ter qu’el- les ne $ont pas partiles, ny dans les 11, ny dans le milieu du Ciel, ny dans la partie Orientale.

Il faut re$pondre à la troi$ie$me par- tie de l’obiection, que la te$te & la queuë du Dragon $ont comme les ze- ro en chifre, qui ne font qu’augmen- ter la valeur des autres planettes, ou la diminuer bien peu: Car l’on ne $çau- roit montrer dans aucune Natiuité depuis la creation du monde in$ques à pre$ent, qu’elles ayent fait quelqué cho$e, quand elles ont e$té toutes $eu- les: Et neantmoins qui voudroit ren- contrer le temps de cette con$titution cele$te, il $eroit contrainct, apres auoir trouué tout le re$te, de chãger de deux, ou de trois mil ans pour la queuc & la te$te du Dragon.

[00401]_Preludes de l’ Harmonie._ _Autre Horo$cope capable de nous donner vn_ _tres-parfaict Mu$icien._

LA premiere cho$e qu’il faut con$i- derer dãs cette figure e$t, que tou- tes les planettes $ont $ur terre, & dire- ctes, & les benefiquès aux angles auec des e$toiles fixes, à $çauoir ♀, & ☿ auec l’épy de la ♍; & ♃ e$t ioinct à la Lune auec vne nouuelle e$toile de la premie- re grandeur, qui e$t de la nature de ♀, & de ☿, elle e$t au Serpentaire, commc [00402]_Preludes de l’ Harmonie._ celle qui parut en l’année 1604. au pied du me$me Serpentaire: Car nous la pouuons au$$i bien $uppo$er que tout le re$te. Or cette con$titution cele$te promet vn tres - excellent Mu$icien d’inclination, de profe$$ion, & d’in$ti- tution, de maniere qu’il n’en nâquit iamais vn s\-eblable en beauté de corps; ou en excellence d’e$prit, ny qui eu$t tãt de probité en $es mœurs, & de dou- ceur en $a conuer$ation, car il $eroit remply de toutes $ortes de vertus.

Or auant que de faire le iugement de cette con$titution cele$te, il faut re- marquer qu’elle e$t dre$$ee $uiuant l’o- pinion de Stadius: Et bien que Gauric die que quand tous les planettes $ont $ur la terre, que la vie n’e$t pas longue, neantmoins Garceus, & Iunctin rapor- tent vn grand nombre de Natiuitez, où tous les planettes $ont $ur la terre, pour des per$onnes qui ont ve$cu long- temps; & remarquent que ceux qui les ont ain$i placés, ont quelque cho$e de tres-excellent par de$$us le commun.

Le Sagitaire e$t en l’a$cendant, qui donneroit vn temperament chaud & $ec, s’il montoit tout $eul e$tant de la [00403]_Preludes de l’ Harmonie._ triplicité ignée: Mais ♃ chaud & hu- mide, & la <015> froide & humide (qui t\-e- pere grandementla chaleur exce$$iue) aydez des $extils de ♀, & de ☿ logez dans vn $igne aërien, & l’étoile nouuel- le a$cendante, qui e$t de la nature de ♃, & de ♀, donnent vn temperament chaud & humide, & par con$equent $anguin, qui e$t le plus parfait de tous les temperaments. L’étoile nouuelle e$t au Sagitaire, prés du lieu où telles étoiles paroi$$ent, à $çauoir dans la voie laitée: car celle de la Ca$$iopée, & du Croi$et, & celle qui parut en 1604. $e voient en cette ceinture, & ne s’aper- çoiuent en nulle autre partie du Ciel qu’en celle cy, qui e$t comme le Zo- diaque des Cometes. Elle e$t en l’a$c\-e- dant iointe à ♃, & a la Lune pour vne plus grande $ignification, dautant que les étoiles fixes $ans les planetes, & hors des angles ne produi$ent pas de grands effets.

Et neantmoins s’il fu$t né quelqu’vn, quand l’étoile nouuelle parut dans la Ca$$iopée, il n’eu$t pas e$té Mu$icien, dautant que les autres rencontres qui $ont en cetheme, $ont nece$$aires, dans [00404]_Preludes de l’ Harmonie._ lequel la nouuelle étoile n’a pas e$té mi$e pour $ignifier vn Mu$icien, mais pour le $ignifier incomparable $uppo$é qu’il le fu$t, & pour faire que $es com- po$itions durent beaucoup de $iecles: Car les étoiles nouuelles bien placées produi$ent d’admirables effets: C’e$t pour vne $emblable rai$on que Cardan voulant imaginer vne figure cele$te pour la nai$$ance de no$tre Sauueur, met l’étoile aparuë aux Mages en l’a$- cendant, quoy que mal à propos, puis qu’il fait monter la Balance.

Or ♃ en l’a$cendant fait ordinaire- ment le premier né d’entre les freres, & donne la grandeur & la beauté: à quoy $ert au$$i le $extil de ♀, qui precede le point orizontal: Car l’a$pect prece- dent de quelque planette donne la fi- gure. ♀ la donne belle, e$tant icy bien placée, & la r\-ed parfaite & tres-agrea- ble: à laquelle ♃ adiou$te vne douce maie$té: & ain$i mélez ils donnent la bien veillance de chacun, de $orte qu’il ne re$te rien à de$irer: cartous les pla- nettes ayment Venus, excepté <016>: Mais il e$t dans $a pui$$ance, e$tant logé dans le Taureau, ioint qu’il a $on exaltation [00405]_Preludes de l’ Harmonie._ au lieu de ♀: Et puis ♃, qui e$t aymé des planettes, excepté de ♂, gouuerne le Ciel coniointement auec ♀, de ma- niere que mélãs leurs pui$$ances ils r\-e- dent l’enfant agre@ble à tout le monde.

Cette Natiuité promet au$$i les bon- nes mœurs: car Iupiter e$t ioint à la Lu- ne, qui e$t mere de la faculté naturelle, & e$t regardé de bon œil par ☿, qui $i- guifie la faculté animale, quand il e$t bien placé auec la te$te du Dragon.

L’épy de la Vierge, & Venus don- nent vn tres - bon e$prit & tres - ver- tueux, & la debonnaireté, & probi- té, auec vne affection à la Religion, la- quelle e$tant $ignifiée par le Soleil en la neufie$me, & par ♃ en l’ Orient, doit e$tre la Chre$tienne, $uiuant les regles des A$trologues: Et parce que le ☉ e$t dans la mai$on de Religion, ce Mu$i- cien, dont nous parlons, en doit profe$- $er la pureté, & me$me auoir des vi- $ions, & des reuelations bien nettes.

Il doit encore e$tre tres-heureux, car Iupiter e$tant en l’a$cendant luy pro- met de grandes riche$$es, qui luy vien- dront de $on art, & de $on trauail. Ce que confirment les a$pects de ♀, & de [00406]_Preludes de l’ Harmonie._ ☿ $ignificateurs de l’art, neantmoins $es riche$$es cõ$i$teront plus en argent, & en beaux meubles, qu’en autres po$- $e$$ions.

Quant à $on art, ♂, ♀, & ☿ en $ont les $ignificateurs: ♀, e$t la plus pui$$an- te, & la principale; car elle e$t dame du milieu du Ciel, & gouuerne entie- rement la mai$on de la vacatiõ; Et bi\-e que iointe à ☿ elle pui$$e $ignifier vn Peintre, vn Poete, vn Parfumeur, vn Confiturier, & vn Mu$icien: Neant- moins elle $ignifie $eulem\-et icy vn par- fait Poëte, & vn parfait Mu$icien, car e$tant iointe à l’ épy de la ♍, & $e trou- uant en l’angle du Midy, elle e$t $i no- ble qu’elle fait les arts Mechaniques, cõme $ont la peinture, la parfumerie, & c. C’e$t pourquoy elle ne peut faire qu’vn Mu$icien. A quoy contribuë la queuë du Dragon, & les planettes en l’a$c\-edant, qui regardent Venus d’ vnœil gracieux, auecvne nouuelle étoile de la nature de Venus qui y donne au$$i $on $ecours: car elle e$t iointe au cœur du Scorpion. Or Garceus remarque que ♂ e$tãt ain$i placé fait d’excell\-ets Mu- @iciens, qui $ont particulierement $i- [00407]_Preludes de l’ Harmonie._ gnifiez par Venus, dautant qu’elle e$t bien placée, & que tout le Ciel coniu- re à leur faueur, $oit pour chanter, $oit pour compo$er, & pour inuenter: car Venus e$tant logée dãs vn $igne aerien donne vne douceur de voix incompa- rable: Ce que confirme l’étoile nou- uelle en l’a$cendent, qui e$t de la natu- re de Venus par participation de Iupi- ter. C’e$t pourquoi la plu$part des chãts que fera ce Mu$icien, $eront doux, & graues: Et l’on peut croire qu Orfée deuoit auoir vne $emblable Natiuité, s’il e$t vray ce qu’on rapporte de luy, cncore qu’vn tel Mu$icien ne doiue vi- ure que cinquante $ix ans, parce que quand l’oppo$é de <016> viendra au cœur du Ciel, & au quarré de l’a$cendant, il le menace de mort.

[00408]_Preludes de l’ Harmonie._ _Troi$ie$me Horo$cope ou Natiuité du_ _Mu$icien parfait._

CEtte figure a e$té expre$$ément di$po$ee en cette maniere pour e$tre forte en $a $ignification, & pour éuiter les a$pects parfaits, afin de les mettre tous dans leurs aplications, ou defluxions. Or $i l’on de$iroit plu$to$t le chant actwel de la voix, que la $cience de bien chanter, Il faudro@t mettre la Lune au 3. du Belier, mais elle ne $eroit [00409]_Preludes de l’ Harmonie._ pas $i propre à la $peculatiõ, que quand elle e$t au 3. de la ♎, d’où il apert qu il y a des manquemens par tout: Car la figure qui e$t bonne pour vne cho$e, e$t mauuai$e pour l’autre Quelques-vns tiennent qu’il eu$t fallu rendre Venus plus pui$$ante que Mercure au milieu du Ciel, & mettre la Lune dans vn $i- gne plus Saturnien, & fixe pour faire l’e$prit de Mu$icien plus contempla- tif.

Voila, à mon aduis, tout ce qui$e peut apporter demeilleur de la part des A$tres en faueur du parfait Mu$icien: Mais parce que ie fais profe$$ion de n’\-e- bra$$er autre cho$e que la verité, & que ie me $uis $erui de la doctrine, & de l’o- pinion des plus excellents Mai$tres en cet art, $ans en dire mon $entiment, ie veux faire voir dans le di$cours qui $uit le parti qu’il fant tenir, & ce qu’il faut croire de ces Natiuitez, & de tous les Horo$copes qui $e peuu\-et dre$$er, apres auoir apporté ce qu’en croit la Sorbo- ne, dont l’on void l’ Arre$t, & la Cen- $ure qui $uit.

[00410]_Preludes de l’ Harmonie._ COROLLAIRE I. _L’ON DEMANDE SI LA PRO-_ _fe{$s}ion de ceux qui s’ employent à faire àes_ _Horo$copes & Natiuitez, & croient_ _neantmoins que les A$tres & influences_ _cele$tes nous inclinent $eulement, $ans ap-_ _porter aucune nece{$s}sité, e$t bonne & licite,_ _ou bien me$chante ou illicite._

NOvs $oubs-$ignez Docteurs en Theologie de la faculté de Paris, Apres auoir meurement con$ideré cet- te que$tion. Auons e$té d’auis que la- dite profe$$ion e$t du tout illicite & dã- nable, & qui ne doit e$tre aucunement toleree en vne Republique. Car pre- mierement outre la vanité, incertitu- de, & faul$eté d’icelle, que l’experien- ce journaliere nous apprend, elle e$t expre$$ément condamnée en l’ E$critu- re $aincte, en Ieremie Chapitre 10. _A_ _$ignis cœli nolite metuere, quæ timent gen-_ _tes: quia leges populorum vanæ $unt._ Secõ- dem\-et pource qu’elle s’arroge vne cho- $e qui ne conuient qu’à Dieu $eul: qui [00411]Preludes de l’ Harmonie. e$t de cognoi$tre les futurs accidens des hommes auant qu’ils arriuent, en I$aie Chap. 41. _annunciate quæ ventura $unt in_ _futurum, & $ciemus quod d{ij} e$tis vos._ Cõ- $ideré d’ailleurs que le$dits accid\-es hu- mains dépendent d’ordinaire de la rai- $on & liberté des hommes, laquelle, comme en$eignent tous les@heologi\-es, e$t de $a conditiõ naturelle releuée pat de$$us toutes $ortes de cau$es $econdes, me$me les Cieux: n’e$tant icelles faites & crées que pour le $eruice & v$age de l’homme. _Creauit Deus omnia propter ho-_ _minem, hominem vero propter $e._ De $or- te que le$dites, con$tellations & influ\-e- ces n’ont & ne peuuent auoir aucune force $ur le$dits euenemens qui depen- dent d’icelle liberté: & quand elles en auroient (ce qui toutes fois e$t tres- faux) il ne s’\-e$uiuroit pas que les A$tro- logues les peu$$ent recognoi$tre & moins en porter des iugemens ou en donner a$$eurance. C’a e$té vn erreur remarqué par les Peres anciens és Pri@- cilliani$tes, comme dit $ainct Gregoire en l’Homelie 10. $ur les Euangiles, Te$- quels ayans tou$iours e$té tenus pour heretiques, ceux qui font aujourd’huy [00412]Preludes de l’ Harmoniè. pareille profe$$ion doiuent e$tre tenuz en me$me rang. A quoy nous adiou$tõs la Cen$ure de no$tre Faculté, donnée à l’in$tance de Me$$ieurs du Parlement de Paris, contre vn nom mé Mai$tre Si- mon Phares, promeu à l’ordre de Dia- cre, gui $e qualifioit Medecin & A$tro- logue, les liures du quel furent $olem- nellem\-et condamnez par Arre$t à e$tre bru$lez, en laquelle cen$ure, $e retrou- uent notamment ces mots.

_Sæpe his decem men$ibus libros i$tos rele-_ _gimus_ (il y auoit vnze Liures, $i bien qu’il y fallut employer beaucoup de temps) _Sæpe vniuer$i conuenientes de con-_ _tentis di$putauimus; po$t multam tandem_ _variamque doctorum $acrorum, & aliorum_ _doctorum, eorumdemque graui{$s}imorum au-_ _ctorum lectionem: po$tmultos labores, in hãc_ _vnanimiter $ententiam deuenimus, vt præ-_ _dictam artem, nempe genethliacam, vt in his_ _& $imilibus libris continetur ($i modò artis_ _nomine digna e$t) qua qui vtuntur, $æpe_ _Mathematici, quand oque genethliaci, nouu-_ _quam Chaldæi, interdum A$trologi à $cripto-_ _ribus dicuntur: pror$us vanam, imo nullam_ _e$$e nulla probabili ratione fulcitam, menda-_ _cem, fallaci{$s}imam, $uper$titio$am, diuini_ [00413]Preludes de l’ Harmoniè. _honoris v$urpatiuam, bonorum morum cor-_ _ruptiuam, à Dæmone patre mendac{ij}, humani_ _generis implacabili ho$te, cui etiam vera di-_ _centi a$$entire nefas $it inuentam iudicaui-_ _mus. Quam cum Diuino Iuri, Canonico at-_ _que Ciuili $ub graui{$s}imarum pænarum in-_ _terminatione prohibitam à $ummis Sacræ_ _Theologiæ iuriumque humanorum doctori-_ _bus & à maximis Philo$ophis, efficaci{$s}imis_ _te$timon{ij}s improbatam, imo & quandoque_ _ab hoc collegio no$tro damnatam viderimus._ _Nos etiam ip$i eorum ve$tigia $equuti, dam-_ _nauimus atque damnamus, dicentes & do-_ _ctrinaliter declarantes neminem Chri$tianũ_ _ab$que mortalis peccati periculo ea arte vti_ _po$$e. Datum & actum in no$tra congrega-_ _tione generali, apud Sanctum Mathurinum,_ _Pari$ius de mane, $uper bo@ $pecialiterper iu-_ _ramentum congregata, anno Domini_ 1493. _die decima nona Februar{ij}._

Sur laquelle cen$ure ledit Mai$tre Simon Phares fut debouté de $on ap- pel & r’enuoyé pardeuant l’Official de Lion, pour luy e$tre $on procés faict & parfaict.

Et quand e$t de ce qu’alleguent cou- $tumierement ceux qui $e me$lent de ladicte profe$$ion, qu’ils n’entendent [00414]Preludes de l’ Harmoniè. pas que le$dites influences & con$tella- tions ayent pouuoir de forcer & con- traindre les hõmes au$dits euenemens, mais que $eulem\-et elles les y enclinent & indui$ent. Nous répondons premie- rement que c’e$t vn erreur de pen$er que les A$tres ayent en $oy la force d’\-e- cliner directement la volonté des hom- mes, de laquelle, comme nous auons dit, dep\-edent le$dits euenemens: pour- ce qu’il ny a que Dieu $eul qui le pui$$e: & de faict il n’agit point autrement $ur la volonté que par induction ou incli- nation, $oit efficiente, $oit objectiue, ne la forçant aucunement, ains la lai$$ant comme dit le Sage, _in manu con$il{ij} $ui._ Secondement, encore qu’on pourroit dire que les A$tres nous indui$ent & enclinent par accid\-et, & indirectem\-et, cau$ans par leurs influences diuer$es di$po$itions en nos corps, le$quelles in- dui$ent la volonté à certaines cho$es, neãtmoins c’e$t vn abus du tout in$up- portable, de donner pour cela a$$euran- ce de$dits euenemens: comme par ex\-e- ple, de predire aux vns qu’ils $eront ri- ches, aux autres qu’ils paruiendront à de grands honneurs, ou qu’ils mouront [00415]Preludes de l’ Harmonie. d’vne telle ma niere, ou épou$eront vne telle femme, pource que ces cho$es & autres $emblables dependent de bien d’autres cau$es que de$dites con$tella- tions, comme il e$t a$$ez notoire. De $orte, que $i l’on peut par le$dits Horo$- copes & con$tellations, porter quelque iugement (lequel e$t tou$iours fort mal a$$euré) ce n’e$t $inõ que des humeur, & complexions corporelles: que $i l’on veut pa$$er plus outre, & en donner a$- $eurance, c’e$t cho$e $uper$ticieu$e, dia- bolique, & qui doit e$tre $euerement punie par les Magi$trats, & ce d’autant plus qu’aujourd’huy nous voyons ce mal en grande vogue: te$moin qu’il ne $e publie à pre$ent aucun Almanach, qu’il n’y aye à la fin de tous les quartiers de Lune, de ces $ortes de progno$tics, qui $ont cho$es abominables, & d’où il peut arriuer de grands maux en la Re- publique. Pour les peines de ceux qui exercent ladite profe$$ion, elles $ont de deux $ortes, canoniques, & ciniles: les canoniques $ont $pecifiees, 26. _quæst. 5._ _per totam._ ou l’excommunication e$t de- cernée contre telles per$onnes, & de fait Sainct Epiphane au liure de _ponde-_ [00416]Preludes de l’ Harmoniè. _ribus & men$uris_, rapporte qu’en la pri- mitiue Egli$e, Aquila Ponticus, enco- re que d’ailleurs il fut bien merité des Chre$tiens, fut neantmoins excom- munié, & mis hors l’Egli$e. Pour les ciuiles elles $ont in$erées 1. 2. C. _de ma-_ _leficis & mathematicis, l. mathematicos, C._ _de Epi$copali audientia_, où il e$t dit notã- m\-et que telles per$onnes doiuent e$tre bannis, & de plus _l. 5. C. de malef. & ma-_ _themat._ elles $ont puni$$ables de mort. FAICT à Paris, ce 22. de May, 1619.

Ain$i $igné, A. DV VAL.

PH. DE GAMACHES. N. YSAMBERT.

COROLLAIRE. II.

Pui$que i’ay entrepris de parler de toutes les principales difficultez de la Mu$ique par rai$on, plu$to$t que par l’authorité des hõmes, quoi que ie la re- çoiue, lors qu’elle e$t accompagnée de demon$tration il faut examiner les fon- demens, & les maximes de la Iudiciai- re, & mon$trer euidemment qu’elles [00417]Preludes de l’ Harmoniè. n’ont nulle appar\-ece de verité, ny me$- me de vraye $emblance: ce que ie fais dans les 8. Propo$itions qui $uiuent, par le$quelles l’on verra que l’Egli$e, & $es Docteurs ont droit de la condam- ner, & d’en deffendre les liures, & l’v- $age.

QVESTION II. Dans laquelle tous les principes de l’ A$trolo- gie Iudiciairt $ont examinez.

CEtte que$tion contient cinq pro- po$itions, dans le$quelles on ver- ra clairement l’incertitude de l’A$tro- logie Iudiciaire, & tout ce qui luy ap- partient, c’e$t pourquoy ie ne fais point icy de preambule, afin que l’on ne li$e rien qui ne $oit vtile.

PROPOSITION I. Qu’il ny a point de certitude dans les Horo$- copes precedents, & que l’on ne peut rien predire de la perfection d’vn Mu$icien par la con$titution des cieux.

IL y a $i peu de cho$es certaines dans l’A$trologie Iudiciaire, qu’il n’e$t pas [00418]Preludes de l’ Harmoniè. po$$ible d’a$$oir $on iugement $ur ce que l’on en peut coniecturer $uiuant les regles, & les preceptes que les Arabes, les Grecs, & les Latins ont donné: Car $i nous o$tons les principes qu’ elle pr\-ed de l’A$tronomie, à peine pourra t’elle e$tablir aucune maxime particuliere: ce que ie feray voir clairement, apres auoir $uppo$é ce qu’elle emprunte des ob$eruations, & des Phenomenes de l’A$tronomie.

Premierement, elle $uppo$e que le Ciel e$t diui$é en 12. parties, qu’elle ap- pelle maisõs, ou domiciles, & que l’ho- rizon coupe le Ciel en deux Hemi$phe- res égaux, au$$i bien que le Meridien, qui le diui$e en la partie Orientale qui monte, & en l’Occidentale qui de$cét: de maniere que ces deux cercles diui- $ent le Ciel en 4. parties égales.

Secondement, qu’il y a 48. con$tella- tions, à $çauoir, douze dans le Zodia- que, qui $e diui$ent en $ix $ignes Sept\-e- trionaux, à $çauoir le Belier, le Taureau, les II, l’Ecreui$$e, le Lion, & la ♍, qui $ont vers le pole Arctique: & en $ix Moridionaux, à $çauoir, ♎, le Scor- piõ, le Sagittaire, le Capricorne, le Ver- [00419]Preludes de l’ Harmoniè. $eau, & les Poi$$ons; qu’il y en a $ix auec le$quels la plus grande partie de l’é- quateur monte $ur no$tre horizon, & qui ont leur a$cen$ion droite, à $çauoir, l’Ecreui$$e, le Lion, ♍, ♎, le Scorpiõ, le Sagittaire, & $ix autres qui montent obliquement, à $çauoir, le Capricorne, le Ver$eau, les Poi$sõs, le Belier, le Tau- reau & les II, auec le$quels la moindre partie de l’équinoctial monte $ur l’hori- zon. Mais les autres diui$ions n’ont que l’imagination pour leur fondement, cõ- me celles des $ignes en _mâles & femelles_, ou en _ma$culins & feminins_, qu’ils appel- lent _diurnes, & nocturnes_: en $ignes _com-_ _mendans_, ou _Scptentrionaux, & obei$$ans_, ou _Meridionaux_: en _beaux, & laids, fecõs,_ _& $teriles, rai$onnables, parlants, & muets,_ _gras, & maigres, Philo$ophes, & Mu$iciens,_ _vicieux, & vertueux, & c._ qu’ils font pre- $ider à chaque partie du corps: Car l’experience fait voir qu’vn homme $tupide & lourd nai$t $ouuent $ouz vn $igne de bon e$prit, & il ny a pas plus de rai$on pourquoy le Belier pre$ide à la te$te, qu’aux mains, ou aux pieds: ny pourquoy Capricorne pre$ide plu$to$t aux iarets, qu’aux bras: pourquoy <016> $e [00420]Preludes de l’ Harmonie. réjoüi$t plu$to$t dans le Ver$eau, ♂ en Capricorne, ☉ dans la queuë du Dra- gon, ♀ dans le Taureau, ☿ dans ♍, & <015> dans l’Ecreui$$e, qu’en quelqu’autre $igne. Il ny a point au$$i de rai$on en ce qu’ils di$ent de la cheute, & de l’exaltation des mai$ons, & de toutes les autres cho$es, qui $ont $em- blables aux fables, & qui ont e$té in- uentées par les Caldées, les Arabes, les Grecs, & plu$ieurs autres, $ans aucune demon$tration: C’e$t pourquoy nous ne rencontrons point d’excellent Ma- thematicien, qui ne $e mocque de tout ce que les A$trologues di$ent des dou- ze mai$ons du Ciel.

Ie ne veux pas nier que les alteratiõs, & les generations $ublunaires ne dé- pendent en quelque façon de l’in fluen- ce des A$tres; mais ils ne $çauroient demon$trer que telle, ou telle partie du Ciel donne la vie, vn autre l’accroi$$an- ce, la perfection, la domination, & puis la mort: Car pourquoy la partie Orien- tale pre$ide-t’elle plu$to$t à la nai$$an- ce, qu’à la vigueur: pourquoy la Meri- dionale pre$ide-t’elle aux honneurs, & l’Occi’dentale à la mort? Il faudroit [00421]Preludes de l Harmonie. qu’ils montra$$ent que per$onne ne meurt, quand la me$me partie Orien- tale qui s’e$t trouuée à la nai$$ance, mõ- te $ur l’horizon: Et que chacun meurt, quand la partie nocturne de minuit, qu’ils appellent _In un. cæli_, $e trouue au me$me lieu, où elle e$toit lors de la na- tiuité; ce qu’ils ne fero@t iama’s: Or ie veux faire voir que tout ce que di$ent les plus $çauans d’\-etr’eux pour e$tabhr les 12. mai$ons de l’Horo$cope, n’a nul fondement a$$euré, afin que le parfaict Mu$icien connoi$$e les erreurs de l’A- $trologie, & les pui$$e combatre quand il luy plaira: Mais afin que l’on entende les di$cours qui $uiuent, ie mets icy la figure de ces douze mai$ons, dont l’or- dre e$t marqué par nombres.

PROPOSITION II. Les trois mai$ons de la premiere triplicité ne $ont e$tablies par aucune demon$tration, ou rai, on qui pu $$e per$uader la verité de ce que les A$trologues di$ent de ces treis domiciles.

IL faut premierement $uppo$er quo le Ciel e$t diui$é en douze parties, [00422]Preludes de l’ Harmonie. qu’ils appellent mai$ons, par l’inter$e- ction de l’horizon, & du Meridien, qui coupent l’équinoctial en douze parties égales, dont celle qui e$t du co$té d’O- rient e$t appellée premiere mai$on, ou _l’Horo$cope_, par excellence: parce que, di$ent ils, cette partie e$t la plus pui$- $ante pour agir $ur ceux qui nai$$ent: Ce qui ne peut pas e$tre; car cette partie bat l’horizon trop obliquement; Et il $eroit plus à propos de dire que la partie culminante du Ciel e$t la plus pui$$ante, puis qu’elle enuove $es in- fluences, & $es rayons plus perpendi- culairement, & qu’elle e$t plus pro- che de celuy qui nai$t, que n’e$t la par- tie Orientale: autrement il faut nier que les cau$es naturelles agi$s\-et mieux, & plus fort par vne ligne plus courte, & plus perpendiculaire, que par vne plus longue, & plus oblique, & démentir toutes les experiences du Ciel & de la terre: D’où il s’en$uit que cette premie- re mai$on eft la plus foible des $ix qui $ont $ur l’horizon, car outre ce que i’ay dit, elle e$t tou$iours empe$chée par les vapeurs qui $e leuent vers l’Orient, & qui $ont $i fortes, & $i gro$$ieres, qu’el- [00423]Preludes de l’ Harmonie. les empe$chent la lumiere du Soleil: Delà vient que l’on ne peut allumer du feu auec vn miroir concaue au matin, lequel neantmoins bru$le, & allume, ou fond ce que l’on met deuant, non $eulement à midy, mais au$$i $ur le $oir, encore que le Soleil ne $oit pas plus hautiur l’horizon, qu’il e$toit au matin, parce que les vapeurs ne sõt pas $i gro$- $ieres. Or $i le Soleil, qui e$t le Prince des A$tres, & la plus excellente, & plus pui$$ante partie du Ciel, a $i peu de for- ce a $on leuer, qu’il n’agit iamais plus foiblement e$tãt $ur l’horizon, ne faut- il pas conclure la me$me cho$e des au. tres planettes, des A$tres, & des parties des cieux qui $ont à l’Orient. Car les A$trologues ne peuuent dire auec rai- $on que telles parties agi$$ent plus pui$- $amment, ou plus $ubtilement que le Soleil, ny ayant rien plus $ubtil, ny plus pui$$ant que $a lumiere dans toute l’e- $tenduë de la nature corporelle.

[00424]Preludes de l’ Harmonie.

Les deux autres mai$ons de cette pre- miere triplicité ne $ont pas mieux e$ta- blies que la premiere, puis qu’elles en dependent, & qu’elles font vn triangle équilateral auec elle: Mais pour mieux entendre cecy il faut rematquer qu’ils mettent quatre angles, ou principales parties au Ciel, & qu’ils donnent vne triplicité à chacune, afin que le Ternai- re, qui repre$ente la Trinité, multipliãt le quaternaire, qui repre$ente les crea- tures, produi$e douze, pour les douze mai$ons, qui ont cinq a$pects influants, [00425]Preludes de l’ Harmonie. à $çauoir, la conionction, le $extil, le trin, le quadrat & l’oppo$ition, qui $ont marquez par ces characteres <019>, <020>, <018>, <017>, <021>, ou par 1. 2. 3. 4. 5. l’vnité repre$entant l’vnion, ou la cõionction: le binaire, le $extil, ou l’hexagone, qui comprend deux $ignes, on la $ixie$me partie du Ciel: le ternaire, l’a$pect trin, ou le trigone, qui contient la quatrie$- me partie du Ciel, ou trois $ignes: le quaternaire, le quadrat, ou letetrago- ne, qui cõprent quatre $ignes, & la troi- $ie$me partie du Ciel; & le $enaire, l’a$- pect oppo$é, qui contient $ix $ignes, ou la moitié du Ciel.

Or ils di$tingu\-et quatre points prin- cipaux, qu’ils appellent angles, afin que les quatre points, ou parties de la vie, à $çauoir l’enfance, la ieune$$e, l’âge vi- ril, & la vieille$$e, qui répondent au commencement, au progrez, à la force, & au declin des autres corps $uiets à corruption, $oient gouuernez par les A$tres, & par les domiciles de l’Horo$- cope.

C’e$t pourquoy ils donnent trois mai- $ons à la premicre triplicité pour les trois genres de vie que l’homme peut [00426]Preludes de l’Harmonie. auoir en ce monde, dont la premiere e$t la vic _naturelle_, qui e$t gouuernée pat l Horo$cope, c’ e$t à dire, par la premie- re mai$on, qui e$tablit le premier angle de l’Orient: la $econde vie e$t la _$piri-_ _tuelle_, qui regarde Dieu, & la Religion, dont ils iugent par la neufie$me maisõ: & la troi$ie$me vie e$t la _repre$entatiue_, qui fait reuiure les parens en leurs en- fans, & en leurs heritiers, dans le$quels il $emble que leur vie e$t con$eruée, puis que le fils repre$ente le pere apres $a mort: Or ils iugent de cette vie par la cinquie$me mai$on, car ces trois mai- $ons, à $çauoir, la premiere, la neufie$- me, & la cinquie$me, font vn triangle equilateral pour la premiere triplicité de l’Horo$cope Ils appellent cet a$- pect _trin_, l’a$pect de parfaite amitié.

Ils veulent au$$i que l’on entre de la neufie$me mai$on en la 8. qui repre$en- te la mort naturelle, dautant que la vie $pirituelle, qui nous donne l’e$perance d’vne meilleure vie, nous doit $eruir de preparation pour attendre la more cor- porelle: Mais ie ne voy nulle rai$on qui per$uade que cette premiere triplicité $oit bi\-e e$tablie, car il $eroit plus à pro- [00427]Preludes de l’Harmonie. pos de faire que les trois $ignes d’vne me$me triplicité peu$s\-et enuoyer leurs rayons, & leurs influences $ur vn me$- me corps en me$me moment: Ce qui ne peut arriuer, dautant que la terre empe$chera tou$iours les rayons de la cinquie$me mai$on, quand la premie- re, & la neufie$me $eront $ur l’horizon, car il n’y a pas moien de voir ces trois mai$ons en me$me moment, encore qu’on fu$t monté $ur le Cauca$e, $ur le Liban, ou $ur la plus haute montagne de la terre.

Ils pourroient répondre qu’il $e peut faire quelque reflexion premiere, ou $e- conde de ces trois points, ou de ces trois mai$ons les vnes aux autres; mais cette re$ponce e$t $i foible qu’elle $e renuer$e a$$ez de $oy me$me: C’e$t pourquoy ie pa$$e outre iu$ques à ce qu’ils ayent trouué quelques meilleures rai$ons pour deffendre cette triplicité.

[00428]Preludes de l’Harmonie. PROPOSITION III. La $econde, latroi$ie$me, & la quatrie$me tri- plicité ne $ont pas mieux e$tablies que la premiere.

IL e$t facile d’appliquer aux trois au- tres triplicitez, ce que nous auons dit de la premiere, car l’angle du milieu du Ciel, qu’ils attribuent au lucre, & aux autres e$peces de biens, à la jeune$- $e, & à l’action, n’a pas plus de corre$- pondance auec la $econde, & la $ixie$- me mai$on, qui font la $econde tripli- cité, que la premiere mai$on auec la cinquie$me, & la neufie$me. Or il fau- droit premierem\-et demon$trer que les honneurs & les dignitez apparti\-enent à la dixie$me mai$on, les be$tes & les $eruiteurs à la $ixie$me, & l’or & l’ar- gent à la deuxie$me, qui $ont les trois $ortes de biens qu’ils e$tabli$$ent, com- me ils auoient fait trois $ortes de vies, auant que de nous obliger à croire ce qu’ils di$ent de cette $econde triplicité. Mais ie ne me peux per$uader que Dieu [00429]Preludes de l’Harmonie. ait eu ce de$$ein, quand il a creé les A$tres; & croy que plus on s’efforçera d’établir les douze mai$ons, & leurs proprietez, & plus on fera paroi$tre qu’elles n’ont point d’autre fondement que l’imagination: Car nous deman- derõs tou$iours pourquoy l’angle d’Oc- cident, qui e$t la $eptie$me mai$on, e$t donné à l âge viril, à l’amour, & au ma- riage: pourquoy la troi$ie$me mai$on aux freres, & aux parens: Et l’onzie$- me aux amis: car il faudroit mon$trer pourquoy cette triple conjonction de corps, de $ang, & d’e$prit, ou d’affe- ction, e$t plu$to$t gouuernée par cette troi$ie$me triplicité de la $ept 3. & 11. mai$on, que par vne autre triplicité.

Si cela e$toit veritable, les enfans ge- meaux, & tous ceux qui sõt naiz à me$- me heure, $ouz vn me$me climat, en me$me longitude, & latitude, comme ceux qui nai$$ent à me$me heure à Pa- ris, à Con$tantinople, à Am$terdan, ou en quelqu’autreville, ou prouince, n’au- roient-ils pas me$me femme, me$mes enfans, me$mes amis, ou du moins en me$me nombre, & de me$mes qua- litez?

[00430]Preludes de l’Harmonie.

Ie$çay qu’il ne $e peut faire naturel- lement que deux per$onnes nai$$ent en vn me$me in$tant, $ur vne me$me par- tie de la terre, qui e$t determinée par les cercles de longitude, ou de latitude: Mais il arriue des nai$sãces en des lieux, & en des temps $i voi$ins, que la di$tan- ce n’e$t pas con$iderable, comme ils cõ- fe$$ent cux-me$mes: Et neantmoins la vic, les actions, & la fortune de ceux qui nai$$ent ain$i, $ont $i differentes qu’elles mon$trent que toutes les regles des A$trologues n’ont nulle verité, cõ- me l’on verra $i l’on prent la peine de l’experimenter.

Quant à la quatrie$me, ou derniere triplicité, elle a l’angle tenebreux de minuit, qu’ils appellent _la fo$$e des planet-_ _tes_, à laquelle ils donnent la vieille$$e, les afflictions, & la mort des parents: la $econde mai$on de cette triplicité, c’e$t à dire, la douzie$me de l’Horo$cope, e$t pour les ennemis, & pour le mal qu’ils font, c’e$t pourquoy ils l’appellent _valée_ _de mi$ere._ Et la troi$ie$me mai$on de cet- te triplicité, c’e$t à dire la huictie$me de l’Horo$cope, termine les biens, & les maux de cette vie par la mort, $i ce [00431]Preludes de l’Harmonie. qu’ils a$$eurent e$t au$$i veritable, com- me ie l’e$time tres-faux: Car ils n’ont ny rai$on, ny experience qui nous con- traigne de $uiure leur opinion, encore qu’ils $e vantent de mille experiences qu’ils pui$ent dans les liures, ou qu’ils di$ent auoir faites: mais ils ne $çauroi\-et en faire paroi$tre aucune qui $oit telle- ment reglée que l’on y pui$$e e$tablir quelque cho$e de certain.

Or $i ces mai$ons ne $ont pas bi\-e e$ta- blies, il s’en$uit que tontes leurs predi- ctions, & toutes les conjectures qu’ils tirent des douze mai$ons, $ont tre$ in- cert. ines, & qu’ils ne $çauroient rien dire d’a$$euré de la religion de l’enfant par la neufie$me, non plus que par la premiere mai$on: Que la $eptie$me ne $çauroit en$eigner $i l’\-efant $era marié, ny la 5. s’il aura des enfans, &c.

Quand ils auront prouué que les troi- $ie$mes parties du Ciel, qui appartien- nent a l’vne, ou l’autre des triplicitez, $ont plu$to$t de me$me nature, que cel- les qui $e trouuent en diuer$es triplici- tez: Que le degré d’Orient influe plus pui$$amm\-et $ur la terre, & $ur l’enfant, que le poinct vertical du Midy, & plu- [00432]Preludes de l’Harmonie. $ieurs autres cho$es, qu’ils mettent en auant, le Mu$icien pourra $uiure leurs predictions.

Ce qui n’empe$chera pourtant pas que nous ne tirions quelque profit $pi- rituel de l’ordre qu’ils e$tabli$$ent entre leurs douze mai$ons, afin que nous imi- tions la $ouueraine Bonté, qui tire le bien du mal, & la verité du men$onge. le dis donc que l’ordre des mai$ons, $uiuãt le cours naturel du premier mo- bile, qui va de l’Orient à l’Occident, peut repre$enter les mouuemens natu- rels de la partie $en$itiue, ou animale: Mais quand les mai$ons $ont di$po$ées $elon le mouuement des planettes, qui $e fait d’Occident en Orient, com- me elles $ont ordinairement, elles peuuent repre$enter le mouuement de la rai$on, qui s’oppo$e à celuy du $ens, comme i’expliqueray, apres auoir con- clu qu’on ne $çauroit donner le temps auquel doit nai$tre vn parfait Mu$icien, par l’ob$eruation des A$tres, puis qu’il ny a point dc certitude dans les regles de l’A$trologie.

[00433]Preludes de l’Harmonie. PROPOSITION IV. Determiner quelle vtilité l’on peut tirer des douze mai$ons de l’Horo$cope pour les cho$es $pirituelles.

IL faudroit faire vn liure entier, $i l’on vouloit rapporter tout ce qui peut $eruir aux cho$es $pirituelles dans l’A- $trologie Iudiciaire; ie me contenteray d’en toucher icy quelque cho$e, afin que chacun y pui$$e adiou$ter tout ce qui luy plaira. Les deux manieres que i ay rapportées pour la di$po$ition des douze mai$ons, mon$trent que l’enfant a deux voyes qu’il peut $uiure, à $çauoir celle de l’appetit animal, s’il $uit le mouuement du premier mobile, qui commence par la douzie$me mai$on $uiette à toutes $ortes de mi$eres, & d’ennemis, car il faut combatre le mõ- de, la chair, & le diable: puis il monte vers l’angle du milieu, ce qui repre$en- te l’ambition de l’hõme, qui court apres les honneurs. Or cette douzie$me mai- $on e$t de la me$me triplicité que celle de la mort des parens, des pri$ons, & de [00434]Preludes de l’Harmonie. la fo$$e, qui e$t la quatrie$me mai$on: c’e$t donc là le chemin de l’appetit bru- tal.

L’autre chemin appartient à la rai- $on, & répond à l’ordre des mai$ons, qui $uit la $ucce$$ion des $ignes du Zodia- que, $elon le propre m@uuement que les planettes ont de l’Occident à l’O- rient: Car il de$c\-ed par la mai$on d’hu- milité aux riche$$es de la $econde mai- $on, qui appartient à la me$me triplicité de la dixie$me mai$on. Hiero$me Có- lombe a fait vn traité entier de la nati- uité de no$tre Seigneur, dans lequel il mon$tre $es vertus, & $es qualitez par les douze mai$ons de l’Horo$cope, & par les $ignes qui $e rencontrerent dans cha$que mai$on à l’heure de $a natiuité: dans laquelle il a mis la Balance, & ♃ pour l’angle d’Orient, afin de $ignifier $a ju$tice, & la bonté de $on tempera- ment. le lai$$e le Scorpion de la $econ- de mai$on, le Sagittaire, & le ☿ de la troi$ie$me, le Capricorne, & le ☉ de la quatrie$me, & les $ignes des autres mai- $ons, dont il parle, dautant que ces ap- plications ne $ont pas dignes d’vn bon e$prit.

[00435]Preludes de l’Harmonie. PROPOSITION V. L’on ne $çauroit predire a$$eurément les ma- ladies, ni les inclinations que quelqu’vn aura vices, aux vertus, & aux $ciences, ni quel $era $on temperament, par les re- gles ordinaires de l’A$trologie Iudiciaire.

CEtte propo$ition e$t contre l’opi- niõ de plu$ieurs, qui croyent qu’on peut predire par les a$pects des A$tres quand la cõtagion arriuera, & en quel- le ville elle $era, dautant, di$ent ils, que les Elements $ont parfaitement $uiects au Ciel, & qu’il faut chercher dans les cieux la rai$on de tout ce qui $e fait $ur la terre. Secondement, parce que cer- tains planettes, & a$pects des A$tres pre$ident, & influent plus particuliere- ment $ur quelques villes, & prouinces, qui peuuent par apres communiquer leurs mauuai$es influenc àvn autre lieu, bien que tels a$pects ayent ce$$é, & que toutes les $ai$ons ayent gardé leur tem- perament, comme il e$t $ouuent remar- marqué dans les Ephemerides.

[00436]Preludes de l’Harmonie.

Troi$ie$mement, parce que l’expe- rience fait voir que la France, l’Angle- terre, l’Allemagne, l’E$pagne, & plu- $ieurs aurres Prouinces de l@@wrope$ont $uiettes au premier trigone du feu, à $çauoir au Belier, au Lion, & au Sagittaire, dont le Soleil, & ♃ $ont $eigneurs. Que le $econd Trigone terre$tre, le Taureau, ♍, & leCapricor- ne auec ♀ & <015> influent particulierem\-et $ur l’Inde, $ur les Parthes, & $ut les par- ties plus Meridionales de l’A$ie. Que le troi$ie$me Trigone aërien, II, ♎, & le Ver$eau auec <016>, & ☿ dominent $ur l’Armenie, la Sarmatie, & c. Finalem\-et, que le Trigone de l’eau, l’Ecreui$$e, lo Scorpion, & les Poi$$ons, auec ♂ gou- uern\-et la Numidie, Chartage, les Mau- res, & les autres Prouinces de l’Afri- que. A quoy ils adjou$tent que <016> en- gendre la pe$te, quand il domine $ur les Eclip$es de la Lune, ou du Soleil, ou qu’il les regarde d’vn a$pect oppo$é, ou quadrat, e$tant dans les $ignes de II, ♍ & le Sagittaire: De maniere que la cõ- tagion arriue aux lieux qui $ont $uiets aux $ignes, dans le$quels l’Eclip$e $e fait, & à la ville qu’on a commencée [00437]Preludes de l’Harmonie. de ba$tir, lors que le Soleil e$toit en ce $igne. Ce qu’ils e$timent $i veritable, qu’ils croi\-et pouuoir trouuer le temps precis, auquel la maladie doit arriuer, pourueu qu’ils $çachent de combien le Soleil, ou la Lune e$toient éloignez de l’Horo$cope $elon la $ucce$$ion des $i- gnes lors de l Eclip$e, dautant qu’il faut conter deux mois pour chaque $i- gne, & que la maladie doit durer autãt de mois, ou d’années, comme l Eclip$e de la Lune, ou du Soleil durera d’heu- res: Mais cette maladie arriuera bien- to$t, $i la conjonction de ♀, & de ☿ $e fait aux étoiles Saturniennes, & $i <016> $e trouue dans le Belier, dans le Lion, ou dans le Sagittaire.

Quant à l’inclination des hommes, S. Thomas me$me aduoue dans le 3. liure cõtre les Gentils chap. 86. & 92. que les A$tres nous donnent de diffe- rentes inclinations, & produi$ent en nous de certaines di$po$itions, comple- xions, & habitudes, de maniere que ☿ e$tant dãs l’vne des mai$ons de <016> don- ne vn excellent e$prit: & en$eigne en la premiere partie de $a Somme, que$tiõ 115. article 4. que les A$trologues ren- [00438]Preludes de l’Harmonie. contrent le plus $ouuent la verité, dau- tant que la volonté $e porte facilement à faire vne mauuai$e élection, quand elle $uit l’inclination de l’appetit $en- $uel, qui dépend de l’influence des A$tres. Il a$$eure au$$i dans $es com- mentaires $ur le $econd liure qu’a fait Ari@ote de la generation, que l’enfant viura plus, ou moins, à proportion de la force que les planettes auront dans $on Horo$cope; de là vient que quel- ques-vns croyent que l’õ pourroit pre- dire tout ce qui arriuera à l’enfant en toute $a vie, $i l’on connoi$$oit parfaite- ment la force, & la nature des A$tres.

Or ie ne peux $uiure cette opinion, car bien que les A$tres agi$$ent $ur nous par leur lumiere, &, peut e$tre, par quelque particuliere influence, ie ne crois pas qu’on pui$$e predire le iour, ny l’année, dans laquelle la maladie arri- uera, dautant que nous ne $çauons pas iu$ques à quel point doit venir l’altera- tion de l’air, & des aurres Elemens, la- quelle e$t nece$$aire pour engendrer la contagion. D’abondant les Trigones du feu, de l’air, de l’eau, & de la terre, ne me $emblent pas e$tre bien e$tablis; [00439]Preludes de l’Harmonie. car pourquoy le Belier, le Lion & le Sagittaire gouuernent ils plu- $to$t la France, l’Angleterre, l’E$pa- gne, l’Allemagne, & c. que la Numi- die, & les autres prouinces de l’Afrique? ils deuroient plu$to$t regir celles-cy, puis qu’ils montent plus haut, & dar- dent leurs rayons, & leurs influences plus perpendiculairement $ur leur ho- rizon que $ur le no$tre: Car le Belier n’a que quarante & vn degré d’éleua- tion à Paris, quand il e$t en $on Midy, le Lion en a 63. & le Sagit- taire 24. Mais le Lion a 90. de- grez d’éleuation és Prouinces Me- ridionales, & le Belier en a autant $ouz la ligne équinoctiale: C’e$t pour- quoy ils deuroient plu$to$t pre$ider à ces parties de la terre, qu à no$tre Eu- rope, puis qu’ils ont plus de force dans les Prouinces Meridionales, que dans les Septentrionales.

Tout ce qu’ils di$ent de la grande conjonction de <016>, & de ♃, à laquelle ils donnent 794. ou 800. ans, afin que chaque Trigone ait 100. ans, ne me $emble pas plus veritable quant aux predictions qu’ils en tirent.

[00440]Preludes de l’Harmonie.

Il faut au$$i remarquer qu’ils mettent dix moindres conjonctions en chaque Tiigone, auant que la grande conjon- ction arriue: & qu’ils di$ent que l’vne de ces moindres conjonctions $e fi$t l’an 1622. dans le trigone du feu, le dix-hui- ctie$me iour de Iuillet, & que l’autre arriuèra l’an 1643. le $econd iour de Mars, dans le vingt-cinquie$me degré des Poi$$ons, qui appartiennent au tri- gone de l’eau, comme le Lion au $ixie$me degré dans lequel $e fit l’au- tre conionction. Il e$t tres-facile de trouuer les autres conionctions, puis qu’elles $e font de vingt en vingtans, afin que dix moindres cõjonctions, qui $e font en chaque Trigone, e$tant mul- tipliées par quatre, qui e$t le nombre de$dits Trigones, donnent 800. ans pour le temps qu’il y a d’vne grãde con- jonction à l’autre.

Ce que i’ay voulu remarquer, parce que quelques-vns veulent e$tablir la Chronologie par le moyen de ces Tri- gones, & $uppo$ent que le monde à commencé $ouz la premiere grande conjonction, au commencement du Trigone du feu; que la $econde s’e$t [00441]Preludes de l’Harmonie. faite lors qu’Enoch viuoit $ainctem\-et, & que les fils de Cain inuentoient les Arts, & les Sciences: Que la troi$ie$- me e$t arriuée au deluge: la quatrie$me à la $ortie des Hebreux hors de l’Egy- pte: la cinquie$me, quand ils farent menez captifs $ouz I$aïe, & que les Olvmpiades, l’an de Nabona$$ar, & Rome commencerent; & la $ixie$me, vers la Natiuité de no$tre Seigneur, l’an du monde 3970. Cecy e$tant po$é, il faut que la $eptie$me $e $oit faite vers le temps de Charlemagne: la huictie$- me, quand la nouuelle e$toile parut l’an 1588. & par con$equent la neufie$- me de ces grandes conjonctions arriue- ra l’an de grace 2382.

Mais il faudroit prouuer que le mõde a e$té creé au cõmencem\-et du trigone du feu, auãt que de pouuoir érablir cete Chronologie, ce qu’on ne fera iamais.

Quant à la natiuité des villes, elle n’a pointde fondem\-et dãs les Horo$copes qu’ils en dre$$ent, $ur quoy l’on peut li- re Gauric, & les autres qui ont erige les figures, ou les natiuitez de Rome, de Milan, de Con$tantinople, & de plu$ieurs autres villes. Ils n’eu$$ent pas [00442]Preludes de l’Harmonie. employé leur temps plus mal s’ils eu$- $ent dre$$é les Horo$copes de la terre, & des autres Flements, ou de la Lune, de ☿, & des autres planettes, car on ne $çauroit rien predire d’a$$euré ny des vns ny des autres.

Parlons maintenant des differentes inclinations des hommes, dont traite $ainct Thomas depuis le 82. chap. du troi$ie$me liure contre les Gentils iu$- ques au 87. & dãs la premiere partie de $a Somme, que$tion 115. art. 4. dont voicy les paroles, _Il e$t plus probable que_ _l’on peut predire l’inclination des hommes par_ _les A$tres, dautant que la plus grande partie_ _des hommes fuit les pa$sions, & les mouue-_ _mens de l’appetit $en$itif, $urqui les cieux_ _ont quelque pouuoir, carily a peu de $ages qui_ _re$i$tent à leurs pa$sions, & qui $uiuent les_ _mouuemens, & la loy de l’e$prit._ Delà vient que ce grand Docteur de l’école a dit que les corps cele$tes peuu\-et e$tre cau- $es indirectes, & accid\-etelles des actiõs humaines, parce qu’ils agi$$ent $ur nos corps, dont l’entendement, & la vo- lonté ont be$oin pour faire leurs fon- ctions; & qu’il e$t nece$$aire que les actions de oes facultez $oient empe$- [00443]Preludes de l’Harmonie. chées quand les organes corporels $ont mal di$po$ez, comme il arriue à l œil, qui a la iauni$$e, ou à l’imagination qui e$t troublée: Car il faut que l’entende- ment $e $erue de l’imagination, qui cõ- munique $on indi$po$ition, & $on im- perfection aux operations intellectuel- les, comme le verre coloré communi- que la $ienne à la lumiere du Soleil.

Quant à la volonté, elle ne $uit pas $i nece$$airement les émotions de l’appe- tit concupi$cible, & de l’ira$cible; car elle peut les corriget, & s oppo$er à leur violence par des mouuem\-es contraires: ce que $ainct Paul à remarqué quand il a dit que l’e$prit re$i$te à la chair: d’où il appert que les influences cele$tes ont moins de force $ur la volonté que $ur l’entendement, qui ne peut corriger l’imperfection, & la perturbation de l’imagination, & des autres facultez qui luy $ont nece$$aires.

Nous pouuons done conclurre que les Horo$copes, par le$quels nous auõs mon$tré quelle natiuité doit auoir le parfaict Mu$icien, ne doiuent pas e$tre entierement rejettez, puis que le Do- cteur Angelique, & pre$que tous le@ [00444]Preludes de l’Harmonie. doctes auec luy confe$$ent qu’on peut predire les inclinations, & la perfectiõ du corps, & de l’e$prit par les regles que Ptolomée & les autres ont données: car ie ne veux pas m’oppo$er à vne opi- nion receuë par de $i grãdsper$onnages, & qui $emble e$tre confirmée par plu- $ieurs experiences. Ie diray neãtmoins qu’il $emble qu’on ne peut rien predire d’a$$euré des inclinations, ou de la per- fection de l’enfant, à rai$on de la matie- re, dont $on corps e$t formé: du laict, & des autres viandes, dont il e$t nourry; de l’air qu’il in$pire, des diuer$es com- pagnies parmy le$quelles il e$t éleué, & de mille autres circon$tances, qui $ont grandement con$iderables, & trop $uffi$antes pour empe$cher toutes les predictiõs des A$trologues, encore qu’ils eu$$ent vne parfaite connoi$$ance de la nature, & des effects de tous les A$tres, laquelle ils n’auront iamais. A quoy l’on peut adjou$ter qu’il faudroit voir $i les planettes e$tant dans les me$mes $i- gnes vers leMidy, vers la ligne Equino- ctiale, & vers l’Orient, comme en la Chine, & au Iapon, ont me$me force, & produi$ent les me$mes effects que [00445]Preludes de l’Harmonie. dans l’Europe; Et $i les me$mes cho$es arriuent par tout le monde, $ouz me$- mes a$pects, & me$mes con$tellations: car $i cela n’e$t vniforme, il n’y a nulle certitude dans l’A$trologie Iudiciaire.

Ie veux acheuer ce di$cours par vne rai$on qui toute $eule peut mon$trer l’incertitude de l’A$trologie, laquelle n’e$tant fondée que $ur les experiences dont $e vantent les A$trologues, elle $era entierement renuer$ee, $i iamais l’on n’a pû faire deux $emblables expe- riences.

Or il e$t tres certain que les A$tres, ce$t à dire les étoiles, & les planettes, dont les Horo$copes, & toute l’A$tro- logie tirent leurs vertus, leurs $ignifica- tions, & leurs di$cours, n’ont eu iamais deux fois vne me$me di$po$ition entre- elles, & n’ont iamais regardé deux fois la terre d’vn me$ime a$pect, & par con- $equ\-et ne nous ont point enuoyé deux fois leurs in fluences d’vne me$ine façõ: dõc les A$trologues n’ont pû faire deux experi\-eces $emblables de l’influ\-ece des cieux depuis la creation du monde iu$- ques à pre$ent: & con$equemment ils ne peuuent rien predire d’a$$curé pat [00446]Preludes de l’Harmonie. les Horo$copes, iu$ques à ce que les A$tres ayent la me$me di$po$itiõ, qu’ils ont remarquéevne $eule fois, afin qu’ils $e $eruent pour le moins de deux $em- blables experiences pour e$tablir la ve- rité de leurs predictions. Que $i l’on de- mande combien il faut de temps pour faire d’eux $emblables ob$eruations, ie répõs qu’il faut pour le moins 6336000. années; car les $imples periodes, ou cours de Mars, de lupiter, de Saturne, & des étoiles, c’e$t à dire les 2, les 12, les 30, & les 28800. années du cours de ♂, de ♃, de <016>, & du firmam\-et $e multi- pliant font $ix milious trois cent trente $ix mille années. I’ay dit _pour le moins_; car le nõbre des années $era beaucoup plus grand, $i l’on multiplie le temps des autres planettes, & de tous leurs excentriques, epicycles, & autres mou- uemens particuliers, par le nombre des années $u$dites.

Et à vray dire ie croy que S. Thomas n’eu$t iamais donné de $i grands auan- tages aux A $trologues, comme il a fait aux lieux que i’ay rapportez, s’il eu$t plus e$tudié à cet art, & s’il eu$t con$i- deré cette rai$on: Mais il s’e$t conten- [00447]Preludes de l’Harmonie. té de con$eruer la liberté des hommes, & la prouidence de Dieu; Et a lai$$é la liberté aux Iudiciaires de predire ce qui dépend des pa$$ions, & du tempe- tament, $ans examiner plus particulie- rement $i cela $e pouuoit faire par l’A- $trologie, ou s’il $urpa$$oit l’indu$trie, & la connoi$$ance des hommes.

Et s’il eu$t interrogé les plus $çauans A$trologues du mõde, & $i leur eu$t de- mandé quelque maxime certaine, & infaillible de leur art, il eu$$ent confe$- $é ingenuëment qu’il ny en a point. Et s’ils eu$$ent eu honte de le confe$$er, il eu$t e$té facile de les contraindre par l’experience me$me d’aduoüer cette verité.

COROLLAIRE I.

L’on verra encere plus clairment dans la ptopo$ition qui $uit qu’il n’y a nulle rai$on qui per$uade la verité de l’A$trologie, que l’on appelle la Iudi- ciaire, & con$equemment qu’il la faut o$ter du nombre des Sciences & des Arts liberaux, car elle fait voir $i eui- demment la vanité des fondemens, & [00448]Preludes de l’Harmonie. des regles dont v$ent les A$trologues, qu’il e$t mal-ai$é de la lire attentiue- ment que l’on ne $e departe incontin\-et de leurs maximes pretenduës.

COROLLAIRE II.

Si l’on con$idere la grande diuer$ité des macules, ou taches du Soleil, & les differents effets qui peuuent e$tre pro- duits par leur pre$ence, ou par leur ab- $ence, à rai $on que le Soleil perd beau- coup de $a lumiere lors qu’il en e$t cou- uert, & qu’il e$t beaucoup plus clair, & plus re$plendi$$ant, quand il n’en a point, & qu’il a plu$ieurs flambeaux qui l’accompagnent, dont les vns $ont au$$i grands que toute la terre, & neãt- moins que l’on ne peut predire la nai$- $ance, ou l’appar\-ece de ces flãbeaux, ny de ces macules, quoy qu’elles $oi\-et $ou uent plus grãdes que le corps de la Lu- ne, l’on $era cõtraint d’auoüerqu’il n’e$t pas po$$ible de predire aucune cho$e par les regles de ceux qui n’ont pas $eu- lement conneu qu’il y eu$t des taches dans le Soleil, dont Schener a écrit vn gros volume qui mei ite d’e$tre leu.

[00449]Preludes de l’Harmonie. COROLLAIRE III.

I’adjou$te la propo$ition qui $uit, dõt i’ay pris le di$cours dans l’Apologie que Mon$ieur Ga$$endi Theologal de Di- gne m’a fait voir en faueur des atomes d’Epicure, laquelle contient la Phy$i. que beaucoup plus parfaitement que nul autre liure que i’aye iamais veu; car elle comprend tout ce que l’on peut s’i- maginer de plus $ubtil, & de plus excel- lent dans toutes les Hypothe$es des an- ciens, & des Modernes, dont elle peut ay$ément $uppléer tous les liures: i’e$- pere qu’il la donnera bien-to$t au pu- blic, & que l’on ne $era pas $i ignorant qu’auparauant, apres qu’on l’aura leuë, & entenduë.

[00450]Preludes de l’Harmonie. QVESTION III.

Que les hommes $çauans, & iudicieux re- iettent l’A$trologie Iudiciaire, parce qu’el- le n’a nul fondement, ou principe $olide; & que toutes les maximes des A$trologues $ont dignes de ri$ée: & con$equemment que l’on ne peut rien predire d’a$$euré, ni de probable de la nai$$ance des hommes par le moyen des A$tres.

ENcore que ce que i’ay dit cy de$$us $oit $uffi$ant pour faire paroi$tre la vanité de l’A$trologie, neãtmoins i’ad- jou$te ce di$cours, afin que nul ne s’y amu$e, & que ceux qui $ont $tudieux, emploi\-et leur t\-eps à de meilleures cho- $es. Or pui$que l’on ne peut $çauoir le vray point de l’Ecliptique, qui $e leue $ur l’horizon à l’in$tant que l’enfantvi\-et au monde, il n’e$t pas po$$ible de faire $on Horo$cope, puis que l’on ignore le point qu’il faut diriger, & dont il faut v$er pour determiner le t\-eps de la vie, car $i l’on manque de demie heure, le progno$tic des années manquera de 7. [00451]Preludes de l’Harmonie. ou huict ans, que l’enfant doit viure.

D’ailleurs l’enfant $ort par parties du ventre de la mere, & lors que les pieds $ortent, la te$te e$t de$ia frappée pat les A$tres, & $uiette au de$tin, auant que l’on pui$$e faire l’Horo$cope des pieds. A quoy Cardan répond au 2. Chap. du 3. liure du Quadripartit, qu’il faut con- $iderer le temps, auquel commence la re$piration; mais il dit $eulement cela pour euiter la diffi@ulté, car vn peu d’air rc$piré ne peut chãger le de$tin: & puis l’on remarque qu’il y en a qui re$pirent dans le ventre de la mere.

Mais $ans penetrer $i auant; c’e$t cho- $e a$$eurée que nul A$trologue ne $çau- roit remarquer le peu de temps qui e$t a entre la nai$$ance de deux enfans iu- meaux, & qu’ils manquent le plus $ou- uent à prendre le vray temps de la nai$- $ance, des iours entiers.

Quant à ceux qui $e $eruent des hor- loges ordinaires, l’experience mon$tre qu’elles $ont $i differentes que l’on en prend la comparai$on pour $ignifier le di$cord, & le de$ordre. Et $i l’on v$e de l’A$trolable, $uiuant le con$eil de Pto- lomée, l’õ $çait premierement que ceux [00452]Preludes de l’Harmonie. qui dre$$ent la figure de la natiuité, n’õt pas l’A$trolabe en main tandis que la femme e$t en trauail: & le Ciel e$t $ou- uent $i couuert, tãt de iour que de nuit, que l’on ne voit point le Soleil, ny les étoiles, dont on n’auoit pas connu les vrays lieux que iu$ques à pre$ent; & puis la vraye h@uteur du Pole & la lon- gitude n’e$t connuë qu en fort peu de lieux. A quoy l’on peut adiou$ter le méconte qui vient des refractions, la mauuai$e fabrique, ou la petite$$e des in$trumens, & mille autres circon$tan- ces des ob$eruations, qui empe$chent que l’on pui$$e remarquer levray temps de la natiuité.

Car quant aux 3. manieres qui leur $eruent pour iu$tifier le temps, dont la premiere s’appelle _Trutina Hermetis, la_ _Balance, ou le Trebuchet d’Hermes_, qu’ils tirent de la 51. $entence du Centiloque de Ptolomée, où il e$t dit que l’Horo$- cope $e rencontre au me$me $igne, au- quel e$toit la Lune au temps de la con- ceptiõ, ou au $igne oppo$é, ils n’en peu- uent tirer de certitude, ny ayant nullo appar\-ece de croite qu’ils pui$$ent trou- uer le temps de la nai$$ance par celuy [00453]Preludes de l’Harmonie. de la conception, qu’ils ne $çauent pas. Et Ptolomée parle $eulement du $igne, & non du degré, ou de la minute, & con$equemment ils peuuent s’abu$er de deux heures, puis qu’vn $igne, qui à 30. degrez, employe deux heures à $e leuer.

La 2. maniere qu’ils appellent, _Ani-_ _modar_, ou Almute & Almu$teli, n’e$t pas meilleure, quoy que Ptolomée l’\-e- $eigne au chap. 2. du 3. liure, où il dit qu’il faut ob$eruer la Lune pleine, ou nouuelle, qui precede immediatement la nai$$ance, & voir quel planette à la principale authotité dans le 6. lieu du Ciel, dans lequel la conjonction, ou l’oppo$ition e$t arriuée, afin de remar- qué le degré du $igne, que tient le me$- me planette au temps de la nai$$ance, & con$equemment dans l’Horo$cope, & de comparer le nombre de ce degré auec celuy du degré de l’Orient, & du milieu du Ciel, car ils veulent que le nombre de $es degrez $oit égal à celuy dont il e$t plus proche.

Mais outre que l’experience mon$tre le contraire, & que cette methode n’a point d’autre fondement que l’imagi- [00454]Preludes de l’Harmonie. nation, elle ne peut e$tre iu$te d’auec les climats differents, où plu$ieurs peu- uent nai$tre à me$me heure, en apres, lo temps que l’on prend, peut tromper en mille façons, cemme $çauent tres-bien ceux qui font les ob$eruations du Ciel.

La troi$ie$me maniere $e prend des accidens de la vie de celuy, dont on dre$$e la figure, dautant que Cardan dit au 158. du 6. des Aphori$mes, que les Sages ne iugent pas $eulement de l’en- fant par la nai$$ance, mais au$$i de la nai$$ance par l’enfant; car comme l’on $e $ert de la nai$$ance pour trouuer le temps des accidens, qui doiuent arriuer à l’enfant par le moyen des directions, des tran$itions, & des profections an- nuelles, de me$me l’on trouue le temps de la nai$$ance par le$dits accidens. Mais cette methode ne peut $eruir pour l’enfant, auquel il n’e$t point arriué do notable accident, & tout ce qu’ils di- $ent dc ces accidens, n’a nulle preuue. Et bien qu’ils eu$$ent trouué le vray point de la natiuité, il ne s’en$uit nul- lement qu’ils pui$$ent predire aucune cho$e, dautant qu’ils diui$ent le Ciel en 12. parties par le moyen des $ix cercles, [00455]Preludes de l’Harmonie. qui le couppent en deux points oppo- $ez, afin qu’ils diui$ent le Zodiaque en 12. parties, dont celle qui e$t $ouz l’ho- rizon, & qui commence à $e leuer, e$t appellée premiere mai$on, & celle qui $uit $ouz l’horizon, e$t la $econde, & ain$i con$equemment des autres en al- lant de la main droito à la gauche. Mais ils $ont $i differents dans leurs opinions en ce qui cõcerne la que$tiõ des points de l’inter$ection, qu’il n’e$t pas po$$ible de les accorder: car les vnes couppent les cercles du Ciel au pole du Zodia- que, les autres au pole du monde, & les autres aux points, au$quels les Meri- diens couppent l’horizon. Or ceux qui couppent les cercles aux poles du Zo- diaque, les diui$ent en 12. parties éga- les, ou $eulem\-et les arcs oppo$ez, qu’ils appellent demidiurnes, & deminoctur- nes, en 3. parties égales. Les Chaldeans ont $uiuy la premiere maniere, comme remarque Sexte Empirique, quoy que Ptolomée la reiette au chap. 11. du 3. liure, & apres luy plu$ieurs autres, com- me Firmic, Schonner, & Cardan, qui la nomment _égale._

Gauric $uit la 2. maniere, laquelle [00456]Preludes de l’Harmonie. Scalier attribuë aux Indiens, $ur le 3. liure de Manile; mais ils diminuënt 8. degrez au commencement de chaque mai$on, & de chaque lieu des planet- tes.

Ceux qui couppent les cercles an po- le du monde, accommodent les arcs deminocturnes, & demidiurnes à l’E- quateur par le moyen des deux princi- paux cercles des declinai$ons, qui $ub- diui$ent les quarts de l’Equateur par d’autres cercles en 3. parties égales; d’où il arriue qu’ils. diui$ent le Zodia- que d’vne autre façon en 12. parties é- gales. Or Acabicius, & $on commenta- teur Iean de Saxe $uiuent cette ma- niere.

Finalement ceux qui $e $eruent des $ections de l’horizon, & du Meridien, diui$ent l’Equateur en 12. parties éga- les, & con$equemment le Zodiaque en 12. partios inegales, dont les parties diurnes, & nocturnes oppo$ées $ont $eu- lement égales.

Il arriue la me$me cho$e à ceux qui $e $eruent du premier vertical au lieu de l’Equateur; & Iean du Mont Royal auec AbenEzra $uit cette maniere, qu’il [00457]Preludes de l’Harmonie. appelle _Rationelle_, laquelle e$t mainte- nant $uiuie d’vn grãd nombre d’A$tro- logues, quoy que Campan & Gazule $uiuent l’autre.

Quant aux 12. mai$ons, ils nomment la premiere _l’ Horo$cope_, la mai$on de la vie, du temperamment, & des acci- dents. La 2. _la porte inferieure_, & la mai- $on desriche$$es, que l’on acquiert par indu$trie, la 3. _Dee$$e_, & la mai$on des freres, & des petits voyages. La 4. _le_ _profond du Ciel._ La 5. _bunne fortune_, & mai$on des enfans. La 6. _mauuai$e for-_ _tune_, & mai$on de la $anté, des mala- dies, & des $eruiteurs. La 7. _le couchant_, la mai$on du mariage, & des achapts, & c. La 8. _le principe de la mort_, & la mai- $on desthre$ors cachez. La 9. _Dieu_, & la mai$on de la Religion, des $onges, & des longs voyages. La 10. _le milieu du_ _Cicl_, & la mai$on des dignitez, & des conditions de la vie. L’onzie$me, _le_ _bon demon_, & la mai$on des amis. La 12. _le mauuais demon_, & la mai$on des enne- mis, & des pri$ons.

Iìs adjou$tent que la 1, 4, 7, & 10. $ont les angles d’ou dependent les autres en qualité de $uccedentes, & de cheutes: [00458]Preludes de l’Harmonie. que la 1, 2, & 3, qui $uiuent, font le quart de l’ccid\-et, de l’Autonne, & de la melancholie: que les 3. autres $ont pour le Midy, pour l’E$té, & pour la cholere, & les 3. dernieres pour l’Ori\-et, & pour les $anguins.

Ie lai$$e mille autres cho$es qui $ont $i ridicules que ie n’o$e les rapporter: par exemple, que la premiere mai$on pre$i- de au blanc, la 2. au verd, & c. Car pourquoy le Ciel e$t-il plu$to$t diui$é en 12. parties, qu’en 8, 10, 16. 20, ou 60, parties? En apres cette diui$ion ne $e- roit-elle pas au$$i bonne, ou meilleure, $i elle $e fai$oit par 12. cercles paralleles à l’horizon? ou en 12. qui $e coupa$$ent au vertical, & au point oppo$é? Ets’ils veulent que le Zodiaque $oit diui$é en 12. parties égales, que ne le diui$ent-ils tous d’vne me$me diui$ion, afin que ce qui e$t la premiere mai$on à l’vn, ne $er- ue pas d’vne autre mai$on à l’autre?

A quoy l’on peut adjou$ter que la mai$on qui e$t toute $ur l’hori$on, doit plu$to$t e$tre la premiere mai$on que la 12. ou du moins ils deuroient attendre que la moitié de cette mai$on fu$t le- uée; & la 10. mai$on, qui e$t celle du [00459]Preludes de l’Harmonie. milieu du Ciel, deuroit e$tre moitié vers le couchant, & moitié vers le le- uant, & meriteroit mieux le nom de premiere que l’autre; ou bien ils de- uroient donner cette prerogatiue à la mai$on, dans laquelle le Soleil $e ren- contre, puis qu’il e$t le Roy des A$tres.

D’ailleurs, $i la mai$on, qui commen- ce à $e leuer, e$t pour la vie, que celle qui $e couche, n’e$t elle pour la mort? pourquoy la 8. mai$on fait elle plu$to$t mourir? d’où contracte elle vne $i grã- de malice? Les mai$ons ont elles cette force, ou cette $ignification du premier mobile? Comment la me$me partie de ce Ciel e$t-elle heureu$e, & puis mal- heureu$e $elon les differentes mai$ons? Pourquoy vne partie de ce Ciel e$t elle plus mal-heureu$e dans l’vne des mai- $ons que dans les autres.

Ce$t cho$e e$trange que ♃ donne de grands biens dans la premiere, & de grands maux dans la 12. & qu’il donne des fols & des roturiers dãs la 8. au lieu des dignitez qu’il donne dans la 10. & des dignitez Ecele$ia$tiques qu’il don- nent dans la cinquie$me.

Lors que quelq’vn vient au monde [00460]Preludes de l’Harmonie. pourquoy le de$tin de $es freres e$t-il écrit dans la troi$ie$me mai$on, celuy des parens dans la 4. celuy des fils dans la 5. celuy de la femme dans la 7. & ce- luy des amis dans l’onzie$me? Qui à marqué le logis aux grands animaux dans la 12. e$tans petits dans la 6. quel Mercure à mis les longs voyages dans la 9. & les courts dans la troi$ie$me?

Mais cõme peut on e$perer de trou- uer quelque verité dans l’A$trologie, pui$que les principaux Autheurs ne s’accordent pas en ces mai$ons, qui $er- uent de fondèment à la $cience? Car Ptolomée iuge autrement que les au- tres: & Manile les commence par la Fortune, & non par l’Horo$cope, dont elle e$t tou$iours au$$i éloignée, que le Soleil de la Lune.

Ie lai$$e plu$ieurs diui$ions des $ignes en chauds, humides, ma$culins, femi- nins, beaux, laids, muets, parlants, & c. qui $eruent plu$to$t pour faire rire, que pour in$truire, & qui n’ont $eulement pas l’ombre de la rai$on, ni de la vraye- $emblance pour leur fondement. Et $i l’on con$idere les nouueaux de$tins qu’ils donnent à chaque degré pour [00461]Preludes de l’Harmonie. e$tablir leur _Monomerie & Myriogene$e_, l’on s’e$tonnera que l’ame rai$onnable d’vn homme pui$$e tõber en de $i e$trã- ges manies: Car, di$ent-ils, $i l’Ho- ro$cope e$t au premier degré d’Aries, il $ignifie la nai$$ance des Roys; s’il e$t en la 2. il $ignifie les larrons; il $ignifie les borgnes dãs la 3. & c. Et afin qu’ils trou- uent leur conte, ils diui$ent encore les degrez en minutes, & di$ent que le Be- lier pre$ide à la te$te, le Taureau au col, & c. que le Liõ domine à l’Italie, le Be- lier à la France, & particulierement à la ville de Mar$eille: que la Vierge gou- uerne Paris, le Sagittaire Auignon, etc.

Quant aux mai$ons des planettes, ils logent la Lune dans l’E$creui$$e, & le Soleil au Lion, car ils ne leur donnent qu’vne mai$on, quoy qu’ils en donnent 2. aux autres: par ex\-eple, les Iumeaux, & la Vierge à Mercure, dont l’vne e$t pour leiour, & l’autre pour la nuict: & afin que les planettes ayent quelque re- fuge dans leurs banni$$ements, les lieux du Ciel oppo$ez à leurs mai$ons leur $eruent d’exil, comme les lieux oppo- $ez à leurs exaltations leurs $eruent de cheutes: Car ils exaltent le ☉ au Be- [00462]Preludes de l’Harmonie. lier, & ♂ an Scorpion. Or ils ne veu- lent pas que le Lion, & l’A quarius $er- uent d’exaltatiõ, ou de cheute à aucun planette.

Et comme s’ils e$toient les fourriers de l’armée Cele$te, ils marquent les logis à chaque planette qu’ils exaltent, ou depriment comme ils veulent, $ans oublier la te$te & la queuë du Dragon, qu’ils exaltent dans les Iumeaux, & dãs le Ver$eau, de $orte que l’on croiroit à les ouïr parler qu’ils $ont les Roys, & les $ouuerains mai$tres du Ciel.

Ils di$po$ent encore les degrez des $ignes pat dizaines, qu’ils appell\-et _faces_, afin que les planettes ayent leurs faces: par exemple, que ♂ ayt les 10. premiers degrez d’Aries: que le Soleil ayt les 10. qui $uiuent, & ♀ les 10. derniers: ☿ à les 10. premiers du Taureau, & ain$i des autres.

A quoy ils adiou$t\-et les _Termes_, qu’ils appelient _fins_, afin de les donner aux 5. moindres planettes: car ♃ à les 6. pre- miers degrez d’Aries: ♀ à les 6. ou 8. $uiuans: ☿ les 6. ou 8. qui $uiuent, & ain$i des autres. Ie lai$$e maintenant les Trigones, dont ils departent celuy, [00463]Preludes de l’Harmonie. du feu, qu’ils appellent _ignée_, au ☉, & à ♃, & mille autres re$ueries, qui n’ont nul fondement.

Or ils ont $i peu de iugement qu’ils ne dõnent qua$i nulle vertu aux $ignes, & aux A$teri$mes qui $ont hors du Zodia- que, quoy qu’ils $oient en plus grand nombre que les autres, & qu’ils ayent des étoiles tres-grandes, & tres-nota- bles, comme l’on void dans l’horion, auquel ils attribuent fort peu, en com- parai$on de ce qu’ils donnent au petit A$ne de l E$creui$$e: car encore qu’il $oit pre$que inui$ible, ils di$ent neant- moins qu’il e$t tres-pui$$ant pour exci- ter les tempe$tes.

D’ailleurs ils donuent la pui$$ance d’agir $ur nous aux $ignes du premier mobile, & non à ceux du firmament, qui retrogradent peu à peu, & vont au contraire du mouuement des $ignes du premier mobile. De là vient que le Be- lier du fit mament e$t maintenant dans les poi$$ons du premier mobile, & qu’il entrera apres dans l’Aquarius, dans le Capricorne, & c.

C’e$t dans ce premier mobile qu’ils e$tabli$$ent leurs Dodecatemories quc [00464]Preludes de l’Harmonie. quelqu’vns di$ent e$tre la partie du Zo- diaque, à laquelle $init le nombre des degrez, où $e rencontre le planette, apres qu’il à e$té multiplié par 12: par exemple, $i le planette e$t au 5. degré, & 5 du Belier, le dodecatemorie finit au premier degré des Gemeaux, dãs le- quel ils mettent le dodecatemorie du planette, parce que 5. 5’. multipliez par 12. donnent 61. le$quels e$tant contez dés le commencement du Belier don- nent le premier degré des II.

Quant à la force des planettes, ils di- $ent que le ☉ échauffe en $eichant, que ♂ bru$le, que <016> ameine le froid, que ♃ & ♀ $ont les bonnes fortunes, que le ☉, <016>, & ♀ $ont ma$les, la <015>, & ♀ femel- les; & que ☿ e$t androgyne; qu’ils $ont plus ma$les, lors qu’ils ont plus de lu- miere, & qu’ils $ont Orientaux, & di- rects: que le ☉, <016>, & ♃ $ont _diurnes_, & les autres _nocturnes_.

Or ils leur departent plu$ieurs de- grez de force, & de dignitez $uiuant les lieux du Zodiaque où ils $e rencõtrent: Car ils leur donnent 5. degrez de force, s’ils $ont dans leur mai$on, ils leur on donnent 4. pour leur exaltatiõ, 3. pour [00465]Preludes de l’Harmonie. leur triplicité, deux pour leur fin, & vn pour leur _dizamier_, qu’ils appell\-et _deca-_ _nus:_ & lors que le planette n’a nulle di- gnité, ils di$ent qu’il e$t _fatal_, car ils luy donnent diuers degrez de debilité, à $çauoir 5. quãd il e$t hors de $a mai$on, 5. dans $on exil, & 4. dans $a cheute.

Ils appellent l’amas de toutes, ou de plu$ieurs de ces dignitez _le Chariot_, & _le_ _Thro$ne royal_; & quand le planette e$t au$$i éloigné du ☉, ou de la <015>, comme $a mai$on e$t éloignée de leur mai$on, ils appellent cette dignité _Almugée_, ou _Per$one_, laquelle n’a qu’vn degré de for- ce. Chaque planette à au$$i vne vertu particuliere dans chaque $igne; car <016> apporte plu$ieurs maux dans le Belier, dans le <022>, il priue de l’heritage pater- nel, & c. dans $a mai$on il depart la fa- ueur, dans celle de ♃ il fait mourir le pere: de $orte que s’il e$t direct, il accõ- plit ce qu’il promettoit: s’il e$t retro- grade, il le reuoque, & s’il e$t $tation- naire, il le retarde.

Ils comparent encore les planettes les vns aux autres, afin d’e$tablir leurs a$pects, dontle _Sextil_ & le _Trin_ $ont be- nefiques, le _Quadral, & L’oppo$ition_ $ont [00466]Preludes de l’Harmonie. malefiques, & la _Conionction_ e$t entre- deux: & prennent leurs dignitez, & leurs debilitez accidentelles de ces a$- pects, comme ils ont pris leurs dignitez e$$ent@ elles des autres con$iderations, dont nous auons parlé deuãt: Carl’a$- pect <018> des planettes benefiques à 4. de- grez de force; auec le ☉, & ♀, 3. auccla Lune 2. & auec les malefiques, c’e$t à dire auec <016>, & ♂, 1. & l’a$pect <023> en a tou$iours vne moins que le <018>: le <017>, des malefiques a 4. debilitez, & 3. auec le Soleil: mais les a$pects malefiques des planettes benefiques n’ont nulle di- gnité.

Or les a$pects ne $ont pas tou$iours _partils_, c’e$t à dire exacts, & iu$tes, cat ils $ont $ouuent _platiques_, & l’e$pace qui precede le vray a$pect, s’appelle _applica-_ _tion_, comme celuy qui $uit, & qui $e fait par le planette le plus vi$te, $e nomme _$eparation_. Ils prennent encore d’autres dignitez, ou debilitez des planettes, lors qu’ils $ont dans le _camizi_, ou dans lo cœur du Soleil, c’e$t à dire qu’ils luy $ont conjoints, & qu’ils $ont _bru$lez_, ce qui arriue tandis qu’ils ne $ont pas éloi- gnez de plus de 6. degrez du Soleil, ou [00467]Preludes de l’Harmonie. qu’ils $ont _bypauges_, c’e$t à dire entre le 16. degré.

Ie lai$$e plu$ieurs autres diui$ions des planettes en _Orientaux_, ou dextres, & _Occidentaux_, ou gauches, & en _dirrcts_, _@trogrades, legers, tardifs_, & c. afin d’a- jou$ter ce qu’ils e$timent dauantage, à $çauoir que chaque planette $e re$ioüit dans $a mai$on, dans laquelle il e$t le principal $ignificateur, comme e$t <016> dans la 12; ♃ dans l’onzie$me, ♂ dans la 10. le Soleil dans la 9. ♀ dans la 5. ☿ dans la 1. & la <015> dans la 3.

En apres ils ont des forces differentes dans les differentes mai$ons, dans le$- quelles ils $e rencontrent: Car <016> & ♂, font la vie courte dans la 1. ♃ & ♀ la donnent longue: le ☉ donne les com- mendements; ☿ la $cience, & la Lune les voyages: <016> & ♂ donnent la pauure- té dans la 2. dans laquelle ♃ & ♀ don- nent les riche$$es: le ☉ la beauté, & ☿ la faueur, & c.

A quoy ils adiou$tent la te$te, & la queuë du Dragõ qu’ils marqu\-et de ces caracteres, la partie de la fortune, qu’ils marquent ain$i <024>, & qui e$t la partie [00468]Preludes de l’Harmonie. du Zo liaque, dans laquelle (en con- tant depuis le Belier) tombe le nombre compo$é du degré qui s’éleue, c’e$t à di- re de l’Horo$cope, & de la di$tance du Soleil à la Lune: car la te$te du Dragon donne l’honneur dans la 1. la queuë y ble$$c l’œil, & <024> fait que l’on e$t heu- reux aux ieux, & aux contracts.

Or le planette quià le plus grand nõ- bre de dignitez, e$t le $eigneur de la fi- gure, & de l’année, lors qu’elle e$t dre$- $ée au commencement du printemps: & lors qu’il à plus de dignitez dans le commencement d’vn $igne, il e$t $ei- gneur de la mai$on: & s’il e$t dans le premier degré, ils le nomment _Almu-_ _ten_, c’e$t à dire di$po$iteur de la mai$on: & c’c$t $uiuant cette doctrine, qu’ils di- $ent _le Seigneur de l’a$cendant_, de l’Ho- ro$cope, & c. Ie lai$$e la domination & l’empire, qu’ils leur dõnent $ur les heu- res, $ur les âges, & $ur les e$tats, & c. comme lors qu’ils di$ent que <016> pre$ide à l’agriculture, ♃ à la politique, ♂ à la guerre, le Soleil aux honneurs, ♀ à l’a- mour, ☿ à la marchandi$e, & la <015> aux voyages.

Parce que ie croy que les fondemens [00469]Preludes de l’Harmonie. de leur doctrine, que i’ay rapportez iu$- ques à pre$ent, $ont a$$ez ridicules pour faire voir leur vanité, & la fau$$eté de toute l’A $trologie Iudiciaire. Car qu’el- le apparence y à il que le Belier $oit de la nature du feu, puis qu’il donne tant de pluyes, & que l’Ecreui$$e $oit de la nature de l’cau, $ouz lequel nous endu- rons de $i grandes chaleurs?

Peut-on de$irer vn plus grãd te$moi- gnage de la folie des A $trologues, que quand on con$idere les be$tes qu’il met- tent au Ciel pour nous rendre gras, ou maigres: pourquoy le Belier e$t - il plu- $to$t ma$le quele <022>, qui e$t plus chaud? & pourquoy le Belier pre$ide-il plu$to$t à la te$te que le Lion, ou l’Ecreui$$e? pourquoy les Poi$$ons pre$id\-et ils aux pieds, veu qu’ils n’en ont point, & qu’ils $ontioints au Belier?

La preference qu’ils leur donnent $ur la $uitte des années, & $ur les villes n’e$t pas mieux e$tablie, car le Ciel, ou la ter- re e$tant mobiles, vn $igne n’influë pas dauãtage $ur vne Prouince, ou $ur vne ville, que $ur l’autre, qui à me$me lati- tude, & neantmoins ils a$$uietti$$ent vne Prouince entiere à vn $igne, & les [00470]Preludes de l’Harmonie. villes de cette me$me Prouince à d’au- tres $ignes.

Certainement il n’y à nulle rai$on pourquoy vn planette a plu$to$t vne mai$on de la figure, que toutes les mai- $ons, puis qu’il n’y à nul iour dans le- quel chaque planette ne $e rencon- tre dans toutes le$dites mai$ons. En apres $i le Lion e$t la mai$on du Soleil, pourquoy le $igne prochain n’e$t-il cel- le de ♂, puis qu’il e$t le plus chaud? pourquoy le Soleil, & la Lune n’ont-ils chacun qu’vne mai$on, puis que les au- tres planettes en ont chacun d’eux? pourquoy la mai$on de la Lune humi- de n’e$t elle pas dans le Ver$eau oppo$é au Lion? & qu’elle a, peut-e$tre, e$té crée à l’oppo$ite du ☉? quoy que Firmi- cus croye que le Soleil a e$té crée au 15. du Lion, & ♀ au 15. du Ver$eau; ce qui ne peut e$tre, puis que ♀ ne $e peut é- loigner du Soleil que de deux $ignes.

Les exaltations $ont $emblablement mal e$tablies, puis que les _ab$ides_ $e chã- gent, & qu’elles deuroient plu$to$t e$tre dãs la mai$on des planettes qu’ailleurs: caril n’y à nulle apparence d’exalter ♂ dans la mai$on de <016>, ni <016> dans celle de [00471]Preludes de l’Harmonie. ♂; & ♀ n’a rien de commun auec le Taureau, $igne terre$tre, dans lequel <016> a $a mai$on, & ♂ $on exaltation.

Quant aux _decanat@_, ils $ont tres-mal fondez, car $i le Belier e$t la mai$on de ♂, pourquoy luy o$tent-ils les deux tiers pour les decanats de deux autres planettes; & pourquoy banni$$ent-ils ☿ des II, c’e$t à dire de $a mai$on, pour en donner la premiere partie à ♃, la 2. à ♂, & la 3. au Soleil? ie lai$$e les fins, ou les termes, puis qu’ils $ont encore plus ridicules.

Mais il n’e$t pas nece$$aire de refuter les po$itions des A$trologues, d’autant qu’elles $e de$trui$ent elles - me$mes: Car $i ♂ bru$le, parce qu’il e$t rouge, & & que <016> refroidi$$e, parce qu’il e$t pa$- le, il faut dire que l écarboucle bru$le, & que la chau re$roidit:$i ♂ bru$le, d’où vient que l on ne $enr point $a chaleur à l’Hyuer, lors qu il e$t a _croniche_. & que l’on n’experimente point le froid de h à l’E $té?

Or il faut remarquer que ♄ n’e$t pas pa$le, comme croyent les ignorans, qui ne parlent que par liure, & par preoc- cupation, dont ils ne $eront plus trom- [00472]Preludes de l’Harmonie. pez, lors que le Ciel leur aura mon$tré qu’il e$t tres-lui$ant. Certainement il ny à nulle rai$on pour laquelle l’õ pui$- $e dire qu’il y a des planettes male$i- ques, & d’autres bene$iques, ny me$u- re aucune, dont ils pui$$ent me$urer la quantité, ou la qualité de leurs digni- tez, ou de leurs foib’e$$es; & ce qu’ils di$ent des a$pects a e$té pris $ur les dif- ferentes figures de la Lune, qu’elle fait paroi$tre $uiuant les differents rapports qu’elle a auec le ☉, & puis il ny à pas plu$to$t 5 a$pects que 7. que 9. que 13. ou 15 & Kepler adiou$te le _Biquintil_, le _Tredecil_, &c.

Voyons maintenant comme ils trou- uent le temps, auquel les accidens doi- uent arriuer à l’enfant, ils $e $eruent de la _direction_, de la _reuolution_, des _profectiõs_ _annuelles_, & des _tran$itions_. Or la dire- ction $e fait entre-deux points du Zo- diaque de la figure, dont l’vn e$t le _$i-_ _gnificateur_, & l’autre le _prometteur_. Ils font le $ignificateur mobile, afin qu’il approche peu à peu du prometteur im- mobile, & que l’effect arriue lors qu’il l’aura atteint, parce qu’il e$t promis. Or ils dirigent, & content le progrez du [00473]Preludes de l’Harmonie. $ignificateur, & du prometteur $ur l’é- quateur, $ur lequel les deux points $u$- dits $e r’encontrent par le moyen des cercles de declinai$on: car diriger n’e$t autre cho$e que chercher l’arc de l’é- quateur, qui e$t entre le $ignificateur, & le prometteur.

Quant au progrez, il fait vn degré dans vne année, 5. minutes dans vn mois, & 10 $econdes dans vn iour, a$in que cet are en$eigne combi\-e de temps apres la nai$$ance c’e$t à dire à qu’el an- née de l’enfant, l’effect doit arriuer.

Mais il faut diriger des points diffe- rents $elon les differ\-ets effects que l’on cerche: par exemple, le ☉ pour l’e$tat de la vie, & pour les dignitez: la Lune pour les affections de l’e$prit; l’Horo$ cope pour la $anté, & pour les voyages, le milieu du Ciel pour les amis, la <024> pour les riche$$es; & pour $çauoir com- bien l’en$ant doit viure, l’on prend vn point, que l’on appelle _prorogateur, emi$-_ _$eur, Setgneur de la vie, Hylech, Alchocoden,_ _Aphete, &c._ c’e$t à dire le planette qui à plus grand nombre de dignitez, & vn moin dre nombre de debilitez dans les lieux _hylegiels_, à $çauoir dans la 1. 10. 11. 7. ou 9. mai$on.

[00474]Preludes de l’Harmonie.

Or l’on prend ordinairement le Soleil pour les nai$$ances qui $e font de iour, & la Lune pour celles de la nuict; & lors qu’il ne $e rencontre nul planette dans le$dits lieux, l’on $e $ert principa- lement de l’Horo$cope: & pour trou- uer la mort, l’on dre$$e _l’Aphete_ à _l’Ana-_ _rete_, c’e$t àdire ledit point à _l’interfecteur_: par exemple à ♄, à ♂, ou à leurs rayõs malefiques, ou au di$po$iteur de la 8. mai$on. Ce$te direction e$t appellée _directe_, lots qu’elle $e fait $elon la $uitte des $ignes, comme il arriue quand on v$e de l’Horo$cope, ou du milieu du Ciel, & c. & _Conuer$e_, l’ors qu’elle $e fait contre l’ordre des $ignes, cõme il arri- ue à la <024>, & aux planettes retrogrades.

La _Reuolution_ e$t l’erection d’vne fi- gure que l’on fait, lors que le Soleil $e rencontre au me$me point du Zodia- que où il e$toit à la nai$$ance. Car $i l’Horo$cope de cette figure regarde celle de la nai$$ance d’vn bon a$- pect, l’enfant $e portera bien toute l’année; & $i l’a$pect e$t mauuais, il $e portera mal : $i les planettes ont vne contrai$e di$po$itiõ à celle qu’elles ont à la natiuité, l’enfant court vn grand peril; & $i la Lune $e trouue au lieu, où [00475]Preludes de l’Harmonie. e$toit ♄ à la natiuité, il épou$era vne vieille.

La _Profection annuelle_ e$t le progrez que fait la pointe, ou l’angle de chaque mai$on, & chaque point de la natiuité par le Zodiaque: or ces points font cha- que annéc 30. degrez, afin que la pro- fection recommeuce de 12. en 12. ans, dans le$quels ils iugent bien, ou mal de l’enfant $elon les bons, ou mauuais a$- pects, qui $e rencõtrent dans ce temps, & qu’ils predi$ent tous les ans, dont le 4. e$t dangereux, parce que l Horo$co- pe arriue à la 4. mai$on, qu’il regarde d’vn afpect <017>, & le milieu du Ciel d’vn a$pect oppo$é. En apres il paruient à la 7. qu’il regarde d’vn a$pectoppo$é, & le milieu du Ciel d’vn a$pect quadrat.

Ie lai$$e tout ce qu’ils di$ent des an- nées _Climateriques_, & des Seigneurs des Septenaires ou _A fridaires_, qu ils appel- lent _Chronocratcurs_, puis qu’il n’y a nul- le rai$on pourquoy la Lune pre$ide à la premiere année, ☿ à la 12. ♀ à la 3. & c.

Or ils font recommencer la Lune au 8. Sptenaire, qu’ils appellent dange- reuy, parce que _l’Affridaire_ chãge l’em- pire de chaque planette.

[00476]Preludes de l’Harmonie.

La _Tran$ition_ $e faict, lors qu’vn pla- nette: par exemple la Lune, pa$$e par les lieux de la figure, où e$toit ♄, ♃, & c. ou l’Horo$cope, ou par le lieu, qui e$toit Trin, ou quadrat à ♂, ♀, & c. ou Trin à l’vn, & quadrat à l’autre, dautãt qu’ils croyent qu’il arriue de notables chan- gemens dans ces pa$$ages, dõt ils v$ent pour determiner le temps, & particu- lierement le iour, & l’heure. Car l’effect e$t plus grand $elon les differens pa$$a- ges, & rapports, qui $e rencontrent en- tre tous ces points.

Ce $ont là les principaux fondem\-ets de l’A$trologie Iudiciaire, dont la va- nité e$t $i euidente, qu’il $uffit de les auoir expliquez pour les refuter. Car pourquoy la direction $e fait-elle plu- $to$t $ur l’equateur que $ur l’écliptique, qui e$t le lieu principal des planettes? pourquoy plu$to$t contre la $uitte, que $elon la $uitte, & l’ordre des $ignes? pourquoy donnent-ils $eulement vn degré à chaque. année? $i l’homme vi- uoit 360. ans, ils auroient quelque con- jecture, dont ils $ont entierement de$ti- tuez: car qu’elle apparence y à il que ce point de la natiuité retienne $a force, [00477]Preludes de l’Harmonie. iu$ques à 30. & 40. ans? quelle propor- tiõ, ou rapport y à-il du milieu du Ciel de la 60. annéc auec celuy de la natiui- té & quelle apparence y a-il que le de- $tin de cette annèc depende du rapport de ces a$pects? ces points $e conoi$$ent- ils l’vn l’autre? pourquoy la reuolution ne $e fait-elle au$$i bien des autres pla- nettes, & paiticulierement des fortu- nes, ou infortunes au$quelles ils attri- buent de $i grandes vertus, comme elle $e fait du Soleil? pourquoy dõnent ils 30. degrez à chaque année, & pour- quoy ne redui$ent - ils le Zodiaque à l’Equateur dans la profection?

Les _Alfridures_ $ont encore plus ridi- cules, puis qu’ils font regir chaque pla- nette à chaque Septenaire, ou $epmai- ne d’années, & qu’ils ne s’accor dent pas eux-me$mes $ur ce $uiect. Car Ptolo- mée donne 4. ans d’empire à la Lune, 10. à ☿, 8. à Venus, 19. au ☉, 15. à ♂, 12. à ♃, & cc qui re$te iu$ques à la mort, à Saturne.

Quant aux que$tiõs, & aux elections, les A$trologues promettent les $olutiõs de toutes cho$es: par exemple, s’il $a- git du mariage, Venus & la Lune $ont [00478]Preludes de l’Harmonie. feminins, & la 7. mai$on auec $on $i- gnificateur parlent tou$iours des fem- mes; & lors qu’ils ont con$ideré les au- tres maisõs, les planettes, les decanats, les fins, & c. ils di$ent $i l’enfant $era veu$, s’il épou$era vne femme riche, ou pauure, & $i elle doit viure peu, ou lõg- temps.

Ie lai$$e les autres mai$ons, par le$- quelles ils predi$ent $i l’\-efant $era Char- pentier, Maçon, Aduocat, & c. afin de dire vn mot des elections, parle$quel- les ils tiennent qu’ils ne faut pas pren- dre medecine, lors que la <015> e$t au Be- lier, <022>, & au Capricorne, de peur de la rejetter, à rai$on que ces $ignes rumi- nent: que les Nauires ne doiuent pas partir, lors que ♂ e$t au milieu du Ciel, parce qu’il pre$ide aux Pyrates. Ils veu- lent au$$i que l’on con$idere $i le $igne qui monte, s’il e$t fixe, ou mobile, auant que de planter les arbres, de peur qu’ils $e déracinent; que l’on o$te l’enfant de la mammelle, lors qu’vn $igne humain monte, quand on le veut rendre deli- cat, & $i on veut qu’il ayme la chair, lors que le Lion monte: que $ouz l’E- creui$$e il aymera le poi$$on, ce qui ar- [00479]Preludes de l’Harmonie. riuera $emblablem\-et $ouz les Poi$$ons: mais il aymeta les legumes $ouz la pre- miere partie du Capricorne, du Belier, & du Taureau.

Lors qu’on luy donne vn mai$tre, ils veulent que ☿ regarde benignement la Lune en $on croi$$ant; que la Lune $oit en a$pect $extil auec le ☉, ou auec le Seigneur de la 10. mai$on, lors qu’on va $alüer vn Prince, ou vn Roy: que l’on aille à la cha$$e $ouz vn $igne mobi- le, dans lequel il n’y ait point de planet- te retrograde: que l’on e$$aye les habits $ouz vn $igne mobile, dans lequel la <015> $erencontre, de peur que les ve$temens durent plus long-temps que le corps.

Ie lai$$e la natiuité des Villes, & les pre$ages qu’ils en tirent, car ils $ont $i ignorãts qu’ils mettent ☿ dans le Scor- pion, & le ☉ dans <022> à la nai$$ance de Rome, comme l’on peut voir dans So- lin; & neãtmoins ☿ ne peut $ éloigner du Soleil, que de 28. degrez. Ie lai$$e $emblablement les elections de l’heu- re pour grauer les cachets, & les Tali$- mans, & mille autres re$ueries, qui nç peuuent entrer dans vn bon e$prit.

Certainement les excellens per$on- [00480]Preludes de l’Harmonie. nages n’ont iamais faict d’e$tat de l’A- $trologie, comme l’on peut voir dans Ciceron au 2. liure de la diuination; & plu$ieurs croyent que Ptolomée n’e$t pas l’Autheur du Quadripartit, ou qu’il a $eulement fait vn abregé des re$ue- ries des Ægyptiens, afin de $atisfaire à la curio$ité de quelques vns de$esamis: Car quelle apparence y a-il qu’il n’ayt o$é traiter de la Phy$ique, à rai$on de $on incertitude, comme il témoigne dans la preface de $on Almage$te, & qu’il ayt traicté de l’A$trologie qui n’a pas $eulement de la probabilité pour e$tablir $es fondements?

Delà vient que Cardan a$$eure dans $on Epi$tre $urle Quadripartit, que les Autheurs, dont Ptolomée a pui$e $on liure, ont e$té des impo$teurs, qui on@ tout corrompu; ce que l’on peut$em- blablement dire de Cardan, d’Origan, & de tous les autres, puis qu’ils n’on@ pas plus de rai$on qu’eux.

Or il y a gran de apparence que les hommes, qui ont voulu paroi$tre plus $çauãts queles autres, ont inuenté tou- tes ces fables, a$in de gaigner de l’ar- gent, ou d’acquerir l’amitié, & la fa- [00481]Preludes de l’Harmonie. ueur des grands; & parce qu’ils n’auoi\-et nulle rai$on, ils out eu recours aux ex- periences: par exemple, que Nigidius ayant veu la natiuité d’Augu$te, il luy predit qu’il $eroit $eigneurde l’Vniuers? qu’A$cleriõ predit de $oy-me$me qu’il $eroit mangé des chiens; que Pic de la Mirandole e$t mort l’an 32. de $on âge, à rai$on de la direction de l’Horo$cope au corps de Mars, comme remarque Gauric.

Ie lai$$e plu$ieurs autres experiences, dont ils $e vant\-et pour abu$er les igno- rans, puis que iamais nul A$trologue n’a fait les ob$eruations nece$$aires pour e$tablir des regles $ur ce$ujet, car il fau- droit pour le moins auoir 2. experien- ces de 2. enfans, qui fu$$ent nez $ouz vn me$me a$pect du Ciel, ce qui n’e$t en- core iamais arriué: par exemple, les Chaldeans n’õt peu voir deux fois vne natiuité, dans laquelle l’Horo$cope ayt e$té le premier degré du Belier, le So- leil e$tant au commencement de l’E- creui$$e, la Lune au 20. du Ver$eau, & <016> à la fin du Taureau: Etiamais l’on n’a veu 2. fois les planettes en me$me a$- pect, en me$me latitude, & aux me$- [00482]Preludes de l’Harmonie. mes lieux de leurs Epicycles. En apres, ils n’ont point connu les planettes, qui $ont à l’entour de ♃, ni les 2. de <016>, ny les taches du Soleil, qui peuuent varier les effects qu’ils promettent.

D’ailleurs, encore que ce$t art eu$t e$té veritable en Ægypte, il ne $eroit pas veritable en ce climat, ny dans la $phere parallele, où nul degré de l’é- clyptique ne $e leue, ny ne $e couche, & où con$equemm\-et nul $igne ne peut $eruir d’Horo$cope, de milieu du Ciel, ou d’autre mai$on. En apres, il y a tou- $iours quelque partie de l éclyptique dans la Zone froide, qui ne $e leue ia- mais, & qui e$t tou$iours cachée $ouz l’horizon, & quelque partie qui e$t tou- $iours $ur l’horizon, & quine $e couche iamais: de $orte que cet art ne peut $er- uir qu’entre les Tropiques, c’e$t à dire dans la Zone torride, & dans les tem- perées.

A quoy l’on peut adiou$ter que tout ce que l’on dit icy des A$tres, $e trouue autrement au dela de l’Equateur, où le Belier e$t le commencement de l’Au- tomne, & où le Lion gele, au lieu qu’il nous bru$le: Car $’ils répondent que la [00483]Preludes de l’Harmonie. Balance doit e$tre pri$e en l’autre par- tie du monde pour le Belier, & le Ca- pricorne pour 1 Ecreui$$e, & c. il faut qu’ils confe$$ent que les exaltations, & les cheutes des planettes, & toutes leurs autres fantai$ies $’en võt par terre.

Mais il n’e$t pas nece$$aire d’aller par dela la ligne pour cõuaincre leurs fon- demens de nullité & d’erreur, pui$- que nous experimentons que le me$me climat produit des cho$es $i differentes en me$me temps.

En apres que peuuent-ils répondre aux Topinamboux, qui viu\-et 200. ans, & dontles femmes engendrent par de- là 90. ans; & où tout ce qu’ils di$ent des riche$$es, des $emmes, & c. e$t tres-faux, puis qu’ils ont toutes cho$es en com- mun, & qu’ils n’ont point d’Arts, ni de me$tiers $emblables aux no$tres?

Certainement $i l’on con$idere la di- uer$ité des manieres de viure qui $ont au monde, & la confu$ion des accid\-es, qui arriuent durant la guerre, & qui n’arriucroient pas durant la paix, l’on confe$$era que toute l’A$trologie e$t ri- dicule, & qu’elle ne contient autre cho$e que des fables.

[00484]Preludes de l’Harmonie.

Quant aux experiences, dont ils $e vantent, Ciceron au liure 2. de la Di- uination, & Sextus ab Heminga auec plu$ieurs autres s’en mocquent, & ce- luy-cy mon$tre par 30. natiuitez d’hõ- mes Illu$tres, qu’elles $ont fau$$es: Car Henry II. mourut à 40. ans accomplis, d’vne ble$$eure qu’il reçeut dans l’œil, cõtre ce qui luy deuoit arriuer, $uiuant la 4. figure deSextus, quoy que Gauric, & Cardan luy promi$$ent l’Empire, à rai$on du Soleil, de la Lune, & de ♀ dãs l’Horo$cope.

Rodolphe Camerarius s’e$t au$$i trom- pé à la mort d’Henry IV. qu’il auoit predite deuoir arriuer l’ã 1603. au mois d’Octobre, comme l’on peut voir dans $a 76. natiuité, car il le menace du dan- ger de $a vie l’an 59. 4. mois, & 21. iour: or il e$toit né l’an 1553. le 24. Decem- bre, deux heures apres minuit; & la rai- $on qu’il en apporte e$t que le Soleil ar- riuoit par la direction au corps de <016>, l’Horo$cope au <017> du me$me <016> & le mi- lieu du Ciel au <017> du Soleil.

Ie lai$$e plu$ieurs autres cho$es qui $ont $i fau$$es dans leurs experiences, qu’ils ne $çauroient les lire $ans rougir [00485]Preludes de l’Harmonie. de honte, & $ans aduoüer qu’il n’y a nulle regle dans toute l’A $trologie, qui n’ayt e$té inuentée fortuitem\-et, & $ans aucune rai$on. Et les erreurs que Car- dan a fait dans $a propre natiuité, $ont a$$ez voir leur ignorance: car il met <016> au 21. des II, qui e$toit dans le 18. & ☿ dans le 23. de la Balance, qui e$toit dãs le vingt $ixie$me.

Il $e trompe d’vn $igne entier dans la figure de Iean Checi, lors qu’il place ♂, & Tycho remarque dans la 777. page de la nouuelle étoile, que Cardan fait nai$tre Lurher l’an 1483. à 10. heures du marin, & que Gauric le fait nai$tre l’an $uiuant à vne heure, encore qu’il $oit nay à onze heures. & que l’vn & l’autre $e $oient trompez de 12. iours: Car il nâquit le 10. de Nouembre, & non le 22 comme ils di$ent, & neantmoins ils trouuent leur conte, & accommodent les accidents de $a vie à leur natiuité feinte, & fau$$e: de $orte qu’il faut e$tre plus $tupide que la plus lourde be$te du monde pour croire, & pour s’amu$er à leurs regles.

Ce qu’il $emble que Cardan ayt recõ- neu, lors qu’il a dit au chap. 6. du liure [00486]Preludes de l’Harmonie. des lugemens, qu’à peine $e rencontre- il 10. cho$es veritables de 40. que l’on predit; il pouuoit dire qu’a peine s’en rencontre-il vne vraye de 4000.

Or il aduouë pour le moins que le men$onge e$t 4. fois plus grand que la verité, & luy me$me $e trompe gran- dement dans la natiuité d’Edoard VI. Roy d’Angleterre, qu’il met la premie- re des 12. qu’il fait: car il luy predit des maladies à l’an 23. 34. & 55. & neant- moins il mourut à 16. ans, quoy que Cardan eu$t employé cent heures à dre$$er cette natiuité.

Il faut encore remarquer qu’ils de- mandent tou$iours $i l’enfant, dont on leur parle, e$t vn ma$le, ou vne femelle, $i les parens $ont riches, ou pauures, & qu’ils répondent ambiguëment, & en general, afin que $i ce qu’ils di$ent n’ar- riue pas, ils pui$$ent expliquer chaque cho$e à leur aduãtage; & lors que leurs menteries $ont $i éuidentes qu’ils ne peuuent les pallier, ils di$ent qu’on à failly à prendre la vraye heure de la na- tiuité, qu’il la faut corriger, & qu’il faut v$er d’vne autre maniere de directiõs.

Ie lai$fe plu$ieurs autres échapatoi- [00487]Preludes de l’Harmonie. res qui $ont indignes d’vn honne$te hã- me, par ce que la principale faute de cette fable vient de la $tupidité de ceux qui $e lai$$ent abu$er trop ay$ément: Ce qui arriue lors qu’ils $ont portez d’a- mour, de haine, de de$e$poir, ou d’au- tres pa$$ions, qui leur font croire que $il arriue quelque cho$e de ce que l’A- $trologue a predit, que $on arre$t e$t diuin.

Mais lors qu’ils con$idereront que le Soleil, & les autres A$tres ne lui$ent pas dauantage pour les Roys que pour les bergers, & qu’ils roulent au$$i bien pour tous les animaux que pour eux, quoy que le de$tin des be$tes $oit bien éloigné du leur, ils auront honte d’a- uoir e$té de $i legere croyance, & ne $’a- mu$eront pas à c@ que di$entles Hi$to- riens tant anciens que modernes, qui ont e$té curieux de rama$$er les bruits qui courent, & qui donnent $ouuent des contes pour des hi$toires, parce qu’ils $çauent que ces cho$es là $ont bi\-e receuës du peuple, & que ces bour- des $ont leuës auec plai$ir, & attention.

L’on peut voir dans Plutarque qu’O- ctaue & Marius $’e$tant fiezaux A$tro- [00488]Preludes de l’Harmonie. logues, celuy-la fut trompé: qu’ils pre- di$ent mille cho$es aux Princes pour les flater, cõme lors qu’ils predirent l’Em- pire à Augu$te, quoy que cela ne peu$t arriuer que par la mort de Ce$ar, & de Pompée, à qui ils auoient promis vne longue vie, au rapport de Ciceron dans le 2. de la diuination.

Où il faut remarquer, que Scaliger maintient dans $a preface $ur Manile, qu’ Augu$te n’eft pas nay $ouz le Capri- corne Horo$copant, mais plu$to$t $ouz le $igne oppo$é Quoy que s’en $oit, combien en voit-on qui nai$$ent $ouz l’vn, & l’autre $igne, & qui neantmoins ne $ont ny Princes ny Roys, mais de pauures vignerons? delà vient que Car- dan n’a pas promis vn Empire à Co$me de Medicis dans $a 4. figure, encore qu’il ayt vne natiuité $emblable à celle d’Augu$te, mais $eulement la pruden- ce; & bien qu’il $e $oit luy-me$me fait mourir de faim, afin de n’e$tre pas con- uaincu de men$onge dans le iugement de $a natiuitè, comme remarque Scali- ger dans ladite preface, il n’a pourtant peu predire la mort de Iean Bapti$te $on fils, qui receut vn coup d’arquebu$e [00489]Preludes de l’Harmonie. e$tant âgé de 24. ans pour auoir empoi- $onné $a femme, comme a remarqué Sixtus ab Heminga dans $a derniere natiuité. Quant à Pic de la Mirando- le, il e$t mort e$tant âgé de 31. an: Et neantmoins Gautic confe$$e qu’il luy auoit $eulement predit la mort auant 36. ans.

Mais ie ne croy pas que l’on pui$$e parler plus amplement de cetart pre- tendu $ans abu$er dela patience des le- cteurs. C’e$t pourquoy il faut pa$$er à des di$cours plus vtiles, & imiter lesMe- decins, qui tirent les alexipharmaques du poi$on, & la Theriaque de la Vi- pere.

COROLLAIRE I.

Ie de$ire que tout le di$cours que i’ay fait de l’A $trologie $’entende $eulem\-et de celle que l’on nous a donnée iu$ques àpre$ent, $ans des principes qui pui$$ent contenter l’e$prit, car ie ne veux pas nier que l’õ ne pui$$e $çauoir beaucoup de cho$es par la contemplation, & le rapport que les corps cele$tes ont auec la terre, lors que Dieu en aura donné la [00490]Preludes de l’Harmonie. veritable connoi$$ance à ceux qu’il luy plaira. Et peut-e$tre qu’il ne $e fait ri\-e dans les Elem\-es, ni dãs mixtes de la na- ture qui ne dep\-ede de la’differ\-ete con- $titutiõ des A$tres, ou qui ne $oit $ignifié par leurs rencontres, & a$pects, $oit de- uant, $oit à l’heure que les cho$es arri- uent; mais parce que cela n’e$t pas cer- tain, & que nous n’auons nul moyen de le $çauoir, c’e$t perdre le temps que de faire des Horo$copes pour trouuer la qualité du temperament, de l’e$prit, ou des autres cho$es que l’on de$ire $ça- uoir.

COROLLAIRE II.

Tous les di$cours preced\-es n’e$toient pas nece$$aires pour les Geometres, qui ne doutent pas qu’vne centainede chã- delles d’vn denier di$per$ées à l’entour d’vne grãde $ale, ou d’vne chambre de cent pieds en quarré, ont plus de force $ur celui qui e$t au milieu de ladite chã- bre, que n’ont toute@les e$toiles du Fir- mament $ur les hommes, puis que les chandelles l’éclairent, & l’échauffent dauantage, & con$equemm\-et produi- [00491]Preludes de l’Harmonie. $ent de plus grandes influences $ur luy que le$dites étoiles, ou que Saturne, Iupiter, Mars, Venus, & Mercure. Ce qu’il faut $emblablement conclurre de la Lune, qui n’a pas plus de force $ur nous qu’vn flambeau de cire qui nous éclaire au$$i fort, & au$$i long-temps, Mais parce que tout le monde ne $e cõ- tente pas d’vn rai$onnement $i $imple que celuy-cy, il a fallu l’e$tendre plus au long.

Si les A$trologues con$iderent que $ouz l’Equateur, ils n’ont nulle rai$@n qui les fauori$e pour mettre l’exaltatiõ du ☉ plu$to$t dans le Lion, que dans le Ver$eau, ou dans laBalance, que dans le Belier, & que toutes leurs hypothe$es, &, leurs diui$ions manqu\-et $ouz l’équi- noctial, ou $ouz les poles, & qu’ils n’õt iamais fait aucune ob$eruation $i exa- cte qu’ils en voulu$$ent, ou qu’ils en peu$$ent répondre au$$i a$$eurément que d’vn principe de Geometrie, ou de quelqu’autre $cience, i’e$pere qu’ils quitteront cet art, lequel e$t capable de rendre les hommes les plus $ages du monde les plus infames de la terre.

[00492]Preludes de l’Harmonie. COROLLAIRE III.

I’e$pere faire voir dans vn autre lieu que la terre enuoye plus d’influences $ur la Lune, & $ur les autres planettes qu’elle n’en reçoit de toutes les étoiles, & qu’elle n’e$t tout au plus redeuable qu’au Soleil: d’où l’on conclurra par de nouuelles rai$ons, que la Iudiciaite n’a point encore de principes qui nous $oient connus: & que $i ce qui arriue $ur la terre, depend des A$tres, la con- noi$$ance en e$t tellement re$eruée à Dieu, que les hommes ne peuuent rai- $onnablement la de$irer, ny l’e$perer iu$ques à ce qu’il luy plai$e de la leur reueler.

QVESTION IV. A $çauoir $i le temperament du parfait Mu$i- cien doit e$tre $anguin, phlegmatique, bi- lieux, ou melancholique, pour e$tre capable de chanter, ou de compv$er les plus beaux airs qui $oient po{$S}ibles.

IL e$t tres-difficile de pouuoir tolle- ment rencontrer $ur ce $ujet que l’on [00493]Preludes de l’Harmonie. $atisface à tout le monde, car quelque cho$e que l’on en pui$$e dire, l’on ne peut produire de demon$trations ceo- metriques pour prouuer quel doit e$tre le temperament d’vn parfait Mu$icien: car encore que ce temperament fu$t po$$ible, neantmoins la difficulté de- meure tou$iours, qui con$i$te à $çauoir quel il doit e$tre pour compo$er les plus beaux chants qui $e pui$$ent faire, ou pour les chanter auec toute la perfectiõ qui $e peut imaginer.

Quelques-vns croyent que le melan- cholique e$t le plus propre de tous pour la Theorie de la Mu$ique, dautant qu’il fait ordinairement de $erieu$es refle- xions, qui $ont nece$$aires pour acque- rir la connoi$$ance de la parfaite Com- po$ition, laquelle $uppo$e de profondes meditations $ur toutes les parties de la Philo$ophie, & des Mathematiques.

A quoy ils adioûtent que la terre pre- domine dans le melancholique, qui $e porte auec vne plus grande inclination à la compo$ition, & à l’ordonnance des tons, que le cholere, le $anguin, ou le phlegmatique. Ie lai$$e maintenant le temperament parfaitement naturel, [00494]Preludes de l’Harmonie. qu’ils preferent à tous les autres.

Or le cholerique tenant des qualitez du feu, e$t plus propre pour la de$tru- ction, à cau$e de $on actiuité, qu’il n’e$t pour la compo$ition: Le $anguin e$t $emblable à l’air, lequel ayant vn corps fort, rare, & $ubtil, ne peut contribuer que bien peu de cho$e à la compo$itiõ: & le phlegmatique, qui e$t rapporté à l’eau, n’a pas le corps a$$ez $olide, & no peut pas beaucoup ayder à la compo$i- tion, à rai$on de $on flus ordinaire, qui ne permet pas que l’e$prit s’arre$te aux hautes pen$ees, & aux $peculations qui $ont nece$$aires pour ce $ujet.

Mais la terre ayant $on corps ferme, & $olide, e$t plus propre que les autres elemens pour la compo$ition des cho- $es, c’e$t pourquoy elle e$t preferable à la lumiere vacillante du feu, à la tran$- parance de l’air, & à la blancheur cou- lante de l’eau; car la con$titution cor- porelle, qui e$t cau$e de $a noirceur, luy donnevne inclination naturelle à la cõ- po$ition, & r\-ed le melancholique pro- pre pour l’inuention, & pour la compo- $ition de la Mu$ique.

Au contraire le cholerique e$t trop [00495]Preludes de l’Harmonie. prõpt & trop actif, & n’a pas les organes bien di$po$ées pour arranger les $ons, & pour faire de beaux airs. Le $anguin e$t $emblablement trop leger, & trop in- con$tant; & le phlegmatique n’a pas l’i- magination bien temperée à cau$e de $es froides humeurs, & des $uperfluitez qui incommodent $es organes, c’e$t pourquoy ils concluent que le tempe- rament melancholique e$t le plus pro- pre pour la Mu$iqu@; ce qu’ils confir- ment par les voyelles de l’alphabet, qu’ils appliquent aux quatre tempera- mens; car, di$ent-ils, la voyelle, E, e$t la plus propre de toutes pour la compo- fition des con$ones; dautant qu’elle les fait pre$que toutes, à rai$on de la matie- re, qui répond à la terre, n’y ayant que H, & K, qui $ont formees par la voyel- le A, (laquelle a fort peu de matiere à l’égard de l’E,) & Q, qui e$t formé par V; car I & O e$tans trop $ubtiles & deliés, ne compo$ent aucune con$one.

Ils attribuent V, au $anguin, parce qu’elle a le corps $i rarefié, qu’elle n’a peu compo$er qu’vne con$one. Ils don- nent l’I, au cholerique, & l’A, au phleg- matique, qui ne peut paruenir à la par- [00496]Preludes de l’Harmonie. faicte compo$ition de la Mu$ique, n’a- yant pas $a matiere a$$ez $olide pour per$i$ter dans le trauail de la Theorie, & dans la $peculation de la Mu$ique, comme fait le melancholique, qui a vn particulier rapport à la voyelle E, qui compo$e B, C, D, G, M, N, P, R, S, T & Z, c’e$t pour quoy il medite perpe- tuellement, & fait des reflexions qui $ont propres pour paruenir à la parfai- cte compo$itiõ de la Mu$ique, à laquel- le les autres temperamens ne peuuent arriuer $i ai$ément.

Et $i nous pa$$ons de la Theorie, & de la compo$ition des beaux airs à la Pratique, ils di$ent que le temperam\-et cholerique, & le $anguin y $ont plus propres que les deux autres, dautãt que la Mu$ique n’e$t qu’vn jeu diuer$ement me$uré, qui $ert pour $oulager, & pour de$ennuyer l’e$prit: or les $anguins & les choleriques $e portent plus facile- ment à l’exercice des chants, & à tou- tes $ortes de recreations, que les phleg- matiques, ou les melancholiques, qui ont leurs organes, & particulierement leurs voix beaucoup plus gro$$ieres, & plus chargées d’impurerez, à raifon de [00497]Preludes de l’Harmonie. l’humidité, & de la $echere$$e, qui em- pe$chent le roulement desvoix harmo- nieu$es.

De là vient que le melancholique, & le phlegmatique chantent rarement en comparai$on des $anguins & des choletes, qui $ont plus déchargez d’im- puretez, à cau$e de l’humidité & de la chaleur qui predominent en eux, & qui par con$equent ont plus d’inclination à chanter pour $e re$ioüir dans les di- uer$es rencontres: car chacun $uit le mouuement de $on temperament, cõ- me il arriue au melancholique, qui $uit le mouuement des ennuis, & de la tri$te$$e, qui luy $ont ordinaires, & qui $ont fort e$loignez des chants & de la joye.

C’e$t pourquoy les Hebrieux qui rapportent quatre de leurs e$prits, ou de leurs lettres aux quatre $u$dits tem- pram ens, approprientleur <025> _hain_ tres- apre, & tres-rude au melancholique, car il $e prononce des narines, & du go- $ier, comme $i l’on prononçoit _gnhain._

Le phlegmatique a vne grande quan- tité d’eau corporifiée, & par con$e- quent il approche de la gro$$iereté du [00498]Preludes de l’Harmonie. melancholique, & $uit les mouuemens froids & tardifs de l’eau, ce que les He- brieux ont repre$enté par leur e$prit, ou par leur lettre <026>, qui a la prolation beaucoup plus dure & plus rude que la lettre <026>, ou <027>.

Le $anguin $uit les mouuemens $ub- tils de l’air, qui le font chanter plus $ou- uent, c’e$t pourquoy les Hebrieux luy attribuënt la lettre <026>, qui $e prononce plus doucement & plus mollement que les deux autres <025> _haïn_, & <026> _chet_; mais tout ce que l’on rapporte de ces lettres, ou des e$prits des lettres & des accents, e$t fabuleux, & n’a point d’autre fonde- ment que la fantai$ie de quelques igno- rans, qui veulent que l’on croye qu’ils $ont $çauans dans vn certain genre de Cabale, qui n’e$t que dans leur imagi- nation.

Finalement le cholerique e$t plus propre pour bien chanter que tous les @utres, à rai$on des qualitez du feu qui $e trouuent dans le temperament bi- lieux, & qui font que le cholere roule plus nettement les chan$ons, dautant qu’il n’a point d’empe$chement du co- $té de la matiere melancholique, ny d@ [00499]Preludes de l’Harmonie. l’humidité phlegmatique, trop cruë, & propre pour les rheumes, & pour les ca- therres. C’e$t pourquoy les Hebrieux ont donné leur doux <027> _alcph_ au tempe- rament cholerique, car cettelettre $e prononce $i facilement, & $i doucem\-et qu’elle e$t pre$que imperceptible.

Il e$t donc euident qu’ils donnent le premier rang au bilieux, le $econd au $anguin, le troi$ie$meau phleg matique, & le quatrie$me au melancholique, quand il e$t que$tion de chanter: mais ils en exceptent le cinquie$me tempe- rament, qu’ils comparent à la quinte- e$$ence, ou au Ciel: auquel les He- brieux att@ibuent leur _iod_, ‘, & les La- tins la voyelle O, dautant que ce tem- perament contient les quatre autres en eminence, comme le _iod_, contient tou- tes les lettres de l’alphabet, & cõme le principe contient $es effects La voyelle O e$tant ronde contient toutes $ortes de figures, & les $urpa$$e, comme le cinquie$me temperament, (auquel le parfait temperam\-et peut e$tre rappor- té, que les Medecins appellent _ad pon-_ _dus)_ contient & $urpa$$e tous les au- tres.

[00500]Preludes de l’Harmonie.

Quelques autres croyent que le tem- pera ment $anguin e$t le plus propre pour faire & pour chanter les airs, dau- tant qu’il e$t le plus ioyeux, & qu’il a vne plus grande re$$emblãce auec l’air, qui reçoit & qui porte les chants iu$- ques à l’oreille: mais puis que le chant, dont nous parlons icy, doit e$tre agrea- ble à tout le monde, $i le $anguin e$toit propre pour le faire, ou pour le chan- ter, pourquoy les viandes, qui $ont agreables, & propres aux $anguins, no $ont elle, pas au$$i propres, & agreables à toutes $ortes de temperam\-es, en quel- que âge, $ai$on, ou Prouince qu’ils pui$- $ent $e rencontrer; ce qui e$t contraire aux loix, & aux preceptes des Mede- cins: car on donne vne autre viande aux vieillards, qu’aux enfans, & vne autre aux pituiteux, qu’aux bilieux.

D’ailleurs, la Mu$ique e$tant vn ou- urage de l’imagination rempli de cha- leur, & de $echere$$e, il ne $e peut faire que le $anguin $oit propre pour compo- $er le chant dont nous parlons. A quoy l’on peut adiou$ter que le temperam\-et $anguin n’e$t pas le plus porté à l’excez du plai$ir que la Mu$ique apporte, car [00501]Preludes de l’Harmonie. il n’y a point de temperament plus pro- pre à la Metriopatie, $i l’on excepte la pa$$ion d’amour: par con$equent enco- re que le temperament $anguin $oit le meilleur de tous les autres, pour ce qui appartient aux actions animales, il n e$t pas le meilleur pour les actions de l’e$prit.

De là vient que les Naturali$tes di- $ent que les hõmes $anguins $ont doux, benins, gracieux, raillards, & de longue vie, mais $tupides & d’vn e$prit pe$ant, & qu’ils ont moins de viuacité que les bilieux, & $ont moins adui$ez, & indu- $tricux que les melancholiques; il ne $en$uit done pas que le temperament $anguin $oit le plus propre pour com- po$er les airs de Mu$ique, bien qu’il $oit le meilleur, & le plus propre pour les actions de la vie.

Or cette contrarieté d’opinions fait voir qu’il e$t trop difficile de trouuer le temperament de l’excellent Mu$icien, dont nous parlons: neantmoins puis qu’Apollon a e$té tenu des Anci\-es pour le Dieu de la Medecine, voyons $i elle nous pourra donner ce temperament, pui$que la complexion n’e$t autre cho- [00502]Preludes de l’Harmonie. $e qu’vne harmonie, ou vn accord des quatre $imples qualitez elementaires, à $çauoir de la chaleur, de la froideut, de l’humidité, & de la $iccité; ou pour mieux dire, vn mélange du chaud, du froid, du $ec, & de l’humide.

Il faut donc premierementremar- quer que tous les temperamens peu- uent e$tre reduits à deux chefs: car tou- te $orte de temperament e$t temperé, ou int\-eperé, témoin Galien au liure des temperamens: _l’intemperé_, e$t celuy qui e$t vicieux, car il empe$che les actions en trois manieres, dautant qu’elles $ont ou deprauées, ou diminuées, ou abo- lies. Le _temperé_ e$t _à poids, & égalité,_, ou _à iu$tice_; le premier e$t appellé par les Grecs, εἰς {στ}άθως & par les Latins _adpon-_ _dus_, dautant qu’il a portions égales des elemens, de maniere qu’vne qualité ne $urmonte point l’autre. Le $econd e$t appellé εἰς τὴν δ@χο@οσίνην ou _ad iu$titiam_, qui n’a pas vne égalle portion des elemens; mais c’e$t luy qui rend tous les corps propres, & habiles pour exercer leurs operations, & $e trouue en toutes $ortes de per$onnes plus ou moins temperées, $elon leur âge, leur habitude, leur pays, [00503]Preludes de l’Harmonie. ou leur maniere de viure.

Quant au premier temperament, Auicenne, Auerroës, & les autres Ara- bes, di$ent qu’il ne $e peut rencontrer, dautãt qu’vn corps mixte qui doit agir, ne peut e$tre compo$é de qualitez qui $oient égaies, & contraires; neãtmoins Galien e$t de contraire aduis dans le li- ure _de Sanitate tuenda_, chap. 1.2. & 3. Car il maintient que cette égalité $e rencõ- tre en la peau interieure de l’extremité des doigts d’vn homme temperé à iu- $tice, ce$te peau n’e$tant chaude & hu- mide comme la chair, ny froide & $eche comme le nerf, mais comme vn nerf charneux; car puis qu’elle e$t l’organe du toucher, elle doit e$tre exempte de toutes qualitez e$trangeres, afin qu’elle iuge parfaitement des qualitez qui $e peuu\-et toucher, ou plu$to$t que le $ens commun ayant receu les images des qualitez par le moyen de la peau, que les Grecs appellent _Derme_, en $oit le Iu- ge, car les $ens exterieurs ne iugent pas de leurs objets, cette action e$tant trop $ubtile, & trop releuée pour eux: mais il e$t nece$$aire que les organes des $ens $oient bien di$po$ez; autrement le $ens [00504]Preludes de l’Harmonie. commun e$t $ouuent deçeu, comme il arriue à ceux quiont la jauni$$e, & qui voyent les objets $emblables à la tein- ture de la cornée; c’e$t pourquoy $i le $ens du toucher n’e$toit parfaitement temperé, il ne pourroit faire vn fidelle rapport au $ens commun du froid, du chaud, & des autres qualitez.

Or pour mieux entendre cecy, il faut remarquer qu’il y a deux $ortes de tem- peramens à poids, l’vn _admolem_, qui a vne égalité de portions elementaires; c’e$t à dire, qu’vn homme temperé en cette façon, auroit vn pied cube de feu, & autant d’air, & d’eau, $uppo$é qu’il eu$t vn pied cube de terre en $a compo- $ition, ou dans $a ma$$e $anguinaire, qui contient les quatre premieres qualitez; ou bien chaque partie pe$eroit autant l’vne que l’autre, encore que leurs grã- deurs fu$$ent inegales; c’e$t à dire que s’il y auoit vne liure de $ang, il y auroit vne liure de phlegme, de bile, & de melancholie, qui feroient quatre liures pour toute la ma$$e du $ang.

Tous les Medecins a$$eurent que ce temperament ne $e peut trouuer, dau- tãt que le feu de$truiroit les autres ele- [00505]Preludes de l’Harmonie. mens, ce que ie ne voudrois pas leur ac- corder, qu’ils ne m’en eu$$ent donné de bonnes rai$ons: car il ne $e faut pas ima- giner que la qualité, qui répond au feu dans le $ang, ou dans le temperament de l’homme, $oit vn feu di$$ipant & de$trui$ant, $emblable à no$tre feu arti- ficiel, mais il e$t pur & cele$te, tel que nous l’imaginons dans l’éther, ou dans les Cieux.

L’autre temperament _ad pondus_, e$t appellé _ad vires_, & e$t fait des vertus ou qualitez des elements temperez, tel qu’il $e reneontre dans la peau de la main, comme i’ay dit, & au changem\-et qui $e fait d’vne complexion chaude & humide, dans vne froide & $eiche, e$tãt nece$$aire de pa$$er par le milieu bien temperé pour arriuer à l’autre extremi- té; ce que ie ne leur accorde pas au$$i, car il $e trouue quantité de cho$es qui peuuent pa$$er d’vne extremité à l’au- tre, $ans pa$$er par le milieu: Par exem- ple, on pa$$e d’vn $on donné à l’Octaue, à la Quinte, à la Tierce, & la Douzie$- me, auec les flu$tes, les trompettes, les Orgues & les voix, $ans pa$$er par les $ons du milieu, comme i’ay remarqué [00506]Preludes de l’Harmonie. ailleurs; ce qui arriue au$$i aux angles qui $e font par le cercle, & par $a tan- gente, comparez aux angles faits par la me$me tangente, & par le diametre, ou par le diametre auoc le cercle. Mais ie ne veux pas m’étendre plus amplem\-et $ur ce $ujet, afin de venir à la conclu$iõ, qu’ils tirent de ce qui a e$té dit, à $ça- uoir que le parfait Mu$icien doit auoir le temperament _ad vires_, dautant que Galien en$eigne au $econd liure des Temperamens, & au premier liure _de_ _$anitate tuenda_, chap. 6. que celuy qui e$t tres-temperé, e$t tres-prudent, tel que doit e$tre le parfait Mu$icien.

De plus, celuy qui a acquis le degré de perfection, e$t courtois, amiable & affable; il n’e$t trop cholere, ny trop gay, ny trop tri$te: il e$t doux, humble, patient au trauail, ayant vne modera- tion dans $es mœurs, & en $es actions, qui e$t proportionnée à la beauté de $on corps, ou à la perfectiõ de $on tem- perament.

Les autres complexions ont leurs vices, & leurs imperfections: car le $an- guin e$t trop gay, & ne demande qu’à rire & à $auter, comme Galien a remar- [00507]Preludes de l’Harmonie. qué dans $on Commentaire $ur le liute qu’Hipocrate a fait des humeurs: le bilieux e$t trop courageux, trop fa$- cheux, & trop cholere: le melancho- lique e$t $oupçonneux, difficile à appai- $er, & à corriger, & trop tri$te & crain- tif, comme dit Hipocrate en $es Apho- ri$mes: le pituiteux e$t pare$$eux, a$- $oupy, & oublieux, le phlegme n’e$tãt pas propre pour rendre vn hõme inge- nieur, à rai$on de $a froideur, & de $on humidité; c’e$t pourquoy toutes ces quatre complexions e$tans vicieu$es, comme témoignent les âges, les $aisõs, & les pays au$quels les humeurs domi- nent, il faut choi$ir le temperament _ad_ _pondus_, ex pliqué comme nous auõs fait, $i nous voulons trouuer vn parfait Mu- $icien; car encore que chaque humeur ait quelque cho$e qui pui$$e $eruir à la perfection du Mu$icien, neantmoins chacune a sõ vice, & nulle ne peut e$tre comparée à la perfection du tempera- ment _ad vires_, qui contient en vertu & en éminence tout ce qui peut y auoir de perfection dans les autres.

Or apres auoir parlé du temperament qui e$t requis pour faire vn parfait Mu- [00508]Preludes de l’Harmonie. $icien, ilfaut dire quelque cho$e de la proportiõ que les humeurs ont en$em- ble; & partant $uppo$er qu’il $e rencon- tre trois $ortes d’humeurs dans le corps humain, dont les vnes $ont alimentai- res, comme celles qui $ont contenuës dansles veines, & qui font la ma$$e du $ang; les autres $ont des excremens vtiles, nõ pour la nourriture, mais pour d’autres v$ages de$tinez par la nature; car la bile e$t contenuë dans la ve$icu- le, qui e$t attachée au foye, pour $eruir à faire vuider les excrements; & la me- lancholie e$t dans la rate pour y e$tre é- labourée, & de là portée dans l’e$to- mach par le conduit que l’on appelle, _vas breue_, afin d’exciter l’appetit.

Il y a vn autre humeur $ereux, qui e$t inutile pour la nourriture, mais il e$t tres-nece$$aire pour détremper le $ang trop épais, qui ne pourroit autrement e$tre porté dans les veines capillaires.

Les autres humeurs $ont contre na- ture, & cau$ent les maladies, dont l’vne e$t la melancholie, qui prouient d’vne chaleur pourri$$ante, & tournée en cendre; l’autre e$t engendrée de la cho- lere vitelline, & la 3. du phlegme pour- ry dans les veines.

[00509]Preludes de l’Harmonie.

Le phlegme contre nature e$t celuy qui e$t aigre, ou $alé dans les veines, le- quel e$tant hors des veines, e$t $ubtil, ou vi$queux, ou vitreux, ou gyp$eux.

La cholere qui $’engendre és veines $appelle _vitelline_, & dans le ventricule _porracée_: l’érugineu$e e$t de couleur de pa$tel, & e$t appellée _i$atodes_: il y en a encore vn autre qui e$t rouge. Cecy e$tant po$é, voyons la perfection des humeurs alimentaires qui font la ma$$e du $ang, qui e$t compo$ée de quatre parties, comme nous mon$tre le laict compo$é de quatre $ub$tances, à $ça- uoir du beurre, qui retient deux $ub- ftãces qui répõdent à la bile & au $ang; du $romage, & du petit laict: & l’exem- ple du vin rapporté par Galien, car la fleur repre$ente la cholere, qui e$t la plus $ubtile des humeurs, & qui paroi$t tou$iours au de$$us de couleur d’or, & lui$ante.

La lie repre$ente l’humeur melãcho- lique, qui e$t tou$iours au de$$ous, à cau$e de $a pe$anteur, car elle e$t la lie du $ang. La verdeur, ou aquo$ité du vin e$t $emblable au phlegme: & la pure li- queur du vin repre$ente le $ang: par où [00510]Preludes de l’Harmonie. il e$t ai$é d’entendre la di$tinction des humeurs, qui con$i$te dans leur cou- leur, $aueur, v$age & autres $emblables proprietez. Or leur proportion peut e$tre connuë par la $aueur, qui e$t dou- ce au sãg, amere à la bile, fade au phleg- me, & aigre & picquãte dans l’humeur melancholique: Car l’experience fait voir que $i $ur vne chopine, ou $ur vne liure de quelque liqueur douce, l’õ ad- iou$te huict onces de liqueur fade, qua- tre de liqueur aigre, & vne d’amere, & qu’on fa$$e boüillir le tout auec vn feu moderé corre$pondant àno$tre chaleur naturelle, douce, & benigné, & plu- $to$t $emblable à l’elixation, qu’à l’a$- $ation, qu’il $e fera vne liqueur douce de ces liqueurs me$lées en$emble; par con$equent il $e doit trouuer vne telle proportion dans la ma$$e du $ang com- po$ée de doux, d’in$ipide ou fade, & d’amer ou d’aigre.

Cecy e$tant po$é, toutes les Con$o- nances des Pythagoriciens, qui $e trou- uent dans le nombre quaternaire, $er\-e- contrent au$$i dans le temperament d’vn parfait Mu$icien, car la double Octaue e$t d’vn à quatre, la Douzie$me [00511]Preludes de l’Harmonie. d’vn à trois, & l’Octaue d’vn à deux, la Quinte de deux à trois, & la Quarte de trois à quatre, de maniere que ce tem- perament e$t Harmonique.

Or ceux qui trouuent que le tempe- rament $anguin e$t le plus excellent & le pl<_>9 propre pour faire de beaux chãts, $oit que les chan$ons doiuent e$tre $an- guines & jouiales, ou bilieu$es & cho- leriques, ou melancholiques, tri$tes & phlegmatiques, di$ent que le tempera- ment $anguin e$t fait d’vne égale tem- perature des quatre humeurs $ur le$- quelles le $ang domine; de maniere que celuy qui aura ce temperament, $era comme neutre & $urnageant, & con$e- quemment capable de faire de beaux chants $ur toutes $ortes de $uiets: Mais le bilieux $e plai$t à vne Mu$ique bru$- que, $oudaine & aiguë, le melancholi- que à la graue & à la tri$te; ce qu’on re- marque à la Mu$ique du Caurroy, qui e$toit d’vn temperament melancholi- que. Ie $çay qu’il y a des Mu$iciens qui font & qui chantent toutes $ortes de chan$ons, bien qu’ils ne $oient pas $an- guins: Mais on peut dire qu’ils ont cet- te perfection, & ce$te inclination de [00512]Preludes de l’Harmonie. leurs ance$tres qui $e fait $ouuent voir à la troi$ie$me & quatrie$me generatiõ, ou que les influences des Cieux ont cõ- tribué à ce$te generation, & qu’elles fõt d’excellens Mu$iciens, Poëtes, Ora- teurs, Iuri$con$ultes, & c. de toutes $or- tes de temperamens. Nous pouuons neantmoins rapporter ce$te grande dif- ference d’e$prits au principe metaphy- $ique de l’indiuiduation, dont nous ne $çauons point d’autre rai$on, ou d’autre cau$e efficiente que la volõté de Dieu. Mais $i nous nous tenons dans les bor- nes & dans les regles des temperam\-es, nous pouuons dire que chaque Mu$i- que a $a perfection; par exemple, que la bilieu$e a la $ienne, $ans faire com- parai$on des vnes aux autres; car tel e$t rauy par vn chant melancholique, qui ne $e plai$t point aux chants gays, & ioyeux.

L’on peut au$$i partler du tempera- ment d’vn Mu$icien, $uiuant les prin- cipes de l’Alchymie (encore que ie ne veuille pas icy di$puter de la verité de $es principes) car le $el répond à la ter- re, & à la melancholie: c’e$t pourquoy l’A$ne e$tant melancholique au qua- [00513]Preludes de l’Harmonie. trie$me degré, a plus de $el, de froid, & de $ec, qu’il n’a des autres principes; Au cõtraire le Lion e$t bilieux au me$- me degré: car il a plus de feu & de $oul- phre: le Loir e$tant d’vn temperament humide, & froid, a plus d’eau & de mer- cure, & la Perdrix e$tant $anguine, a vn temperament chaud & humide, dautant qu’elle a plus d’air, & de $oul- phre.

Mais pour parler des hommes à pro- portion, il faut remarquer que comme il ya quatre $ortes d’humeurs & de t\-e- peramens dans les hommes, que cha- que temperament peut e$tre encore di- ui$é en trois degrez: par exemple le bi- lieux peut auoir vn, deux, ou trois de- grez de bile, dont l’vn tient plus de la nature du feu en $on excez: le $econd en $a mediocrité, & le troi$ie$me en $a remi$$ion, ou en $on affoibli$$ement, le- quel aproche du temperam\-et $anguin, comme le troi$ie$me degré du $anguin e$t proche du premier degré du phleg- matique, & le troi$ie$me du phlegma- tique e$t qua$i le premier du melãcho- lique.

Cecy e$tant po$é, nous pouuons dire [00514]Preludes de l’Harmonie. que le temperam\-et le plus propre pour la Mu$ique e$t le $ulphureux temperé de parties égales de Mercure, & de Sel, pourueu que le $oulphre $oit en plus grande quantité, ou du moins qu’il ayt vne plus grande vertu, afin que le tem- perament de celuy qui doit auoir vne tres-excellente voix, $oit analogue, & proportionné aux chordes des in$tru- m\-es qui $onnent mieux, & dont on v$e $ouu\-et, à $çauoir aux chordes de letõ, & d’acier: c’e$t pourquoy les trompettes $ont d’airain, afin de rendre vn $on plus clair, plus éclattant, & plus agreable. Quant au Mercure, & au phlegme, il rend la voix ca$$e, $ourde & foible, cõ- me l’on void en ceux qui ne viuent que de poi$$on, lequel e$t froid, & humide: & le $el, ou la terre la rend trop $eiche, & trop rude, comme il arriue aux la- boureux, & aux autres ouuriers qui $e nourri$$ent d’aliments fort gro$$iers. Voila vne bonne partie de ce que l’on peut dire du temperament du Mu$i- cien, par les principes de la Medeci- ne, & de l’Alchymie: mais l’experi\-e- ce nous fai$ant voir d’excellents Mu$i- ciens de toutes $ortes de temperam\-ets, [00515]Preludes de l’Harmonie. ic ne croy pas que toutes ces rai$ons preuuent autre cho$e que la foible$$e, & les tenebres de l’e$prit humain.

Les A$trologues $e promettent de pouuoir trouuer ce temperament en e$tabli$$ant le theme, ou la po$ition du Ciel, $ouz laquelle doit nai$tre le Mu- $icien pour e$tre parfait en $on art: mais nous auons mon$tré cy-deuant qu’ils $e trompent, au$$i bien que les Phy$io- nomes, & les Chiromanciens, qui di- $ent que ce Mu$icien auroit vne certai- ne configuration de vi$age, & certaines lignes dans les mains, qui $ignifiroient $a perfection en l’art de Mu$ique.

Neantmoins i’ay voulu rapporter ce que l’on peut dire $ur ce $uiet, afin que l’on voye iu$ques où $e porte l’imagina- tion des hommes, & que l’on recõnoi$- $e le men$onge, & l’erreur.

COROLLAIRE I.

L’on peut adiou$ter 4. auttes hu- meurs, dont parle Auicenne, aux pre- cedentes, à $çauoir celle qui n’a point de nom, laquelle n’e$t autre cho$e que le $ang, qui $’approche de la partie du [00516]Preludes de l’Harmonie. corps, qui doit e$tre nourrie. La 2. e$t appellée _ro$ee_, qui n’e$t autre cho$e quo la precedent, qui $ort des veines ca- pillaires pour arr o$er ladite partie; & lors que cette ro$ee commence à $’atta- cher à la partie, qui $e nourrit, elle e$t nommé©e _glus_, ou _colle_; & finalement elle $’appelle _cambium_, quand elle $e change en la partie: de $orte que les Mede@ins appellent ces 4. humeurs, _innominatus, ros, gluten & cambium_, qui $uiuent les 4. premieres, dont $e fait la ma$$e du $ang.

Or ils tiennent que toutes les e$peces de fiéure hectiques s’attachent à ces 4. dernieres humeurs, & que la 4. e$pece, qu’ils appellent _mara$mel_, cõ$omme en- tierement la chaleur naturelle, & l’hu- mide radical, qui $e rencontre particu- lierement dãs la derniere de ces 4. $e- condes humeurs.

Quant aux 4. premieres, il e$t euid\-et que chacune a $a fiéure particuliere, qui e$t cõtinue $ans rela$che, lors qu’el- le e$t dans le $ang, comme elle e$t quo- tidienne dans le phlegme, tierce dans la bile, & quarte dans la melancholie. Ie lai$$e vne infinité de differentes fié- [00517]Preludes de l’Harmonìe. ures, qui $ont engendrées par le mélan- gé de ces 4. humeurs, & tout ce que l’on peut dire de l’idio$yncra$ie des Mu- $iciens, parce que ie ne voy pas que par cette voye l’on pui$$e determiner aucu- ne chò$e du temperament qu’ils doi- uent auoir pour e$tre parfaits en leur art, qui dépend le plus $ouuent de l’é- ducation, de la longue habitude, & du grand trauail. Neantmoins l’on peut lite ce qui e$t dit de cette idio$yncra$ie, dans la 559. page des Comm\-etaires $ur le texte de la Gene$e.

COROLLAIRE. II.

Il e$t tre$-ay$é de conclurre de tout le di$cours precedent, que le tempera- ment, & les humeurs ne dominent pas tellement à la rai$on, qu’elle ne demeu- re dans $a liberté, & qu’elle n’en pui$$e $urmonter les vices, & les imperfectiõs, car il e$t au$$i ay$é de corriger le tempe- rament, ou l’inclination, qui porte au larrecin, ou à quelqu’autre mauuai$e action, comme il e$t ay$é au Mu$icien melancholique de compo$er des chãts, & des airs gays; ce qu’il fait par les re- [00518]Preludes de l’Harmonie. gles de l’art, qui arment la rai$on con- tre le $ens, & l’e$prit contre le tempe- rament. Or l’art de bien viure a des regles qui $ont du moins au$$i bien e$ta- blies que celles des compo$itions de Mu$ique, & qui donnent vne $i grande lumiere à la rai$on, qu’èlle peut $urmõ- ter toutes les mauuai$es habitudes des humeurs, dautant que les regles dont elle v$e, viennent de Dieu, qui adjou$te la force de $a grace, & de $on a$$i$tance à la clarté de fes loix; dont on peut ex- pliquer ce ver$et du P$alme 4. _Signatum_ _e$t $uper nos lumen vultus tui domine, dedi-_ _$ti lætitiam in corde mea._

QVESTION V. Quelle deit e$tre la capacité, & la $cience d’vn parfaict Mu$icien.

LE s $ciences ont iuré entr’elles vne inuiolable $ocieté, il e$t qua$i im- poilible de les $eparer, car elles $ouf- frent plufto$t que l’on les déchire; & $i quelqu’vn s’y opinia$tre, $on trauail ne luy en arrache que des lambeaux im- [00519]Preludes de l’Harmonie. parfaicts & confus. Elles ne viennent pourtant pas toutes en$emble, mais el- les $e tiennent tellement par la main, qu’elles $e $uiuent d’vn ordre naturel qu’il e$t dangereux de changer, parce qu’elles refu$ent d’entrer autrem\-et où elles $ont appellees. Et l’experi\-ece fait voir que quand on en veut retenir vne par force, qu’elle demeure tou$iours tournée du co$té des autres, & qu’elle les appelle au $ecours, en mépri$ant tel- lement celuy qui luy fait viol\-ece, qu’el- le ne daigne pas $eulement luy donner vne œillade agreable. De là vient que plu$ieurs $e $ont tourmentcz en vain, qui ne $çachans à qui s’en prendre, $e $ont accu$ez eux me$mes, plu$to$t que le de$ordre qui les a reduits aux termes de n’auoir iamais peu obtenir les bon- nes graces de Minerue. Neantmoins il n’e$t pas nece$$aire de les affectionner toutes égallement, car peu de gens y reü$$i$$ent, d’autant que la vie des hom mes e$t trop courte pour vne telle en- trepti$e; de là vient que la plu$patt de ceux qui s’y $ont engagez, ne les ont qua$i peu reconnoi$tre, tant s’en faut qu’ils ayent eu loi$ir de penetrer leurs [00520]Preludes de l’Harmonie. my$teres, & les $ecrets de leur plus $ou- ueraine beauté. Ce qui a fait iuger aux plus adui$ez, qu’il e$toit plus à propos d’en choi$ir vne particuliere $elon $on inclination, en faueur de laquelle l’on peu$t inuiter toutes les autres, comme compagnes in$eparables.

Et veritablement il $eroit à de$irer que chacun en v$a$t de la $orte, c’e$t à dire qu’apres les teintures vniuer$elles des $ciences, l’on s’appliqua$t à la partie que l’on affectionne le plus. Il y a lõg- temps que la Philo$ophie $eroit en vn degré bien haut, $i nos deuanciers, & nos peres eu$$ent mis cecy en pratique; & nous ne perdrions pas le temps aux premieres difficultez, qui $e pre$entent maintenãt au$$irigoureu$es qu’auxpre- miers $iecles qui les ont remarquées. Nous aurions l’experience des Pheno- menes a$$eurez, qui $eruiroient de prin- cipes à vn $olide rai$onnement: la ve- rité ne $eroit pas $i piofondém\-et aby$- mée; la nature auroit quitté la plu$pare de $es enuelopes, l’on verroit les mer- ueilles qu’elle cõtient dans tous $es in- diuidus: la lumiere $eroit au$$i claire à l’ent\-edement, qu’aux yeux: les o deurs, [00521]Preludes de l’Harmonie. odeurs, les $aueurs, & toutes les quali- tez $en$ibles $eroient au$$i familieres à l’e$prit, qu’aux pui$$ances qui en $ont capables: & nous aurions vn comman- dem\-et $i ab$olu $ur les $ens, & $ur l’har- monie, qu’ils $eroient flexibles à toutes nos pen$ées.

Or ie ne $uis pas le premier Autheur de ces plaintes, il y a long-temps qu’el- les $e font oüir, & qu’elles re$onnent dans la bouche de tout le monde, quoy que per$onne n’y remedie, car encore que l’on en reconnoi$$e bien la faute, nul ne la veut reparer: & l’entendem\-et de l’homme preuenu du de$ir, & de l’ã- bitiõ de tout $çauoir, $e de$tourne d’vn attachement particulier pour écumer le general au$$i vi$te que les autres, dau- tant que l’vnique appas de $on e$tude e$t l’eclat, qu’il ne trouue pas dans la re- cherche des principes, qu’il iuge diffi- cile, & trop vetillarde: Et bien qu’ils $oient la retraitte de la verité, la de$- cente en e$t trop $cabreu$e: la plu$part des hommes $ont bien ai$es de trouuer œuure faite, mais peu $ y veulent appli- quer, & plu$ieurs croyent que cette re- cherche e$t inutile, ou ridicule: au$$@ [00522]Preludes de l’Harmonie. toute l’antiquité en a-elle à peine trois ou quatre, qui n’ayent eu ces con$ide- rations, & qui n’ay\-et méprisé ces plain- tes. Pour moy ie ne veux pas les faire en vain, c’e$t pourquoy ie me joints volontiers au moindre nombre que i’e- $time le meilleur, & le plus vtile: ceux qui ne manqueront pas tout à fait de rai$on, iugeront $i i’en ay eu, & $i mes $peculatiõs ont adiou$té quelque cho- $e à la perfection de la Mu$ique, que i’ay particulierement embra$$ée, enco- re que ie l’aye rencontrée fort impar- faicte. Sí quelqu’vn a la me$me affe- ction, il en pourra tirer plus de profit que moy: car il la trouuera dãs vn meil- leur ordre, & auec plus de grace, pour- ueu qu’il la con$idere dans l’idee que i’en trace icy gro$$ierem\-et, laquelle luy apprendra les cho$es qui $ont nece$$ai- res à cette $cience, que nos peres ont re- ueree, comme diuine. De là vi\-et qu’ils ont accu$é de $acrilege ce ux qui la pro- fanoient: il y reconnoi$tra $es ornem\-es & $a beauté, laquelle empe$chera de- $ormais qu’elle $oit mépri$ée: il $çaura les lieux d’où elle les emprunte, & les moyens qu’elle tient pour s’en parer, [00523]Preludes de l’Harmonie. afin que la po$$edant auec toutes’$es circon$tances, il la rende digne des loüanges de Dieu.

I’entends donc par la Mu$ique, _la_ _$cience des $ons & de l’harmonie_, pour la- quelle ie de$ire premierement que le Mu$icien ait de l’inclination, car on ne reü$$it guere aux cho$es qui ne plai$ent pas. Il faut au$$i qu’il ait vn e$prit $ub- til, & docile, parce que les difficultez y $ont ab$tru$es, & qu’il faut apprendre de plu$ieurs. Il doit e$tre pa$$ablement ver$é aux lettres humaines, cõme $ont la Grammaire, la Rhetorique, l’Hi- $toire, & la Chronologie, & particu- lierement en la Poë$ie, car les vers $ont principalement faits pour chanter: la Grammaire polit les paroles, la Rheto- rique leur pre$te $es figures & $es mou- uemens; les fables l’enrichi$$ent, & Phi$toire leur donne de l’authorité: & puis il e$t bien $eant à vn homme d’ho- norable profe$$ion, de $çauoir quels ont e$té les inuenteurs de la Mu$ique, les beaux effects que l’Antiquité en a ad- mirez, & la di$tinction des temps au$- quels ces cho$es $ont auenuës, ce qu’il apprendra de la Chronologie: car ou- [00524]Preludes de l’Harmonie. tre que cela e$t ab$oluëment nece$$aire à tout homme qui embra$$e les lettres à quelque de$$ein que ce $oit, elles rele- ueront la Mu$ique, & mettront le Mu- $icien d’autant plus en credit, que l’on verra $a $cience mieux appuyée de tou- tes les connoi$$ances, dont les hommes ont tou$iours fait vn particulier e$tat: au lieu qu’ayant e$té, comme on la void encore à pre$ent, reduite à la routine de trois ou quatre mi$erables accords, accompagnez $ouuent d’vne voix de- $agreable, & mercenaire, elle e$toit de- uenuë cõme vne abiecte Mene$triere, n’ayant point $ouuent d’autre retraite que parmy les cho$es qui $eruent aux infames plai$irs.

Ie de$ire encore qu’il $oit con$ommé en toutes les parties de la Philo$ophie, à $çauoir dans la Dialectique, dans la Phy$ique, dans la Morale, & dans la Theologie, car $ans l’intelligence des principes, des di$tinctions, & des analy- $es, le bon rai$onnement luy manque, $ans lequel il ne peut auoir la connoi$- $ance des cho$es naturelles, qui luy e$t tellement nece$$aire, que $ans elle il n’entendra iamais la nature du $on, veu [00525]Preludes de l’Harmonie. qu’il $e tire au$$i differemment de tou- tes $ortesde corps, qu’eux me$mes $ont differents, comme du bois, des metaux, des pierres, & des autres matieres dont on fait les in$truments; à quoy $eruent au$$i les diuers temperam\-es, & les qua- litez de l’air, & des autres cho$es liqui- des, qui $ont le vehicule du $on & de la voix. D où l’on peut ai$ément conclu- re, qu’il e$t obligé à la $peculation de toutes les cho$es naturelles, à $çauoir des corps $en$ibles, & des in$en$ibles en toutes leurs differences, non $eulem\-et $elõ la Phy$ique, mais au$$i $elon la Me- decine, dont il doit apprendre quelles $ont les organes de la voix, quelles en $ont les maladies, & commeilla faut con$eruer, & la guerir.

Et parce que $on principal de$$ein con$i$te à adoucir les pa$$ions, à rame- ner les e$prits à la droice rai$on, & à ex- citer les affections de $es auditeurs à la pieté, & au $eruice diuin, comment en viendra-il à bout $ans la Morale, & $ans la Theologie, dont la premiere luy ap- prend les diuers mouuemens de l’e$prit $en$itif, & du rai$onnable, & l’autre luy [00526]Preludes de l’Harmonie. en$eigne les cho$es qui $eru \-et à la louã- ge de Dieu, qui par commandement expres l’a voulu receuoir des hommes en ce$te maniere.

La nece$$ité qu’a la Mu$ique des $up- putations, & des rai$ons quila con$ti- tuent, l’attachent in$eparablement aux Mathematiques, qui outre cela luy fourni$$ent la nature des reflexiõs pour le redoublement des $ons, & pour le re- tenti$$ement des voix, c’e$t pourquoy elle a droit d’ordonner des ba$timens propres aux concerts: ce qui l’oblige encore à l’Architecture, & par con$e- quent à la Pourtraicture, tant pour ce- la, que pour de$$eigner les nouueaux in$trum\-es que le Mu$icien peut inuen- ter en corrigeant les vns, & adiou$tant aux autres, & pour ordõner des grot- tes, & des machines hydrauliques, & pneumatiques, qu’il rendra capables de toute $orte d’harmonie.

Il e$t donc eertain que pour acquerir la perfection de la Mu$ique, il n a rien que l’e$prit ne doiue mettre en be$on- gno de toutes les cho$es qui $e peuuent $çauoir & pratiquer: & bien qu’il $oit tres-difficile que ce$te perfectiõ $e ren- [00527]Preludes de l’Harmonie. contre dans vne me$me per$onne, il e$t neantmoins à propos que l’on connoi$- $e par ce de$$ein, en quoy elle con$i$te, afin que l’on ta$che d’en approcher le plus que l’on pourra; & que ce$te $cien- ce ne $oit plus $i mépri$ée comme elle a e$té iu$ques à pre$ent; mais qu’e$tant couronnée de toutes les fleurs quiluy appartiennent, elle $oit honorée $elon $a beauté, & capable d’entrer chez les Princes & les Roys, & finalem\-et qu’el- le $oit digne d’e$tre pre$entée au Sou- uerain Autheur de toutes cho$es.

QVESTION VI. A $çauoir $ile $ens de l’ouye doit e$tre le iuge de la douceur des $ons, & des concerts, ou $i cet office appartient à l’entendement.

CEtte que$tion n’a pas e$té meuë d’aujourd’huy, elle a donné de la peine aux plus grands hommes du mõ- de, comme à Pythagore, Platon, Ari- $toxene, Ptolomée & à plu$ieurs au- tres, dont les vns ont deferé le iuge- [00528]Preludes de l’Harmonie. ment des $ons à la $eule rai$on, les au- tres aux $ens, & les autres ont conioint le $ens à la rai$on. Ceux qui di$ent que le $ens de l’oüie doit e$tre le iuge de la Mu$ique, $’appuyent $ur ce rai$onne- ment. Si l’office, di$ent-ils, de iuger des $ons appartenoit à l’ame raisõnable, ou à la rai$on, elle iugeroit tou$iours de la me$me façon, d’vn me$me concert, & tous les hommes trouueroient les con- certs d’vne me$me bõté, car toutes nos ames $ont égales, n’y ay ant nulle autre difference entre les e$prits des hom- mes, que celle qui vient des organes, & du temperament vniuer$el de tout le corps, & du particulier, & $pecifique de chaque partie d’iceluy. Or le iugem\-et ne dépend point des organes, car quel- que mauuais temperament qu’on aye, la partie de l’ame que les Grecs appel- lent γ{οῦ}ς, (qui e$t à l’entendement ce qu’e$t la $plendeur à la lumiere, & à la $yndere$e, ce qu’e$t le Pilote au Naui- re) iuge tou$iours équitablement, com- me nous experimentons aux propo$i- tions vniuer$elles de la Philo$ophie na- turelle, & de la Morale, car tous leshõ- mes du monde auoüent que le bien e$t [00529]Preludes de l’Harmonie. aimable; qu’il faut fuyr le mal, que l’e- $tre vaut mieux que le non e$tre; qu’il e$t nece$$aire que Dieu $oit tres-par- faict; que rien ne $e peut faire $oy-me$- me; que ce’qui e$t limité & finy, a e$té fait; que l’ordre e$t plus excellent que le de$ordre, & mille autres $emblables propo$itions, qui $ont reconuës vniuer- $ellement par tout le monde, $ans qu’il $oit nece$$aire de les apprendre. Il’fau- droit donc au$$i quand les cõcerts $ont bons, que tous ceux qui les entendent, les iugea$$ent bons; ce qui n’arriue pas, car ce qui plai$t à l’vn, déplai$t à l’autre. Il y en a me$mes à qui les bruits confus plai$ent dauantage que les con$onan- ces, & qui ayment mieux entendre le bruit des Canons, ou le bourdonnem\-et des mou$ches, que la plus grande-dou- ceur des meilleurs concerts. De dire que l’on doit e$timer ces hommes. là barbares & brutaux, & maintenir qu’ils n’ont pas l’e$prit bien faict, ce n’e$t pas répondre, car nous ne $çauons pas $i au contraire ils ont l’e$prit $i excellent & $i $ubtil, que le peu de perfection qu’il y a dans nos concerts les ble$$e, ou $i c’e$t quelque particuliere perfectiõ de trou- [00530]Preludes de l’Harmonie. uet les di$$onances au$$i bonnes, ou meilleures que les con$onances; $ui- uant le dire ou le prouerbe commun, à $çauoir, que ce qui e$t rare e$t excel- lent; il e$t donc incertain $i on les doit appeller mon$tres d’imperfection, ou prodiges de perfection, car on n’a point encorc demon$tré que l’e$prit qui e$t tellement proportionné aux di$$onan- ces, & aux $ons a$pres, & rudes qu’il s’y pui$$e plaire, ne $oit pas $i excellent que celui à qui les $ons aigres, & les di$cords déplai$ent: & comme ce qui e$t a$pre $ignifie $ouuent vne grande chaleur, on pourroit dire que l’e$prit qui $e plai$t à l’a$preté & à la rude$$e des $ons, a vne grande viuacité & vne grande force. Ie ponrrois confirmer l’excellence de ces e$prits en rapportãt pour exemple, quelques-vns de mes amis que ie $çay ne prendre nul plai$ir à l’harmonie vo- cale, ou in$trum\-etale, encore qu’ilsay\-et bon e$prit, qu’ils $oient d’vn bon tem- peram\-et, & plains d’vne $i grande dou- ceur en leurs mœurs, & en leur conuer- $ation qu’elle e$t preferable aux plus douces harmonies.

D’abondaut ceux qui joüent du luth, [00531]Preludes de l’Harmonie. ou de la viole, nous di$ent que la quin- te qui e$t iu$te $elon la rai$on, n’e$t pas $i agreable que quand elle e$t affoiblie: & l’orgue me$me ne $uit pas la rai$on de la quinte du monochorde: de $orte qu’il faudroit que la quinte du $ens fut moindre que celle de l’entendement; & ceux qui$uiuent les rai$ons, & qui $e cont\-etent de la Theorie de la Mu$ique, confe$$ent que la quinte du $ens & des in$trumens e$t fort agreable, & qu’elle ne cede point à celle qui e$t pre$crite par les nombres qui $eruent d’idées à la rai$on. En troi$ie$me lieu, les $ons ne $eruent pas d’object à l’e$prit, mais à l’oreille, car la verité & les cho$es intel- lectueles, & vniuer$elles $ont le propre object de l’entendement, comme les cho$es corporelles, materielles, & par- ticulieres, le $ont des $ens exterieurs, or il appartient à chaque faculté de iu- ger de $on obiect, de là vient qu’on dit que l’entendement e$t des cho$es vni- uer$elles, & les \-es des particulieres, cõ- me $ont les interualles des $ons. En ef- fect nous experimentons en rai$onant, que l’entendement n’a point de pro- pres e$peces des sõs, ny des autres cho- [00532]Preludes de l’Harmonie. $es $en$ibles, ce qui fait qu’il n’en di$- court qu’en general, en leur appliquant quelques idées & notions vniuer$elles, qu’il prend d’ailleurs, ou qui luy $ont données dés le moment de $a creation: & qu’apres auoir bien trauaillé à la re- cherche de la nature, & de l’e$$ence des cho$es particulieres, il e$t contraint d’a- uoüer qu’il ne $çait rien, ou tout au plus qu’en general & confu$ément, & doit tou$iours recourir & de$cendre à ceq@@ luy font connoi$tre les $ens, à qui la rai- $on e$t redeuable de ce qu’elle com- prend, comme elle témoigne aux mala- dies & indi$po$itions qui arriuent aux $ens, e$tant contrainte de rendre hom- mage àl’oreille àl’œil, & c. & de demeu- rer oy$eu$e au$$i long-temps ccmme elle e$t priuée de leur $ecours.

D’ailleurs nous voyons que ceux qui ont perdu l’e$prit, ou qui n’en ont ia- mais eu, comme les fols, & les idiots, iu- gent de la Mu$ique, & $e plai$ent plus aux con$onances, qu’aux di$$onances, & neantmoins il $emble qu’ils ne $e $er- uent que des $ens, puis qu’ils n’ont ia- mais eu l’v$age de la rai$on: au$$i n’a on peu dõner de definition aux con$onan- [00533]Preludes de l’ Harmonie. ces & aux di$$onances, qu’en l’appre- nant du $ens & non de la rai$on, car nous di$ons que la con$onance $e fait de deux $ons qui $e font en me$me t\-eps & qui $ont agreables à l’oüie, & que la di$$onance $e fait de deux autres $ons qui $ont de$agreables à l’oreille: & quãd on concederoit que le $ens exterieur de l’oüie ne peut iuger des $ons, neant- moins ce iugement appartiendroit à l’i- m@gination, qui e$t au$$i bien dans les be$tes que dans les hommes, car com- me l’ame $en$itiue a $es $entim\-es exte- rieurs, qu’elle exerce par le moyen des organes vi$ibles, au$$i a elle $es actions interieures, dont l’vne e$t le di$cerne- ment, l’approbation, ou le iugem\-et des obiects $en$ibles qui luy $ont agreables, ou de$agreables $elon le rapport, ou la di$proportion qu’elle a auec eux. Car pui$que chaque e$pece d’appetit re- quieit vne connoi$$ance de me$me g\-e- re, & que les animaux ont l’appetit $en$itif, par lequel ils $e plai$ent, ou $e fa$chent de ce qui leur e$t vtile, & de- lectable, ou de ce qui leur nuit, & leur déplai$t, il e$t nece$$aire qu’ils ayent vne connoi$$ance & vne lumiere qui [00534]Preludes de l’ Harmonie. $oit proportionnée à leur appetit, qui ne peut apperceuoir $on obiect, ny $e porter vers luy par amour, ou par de$ir, ou $e re$ioüir de $a po$$e$$ion, s’il n’e$t conduit & éclairé par la lumiere de l’i- magination, dont elle a plus grand be- $oin que les pieds n’ont be$oin des yeux pour marcher a$$eurément.

Nos Mu$iciens, ou ceux qui compo- $ent les chan$ons, ou les moters, nous confirment cette opinion, n’ayant au- tre rai$on à alleguer pourquoy ils v$ent d’vn pa$$age, d’vne cõ$onance, ou d’vn interualie plu$to$t que d’vn autre, que de dire qu’ils ont trouué que ces pa$$a- ges $ont agreables à l’oüye: iugeans $eu- lement par la connoi$$ance des $ens, ou de l’imagination: & $’il $e rencontroit quelqu’vn à qui la tierce mineure, ou maieure, ou la $econde, & la $eptie$me fu$$ent plus agreables que la quinte, ou l’octaue, il faudroit dire, nonob$tant quelque rai$on & Theorie qu’on eu$t, que les premiers interualles $eroi\-et des con$onances plus agreables que les $e- condes en comparai$on de celuy à qui celles là plairoient dauantage. Ce qui arriue peut-e$tre à plu$ieurs animaux, [00535]Preludes de l’ Harmonie. & à plu$ieurs hommes, dont les e$prits $ont tellem\-et di$po$ez, qu’ils reçoiuent plus de contentement d’e$tre meus, ou alterez de la r\-econtre des $ons qui font nos di$$onances, & d’entendre les in- terualles que nous iugeons incapables d’entrer dans l’harmonie, qu’ils n’en re- çoiuent du chatoüillement que font nos con$onances: ce qu’on a remarqué de quelqu’vn qui preferoit le hanni$$e- ment des cheuaux à la Mu$ique.

Que $’il y en auoit plu$ieurs à qui la me$me cho$e arriua$t, $ans doute nous trouuerions des rai$ons pour prouuer que ce que nous appellons maintenant di$$onance, deuroit e$tre appellé con- $onance, ce qui fait veoir que la rai$on $uit le iugement des $ens, & qu’elle $e ploye comme on veut pour $’accomo- der à eux, comme fai$oit la regle Le$- bienne à toutes $ortes de lignes, & d’ou- urages, car $i la rai$on regloit les $ens, il faudroit qu’elle tint ferme comme la regle de Polyclete, & que nous fi$- $ions tou$iours le me$me iugement d’v- ne me$me cho$e, pendant qu’elle de- meure en me$me e$tat, ce qui n’arriue pas $ouuent.

[00536]Preludes de l’ Harmonie.

Ceux au contraire qui tiennent que l’entendement e$t le $eul iuge, di$ent qu’en renuer$ant toutes ces rai$ons leur opinion $’e$tablit d’elle me$me: Car il e$t bien certain qu’à celuy qui a perdu l’v$age de la rai$on, tous les $ens $ont inutiles pour iuger, & que c’e$t $e fein- dre vne $tatuë de bronze, qu’vn hõme $ans entendement, qui le fait $eul e$tre homme. Car de dire que les hommes iugeroient tous de me$me façon d’vn me$me concert, $i le iugement depan- doit de la rai$on, parce que nos ames $ont égalles, & que le iugement ne dé- pend point des organes, comme l’on experimente aux propo$itions de la Philo$ophie naturelle & morale, c’c$t argumenter $ophi$tiquement: Car le iugement pour iuger des cho$esvniuer- $elles n’a que faire des $ens, non plus que le Iuge pour e$tre bon Iuge n’a que faire d’Auocats, ny de Procureurs, car pour cela il luy $uffit d’auoir le cha- ractere de Iuge, & la con$tante & per- petuelle volonté de rendre à vn chacun ce qui luy appartient: mais pour iuger le di$ferent d’entre Titius, & Meuius, il a be$oin d’vn Aduocat qui l’in$trui$e [00537]Preludes de l’ Harmonie. de leur different, & des moiens qu’ils ont chacun pour obtenir leur int\-etion, & des Procureurs pour cõduire la cau- $e, & propo$er lesdemãdes, & les deffen- ces $elon les formes v$itées: au$$i pour iuger de ce concert, ou de cet autre, le iugement a be$oin que l’on luy rappor- te quel e$t ce concert, ou cet autre: $ur ce rapport il fait $on iugem\-et, & ce rap- port $e fait par le $ens parfait.

Quant à ceux que l’on dit qui ne $e plai$ent point à la Mu$ique, ou qui $e plai$eru plus à d’autres bruits qu’aux con$onances, cela vient de ce qu’ils n’ont iamais donné d’accez à la Mu$i- que dans leur e$prit, ny a$$ez d’att\-etion pour la gou$ter, ayant l’e$prit occupé à d’autres pen$ées, & remply d’autres de- $irs, le$quels ne lai$$ent entrer dans l’a- me aucune cho$e qui n’y contribuë, cõ- me ceux qui $ont échauffez à la guer- re, ou ceux qui $ont acharnez au gain, & enclins à l’auarice, ou ceux qui voient pãcher $ur eux quelque grande perte, ou ruine, ne s’émeuuent pour aucun $on, $i les vns n’entendent vn ca- non, vn tambour, ou hãnir vn cheual, les autres compter de l’argent, le s au- [00538]Preludes de l’ Harmonie. tres s’ils n’ent\-edent quelque autre con- fu$ion: & ce qu’ils entendront contrai- re ou nõ, qui ne contribuerapoint à leur pa$$ion, ne leur touchera nullement l’e$prit, & n’en feront aucun iugement: ce qui mon$tre que c’e$t $eulement la rai$on qui iuge, puis qu’il faut plu$to$t que la rai$on $oit $aine, & non malade pour iuger, que le $ens, lequel quoy que $ain ne peut iuger, $i la rai$on e$t malade: la plus agreable Mu$ique du $oldat $era donc le $on des tambours, & des Canonades: de l’auare, le $on de l’ar- gent, du ma$$on, le bruit des marteaux: de l’Apothicaire ou parfumeur, le $on des mortiers de $a boutique: du meu- nier, le claquet de $on moulin: de l’A- uocat, la confu$ion d’vn barreau: du menui$ier & du charpentier, le coup de maillet, & le bruit de la $cie, parce qu’ils ont tous l’e$prit porté là. Mais $i quel- quefois l’e$prit $e met en repos, & qu’il quitte, ou qu’il remette $es pa$$ions à vn autre temps, $i la Mu$ique $e pre- $ente, il la lai$$e entrer doucement, & s’en trouue touché in$en$iblem\-et. L’\-e- pire de la rai$on e$t $i grand $ur les $ens, qu’elle les rebutte quand il luy plai$t, [00539]Preludes de l’ Harmonie. & leur empéche d’apperceuoir ce qu’ils $entiroi\-et. Ce que cõ$iderãt quelques- vns ils l’õt e$timée vne diuinité racour- cie, & vn ray@@ de la rai$on Archetype, qui fait dans le corps humain ce que Dieu fait dans le monde, ce qui e$t ve- ritable en quelque façon, car elle porte l’image de la Diuinité, & commande au corps comme à vn petit mõde, mais il y a en effect des differ\-eces au$$i gran- des comme du finy à l’infiny.

Il faut done confe$$er que la rai$on e$t nece$$aire pour iuger de la nature, & de la difference des $ons, comme Pto- lomée a prouué dans le premier cha- pitre de $onpremier liure de la Mu$ique contre les di$ciples d’Ari$toxene qui donnoient trop au $ens, bien qu’il leur faill@ accorder quelque cho$e en ce $u- iet, afin qu’ils agi$$ent coniointement aucc la rai$on, comme il mon$tre au$$i contre l’aduis des di$ciples de Pyta- gore.

Or il e$t $i veritable que la rai$on e$t nece$$aire pour iuger des sõs, que nous ne pouuons connoi$tre $ans $on ayde, $i ce que nous oyons doit e$tre appellé $on, ou concert: car les animaux, à qui [00540]Preludes de l’ Harmonie. nous $erions $emblables, & qui nous $e- roient égaux, $i nous n’auions la rai$on, ne font point de reflexion $ur les actiõs, ou les pa$$ions de leurs $ens exterieurs, ou intetieurs, & ne $çauent ce que c’e$t que couleur, odeur, ou $on, ny s’il y a quelque difference entre ces obiects, au$quels ils $ont plu$to$t emportez, qu’ils ne s’y port\-et eux-me$mes; ce qui $e fait par la force de l’impre$$ion que les obiects differents font $ur leurs or- ganes, & $ur leurs $ens, car ils ne peu- uent di$cerner $’il e$t plus à propos d’al- ler boire, ou manger, que d’aller faire autre cho$e, & ne boiuent, ne mãgent, ny ne font autre cho$e, que quand la pre$ence des obiets, ou l’imagination brutalle les nece$$ite, & les tran$porte à leurs obiets, $ans qu’ils pui$$ent re$i- $ter à telles impre$$ions, & $ans qu’ils connoi$$ent @@ qu’ils font, $oit bien, ou mal, ce qui nous arriueroit comme à cux, $i nous e$tiõs de$tituez de la rai$on, car ils n’ontde lumiere que ce qu’il leur en faut pour prendre leur nourriture, & pour nous $eruir aux v$ages au$quels Dieu les a de$tinez.

Il faut donc conclurre nonob$tant les [00541]Preludes de l’ Harmonie. rai$ons precedentes qui combattent en faueur des $ens, que la rai$on & l’oüie $ont nece$$aires pour iuger de l’harmo- nie, & du different des $ons; ce qui $e fait neantmoins auec telle condition, que l’oüie reçoit toutes les affectiõs des $ons, le iugement de$quels e$t re$erué à la rai$on, de qui elle tient la iu$te$$e des con$onances, des interualles, & c. mais la rai$on emprunte de l’oüie ce qu’elle auoit reçeu deuãt, & $e cõtente d’apro- cher de la verité des interualles, & des termes du graue, de l’aigu & des autres proprietez & differences des $ons par l’\-etremi$e de l’oreille, afin detrouuer en $uite les vrais interualles, & les ex actes differences des $ons par la force du rai- $onnement, & par les differentes com- parai$ou@ qu’elle fait des vns auec les autres.

En effect, c’e$t la rai$on qui recher- che les cau$es du mouuem\-et & du $on: le $ens n’en reçoit que l’impre$$ion, dõt la rai$on doit iuger, puis qu’elle en con- $idere les cau$es & la nature, & qu’elle e$t $imple, & vniuer$elle, n’épou$ant que laverité, quelque part qu’elle la r\-e- contre: mais les $ens $ont $uiets à toute [00542]Preludes de l’ Harmonie. $orte d’alterations, & de changemens, & $e trompent facilement à cau$e du mouuem\-et & du flus perpetuel de leur matiere, s’ils ne $ont conduits & main- tenus dans l’ordre par la rai$on. De là vient que comme l’œil prend le cercle qu’on fait par hazard $ans compas, pour vn cercle parfait, quand il approche de la perfection, iu$ques à ce que la rai$on en fa$$e vn parfait, qui fait paroi$tre le défaut & l’imperfection du premier, que l’oüie croit $emblablement que les interualles con$onants, ou di$$onants $ont paifaits, quand ils approchent de la perfection, mais elle e$t contrainte de confe$$er leur imperfection, quand la rai$on donne les parfaits, car il e$t plus facile de iuger de cette perfection que de la trouuer, comme il e$t plus facile de iuger d’vn combat, que de combat- tre, ou de la cour$e, que de courir, & c. Or encore que les $ons s\-eblent iuger de la veritable difference des cho$es qui leur $eruent d’obiect, & qu’ils ne $e trõ- pent pas de beaucoup, quand ils con$i- derent de cõbien les parties $e $urmon- tent lors qu’elles $ont grandes & en pe- tit nombre, neantmoins ils $e trõpent, [00543]Preludes de l’ Harmonie. & la rai$on ne $e doit iamais fier à eux, puis qu’elle recõnoi$t l’erreur toûjours plus grande, quand les parties $ont plus petites & en plus grand nombre: car plus elles $ont petites, moins elles $ont remar quables: par exemple, quand on propo$e vne ligne droite, le $ens iuge $i vne autre e$t plus lõgue ou plus cour- te, en les comparant, & les appliquant l’vne à l’autre, ou en les diuisãt en deux parties égales, ou en les doublant & fai- $ant $eulement vne comparai$on pour cet effect; que s’il la faut tripler ou di- ui$er en trois, il e$t plus difficile, d’au- tãt qu’il faut faire deux comparai$ons, de $orte que les differences $ont dautãt plus difficiles à e$tre remarquées que les diui$ions, & les partics $ont en plus grand nombre, particulierement quand il faut cont\-epler les parties vne à vne, comme il arriue à la proportion $eptuple, ou au nombre diui$è en $ept, qui n’a point de moitié, à cau$e qu’il e$t impair, & qu’il ne contient nulles par- ties qui nous en rendent la connoi$$an- ce plus ai$ée, comme $ont les parties du nombre 8, dont nous trouuons faci- lement la moitié, & puis la moitié de [00544]Preludes de l’ Harmonie. la moitié, de $orte que nous n’auons que faire de con$iderer la huictie$me partie, ou la rai$on octuple, mais $eule- ment les moitiez de plu$ieurs nombres inegaux, à $çauoir les moitiez de 8. de 4. & de 2. qui nous menent iu$ques à l’vnité: mais c’e$t tou$iours la rai$on qui iuge, car $i c’e$toit le $ens exterieur il faudroit qu’il iugea$t ou deuant que d’auoir $enty, ou en $entant, ou apres auoir $enty: de iuger auparauant, il e$t impo$$ible, car _de {ij}s quæ non $unt, & non_ _apparent idem iudicium_. De iuger en $en- tant, il e$t impo$$ible, car tout iuge- ment $e doit faire par reflexion, & la reflexion pre$uppo$e vn ordre de t\-eps, il faudroit donc qu’il iugea$t apres, or $urquoy iugeroit-il apres, veu qu’il n’a rien de pre$ent, & qu’il manque de me- moire & d’imagination. Ce n’e$t donc pas le $ens exterieur qui iuge, ny l’inte- rieur, que l’on appelle _$ens commun_, pource que les me$mes inconueniens luy arriueroient qu’au $ens exterieur, il s’en$uit donc que c’e$t la rai$on $eule qui iuge. Or $i l’on applique à l’ouie ce qui a e$té dit des nombres & de la veuë, qui di$cerne facilem ent quand vne li- [00545]Preludes de l’ Harmonie. gne e$t double, ou $ouz double d’vne autre ligne, il faut conclurre que com- me la veuë, ou la rai$on iugeant des cho$es vi$ibles, a be$oin d’vne regle pour iuger $i vne ligne e$t parfaitement droite, & d’vn compas pour iuger exa- ctement du cercle, & de $es parties, que l’oüie a be$oin de certain@s regles pour e$tablir les parfaites differ\-eces des $ons, leurs interualles, & tout ce qui leur ap- partient, car l’oüie n’e$t pas plus $ubtile, ny plus habile que la veue, qui $ur pa$$e tous les autres $ens par la promptitude & l’excellence de $on action.

Laregle, dont $e $ert la rai$on pour dre$$er les $ons, & pour trouuer exacte- ment les interualles & leur difference, $e doit appeller Regle, ou _Canon_ harmo- nique, car ce$t l’office du Mu$icien de con$eruer ou de trouuer les rai$ons de ladite regle, qui s’accord\-et aucc l’oüie, $uiuant le $entiment de la plus grande partie des hommes; comme celuy de l’A$tronome e$t de con$eruer, ou d’e- $tablir les hypothe$es des mouuemens cele$tes, apres auoir ob$erué tous les Phenomenes qui paroi$$ent ordinaire- ment.

[00546]Preludes de l’Harmonie.

Car il appartient aux hommes $ça- uans qui employent leur vie, & leur c$tude à la contemplation, de mon$trer que les œuures de la nature $ont bi@n ordonnées, & qu’il n’y a rien qui $oit confus, ou qui $e fa$$e par hazard, par ticulierement dans ce qui concerne la veuë & l’oüie, qui approchent plus de la rai$on, que les autres $ens & qui nous $eruent pour apprendre les $ciences, & pour loüer, contempler & admirer les œuures de Dieu, & l’excellence, & la grandeur de l’ouurier.

Quant aux autres obiections qui $e font en faueur de l’oreille, ou des autres $ens, elles font $eulem\-et voir que l’oüie e$t nece$$aire pour la Mu$ique, dautãt qu’il faut que les $ons aillent à l’e$prit par $on moien: mais $i to$t qu’il les a cõ- nus, il les regle, & rejette ceux qui $ont contre la rai$on, & qui l’offen$ent, & admet ceux qui $ont $uiuant la rai- $on harmonique, & en fait vn art, & ne $e contentant pas de cela, il cherche les cau$es pour le$quelles certains inter- ualles luy $ont conuenables, c’e$t à dire plus agreables que les autres; ce qu’il fait $i parfaitement, qu’il $e nece$$ite [00547]Preludes de l’Harmonie. luy-me$me d’auoüer que $on di$cours e$t veritable: comme lors qu’il dit, que ce qui e$t plus $imple, & mieux ordon- né e$t plus facile à comprendre que ce qui e$t compo$é & confus; de là vient qu’il e$t plus facile de diui$er vne ligne en deux parties égales qu’en trois, ou en cinq, & c. dautant que deux e$t plus $imple que trois, & c. & que l’on com- prend mieux la figure d’vn quarré, que d’vn heptagone, & que, pour ne $ortir de no$tre $uiet, vn chant $imple fait $eu- lement de trois ou quatre tons, $e com- prend mieux, qu’vn plus diuer$ifié. Ie $çay neantmoins que l’e$prit e$t quel- quefois plus content lors qu’il contem- ple quelque cho$e de plus difficile, cõ- me l’heptagone, que quand il con$ide- re le triangle, ou quelqu’autre figure plus $imple, & plus facile, donti’expli- que la rai$on dans vn autre lieu.

Il faudroit maintenant répondre à chaque objection que i’ay faite pour prouuer que les $ens doiuent e$tre les iuges de leurs obiects, mais chacun le peut faite, car il $uffit d’auoir répondu en general.

[00548]Preludes de l’Harmonie. QVESTION VII. A $çauoir s’il e$t expedient d’v$er du genre Chromatic, & de l’Enharmonic, ou $i l’on doit $e content@r du Diatonic; & $i l’on peut reduire œs trois genres en Pratique.

CEux qui n’ayment pas la nouueau- té, & qui me$urent toutes cho$es à leur capacité, & à l’experience, tien- n\-et qu’il n’e$t pas po$$ible, ou du moins qu’il n’e$t pas expedient de chanter En- harmoniquement, pui$que l’v$age e$t contraire, & que tous les $iecles ont fait voir que le genre Diatonic e$t $uf- fi$ant pour chãter tout ce que l’on veut. Et $i Timothée, qui e$toit le plus $ça- uant Mu$icien de $on temps, fut banny de $on pays pour auoir adiou$té vne nouuelle corde aux in$trumens, ils peuuent dire que ceux là doiuent e$tre bannis plus loing, qui veulent intro- duire le genre Enharmonique, puis que cela ne $e peut faire $ans introduire l’v- $age de plu$ieurs cordes, qui ne $ [00549]Preludes de l’Harmonie. point $ur les in$trumens, & dont les voix n’v$ent pas.

Car $i la doctrine de Socrate e$t veri- table, la tranquillité des Republiques, & la paix, & la guerre dependent tello- ment des cordes, ou des $ons de la Mu- $ique, que les loix $ alterent au change- ment des cordes, & des tons, dont les vns con$eruent la temperance, & les bonnes mœurs, & les autres introdui- $ent le vice, le luxe, & les déreglem\-es, qui font à la fin dechoir, & perir les Re- publiques.

Mais la meilleure rai$on $e prend de la nature, qui ne donne pas les degrez de la Chromatique, ou de l’Enharino- nique, comme ceux de la Diatonique. Car la trompette ne fair pas le $emiton mineur, nv la die$e Enharmonique, comme elle fait les tons & le $emiton majeur; & les degrez de ces 2. genres ne viennent pas de la difference des Con$onances, comme font les degrez Diatoniques, qui $eruent à pa$$er d’v- ne con$onance à l’autre; ce qui prouue que ces $euls degrez $uiuent l’intention de la nature, qui approuue les $euls de- z, qui $eruent pour pa$$er aux con- [00550]Preludes de l’Harmonie. $onances, & particulierement à l’vni$- $on, comme à la plus grande perfection de la Mu$ique.

D’ailleurs, puis que la Mu$ique e$t vn ieu d’e$prit, & qu’elle a e$té inuen- tée pour la recreation, & pour preparer l’ame à de plus hautes pen$ées, & à des $peculations plus $erieu$es, elle ne doit pas e$tre $i difficile qu’elle donne trop de peine & de trauail aux auditeurs au- trement elle les rendroit ineptes aux exercices plus difficiles, & plus releuez, qui doiuent $uiure immediatement apres; or le degré Enharmonique ne peut e$tre compris $ans vne grãde con- tention d’e$prit, dautant qu’il con$i$te dans la comparai$on de 125 à 128. qui e$t $urtriparti$$ante cent vingt cinq, & con$equemment fort difficile à conce- uoir.

Et $i l’on veut trauailler vtilement, il vaut beaucoup mieux employer le t\-eps à la @echerche des cho$es qui peuuent $eruir au bien du public, ou des parti- culiers, qu’aux degrés Enharmoniques, qui $ont inutiles, & qui $eroient peut- e$tre, cau$e que pour 7. ou 8. heures que les Chantres, & les ioüeurs d’in$trumõ@ [00551]Preludes de l’Harmonie. employent tous les jours à chanter la Mu$ique, ils en perdroient pour le moins deux fois autant.

Et puis ces petits degrez Chromati- que, & Enharmoniques $ont $i char- mans, & $i la$cifs qu’ils enerueroient le courage des auditeurs, comme l’on peut iuger par les $emitons majeur@, qui approchent de leur delicate$$e, & de leur mole$$e, & par le trop frequent v$age de la Mu$ique, qui rend les hom- mes la$ches, & effeminez; de là vient qu’il $uffit de dire qu’vn homme e$t Mu$icien pour le decrediter, l’experi\-e- ce ayant mon$tré que cette $orte d’e- xercice rend qua$i l’homme inutile, & in epte à toute $o@te de vertu.

Il faut neantmo@ns conclurre qu’il e$t expedient, & nece$$aire d’v$er de ces 3. genres, pour chanter in$tem\-et, & pour tiouuer tous les degrez Diatoniques tant con$onans, que di$$onans, com- me il $era facile de conclurre, apres auoir con$ideré les tables, qui contien- nent tous les degrez de ces 3. genres, & leur v$age.

Or ceux qui reiettent le genre Chro- matic, & l’Enharmo@@c, ne los enten- [00552]Preludes de l’Harmonie. dent pas, car tous les demitons qui $e font hors du propre lieu, où $e rencon- tre le demiton majeur Diatonique de MI à FA, appartiennent au g\-ere Chro- matique. Quant aux degrez Enhar- moniques, l’explication de$dites tables fait voir qu’ils $ont nece$$aires pour trouuer les con$onauces iu$tes en plu- $ieurs endroits de la main, ou de l’éche- le de Mu$ique, & du clauier des Or- gues, & des Epinettes.

Car encore que le temperament des Orgues, & des autres in$truments approche $i pres de la iu$te$$e des ac- cords, qu’il ne ble$$e pas l’oreille, qui $ouffre ay$ém\-et les quintes diminuées, & les quartes augmentées des in$tru- mens, l’on n’en reçoit pourtant pas tant de contentem\-et que $i tous les accords e$toient parfaits.

Et quand il n’y auroit point d’autre contentement que celuy de l’e$prit, qui contemple la rai$on des con$onances, & des di$$onances, il e$t a$$ez grãd pour faire embra$$er ces 3. genres, & pour prouuer que la con$ideration n’en e$t pas inutile.

Mais c’e$t vne cho$e e$trange que l’on [00553]Preludes de l’Harmonie. ne peut e$leuer les Pratici\-es à la rai$on, dontils fuyent la lumiere, comme les hiboux fuyent les rayons du Soleil, par- ce qu’ils ont $i grande peur que l’on ne découure leur ignorance, qu’ils ayment mieux bla$mer larheorie, & dire qu’el le e$t inutile, & qu’elle ne $ert de rien à la pratique de la compo$ition, que d’en embra$$er la verité, qui $urpa$$e autant la pratique, que leCiel $urpa$$e la terre.

Or malgré qu’ils en ayent, ils v$ent $ouuent du demiton mineur dans leurs chan$ons, particulierement quand ils montent de la premiere note du troi- $ie$me mode par degrez conioints, iu$- ques à la Quarte, car ils hau$$ent le _fa_ qui fait la Tierce mineure contre le _re_, d’vn demiton mineur, par le moyen de la Die$e, afin que le chant en $oit meil- leur, & que le _re_ fa$$e la Tierce maieu- re contre le dit _fa_. Ils en v$ent encore toures & quantesfois qu’ils pa$$ent de la Tierce mineure à la maieure, & de la $exte maieure à la mineure.

Mais afin qu’ils comprennent plus ay$ément la nece$$ité de ces 3. genres, il faut remarquer que les interualles Chromatiques, & Enharmoniques, [00554]Preludes de l’Harmonie. ont $eulement e$té inuentez pour ay- der aux Diatoniques; & que l’õ ne peut trouuer toutes les con$onances iu$tes contre chaque note, ou corde Diato- nique, $oit auec les voix, ou $ur les in- $trumens, $ans l’ayde de ces degrez Chromatiques, & Enharmoniques, comme l’onverra $i clairement dans les 3. tables qui contiennent ces 3. genres, qu’il n’e$t pas nece$$aire de nous arre- $ter plus long - temps $ur ce $uiet.

I’adiouteray $eulement que la Theo- rie de ces genres ne $eroit pas inutile, encore qu’ils ne peu$$ent $eruir à la pra- tique, ni aux compo$itions, d’autant que la perfection de l’entendement ne con$i$te pas dans la Pratique. Mais dans la contemplation; & que ce qui rombe dans la Pratique, e$t beaucoup moins excellent, que ce qui n’y peut tomber, car encore que Dieu $oit admirable dãs la creation des e$ties corporels, & des intellectuels, il e$t neantmoins plus ad- mirable infiniment dans la contempla- tion de $oy- me$me, c’e$t à dire, de l’E- $tre $ouuerain, qui ne pe ut e$tre fait ni @oduit en pratique; & les bi\-e heureux receuront vne plus grande perfection, [00555]Preludes de l’Harmonie. & vn plus grand contentement en con- templant ce qu’ils ne peuuent faire, & ce qui ne peut tomber $ouz la pratique, qu’en con$iderant ce qui e$t dans leur pui$$ance, ou dans celle de Dieu.

De là vient que la Theorie e$t plus excellente que la pratique, qui n’e$t au- tre cho$e que le plus gro$$ier, & le plus materiel de la Theorie, & dont la plus grande perfection n’arriue pas iu$ques au degré le plus bas de la $peculation, de $orte que la pratique e$t à l’égard de la Theorie, ce que la terre e$t au regard du Ciel, & ce que les creatures $ont au re$pect du Createur. Car celle- la dé- pend de celle-cy, comme le rayon dé- pend du Soleil, la chaleur du feu, l’ar- tizan, & le ma$$on de l’architecte, l’i- mage de $on prototype, & les e$tres ma- teriels des idées éternelles.

Il e$t impo$$ible que les $ons, ou les concerrs apportent quelque degré de perfection à l’e$prit, s’il ne les épure premierement par la rai$on, & $il ne les dépoüille de leur matiere, pour les trã$porter dans le Royaume des e$tres intelligibles, & dans l’e$tat de leur per- fection.

[00556]Preludes de l’Harmonie.

Mais il n’y a nulle rai$on, dont il ne tire quelque auantage, & quelque nou- ueau degré de l’vmiere, qui luy peut $eruir de degré pour monter à la Sou- ueraine lumiere, & à la rai$on indepen- dente, dont il attend $a derniere perfe- ction.

L’on peut donc conclurre de ce di$- cours, que la connoi$$ance de ces trois genres, & de leurs rai$ons e$t plus ex- cellente que toute la pratique de la Mu$ique, & con$equemment qu’il en faut plus faire d’e$tat, pui$que les cho- $es n’ont point de plus grãde excellen- ce, ny me$me de plus grande vtilité à no$tre égard, que celles dont elles per- fectionnent la plus noble partie de no- $tre e$tre, à $çauoir l’entendement, pa@ lequel nous $ommes en quelques ma- niere égaux aux Anges, & $emblables à Dieu.

Mais ces pen$ées, & ces idées $ont peut - e$tre trop $ubtiles pour entrer dans l’e$prit de ceux qui preferent le corps à l’e$prit, la terre au Ciel, l’vtile à l honne$te, la pratique à la Theorie, & les $ons materiels à leurs rai$ons: c’e$t pourquoy ie lai$$e cette con$ideration [00557]Preludes de l’Harmonie. pour rèpondré aux rai$ons contraires, dont la premiere e$t fondée $ur ce que l’on ne peut v$er du genre Enharmoni- que dans les chan$ons; Mais ie fais voir ailleurs que l’on $’en peut $eruir, & qu’il e$t entierement nece$$aire pour les cõ- po$itions ordinaires, que l’on appelle Diatoniques.

Quant à Timothée, il faut croire que l’hi$toire en e$t fabuleu$e, ou que ceux qui l’ont écrite, ont entendu quelque nouuelle loy, qu’il vouloit introduire contre la cou$tume receuë, & approu- uée, car les Anciens v$ent $ouuent d’Enigmes, & de metaphores pour ex- primer leurs pen$ées. Or comme il ne faut qu’vne $eule corde di$$onãte pour ga$ter vn concert entier, de me$me la $eule propo$ition, ou l’introduction d’v- ne nouuelle loy, qui renuer$e la cou$tu- me des peuples, e$t capable de faire dé- choir les Republiques, & de perdre les Royaumes, & les Empires, qui $ont e$tablis $ur l’vni$$on que fait la volonté du peuple auec celle du Prince. Ce que l’on peut confirmer par l’experien- ce de plu$ieurs nations, qui $e $ou$le- uent, lors que l’on veut leur impo$er [00558]Preludes de l’Harmonie. quelque nouuelle loy, ou cou$tume, qui leur $emble $i di$$onante, qu’ils ont plus de peine à l’endurer que n’ont les Mu$iciens à $ouffrir des di$cords dans l’harmonie: quoy que le temps, les oc- ca$ions & la nece$$ité le requierent, & qu’il arriue $ouuent que les nouuelles loix, & les nouuelles cou$tumes r\-edent les E$tats, & les Royaumes plus flori$- $ants, plus $tables, & plus pui$$ants, cõ- me il arriue que les di$$onances & les fau$$es relations rendent la Mu$ique plus agreable, & plus charmante, lors que l’õ en v$e à propos, & aux endroits qui donnent autant de graces aux con- $onances qui precedent ou qui $uiuent, que l’ombre donne de lu$tre à la lumie- re, ou aux couleurs.

Mais comme l’on experimente que les Mu$iciens qui n’õr autre rai$on que leur fanta$ie, & quelque vieille routi- ne, qu’ils ont appri$e de leurs mai$tres, $ont tellement preuenus de l’authorité, ou de la cou$tume, qu’il n’y a plus de place dans leur e$prit pour la rai$on, & qu’ils bla$ment certains pa$$ages, à rai- $on qu’ils n’en o$ent pas v$er, ou qu’ils ne les $çauent pas employer comme il [00559]Preludes de l’Harmonie. faut, quoy qu’ils enrichi$$ent grande- ment la compo$ition, & qu’ils $oient iu- gez tres-excellens, & receuz pour des raretez de la Mu$ique par ceux, $ur qui la rai$on, & la demõ$tration ont plus de force que la cou$tume; de me$me l’on experimente que le peuple qui ne re- garde qu’à fes pieds, & à ce qui e$t ap- parent, n’appro@@e pas pour l’ordinaire ce qui va contre $on $ens, & ce qui $em- ble combatre la cou$tume, quoy qu’il $oit vtile, ou nece$$aire pour le bien ge- neral du public, & que ceux qui gou- uernent l’e$tat, dont l’e$prit penetre iu$ques au futur, & les con$eils, & re$o- lutions $’e$tendent par toute la Repu- blique, comme les rayons du Soleil par tout le monde, pour con$eruer & aug- menter la gloire, & la $plendeur des E$tats, iugent qu’il e$t expedient de changer quelques cou$tumes, & de fai- re de nounelles loix, qui ne $ont pas moins v@@es, ou nece$$aues au bien pu- blic, que los pluyes, la neige, la glace, & les von@s à laterre, quoy que les orages épouuantent les vignerõs, & les labou- rours, qui ne $ont pas a$$ez experimen- tez, ou qui n’ont pas a$$ez de iugement [00560]Preludes de l’Harmonie. pour preuoir qu’il n’arriuera autre cho- $e de ce temps, qui leur $emble $i rude & $i fa$cheux, que l’abondance de tou- tes $ortes de fruits, dont ils auront apres $uiet de leuer les mains auCiel pour be- nir l’Eternel, qui fait nai$tre de $i agrea- bles accords, de $i rudes di$$onances, qui fait reü$$ir des $ai$ons $i e$tranges à de $i grands biens, & qui tire tant de graces, & de benedictions, pour les ré- pandre $ur nous, dece qui $embloit atti- rer $a malediction $ur nos te$tes.

En effect quand nous trouuons à re- dire aux differentes rencontres, qui ar- riuent aux bons & aux mauuais, & aux afflictions, & douleurs, dont les gens de bien $ont atteints, tandis que les mé- chants pro$perent, nous $ommes $em- blables à la lie du peuple, quiiuge $ini- $trement des actions de ceux, dont il doit $uiure la conduite, & dont il ne peut rai$onnablement attendre qu’vn heureux $uccez, $’il a tant $oit peu de patience.

Car il faut croire que Dieu e$tant vn tres-bon Pere ne prend iamais les ver- ges pour nous cha$tier, que ce ne $oit tou$iours pour nous rendre meilleurs, [00561]Preludes de l’ Harmonie. & plus riches en vertus, & pour $eparer nos affections des cho$es mortelles, & peri$$ables, afin de les porter, & de les attacher à l’ Immuable, & à l’Eternel, & qu’il n’employe nulles di$$onances dans le grand cõcert de toutesles crea- tures, qui toutes chantent $es loüan- ges, chacune à $a façon, que ce ne $oit pour rendre l’harmonie qui en re$ulte, plus charmante, & plus parfaite.

Or puis que les chordes qui $eruent aux di$$onances ne rõpent pas, & $ouf- frent auec au$$i peu de contrainte d’en e$tre le $ujet, comme font les chordes qui $eruent aux con$onances; & qu’el- les $emblent témoigner ce contente- ment par leurs petits $auts, & tremble- mens, il e$t rai$onnable que tout hom- me $e $ou$mette tres- volõtiers, & auec contentement à la conduite de la pro- uidence Diuine, & qu’il reçoiue égale- ment de $a tres-iu$te main les di$$onan- ces des aduer$itez, & des maladies, & les con$onances des pro$peritez, & de la $anté: ce qui e$t tres-ay$é à faire, $i l’on penetre plus auant dans le de$$ein de Dieu que ne fõt ceux qui cherchent $eulement les douceurs, & les plai$irs [00562]Preludes de l’Harmonie. de ce monde, dont la pratique, & l’ex- perience leur agrée dauantage que la $peculation.

Mais ceux qui $ont plus $çauans, & qui $’e$tudient à la Theorie de la volon- té de Dieu, & de $es de$$eins, dans le$- quels ils entrent $ouuent, comme dans le $ouuerain Sanctuaire; & dont ils $or- tent apres auec des $atisfactions d’e$- prit qui ne peuuent e$tre expliquées de la langue des hommes, $ont au$$i con- tents de $ouffrir que d’agir, & d’e$tre le $uiet, ou l’obiect des di$graces du mon- de, que de $es faueurs, parce qu’ilsre- connoi$$ent que Dieu les gouuerne, & qu’il les a de$tinez pour cette partie de l’harmonie vniuer$elle, tandis qu’il cõ- duit le concert à $a fin, c’e$t à dire à l’o- ctaue, & à l’vni$$on de la gloire eternel- le, qu’il donnera à tous ceux qui auront bien tenu leur partie, & qui $e $eront contentez du lieu qui leur a e$té donné par le $ouuerain Mai$tre du grãd chœur de l’vniuers.

Quant à la doctrine de Socrate, il la faut prendre au me$ine $ens; car tant $’en faut que le g\-ere Chromatic, & l’En- harmonic bãni$$e les vertus, puis qu’ils [00563]Preludes de l’Harmonie. $ont propres pour la contemplation des cho$es cele$tes, & pour le raui$$ement, & que le genre Diatonic demeure im- parfait $ans leur a$$i$tance, comme l’on verra dans des di$cours particuliers.

La quatrie$me obiection e$t, ce $em- ble, plus difficile que les precedentes, car il e$t vray que le degré Enharmoni- que, c’e$t à dire la Die$e, ne $ert pas or- dinairement pour pa$$er d’vne con$o- nance à l’autre, dautant qu’elle n’en e$t pas la differ\-ece. Quant au degré Chro- matique, à $çauoir au demiton mineur, il e$t la difference des deux Tierces, & des deux Sextes, c’e$t pourquoy il le faut receuoir comme necc$$aite, puis que l’on pa$$e de la moindre de ces con- $onances à la plus grãde, & que la voix en v$e $ouuent, tant aux $imples recits, qu’aux compo$itions à plu$ieurs voix.

Pour la Die$e, encore qu’elle ne pro- cede pas de la difference des con$onan- ces, comme le degré Chromatique, neantmoins elle e$t la difference du de- mitõ maieur, & du mineur, & $ert pour trouuer les con$onances iu$tes aux en- droits du clauier des Orgues parfaictes, qui ne f’y pourroient pas rencontrer [00564]Preludes de l’ Harmonie. $ans elles. Mais ie parleray plus ample- ment de cette Die$e au di$cours des de- grez qui $ont nece$$aires à la Diatoni- que, ou dans celuy de toutes les manie- res, dont on peut pa$$er d’vne con$o- nance à l’autre: & bien que ce degré fu$t au dela de ce que fait la nature, il ne faudroit pourtant pas le reietter, puis qu’elle reçoit plu$ieurs or nemens, & perfections de l’art.

Il n’e$t pas be$oin de parler icy du Comma, qui e$t la difference du ton maieur & du mineur, puis qu’il ne $ert que pour trouuer les con$onances iu- $tes aux endroits où elles $eroient im- parfaites, & pour o$ter la nece$$ité du temperament de l’Orgue, & des au- tres in$trumens: de là vi\-et que les deux $ons, & les deux touches, qui ne$ont éloignées que du Comma, ne doiuent e$tre conté@s que pour vne me$me tou- che, & pour vn me$me$on, & con$e- quemm\-et qu’il n’y a que 16. $ons, chor- des, ou touches differ\-etes dans le $y$te- me parfait, à proprement parler, pui$- que dans l’Octaue qui commence par F, le $econd G, e$t pris pour le premier; & que dans celle qui commence parC, [00565]Preludes de l’Harmonie. le $econd D, e$t pris pour le premier, comme ie fais voir ailleurs dans l’ex- plication de ces deux Octaues.

La cinquie$me obiection prouue plu- $to$t qu’il faut admettre les petits in- terualles du genre Enharmonique, & me$me ceux de tous les autres genres que l’on peut inuenter, puis qu’elle e$t appuyée $ur le ieu de l’e$prit, qui con- $i$te à connoi$tre toures les rai$ons po$- $ibles. Quant à l’oreille, il $uffit qu’el- le $oit $atisfaite de la perfection des cõ- $onances, qui ne peut $e r\-econtrer $ans le genre Enharmonique; & ie croy que les Compo$iteurs aduoürõt librement que la perfection de tous les accords (qui $ont diminuez, ou augmentez, $ur les in$trumens ordinaites) recompen$e abondamment la difficulté que l’on prend pour la Die$e Enharmonique, qui peut grandement enrichir la Mu$i- que, $i l’on en v$e dextrement.

Toutesfois $i les Praticiens cr@@gnent que l’v$age du genre Enharmonic les la$$etrop, & les rende ineptes à la $pe- culation des autres cho$es plus $erieu- $es, ou que leurs occupations ne per- mettent pas qu’ils comprenneur la de- [00566]Preludes de l’Harmonie. licate$$e de ce genre, ils $ont libres de nes’en $eruir pas, & peuuent quitter la Mu$ique pour vaqu\-er à des $peculatiõs plus releuées: quoy qu’il ne $oit nulle- ment nece$$aire de les exhorter à cela, puis que tant s’en faut qu’ils vueillent contempler des veritez plus excellen- tes, puis qu’ils ne recherchent $eule- ment pas les rai$ons de ce qu’ils font dans leurs compo$ition.

Mais cette obiection ne combat nul- lement ceux qui v$ent de la Mu$ique, comme d’vn doux repos pour $oulager leur e$prit, & pour les porter à la con- templation de l’harmonie Cele$te, qui $ert d’entretien aux bien-heureux, & qui la ioignent au labeur, comme les peintres ioignent les ombres auxcou- leurs, pour donner de la grace à leurs $peculations plus releuées, & pour re- tourner auec plus d’allegre$$e à leur trauail ordinaire.

En effect $i la Mu$ique doit $eruir à quelque v$age, & $i $a pratique a quel- que fin, elle n’en peutauoir de plus ex- cellente, apres la gloire de Dieu, qui e$t la derniere fin de toutes les cho$es po$- fibles, que la recreation des $çauans, [00567]Preludes de l’Harmonie. qui con$omment leur temps, & leur e$prit à la meditation des my$teres de la Religion, & à la recherche des rai- $ons, qui $eruent pour combatre tous ceux qui $’oppo$ent à la ve@té infailli- ble de no$tre Foy, & pour per$uader cet- te verité, & les vertus qui en depédent, à tout le mond@.

La derniere obiection $uppo$e la mauuai$e volonté de ceux qui abu$ent de la Mu$ique, & qui v$entà mauuais de$$ein des petits inter ualles Chroma- tiques, & Enharmoniques: cat le plai- $ir qui en reuient, e$t $i cha$te, & $i pur, qu’il faut e$tre plus effeminé que Sar- danapale pour $’en $eruir à des v$ages prophanes, & la$cifs: & l’on experi- mente que le bon v$age de la Mu$ique n’effemine pas les auditeurs, mais qu’il les rend plus polis, & plus vertueux, & que de fatouches qu’ils e$toient, ils de- uiennent plus courtois, plus doux, & plus accords, & con$equemment plus propres à toutes $ortes d’affaires.

De là vient que l’on dit qu’Orphée bati$ioit les villes auec les $ons de $on Luth, parce qu’il raui$$oit tellement les hommes, qui viuoient $eparez, par $es [00568]Preludes de l’Harmonie. di$cours, qui leur per$uadoit de demeu- rer en$emblé, & de faire des villes, & des citez pout leur retraite & pour leur $eiour: mais i’ay parlé plus amplement de ce $uiet dans vn di$cours particu- lier.

Quantà ce que l’on obiecte de l’inu- tilité des Mu$iciens ordinaites, que l’on appelle Mene$triers, dont plu$ieurs $e $eruent pour leur pa$$e-temps, il ne $ont pas bla$mables, puis qu’ils $e $er- uent de leur indu$trie pour entretenir leurs familles, car encore qu’ils ne $oi\-et pas $i vtiles que les autres arti$ans, on les peut neantmoins tolerer dans les Republiques, puis qu’ils ne font tort à per$onne, & que chacun peut receuoir quelque partie du plai$ir innocent, qui procede de leurs $ons, & de leur har- monie.

Quant à ceux qui $eruent à chanter les loüanges de Dieu, on ne $çauroit leur donner trop de loüange, puis qu’ils font l’office des Anges, & qu’ils repre- $entent le Paradis dans ce monde, & l’Egli$e Triomphante dans la Mili- tante.

C’e$t pourquoy ils peuuent auec tou- [00569]Preludes de l’ Harmonie. te a$$eurance de leur con$cience, pa$$er les iours & les nuicts à trouuer de nou- ueaux chants, & de nouueaux char- mes dans les trois genres de Mu$ique pour éleuer tous les mortels à la con- templation des cho$es diuines, & pour échauffer & embra$$er leur volonté du de$ir de la Ieru$alem cele$te, & de l’a- mour de Dieu, afin que toutes lés crea- tures, & particulierement la Mu$ique, nous $eruent de degré pour paruenir à la gloire eternelle, & pour nous vnir à celuy, dont nous e$perons toutes $ortes de biens, & de contentemens.

I’exhorte donc tous les Mu$iciens du monde à n’employer leurs compo$itiõs quà chanter les loüanges de Dieu, & à $’excit@r les vns les autres à le louer par ces paroles du Prophete Royal: _Ecce_ _nune ben@dicite Dominum omncs $erui Do-_ _mini, & c._ dont $e $eruoient vne partie des Leuites, pour aduertir les autres, tandis qu’ils pa$$oient les nuicts entie- res dans le Temple de Salomõ en prie- res & orai$ons: & que l’on peut expri- mer par cette excell\-ete Paraphra$e que l’vn de mes amis excellent Poëte, & Theologien a compo$ée.

[00570]Preludes de l’Harmonie.

Vous qui pa$$ez en heur tant de peuples diuers, Qui $eruez purement l’ Autheur de l’vniners, Er connoi$$iz la main qui lance le tonnerre, Fauoris du Seigncur, qui vous ouure les yeux, Venez chanter $a gloire, & $oyez $ur la terre Ce que pour le benir les Anges $ont aux Cieux.

Témoignez vo$tre ardeur vous en qui Dicu s’e$t Saints Mini$tres élcuz entre le peuple éleu, (pleu, Qui comme $es $olda@s veillez à $es portiques, N’en lai$$ez approcber $ilence ny $ommcil, Et portez ju$qu’au Ciel le bruit de vos Cantiques Tant que le $ein des eaux nous rende le Soleil.

Quand la nuict vient noircir les objects les plus beaux, C’e$t lors qu’il faut veiller auecque ces flambeaux, Dont les rayons dorez illuminent $es voiles, Et leuant tout en$emble, & vos yeux & vos mains Publier $a grandeur à l’enny des étoiles, Et vous rendre vn exemple au re$te des humains.

Que le Dieu tout pui$$ant qui forma tout de rien Qui cognoi$t le vray prix & du mal & du bien, Te prepare vn loyer digne de $a ju$tice, Qu’ vn bon-heur eternel réponde à tes ferueurs, Que quand tu le benis, luy-me$ine te beni$$e, Et donne à ton amour $es plus chcres fancurs.

[00571]Preludes de l’ Harmonie. QVESTION VIII. A $çauoir $i les chordes parfaitement, égal@s e$tant tirées d’vn mouuoment égal, on à vne force égale par les deux extremi- tez, ou par vne $eule extremité $e rom- proient, & par quel lieu elles $e rom- proient

IE $uppo$e qu’vne chorde d’or, d’ar- gent, de cuiure, de fer, ou de quel- que autre matiere que l’on voudra, $oit parfaitem\-et égale en toutes $es parties, il faut voir $i elle $e rompra, & par quel- le partie elle $e rompra.

Premierement, quelques- vns tien- nent que cette chorde ne peut e$tre rõ- puë, dautant qu’il ny a pas plus de rai- $on qu’elle $e rompe par vne partie que par vne autre; & adjou$tent que $i elle $e rompoit, il faudroit qu’elle $e diui$a$t en toutes $es parties. Ce qui ne peut arriuer, autrement il $e feroit vne diui- $ion d’vne infinité de parties; ce que ie veux expliquer par d’autres exemples, par le$quels l’on comprendra mieux [00572]Preludes de l’ Harmonie. ce que i’ay dit de la chorde.

Ie commence par vne boule de fer enferméeau centre de la terre, qui au- roit $on centre conioint audit centre, ou qui auroit $es parties égalementra- res, ou conden$es: Car bien que toute la terre fu$t vuide, & qu’elle n’eu$t que l’écorce de $a $urface, neantmoins ce fer ne pourroit monter en haut d’vn co$té ny d’autre, parce que n’y ayant point de rai$on pourquoy il monte plu- $to$t par vn co$té que par vne autre, il $eroit indiffer\-et, & ne pourroit quitter ce lieu, encore qu’il y eu$t e$té enfer- mé auec viol\-ece, & qu’il ny ait rien qui l’empe$che de monter.

Quelques-vns rapportent ce repos violent, & ce defaut du mouuement à la crainte du vuide, qui $e feroit au cen- tre de la terre, $i les parties du Globe de feu montoient toutes en$emble, ny ayant pas plus de rai$on qu’vne certai- ne partie commence $on mouuement, que quelqu’autre partie que ce $oit.

En effect nous voyons d’e$tranges ac- cidens dans la nature; qui arriuent pour empe$cher le vuide: comme quand vn pen de poudre enfermée dans vne mi- [00573]Preludes de l’ Harmonie. ne, ou dans vn canon, fait creuer les montagnes, & iette les ba$tions entiers par terre; ce que l’on peut rapporter à la fuite de la penetration, qui e$t au$$i contraire à la nature, ou du moins qui $urpa$$e autant $es forces, comme le vuide.

L’on peut rapporter plu$ieurs exem- ples $ur ce $uiect, car $i l’on fait chauffer vne bouteille vuide, & que l’on mette $on col dans l’eau, elle mont era dans la bouteille contre la proprieté qu’elle a de de$cendre, d’autant que quand l’air échauffé $ent le froid de l’eau, & d’vn autre air plus froid, il $e re$$erre, & $e conden$e, c’e$t pour quoy l’eau monte pour remplit le vuide que fait l’air, qui $e retire dans vn moindre lieu.

L’on rend la me$me rai$on des deux co$tez d’vn $oufflet parfaitement bou- ché, & fermé, lequel on ne $çauroit ouurir; de deux pieces de bois, de mar- bre, ou d’autre matiere parfaitement planes, le$quelles e$tant mi$es l’vne $ur l’autre ne peuuent e$tre $eparees, $i on les tire perpendiculairement, car on les peut $eparer par vn mouuement hori- zontal, auquel il n’y a nul peril du vui- [00574]Preludes de l’ Harmonie. de: des ventou$es, qui attirent la chair qui $’enfle, de peur que l’air échauffé ne lai$$e du vuide en $e conden$ant: des tonneaux, ou des bouteilles, qui ne perdent point leurs liqueurs, encore qu’elles $oient ouuertes en bas, dautant que s’il en tomboit quelque goutte, il $e feroit du vuide au fond du vai$$eau, parce que l’air ne peut $ucceder. Quoy que s’il $e fait quelque rarefaction dans la liqueur, il en peut $ortir quelque par- ties, $ans qu’il $oit be$oin que l’air y en- tre.

Il y a mille autres effects que l’on peut attribuer au de$ir que la nature a defuir le vuide, ou au de$ir quelle a que $es parties $oient vnies, dont l’experience $e void aux tuyaux courbez de verre, de fer, ou d’autre matiere: Car $i l’on me@ l’vne de leurs extremitez dans vn étãg, dans vn tonneau, dans vne fontaine, & c. & que l’autre extremité de dehors $oit plus ba$$e que la liqueur de dedans, $i to$t que l’on aura tité la liqueur auec la bouche, ou que l’on aura remply le tuyau d’vne $emblable liqueur, ou de telle autre que l’on voudra, le $iphon coulera perpetuellement in$ques à ce [00575]Preludes de l’ Harmonie. qu’il ayt épui$é l’e$tang, la fonteine, & me$me toute la mer, pourueu que l’on aye vn lieu plus bas qu’elle, pout la faire écouler, & $ortir de $a place.

Ce qui peut $eruir à ceux qui $ont $e- parez p@r des rochers, & des monta- gnes, ou par quelqu’autre empe$che- ment, dont les vns ont vne fontaine, ou vn puis, & les autres n’en ont point, car ceux qui ont l’eau, la peuuent com- muniquer aux autres par vn canal, qui pa$$e par de$$us, ou par de$$ouz l’empe$- chement. Mais ie reuiens aux chordes que quelques-vns tiennent ne pouuoir e$tre rompuës e$tant tirées également par les deux bouts, quãd elles $ont par- faitement égales, quoy que les Anges y employent toute leur force.

L’on peut encore icy rapporter l’ex\-e- ple de l’eau, & de la terre, car $i ces deux élemens e$toient où $ont les nuées, ils ne pourroient reuenir dans leur lieu, $’ils e$toi\-et di$po$ez en voûr @ $i tou- tes leurs pa@ ties e$toient égales, & éga- lement éloignées du centre du monde, parce qu’il n’y auroit point de rai$on pour laquelle vne partie d’eau, ou de terre de$cendit plu$to$t l’vne que l’au- [00576]Preludes de l’Harmonie. tre: C’e$t pourquoy quelques-vns di- $ent que les Anges pourroient changer l’ordre de l’vniuers, $i Dieu le leur per- mettoit, bien qu’ils ne $e $erui$$ent que de leur force naturelle, car ils pour- roient mettre le feu, ou les Cieux au centre du monde, & au lieu de la terre, puis l’air, l’eau, & la terre au de$$us, cõ- me l’on peut conclure de ce que nous auons dit iu$ques à pre$ent: par con$e- quent il $emble qu’il e$t plus difficile de rõpre la moindre chorde d’vne épi- nette, ou le moindre filet e$tant égal en toutes $es parties, qu’il n’e$t difficile de renuer$er tout le mõde; ce qui $em- ble encore plus probable, quãd la chor- de e$t circulaire, car toutes $es parties re$i$tent également, comme toutes les parties d’vne $phere concaue de verre, laquelle ne poutroit e$tre rompuë, en- core qu’elle fut tres-déliée, & tres- mince en toutes $es parties, & qu’elle contint toute la poudre à canon, qui a iamais e$té faite, car cette poudre e$tãt enflammée égalem\-et, & frappant éga- lement toutes les paities de la boule concaue de verre, ne pourroit la rom- pre, $i elle ne la rompoit dans vne in fi- [00577]Preludes de l’Harmonie. té de parties, ce qui n’e$t pas po$$ible. Mais il faudroit nece$$airement que la violence fu$t également appliquée à toutes les parties en me$me in$tant, ou moment, autrem\-et la chorde circulai- re, & les autres corps di$po$ez en rond $e romproient par le lieu le plus pre$$é, & le plus violenté.

Le 3. exemple $e prend d’vn globe parfait de telle pe$anteur que l’on vou- dra, lequel tombant d’vne hauteur dõ- née $ur vn verre parfaitement plan, ne le pourroit rompre, $’il ne le rompoit en vne infinité de parties, & plu$ieurs croyent que la rai$on pour laquelle les cho$es pe$antes vont en bas, & les lege- res en haut, & que toutes les actions naturelles des $imples, ou des mixtes $e font par vne ligne droite, $e prend de ce qu’il ny a que la ligne droite qui $oit determinée, dautant qu’elle e$t la plus courte de toutes les po$$ibles.

De là vient que les facultez qui nous $eruent pour cognoi$tre les objects, cõ- me e$t l’\-etendem\-et desAnges, & des hõ- mes, la fantai$ie, & les $ens exterieurs, (& la cognoi$$ance naturelle des mix- tes, & des élements, $’ils ont quelque [00578]Preludes de l’Harmonie. ve$tige, ou quelque ombre de connoi$- $ance analogue à leur de$ir, ou appe- tit naturel, comme tiennenr quelques Philo$ophes) ne peuuent rien connoi- $tre, $i elles ne $ont determinées par les images des obiects acqui$es, ou infu$es, car ne pouuant $e porter à la connoi$- $ance de tous les obiects po$$ibles, (n’y ayant que Dieu $eul, dont l’entende- ment e$t determiné par $oy - me$me de toute éternité à la connoi$$ance de toutes les cho$es po$$ibles,) il n’y a point de rai$on pourquoy les Anges, les hommes, ou les be$tes connoi$$ent plu- $to$t vne cho$e, qu’vne autre, $i ce n’e$t parce que leurs facultez $ont determi- nées par les e$peces, ou images, qu’el- les ont receues, & mendiées d’ailleurs.

Or cette indetermination $ert enco- re aux Philo$ophes, qui di$ent que les indiuidus ne peuuent e$tre ce qu’ils sõt, $i Dieu ne les determine à e$tre tels, ou tels indiuidus: par exemple, ils croyent qu’il n’y a point de rai$on pourquoy Pierre e$t plu$to$t l’indiuidu, que nous appellons Pierre, qu’il n’e$t Paul; pour- quoy ce$te mou$che, ce$te fourmy, & c. e$t plu$to$t telle en nombre, ou $elon [00579]Preludes de l’Harmonie. $on indiuidu, qu’elle n’e$t autre indiui- duellement, $ice n’e$t par ce que Dieu determine, que chaque cho$e $oit tel, ou tel indiuidu, ce qui nous fournit vne nouuelle matiere pour les actions de grace que chacun doit rendre à Dieu, de ce qu’il la determïné à e$tre tel qu’il e$t indiuiduellemeut, & per$onnelle- ment.

Ils veulent au$$i que Dieu determi- ne les degrez des qualitez qui $e cor- rompent, quand ils $ont d’vne me$me nature, parce qu’il n’y a point de rai$on pourquoy la corruption comm\-ece plu- $to$t par l’vn des degrez, que par l’au- tre; que l’entendement ne pui$$e croi- re, ou $uiure quelque verité, quand il a des rai$ons au$$i fortes pour douter, comme pour a$$eurer; & qu’vn animal e$tant au milieu de deux obiects, qu’il apprehende également, (comme l’on dit ordinairem\-et de l’a$ne de Buridan mis entre-deux me$ures d’auoine) ne peut aller à l’vn, n’y à l’autre.

A quoy les Theologiens adioûtent que le Pre$tre ne peut con$acrer vne Ho$tie entre plu$ieurs, qu’il ne veut pas con$acrer, s’il ne la determine, & s’il ne [00580]Preludes de l’Harmonie. la $epare, du moins auec la pen$ée. Ce que l’õ peut au$$i dire de celuy qui vou- droit bapti$er deux ou trois enfans en- tre plu$ieurs autres, sãs les determiner.

D’où l’on peut, ce $emble, conclurre qu’il ny a rien au monde qui $e pui$$e determiner, ou qui $oit determiné de $oy-me$me, que la volonté, & l’enten- dement de Dieu: Par con$equent no- $tre volonté a vne pui$$ance qui appro- che plus de la pui$$ance de Dieu, que tout ce qui e$t dans l’vniuers; c’e$t pour- quoy nous la deuons garder en $a pure- té, & e$tre plus $oigneu$e de $a perfe- ctiõ que de toutes les autres cho$es du monde, & me$me que de no$tre enten- dem\-et, qui ne peut auoir nulle pen$ée, s’il n’e$t determiné d’ailleurs. Or il $em- ble que tous ces exemples $ont $uffisãs pour per$uader que la chorde qui $eroit égale en toutes $es parties, e$tant égale- ment tirée par $es deux extremitez, ne pourroit e$tre rompuë; Neantmoins il e$t croyable qu’elle $e romproit pour deux rai$ons, dont i’appliqueray la pre- miere à la chorde égale mi$e $ur la mo- nochorde, à laquelle vn poids donné @eroit $u$p\-edu: Ie dis dõc que la partie [00581]Preludes de l’Harmonie. de la @horde qui e$t proche du poids, a plus de peine, & $ouffre dauantage que les parties qui en $ont plus éloignées.

Car les parties voi$ines $ont tirées auant les éloignées, de maniere que ($uppo$é qu’il faille deux attractions, ou deux efforts pour rompre la chorde) le premier effort e$t premierement cõ- muniqué aux parties voi$ines, puis aux autres $ucce$$iuement, iu$ques à ce que l’effort $oit communiqué à la chorde entiere: en apres le $econd effort com- mence encore par les parties voi$ines, qui obeï$$ent les premieres à la force, & quittent l’vnion qu’elles auoient auec les autres, dautant qu’elles ne peuuent plus $ub$i$ter, n’y re$i$ter à la force.

Cette rai$on e$t fondée $ur l’ex pe- rience, car de cent chordes de toutes $ortes de metaux que i’ay fait rompre par la force des poids, à peine s’en ren- contre-il deux qui ne rompent proche du poids, ou de la force; & neantmoins il e$t tres certain que toutes les chor- des tirées par le me$me trou d’vne filie- re, ne $ont pas tou$iours plus foibles à l’endroit, où elles $e rompent, qu’aux autres lieux, qui $ont plus éloignez du [00582]Preludes de l’Harmonie. poids: par con$equent $i elles $e rom- pent prés du poids, encore qu’elles $oient plus fortes, il faut nece$$airem\-et conclurre qu’elles $e romproient au me$me lieu, encore qu’elles fu$$ent par- faitement égales.

La $econde rai$on $eruira pour les chordes parfaitement éga’es, qui $ont tirées également par les deux extremi- tez, auec des poids égaux, ou en quel- qu’autre maniere, car le premier effort e$tãt communiqué à toutes les parties, mais premierement aux parties voi$i- nes, s’il ne faut que deux efforts pour rompre la chorde, il $emble qu’elle rõ- pra par les deux extremitez en me$me temps, puis que le $econd effort affecte- ra premierement les parties qui $ont proches des poids, ou des forces.

Ce qui e$t contre l’aduis de ceux qui tiennent, que la partie du milieu e$t la premiere agitée d’vn co$té & d’autre; c’e$t à dire qu’elle e$t tirée en me$me temps: par exemple, vers le Midy, & retirée vers le Septentrion; car, di$ent- ils, la premiere partie de la chorde e$t premierement tirée, puis la $econde par le moyen de la premiere, la troi$ie$- [00583]Preludes de l’Harmonie. me par le moyen de la $econde, & ain$i con$equemment, iu$ques à ce que l’ef- fort $oit paruenu à la derniere partie.

Secondement la premiere partie e$t encore retirée, mais c’e$t par le moyen de la $econde, & la $econde e$t retirée par le moyen de la troi$ie$me, & ain$i des autres iu$ques à ce que l’on vienne à la partie du milieu, qui endure l’attra- ction d’vn co$té, & la retraction de l’au- tre en me$me temps: ce qui la fait rom- pre.

Mais $i cette raisõ $upo$e que la chor- de $oit premierement tirée d’vn co$té, i’ay fait voir par la premiere rai$on fon- dée en mille experiences qu’elle rom- peroit prés de la force: & $i cét effort vi\-et des deux co$tez en me$me temps, il $emble que la partie du milieu rece- ura la premiere les deux efforts en me$- me temps, car les deux forces e$tant en acte, & fai$ant le ffort en me$me temps, la partie duieu $era plu$to$t agitée, & affectée des deux efforts que nulle autre; par con$equent la chorde parfaitement égale & e$tant égalem\-et tirée des deux co$tez en me$me temps, $emble $e deuoir rompre par le milieu, [00584]Preludes de l’Harmonie. nonob$tant l’autre rai$on que i’ay ap- porte@@, qui ne conclud que pour la chorde qui e$t $eulement tirée par vn bout, quoy que l’õ pui$$e dire que l’au- tre bout, par lequel elle e$t attachée, & arre$tée, fait le me$me effort que le poids de la force qui bande la chorde par l’autre bout, & par con$equent que ces deux efforts $e rencontreront plu- $to$t en$emble au milieu, qu’aux autres parties de la chorde; ce qui n’arriue pourtant pas, puis que les chordes $e rompent tou$iours vers les poids: de $orte qu’il faut dire qu’elle $e rompra par les deux bouts en me$me t\-eps, s’ils $ont également forts, & égalem\-et vio- lentez; mais ie veux icy donner les experiences tres-iu$tes que i’ay faites.

Les chordes les plus égales en toutes leurs parties qui $e pui$$ent rencontrer, e$tant tirées également par les deux bouts, $oit auec doids égaux, ou par quelqu’autre forgale, $e rompent tou$iours par l’vn des bouts vers le lieu où e$t le poids, ou la force, & iamais par le milieu.

C’e$t pourquoy il $emble que l’attra- ction, ou l’impre$$iõ qui $e fait aux deux [00585]Preludes de l’Harmonie. extremitez, ne $e communique pas au milieu auec tant de violence, & que les deux impre$$ions qui $’y rencontrent, $ont plus foibles que l’vne de celles, qui $e communiquent à l’vn des bouts de la chorde. Ce que l’on peut confirmer par plu$ieurs experiences, qui font pa- roi$tre que la force agit plus pui$$am- ment $ur les parties de l’object qui $ont proches, que $ur les éloignées, comme l’on experimente au feu, qui échauffe le bois, ou quelqu’autre cho$e, & au mouuement que l’on imprime à vne longue chorde, & aux chordes auec le$quelles l’on tite les bateaux, car les deux @xtremitez de ces chordes $ont $i fort tenduës, qu’elles $e rompent $ou- uent, encore que le milieu $oit $i la$che qu’il tombe par terre, ou dans l’eau: quoy que la difference de cette ten$ion ne $oit pas $ans de grandes difficultez qui meritent vn autre lieu.

Mais puis que la chorde $e rompt tou$iours par vne $cule de $es extremi- tez, il e$t nece$$aire que celle, par où el- le rompt, $oit plus foible que l’autre, car il n’y a point de rai$on pour laquelle elle $e rompe plu$to$t par vn bout que [00586]Preludes de l’Harmonie. par l’autte, $inon parce qu’elle $’y trou- ue plus foible: ou $i l’õ ne dit que l’Au- theur de la nature determine l’extre- mité, par laquelle elle $e rompt.

Ce qui arriue aux chordes de cuiure, atriue pareillement à la $oye, & au fil: c’e$t pourquoy l’on peut dire que la chorde égale en toutes $es parties ne $e rompra iamais par le milieu, quand elle $era tirée également par les deuxbours, $oit qu’õ la tende perpendiculairem\-et, ou horizontallement, & que l’on ap- plique les forces à $es deux extremitez, ou au milieu iu$ques à ce qu’elle rõpe: Car en quelque maniere que l’on l’e- $tende, elle rompt tou$iours par l’vne de $es extremitez, quoy que les ba$tõs parallelles à l’orizon rompent par le milieu, qui e$t pre$$é & violenté par le poids, ou par la force que l’on y appli- que, dont i’explique la rai$on dans le traité des Mechaniques.

[00587]Preludes de l’Harmonie. QVESTION IX. A $çauoir pourquoy les Grecs ont plu$to$t vsé des Tetrachordes ou des Quartes pour e$tablir la Mu$ique, que du Pentachorde, de l’Exachorde, ou de quelqu’autre nom- bre de chordes; où l’on void plu$ieurs bel- les remarques $ur le nombre de 4. & où le 3. probleme de l@ 15. $ection d’Ari$tote e$t expliqué.

LEs Gr@cs ont plu$to$t v$é du Te- trachorde que d’vn plus grand, ou d’vn moindre nombres de chordes, à rai$on que la Quarte, ou le Diate$$a- ron e$t la moindre de leurs con$onan- ces. Or le moindre en chaque genre e$t la regle de toutes les autres cho$es qui en dependent, & nous ne trouuons point qu’ils ayent recõnu de moindres con$onances que la Quarte, d’autant que les autres interualles moindres que la Quarte, comme $ont les Tierces, ont plus de ba$tem\-es d’air qui ne $’vni$$ent point, qu’ils n’en ont qui s’vni$$ent, cõ- me i’ay mon$tré ailleurs.

[00588]Preludes de l’Harmonie.

Il faut donc conclurre qu’ils ont pris le Tetrachorde pour le fondement de la Mu$ique, parce que la Quarte, ou le Diate$$aron de chaque genre contient 4. chordes, dont ils nomment la plus ba$$e, & la principalle, _hypate hypaton_; la 2. _parypate hypaton_, la 3. _hypate me$on_, & la 4. _parypate me$on_, qui ne $ont autre cho$e que les 4. chordes qui fõt no$tre _mi, fa, $ol, la;_ dont la 1. & la 4. à $ça- uoir _mi, la_, font la con$onance, que les Praticiens appellent la _Quarte_. De là vient qu’ils ont compo$é leurs $y$te- mes de 4. ou 5. Tetrachordes, qui ne font autre cho$e que la repetition du Tetrachorde, qui contient tous les moindres interualles de la Mu$ique, à $çauoir le ton maieur, & le mineur, & le demiton maieur dans la Diatonique, qui e$t la plus ay$ée, & con$equem- ment la plus naturelle.

A quoy l’on peut adiou$ter qu’ils ont compo$é l’Octaue de 2. Tetrachordes di$ioints, & $eparés par le ton maieur, de $orte que le Tetrachorde leur a $er- uy de regle, & de compas, ou de me$u- re pour regler, & pour me$urer toute la Mu$ique: quoy que Guy Aretin ayt [00589]Preludes de l’Harmonie. pris l’Exachordes dans lequel il a com- pris les trois e$peces de Quarte, comme i’ay dit ailleurs.

L’on pourroit encore $’imaginer qu’ils ont fondé toute @@ Mu$ique $ur le Tre- tachorde, à rai$on que leurs premiers in$trumens n’auoient que 4. chordes, dont on peut tirer toutes $ortes de chãts, & d’harmonies, comme l’on ex- perimente $ur les Violõs, auec le$quels les excell\-es Mai$tres repre$entent qua- $i tout ce que l’on peut $’imaginer, com- me ie diray dans le liure des In$tru- mens.

Il ne faut pourtant pas $’arre$ter à ce nombre de chordes, $oit qu’ils ayent voulu repre$enter le nombre des éle- ments, ou les 4. $ai$ons de l’année, ou quelqu’autre quaternaire de cho$es par leurs 4. chordes, ou qu’ils les ai\-et iugées $uffisãtes pour toute $orte d’harmonie, dautant que l’on $çait que plu$ieurs au- tres ont mis 7. chordes $ur leurs in$tru- mens, comme l’õ void dans l’Amphion des Tableaux de Philo$trate, & en plu- $ieurs reuers de medailles; & que les autres ont vsé de 8. ou 9. chordes, & les autres de trois $eulement, comme [00590]Preludes de l’Harmonie. Olympe au rapport de Plutarque, & Mercure, dont parle Diodore: mais ie parleray plus amplement du nombre de ces chordes dans vn liure particu- lier.

Car ie veux employer le re$te de ce di$cours à l’examen du quaternaire, qu’ils ont peut-e$tre choi$i, parce qu’il repre$ente tous les nombres, dautant que $es parties e$tant adiou$tées font dix, qui finit, ce $emble, tous les nom- bres, puis qu’il comprend le nombre pair, & l’impair, le quarré, le cube, & le premier compo$é, comme remarque Ari$tote dans le; Proble$me de la 15. $ection, où il dit que le dix e$t la fontai- ne, & le principe des nombres, parce qu’il e$t composé d’vn, de 2, de 3, & de 4, que les Thraces ne pa$$oient nulle- ment en cõptant, $oit qu’ils eu$$ent la memoire $i courte, ou l’imagination $i foible qu’ils ne peu$$ent cõpter que iu$- ques à 4. ce qui n’e$t pas vray $embla- ble, attendu que les 5. doigts de la main apprennent du moins à conter iu$ques à 5. & ceux des 2. mains iu$ques à dix; où qu’ils ayent voulu $ignifier que l’on peut trouuer toutes les parties tant ali- [00591]Preludes de l’Harmonie. quotes, que quantie$mes, ou aliquan- tes du dix dans le quaternaire, car l’on y trouue premierement 1. 2. 3. & 4; & puis 5. en adiou$tant 1. à 4. ou 2. à 3; & 6. en adiou$tant 2. à 4; 7. en adiou$tãt 4. à 3; 8, en adiou$tant 1, 3, & 4; 9, en adiou$tant 2, 3 & 4; & finalement dix, en adiou$tant 1, 2, 3 & 4.

Ari$tote rapporte encore vn@autre priuilege du nombre denaire, à $çauoir qu’il a dix proportions, ou analogies, dans le$quelles 4. cubes $ont accõplis, ce qui e$t $i mal ai$é à expliquer, que Pierre de Appono y a trauaillé 4. ans, au bout de$quels il dit, qu’vne lumiere particuliere luy fei$t conceuoir que dix fois dix, c’e$t à dire 100. contiennent les 4. premiers cubes, à $çauoir 1, 8, 27, & 64, le$quels e$tant adiou$tez font cent: mais outre qu’il n’explique pas, comment le nõbre denaire conti\-et ces 4. cubes, & qu’Ari$tote ne parle pas du nombre de cent, mais de celuy de 10. il ne mõ$tre pas comment ce nombre cõ- tient 10. analogies, que l’on pourroit expliquer des 10. termes qui $e $uiuent en progre$$iõ Gernetrique multiple en commençant par l’vnité: par exemple [00592]Preludes de l’Harmonie. de ceux-cy, 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, & 512, dont le premier, le 4, le 7, & & le dernier $ont 4. cubes, par le 8. du 9. des élemens, s’il e$toit $eulement que$tion de 10. termes analogiques, & proportionels: mais puis qu’Ari$tote parle des 10. analogies, il faut les trou- uer dans le nombre denaire, ou confe$- $er qu’il n’a pas parlé proprement, ou qu’il n’a pas bien entendu le mot d’a- nalogie, car il faut 12. termes pour fai- re 10. analogies.

C’e$t pourquoy l’õne peut expliquer le $ens de ce Proble$me pris à la rigueut qu’en di$ant que les 10. Analogies cõ- pri$es par le nombre denaire $ont cel- les qui ont les 10. nombres qu’il con- tient, qui $ont les racines, & la vertu des 10. analogies qui $uiuent, dont la premiere e$t de l’vnité, qui e$t $a raci- ne, $on quarré & $on cube: la 2. e$t de la me$me vnité, qui $ert tou$iours de premier terme à chaque proportion, comme l’on void icy 1; 1, 1: 1, 2, 4: 1, 3, 9: 1, 4, 16: 1, 5, 25: 1, 6, 36: 1, 7, 49; 1, 8, 64: 1, 9, 81: 1, 10, 100.

Par où l’on reconnoi$t que la dernie- re analogie $e termine au quarré de 10. [00593]Preludes de l’Harmonie. & que le quaternaire contient les 4. ra- cines des 4. cubes, qui font au$$i le nõ- bre de 100. lequel e$t contenu dans 4. comme dans $a $ource, & dans $on ori- gine. Or ie veux encore remarquer quelques autres cho$es du nõbre qua- ternaire, & du denaire: par exemple, que la premiere, ou la moindre partie de 4. e$tant adiou$tée à 4. fait autant que $es 2. autres parties du milieu 2. & 3. adiou$tées en$emble, à $çauoir 5. & con$equemment que ces 2. additions re$tituent le nombre denaire. En apres, que 4. e$t $equitierce de $es parties ali- quotes, & con$equemment qu’il con- tient la rai$on de la Quarte, ou du Te- trachorde, dont nous auons parlé: 3. que toutes $es parties, à $çauoir 1, 2, & 3. e$tant adjou$tées font 6. qui e$t $e$- quialtere de 4; & parce que ces 2. rai- $ons font la rai$on de l’Octaue, l’õ peut dire que 4. repre$ente toute la Mu$i- que.

Quant à 10. (qui contient tellement tous les autres nombres, que ceux qui $ont par delà ne $ont autre cho$e que la repetition des precedens) $es parties cõ$titutiues, (c’e$t à dire toutes les par- [00594]Preludes de l’Harmonie. ties qu’il contient) e$tant adiou$tées font 45. qui e$t quadruple $e$quialtere de 10. lequel e$tant adiou$té au$dites parties fait 55. qui e$t $e$quitiere de 45. mais il e$t $e$quiquarte de $esparties ali- quotes qui font 8. au$quelles e$tant ad- iou$té, il fait 18. qui e$t double $e$qui- quarte de 9. à 4.

Or encore que l’on ne pui$$e trouuer la rai$on des cho$es naturelles dans les nombres, parce que nous ne connoi$- $ons pas les principes naturels, ils ont neantmoins de merueilleu$es rencon- tres, qui peuuent $eruir de conduite à l’e$prit, pour contempler la nature des cho$es, car cha$que nombre a quelque proprieté particuliere, qui ne peut con- uenir aux autres, c’e$t pourquoy ilpeut $eruir de charactere pour repre$enter chaque e$pece, & chaque indiuidu.

Par exemple, l’vnité e$t propre pour nous faire conceuoir la Diuiniré, le nõ- bre 120. dont les parties aliquotes font le double, c’e$t à dire 240. & le me$me 240. dont les parties aliquotes font le triple, vn moins, & tous les autres nombres abondans peuuent $ignifier les natures les plus fecondes, & les nõ- [00595]Preludes de l’Harmonie. bres 220, & 284 peuuent $ignifier la parfaite amitié de 2. per$onnes, dautãt que les parties aliquotes de 220. font 284. & celles de 284. re$tituent 220. comme $i ces deux nombres n’e$toient qu’vne me$me cho$e.

Or il importe fort peu $i ie n’ay pas rencontré la vraye rai$on pour laquelle ils ont plu$to$t choi$i ce nõbre de chor- des qu’vn plus grand, dautãt que quel- que nombre que l’on en prenne, le tout reuient à vne me$me cho$e, pourueu que l’Octaue, & les autres con$onances $oient parfaites.

QVESTION X. A $çauoir $i les $ons forment les mœurs, com- me $uppo$e Ari$tote dans le 27. Proble$- me de la _19._ $ection; & s’ils $ont plus propres à exciter les pa{$s}ions de l’homme, que les couleurs, les $aueurs, & les odeurs, & c. & pourquoy les $ons ont cette vertu, & cette pui$$ance.

ARi$tote nous donne $uiet de di$- courir de cette matiere, lors qu’il [00596]Preludes de l’Harmonie. dit au 27. Proble$me de la 19. $ection que de tous les obiects des $ens il n’y a que le $on qui $oit propre pour former les mœurs, à rai$on qu’il con$i$te dans vn mouuement, qui ne $e remarque pas dans les couleurs, dans les odeurs, ou dans les $aueurs, & que les actions ont vn $emblable mouuement, de $orte qu’il prend l’imitation pour fondem\-et de $a $olution, qui doit, ce me $emble, s’expliquer en cette maniere. Le mou- uement des $ons e$t $emblable aux actions, par le moyen de$quelles on ac- quiert les habitudes de la vertu, & par le$quelles on e$t cõduit à la Morale; & con$equemment ils $ont propres pour exprimer, & pour former, & con$eruer les mœurs, pui$que chaque cho$e e$t engendrée, & con$eruee par $on $em- blable.

En effet l’on experimente que nos actions $e font par le mouuement, qui produit vne habitude, lors qu’il e$t $ou- uent repeté: de là vient que l’on appr\-ed à chanter par habitude: ce qui n’ar- riue pas aux autres $ens, qui $uppo$ent leurs obiects tous faits, mais chacun peut chãter, & con$equ\-ement peut for- [00597]Preludes de l’Harmonie. mer des obiects propres pour $on oreil- le: ce qui n’arriue pas aux couleurs, oux odeurs, & aux $aueurs, qui $ont hors de nous, & qui ne $ont pas dans ho$tre pouuoir: De là vient que nous aymons mieux les $ons, parce qu’ils dé- pendent, ou qu’ils peuuent dependre de nous, cette dependance nous for- çant qua$i à ay mer noz effects, comme l’on experimente aux parens, qui ay- m\-et beaucoup plus leurs enfans, quoy que difformes, que ceux des autres, en- core qu’ils $oient plus beaux. Ce qui arriue $emblablement à ceux qui font des liutes, des tableaux, ou d’auties ou- urages à rai$on qu’ils dépendent d’eux: or l’on remarque cét amour, & cette affection que l’on a pour les $ons, lors que l’on chante quelquefois $ans pen- $er à ce que l’on fait, quoy que l’on imi- te les chants que l’on a oüys.

Quant aux couleurs, on les tient qua- $i in differentes, à rai$on qu’elles ne de- pendent pas de nous, & qu’elles n’ont nul mouuem\-et $emblable à noz actiõs, & à noz pa$$ions, comme ont les $ons, qui $eruent à exprimer les douleurs, les plai$irs, la cholere, & les auttes affe- [00598]Preludes de l’Harmonie. ctions de l’homme, & des animaux. Par où l’on peut ent\-edre pourquoy les An- ciens fai$oient chanter leurs Loix, dont il e$t parlé au 15. & au 28. Proble$me de la $ectiõ 19 ce$t pourquoy ils appel- loient leurs chan$ons _des Loix_, à rai$on que l’on retient plus ay$ément ce qui $e chante, parce que le mouuement du chant e$tant plus grand, & mieux reglé que celuy de la parolle, dont on v$e or- dinairement dans les di$cours, fait vne plus forte impre$$ion $ur l’e$prit des au- diteurs, & particulierement $ur les en- fans, au$quels ont peut apprendre les Loix auant qu’ils les pui$$ent compren- dre parrai$on, parce que leur e$prit, & leur memoire e$t $emblable à vne ta- ble d’attente, laquelle e$t $u$ceptible de toutes $ortes de couleurs.

De là vient qu’ils reti\-enent fort bien ce qu’ils ont appris en leur ieune$$e, dõt les parens, & les mai$tres doiuent v$er à leur aduantage, afin de leur imprimer les Loix, & la crainte de Dieu, qui doit e$tre le fondement de toute leur vie, & de leurs actions, puis qu’elle e$t la fon- taine de la vie, dans les Prouerbes cha- pit. 14. & qu’elle e$t le commencement [00599]Preludes de l’Harmonie. de la $age$$e. Or pui$que les mœurs $e forment par les actions, & que les actiõs $e font par des mouuemens, il faut v$er des $ons, qui imitent le$dits mouue- mens: ce qui e$t difficile à connoi$tre, & à executer, car il faut $çauoir les chordes, qui sõt plus propres à toucher l’e$prit les vnes que les autres, & com- bien de fois chacune doit e$tre touchée pour paruenir au de$$ein que l’õ $e pro- po$e, & con$equemment quelles chor- des il faut lai$$er, & de quels interual- les on doit v$er, car les vnes $ont pro- pres à l’amour, les autres à la tri$te$$e, & les autres à la ioye, & à la cholere.

Mais auant que de pa$$er plus outre, il faut remarquer que la que$tion pro- po$ée par Ari$tore peut e$tre reuoquée en doute, parce que l’on experimente que les couleurs, les $aueurs, & les odeurs ont vn grand pouuoir $ur nos pa$$ions, car comme vn tableau, ou vn vi$age tri$te, & mal proportionné nous fa$che, & nous déplai$t, de me$me les excellents tableaux, & les beaux vi$a- ges @@us raui$$ent de contentement, & l’on rencontre des rableaux du vi$age de no$tre Sauueur, que l’on ne peut lõg- [00600]Preludes de l’Harmonie. temps regarder $ans conçeuoirvne grã- de reuerence accompagnée de quel- que $orte de crainte, & de frayeur: ce qui arriue $emblablement lors que l’on enui$age de certaines per$onnes, dont le front, les yeux, & les autres parties du vi$age $ont remplies d’vne $i grande maie$te, & ont vne $i grande pui$$ance, qu’ils impriment tels mouuem\-es qu’ils veulent, $oit de crainte, & de reueren- ce, $oit de réioüi$$ance, ou de tri$te$$e, $ur ceux qui les regard\-et attentiuem\-et. De $orte que l’on peut dire que l’im- pre$$ion qui $e fait dans l’ame par les yeux e$t du moins au$$i pui$$ante que celle qui $e fait par les oreilles. L’on ex- perimente $emblablement que les $a- ueurs, & les odeurs ont vne grande pui$$ance $ur l’e$prit, car la $aueur ame- re, & l’odeur puante nous fa$chent ex- tremément: & $i l’on remarquoit au$$i exactement les differens degrez des $a- ueurs depuis la plus amere, & la plus fa$cheu$e iu$ques à la plus douce, & la plus agreable, comme l’õ remarque les differens degrez des $y$temes de la Mu- $ique, l’on trouueroit, peut-e$tre, qu’el- les ont des effects au$$i grands $ur l’e$- [00601]Preludes de l’Harmonie. prit que les $ons, & les couleurs, & con- $equemment on pourroit e$tablir des rai$ons, & des proportions harmoni- ques entre les $aueurs, & les odeurs, cõ- me l’on fait entre les $ons.

En effet les differentes odeurs ap- portent de grands changemens aux e$- prits, comme l’on experimente dans les Egli$es, dont les $uffumigations, & les encen$em\-es excitent à la deuotion: & dans les Ho$pitaux, dans les pri$ons, & dans les autres lieux renfermez, qui rendent les e$prits lents, tri$tes, & he- betez, & qui font mal au cœur: & lors que l’õ e$t au milieu d’vn parterre plein d’œillets, de mariolaine, de ia$min, de giroflées, & de ro$es, la vapeur, & les douces fuméesde ces fleurs qui embau- ment l’air, charment l’e$prit de leur douceur, & l’enchantent au$$i douce- ment que les concerts les plus raui$- $ants: de $orte que les odeurs, au$$i bien que les $aueurs, & les couleurs, peuuent di$puter, & débatre de la préeminence, & de la pui$$ance qu’elles ont $ur l’e$- prit de l’homme contre les $ons; bien qu’ils $oient beaucoup plus excellents, $il’on con$idere le di$cours, au$quels ils [00602]Preludes de l’Harmonie. $eruent de matiere, mais nous parlons icy des $ons, & non de la parolle.

Il faut neantmoins conclurre que les $ons, & les chants $ont plus propres que les obiects des autres $ens pour exciter les pa$$ions, dont Felix Accarombon rapporte la cau$e aux differents mou- uemens, c’e$t à dire aux me$ures lõgues, & briefues des chan$ons, à rai$on que le mélange des temps imite les actions qui produi$ent les pa$$ions. Mais la $eule melodie a de la force $ur les pa$- $ions, encore que les differentes notes ne changent point de me$ure, comme l’on experim\-ete à l’interualle de la Sex- te, & de la Tierce mineure, qui exci- tent la tri$te$$e, & à tous les chants qui fini$$ent par les demitõs, ou par les die- $es: quoy qu’il $oit certain que les dif- ferentes me$ures adiou$tent vne gran- de force à la melodie cõme nous auons dit ailleurs, & que la rythmique ayt toure $eule beaucoup de pui$$ance $ur l’e$prit $ans la melodie, comme l’on re- marque aux battemens du tambour, & dans plu$ieurs autres mouuemens.

Or la rai$on de cette pui$$ance que les $ons imprim\-et $ur l’e$prit, doit e$tre [00603]Preludes de l’Harmonie. pri$e des differens mouuemens, dont ils frappent le tympan, ou la membra- ne de l’oreille, & con$equemment les e$prits de l’oüye: par exemple, l@rs que l’on chante par l’interualle de la Sexte mineure en montant pour exciter la tri$te$$e, les e$prits $ont premierement frappez 5. fois par le $on graue, & puis 8. fois dans vn temps égal par le $on ai- gu, c’e$t pourquoy il faudroit con$ide- rer pourquoy 8. coups, ou le battem\-et, dont la force e$t comme 8, a la pui$$an- ce d’exciter la tri$te$$e, lors qu’il $uit im- mediatement apres le battement, dont la force e$t comme 5: ce que l’on peut $emblablement con$iderer dans les au- tres interualles.

Quelques-vns $imaginent que les Anci\-es ont $çeu quelles chordes il fal- loit toucher les vnes apres les autres pour exciter toutes $ortes de pa$$ions, & qu’ils auoient e$tably des loix pour ce $uier, parce qu’ils li$ent dans Platon, & dans Ari$tote qu’ils auoient vne ma- niere de Mu$ique pour exciter la cho- lere, & vn autre pour l’appai$er: & que Timothée mettoit Alexandre le Grãd en cholere quand il chantoit, ou qu’il [00604]Preludes de l’Harmonie. touchoit la Harpe, ou d’autres in$tru- mens: mais nous ne voyons nul ve$tige dans ces Philo$ophes qui pui$$e tãt $oit peu per$uader qu’ils ayent connu les pa$$ions, & leurs mouuemens iu$ques à vn tel point, qu’ils ayent peu e$tablir des $ons, ou des chants pour émouuoir, & pour appai$er chaque pa$$ion.

En effect, $il y eu$t eu des genres, des e$peces, ou des modes de Mu$ique du temps de Platon, ou d’Ari$tore, dont les effects eu$$ent e$té $i $ignalez, & qui eu$$ent eu vn tel a$cendant $ur les pa$- $ions, & $ur l’e$prit des auditeurs, ils eu$$ent beaucoup mieux fait d’en$ei- gner cét art aux hommes, que la Mo- rale, & la Politique, dont ils ont traité, car il n’y a point de Rethorique a$$ez pui$$ante pour faire quitter l’enuie, la cholere, l’amour, & les autres pa$$ions, lors qu’elles $ont enracinées dans l’e$- prit; & les Anciens confe$$ent eux- me$mes qu’ils n’ont point trouué de re- medes pour appai$er les grandes tri$te$- $es: & $ils eu$$ent eu des $ons, & des chants pour ce $ujet, ils n’eu$$ent eu nul be$oin de la fiction de leur Nepenthe, & de leurs boi$$ons imaginaires, pour ap- [00605]Preludes de l’Harmonie. pai$er les douleurs, & pour calmer les pa$$ions. Mais i’ay parié plus ample- ment de cecy dans vn autre lieu, où i’ay mon$tré que nul des Anciens n’a mieux entendu la Mu$ique que nous, afin que l’on ne $oit pas tellement préocupé de leurs écrits, & de leurs hi$toires, que l’õ $uiue plu$to$t leur imagination, & leurs fautes, que l’experience, & la rai$on, Carie ne doute nullement que la Mu- $ique ne $oit maintenant dans vne au$- $i grande perfectiõ que celle des Grecs, $oit que l’on con$idere l’harmonie de plu$ieurs parties, ou la melodie, & la conduite d’vne $eule voix, ou la gran- deur, la bonté, la beauté, & la multitu- de des in$trumens: $i ce n’e$t que l’on die qu’ils auoient des voix plus nettes, plus fortes, & meilleures que nous: ce qu’il faudroit prouuer auant que de le croire.

QVESTION XI. A $çauoir comme il faut compo$er les chan- $ons, pour e$tre les plus excellentes de tou- tes celles qui $e peuuent imaginer.

PVis que la perfection de chaque cho$e con$i$te en $on e$$ence, en $es [00606]Preludes de l’Harmonie. proprietez, & en $es accidens, & que $on excellence doit e$tre me$urée $elon $es principes, ou $uiuant la fin, à laquel- le elle e$t de$tinòe, ie dis que la chan$on qui aura tout ce qui e$t requis à $a per- fectiõ, & qui $era la mieux proportion- née à $a fin $era la plus excellente de toutes.

Or elle aura toutes $es parties, lors qu’elle répondra parfaitement àla let- tre & au $u@et que l’on pr\-ed; & ne pour- ra iamais e$tre plus excell\-ete que quãd elle aura le $uiet le plus excellent de tous, qui con$i$te a décrire les grãdeurs & les loüanges de Dieu, & l’amour & l’ardeur dont nous deuõs l’adorer eter- nellement.

D’où il e$t ay$é de conclurre, que tou- tes les chã$ons de Cour, qui n’ont point d’autre $uiet que les profanes, & qui ne contiennent autre cho$e que les loüan- ges des hommes, qui ne $ub$i$tent le plus $ouuent que dans les flatteries, & qui n’ont point d’autre $ou$tieu que la vanité & le m\-e$onge, ne peuuent e$tre parfaites, puis que la verité leur mãque $ans laquelle il n’y a nulle perfection, & quelles $ont priuées du $uiet qui rauit [00607]Preludes de l’Harmonie. les Anges & qui $eruira d’vn entretien eternel à tous les prede$tinez, & les bien-heureux. Quant aux autres con- ditions nece$$aires pour faire des chãts & des airs raui$$ans, i’en parleray dans vn liure particulier, carie veux finir cet- tuy-cy par ces vers qui sõt propres pour chanter les loüanges de Dieu.

Tri$te ennemy des belles cho$es Hyuer couronné de glaçons, E$té qui meurit les moi$$ons, Printemps qui fait fleurir les ro$es, Gre$les, neiges, broüillards épais Loüés le Seigneur à iamais Celebrez $on nom adorable, Tout ce qu’il produit e$t parfait Et cét vniuers admirable, (fait. De $on diuin pouuoir n’e$t qu’vn petit ef-

Theatre famcux des naufrages Merdont les flots impetueux Viennent d’vn pas re$pectueux Bai$er le $ablon des riuages, Creux & va$te empire du ven@ Dont le calme e$t $i deceuant, Molle ceinture de laterre, Lien de cent peuples diuers Champ de la paix & de la guerre, Beni$$ez à iamais l’ Autheur de l’vniuers.

FIN.