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date Fri, 07 Dec 2012 17:05:22 +0100
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<pb>
<C>QVESTIONS
PHYSICO-MATHE-
MATIQVES.</C>
<C>ET LES MECHANIQVES
du $ieur Galilectres excellent Ma-
thematicien, &amp; Ingenieur du
Duc de Florence.</C>
<C>AVEC LES PRELVDES
del harmonie vniuer$elle.</C>
<C><I>Vtiles aux Philo$ophes, aux Medecins,
aux A$trologues, aux Ingenieurs,
&amp; aux Mu$iciens.</I></C>
<C>Traduites de l'Italien par L.P.MM.</C>
<FIG>
<C>A PARIS,
Chez HENRY GVENON, rue S. Iacques
pr&egrave;s les lacobins, &agrave; l'image S. Bernard.
M DC. XXXV.</C>
<C><I>Auec Approbation &amp; Priuilege.</I></C>
<pb>
<C>LES
QVESTIONS
THEOLOGIQVES,
PHYSIQVES, MORALES,
ET MATHEMATIQVES.</C>
<C><I>O&ugrave; chacun trouuera du contentement,
ou de l'exercice.</I></C>
<C>Compo$ees par L. P. Mer$ene</C>
<FIG>
<C>A PARIS, M. DC. XXXIV.</C>
<C>Chez HENRY GVENON, ru&euml; $ainct
Iacques, pr&eacute;s les Iacobins, &agrave; l'ima-
ge $ainct Bernard.</C>
<C><I>Auec Priuilege &amp; Approbation.</I></C>
<pb>
<C>MVSEVM
BRITAN
NICVM</C>
<pb>
<FIG>
<C>A MONSIEVR
MONSIEVR
MELIAN,
THRESORIER
General de France.</C>
<p>MONSIEVR,
<p><I>Apres auoir con$ider&eacute; plu$ieurs effets
de la nature, &amp; quelques difficultez
dans les $ciences, qui arrestent les plus
$&ccedil;auans, i'en ay voulu propo$er vn cer-
tain nombre dans ce liure que ie vous
pre$ente, affin de vous temoigner l'e$ti-
me que ie fais de vo$tre excellent e$prit,
&amp; d'exciter les doctes &agrave; la recherche des
rai$ons, qui peuuent $atisfaire a tous
ceux qui ne ferment pas les yeux &agrave; la
lumiere. Ie ne doute nullem&etilde;t que vous</I>
<pb>
<I>ne $&ccedil;achiez tres bien qu'il e$t mal ay$&etilde;
de rencontrer les vrayes rai$ons dont on
croit $ouu&etilde;t enui$ager l'&eacute;clat, &amp; la $pl&etilde;-
deur, encore que l'on n'ayt trouu&eacute; que
l'ombre, &amp; l'ob$curit&eacute;, qui font $ou-
uent paroi$tre le men$onge $ous les
habits de la verit&eacute;. Ce qui n'empe$che
pas que ceux qui $'efforc&etilde;t de la trouuer
ne meritent de la lo&uuml;ange; &amp; certes l'on
auroit tort de bla$mer tous ceux qui ont
recherch&eacute; la rai$on pourquoy la pierre
d'aymant ne peut attirer le fer rougi,
pourquoy elle cha$$e les aiguilles par
l'vn de $es co$t&eacute;s, &amp; qu'elle les attire
par l'autre, pourquoy le bout des barres
qui demeure long temps en bas attire
le midy de l'aiguille touch&eacute;e, &amp; que
l'autre bout le cha$$e, &amp; qu'il attire $a
partie $eptentrionale, encore qu'ils
n'ayent pas trouu&eacute; des rai$ons a$$ez for-
tes pour contenter tout le monde. Il faut
iuger la m&eacute;me cho$e des autres qui tra-
uaili&etilde;t &agrave; la recherche desveritez parti-</I>
<pb>
<I>culieres, car il $emble que la capacit&eacute; des
hommes e$t born&eacute;e par l'ecorce, &amp; par
la $urface des cho$es corporelles, &amp;
qu'ils ne peuu&etilde;t penetrer plus auantque
la quantit&eacute;, auec vne entiere $atisfa-
ction. C'e$t pourquoy les anciens n'ont
peu donner aucune demon$tration de ce
qui appartient aux qualit&eacute;s, &amp; $e $ont
re$treints aux nombres, aux lignes, &amp;
aux figures, $i l'on en excepte la pe$an-
teur, dont Archimede aparl&eacute; dans $es
I$orropiques.</I>
<p><I>Or i'e$pere que les Corollaires qui $ont
&agrave; la fin des Que$tions que ie propo$e, ne
vous plaironi pas moins que les Que-
$tions me$mes, &amp; que vous vous ran-
gerez librem&etilde;t du parti de Socrate, qui
tenoit que l'on ne peut rien $&ccedil;auoir $i
l'on ignore Dieu: car puis qu'il n'ya rien
de po$$ible $i Dieu n'e$t, &amp; que la po$-
$ibilit&eacute; de tous les e$tres depend ab$olu-
ment de l'e$tre actuel de Dieu, comme
la pui$$ance de l'acte, il est certain que</I>
<pb>
<I>l'on ne peut auoir la parfaite connoi$-
$ance d'aucune cho$e, $i l'on ne connoi$t
la $ource dont elle prend $on origine. Et
comme l'on auroit $uiet de bla$mer vn
Philo$ophe qui voudroit connoi$tre la
nature des couleurs $ans $&ccedil;auoir celle de
la lumiere, qui leur donne l'e$tre, &amp;
la $ub$i$tance, puis qu'il e$t impo$$ible
qu'il y ayt des couleurs $ans elle: de
me$me l'on peut iu$tement me$pri$erce-
luy qui s'applique aux $ciences, s'il
n'e$$aye par leur moyen de s'auancer &agrave;
la connoi$$ance de Dieu, puis qu'elles
$ont comme des rayons de la diuinit&eacute;,
qui demon$trent par leurs veritez im-
muables &amp; eternelles, &amp; par leur
grande e$tendu&euml; $on immutabilit&egrave;, $on
&eacute;ternit&eacute;, &amp; $on immen$it&eacute;. C'e$t donc
ence$te maniere que tous les Chre$tiens
doiuent enui$ager les $ciences, &amp;
qu'ils s'en doiu&etilde;t $eruir comme de pui$-
$antes machines pour &eacute;leuer leur amour
qui e$t le centre de la pe$anteur de toutes</I>
<pb>
<I>leurs affections, au centre de toutes les
creatures quine $e trouue que dans la
bont&eacute; diuine, dont toutes les cho$es tant
actuelles que po$$ibles dependent beau-
coup plus que les rui$$eaux ne depen-
dent de leur $ource. Caril e$t tres rai-
$onnable qu'elles y retournent, &amp;
qu'elles n'ayent point de plus grand
de$$ein que de s'y rendre, &amp; de s'y pre-
cipiter, comme font tous les corps pe$ans
au centre de la terre, &amp; toutes les ri-
uieres dans l'Ocean. Ie ne doute pas,
MONSIEVR, que vous ne
vous $eruiez de toutes les $ciences en
cette fa&ccedil;on, &amp; que vous n'en agreyez
l'v$age, dont i'ay trac&eacute; quelque crayon
dans ce liure, lequel ie vous prie de
receuoir auec la me$me affection que
celle qui m'a port&eacute; &agrave; vous l'offrir; c'e$t ce
qu'e$pere</I>
<p>Vo$tre tres humble &amp; tres-
affectionn&eacute; $eruiteur.
F.M.Mer$ene M.
<pb>
<FIG>
<C><I>PREFACE AV LECTEVR.</I></C>
<p>LEs Que$tions de ce Liure ne
$ont pas trop longues pour
ennuyer, ny $i courtes qu'elles ne
fa$$ent voir les difficultez, qui $e
rencontrent dans toutes les cho-
$es que l'on $e peut imaginer;
c'e$t pourquoy i'e$pere qu'elles
$eront a$$ez agreables &agrave; ceux qui
prendront la peine de les lire, &amp;
qu'elles $eront cau$e que plu-
$ieurs nous d&otilde;neront leurs expe-
riences, &amp; qu'ils enrichiront le
public de leurs pen$&eacute;es, &amp; des $o-
lutions de plu$ieurs doutes qui $e
$ont formez, ou que l'on leur a
propo$ez. Neantmoins $i qu'el-
qu'vn $e plaint de leur briefuet&eacute;,
il trouuera dequoy $e $atisfaire
dans l'autre trait&eacute; des Preludes de
<pb>
l'harmonie, dont les Que$tions
ont vne iu$te longueur, &amp; dans
celuy des Mechaniques, qui re-
quiert plus d'attention que les
autres. Quoy qu'il en $oit, l'on
verra le tiltre de$dites Que$tions
dans la table qui $uit.
<pb>
<FIG>
<C>TABLE</C>
<C>DES QVESTIONS
de ce Liure.</C>
<p>I. Qu. <I>QVelles $ont les principales cu-
rio$itez qui occupent les h&otilde;mes.</I>
<p>II. Que$t. <I>Pourquoy il y a des hommes
qui s'e$timent $i $&ccedil;auans, &amp; que les autres
qui $ont plus $&ccedil;auans qu'eux s'e$timent $i
ignorans.</I>
<p>III. Que$t. <I>Pourquoy l'e$tain calcin&eacute; e$t
plus pe$ant que non calcin&eacute;.</I>
<p>IV. Que$t. <I>A$$auoir $i les corps pe$ans aug-
mentent tou$iours leur vi$te$$e en de$cendant
au centre de la terre.</I>
<p>V. Que$t. <I>Pourquoy l'or de tonnerre fait-
ilvn grand bruit lors qu'il $ent la chaleur.</I>
<p>VI. Que$t. <I>Comment les metaux s'en-
gendrent-ils dans la terre, puis que la cha-
leur du Soleil n'entre pas $i auant.</I>
<p>VII. Que$t. <I>Quel e$t la plus grande por-
t&eacute;e des Arquebu$es, &amp; des Canons, &amp; en
quelle proportion diminuent ils leur force,
&amp; leur vite$$e,</I>
<p>VIII. Que$t. <I>Quelle e$t la ligne de di-</I>
<pb>
<I>rection qui $ert aux Mechaniques.</I>
<p>IX. Que$t. <I>Peut on donner la rai$on de
tout ce qui arriue &agrave; la Romaine &amp; aux ba-
lances.</I>
<p>X. Que$t. <I>Pourquoy les Romans $e de-
bitent-ils mieux que les liures des $ciences.</I>
<p>XI. Que$t. <I>Pourquoy les $&ccedil;auans n'arri-
uent-ils pas $i ordinairement aux grandes
dignitez que les vaillans.</I>
<p>XII. Que$t. <I>Peut-on trouuer la vraye
longitude tant $ur la mer que $ur la terre pour
la $euret&eacute;, &amp; la facilit&eacute; des nauigations, &amp;
des autres voyages.</I>
<p>XIII. Que$t. <I>Quelle e$t la cho$e la plus
admirable de tout le monde.</I>
<p>XIV. Que$t. <I>Pourquoy la plu$part des
hommes preferent-ils le lucre &amp; l'vtilit&eacute; &agrave;
la $cience, &amp; &agrave; l'honne$tet&eacute;.</I>
<p>XV. Que$t. <I>Peut-on faire vn mouuement
perpetuel par artifice.</I>
<p>XVI. Que$t. <I>La quadrature du cercle e$t-
elle impo$sible</I>?
<p>XVII. Que$t. <I>Les Tali$mans &amp; les me-
taux que l'on graue pour attirer les influen-
ces du ciel ont ils quelque vertu particuliere?</I>
<p>XVIII. Que$t <I>Les Camaieux &amp; Gamahez
ont-ils quelque vertu on $ignification.</I>
<p>XIX. Que$t. <I>A quoy $eruent les $ections</I>
<pb>
<I>Coniques, &amp; quel e$t leur v$age.</I>
<p>XX. Que$t. <I>Peut-on lire dans les a$tres par
le moyen des miroirs, &amp; de leurs rencontres.</I>
<p>XXI. Que$t. <I>La lumiere e$t-elle di$tincte
des couleurs: &amp; quels corps terre$tres ont de
la lumiere.</I>
<p>XXII. Que$t. <I>D'o&ugrave; vient la $ympathie,
&amp; l'antipathie, &amp; qu'elles $ont les vertus
occultes.</I>
<p>XXIII. Que$t. <I>Pourquoy les nouuelles
demon$trations que l'on trouue donnent-elles
tant de plai$ir.</I>
<p>XXIV. Que$t. <I>Pourquoy la corne, le
verre le tilc, &amp;c. $ont-ils tran$parans.</I>
<p>XXV. Que$t. <I>Le froid n'e$t-il autre cho$e
que la priuation du chaud, &amp; l'ombre de la
lumiere.</I>
<p>XXVI. Que$t. <I>Qui $ont les $ecrets les
plus recherchez dans tous les arts.</I>
<p>XXVII. Que$t. <I>Combien la pierre d'ay-
mant a-elle de proprietez.</I>
<p>XXIII. Que$t. <I>Peut-on confirmer les
my$teres de la Religion Chre$tienne par les
operations de la Chymie: o&ugrave; l'on void la
ten$ure de la Sorbonne $ur les liures de Kun-
rath.</I>
<p>XXIX. Que$t. <I>Que peut-on inferer de tou-
tes les macules, &amp; les flammes du Soleil.</I>
<pb>
<p>XXX. Que$t. <I>Que $eruent les lunettes
de longueveu&euml; pour la vie &amp; pour les $&ccedil;iences.</I>
<p>XXXI. Que$t. <I>Peut-on $e chauffer en
France $ans v$er de bois, auec la $eule terre.</I>
<p>XXXII. Que$t. <I>Si le $el engrai$$e la
terre pourquoy en $ome t'on de$$<*> pour la
rendre $terile.</I>
<p>XXXIII. Que$t. <I>A quoy $eruent les rai-
$ons, &amp; les proportions de la Geometrie: &amp;
qu'e$t-ce que la Quadrature de la Parabole.</I>
<p>XXXIV. Que$t. <I>Peut-on inuenter vne
nouuelle $cience des $ons, qui $e nomme
P$ophologie</I>:
<p>XXXV. Que$t. <I>Pourquoy fait-il plus chaud
&agrave; l'E$t&eacute; qu' &agrave; l'hyuer, auquel le Soleil e$t beau-
coup plus pres de nous.</I>
<p>XXXVI. Que$t. <I>Pourquoy les nu&euml;s qui
$ont $i pe$antes ne tombent elles pas $ur nous.</I>
<p>XXXVII. Que$t. <I>Combien faut-il e$tre
&eacute;leu&eacute; $ur la terre, ou $ur le Soleil pour voir
tele$pace qu'on voudra.</I>
<p>XXXVIII. Que$t. <I>Les principes de l'O-
ptique $ont ils plus certains que ceux de la
Mu$ique.</I>
<p>XXXIX. Que$t. <I>De quelles matieres $e
$eruent les Teincturiers pour teindre la leine,
&amp; la $oye.</I>
<p>XL. Que$t. <I>Pourquoy void-on l'haleine</I>
<pb>
<I>dupoulmon &agrave; l'hyuer, &amp; non &agrave; l'e$t&eacute;.</I>
<p>XLI. Que$t. <I>Les figures I$operimetres
les mieux ordonn&eacute;es $ont elles tou$iours les
plus grandes.</I>
<p>XLII. Que$t. <I>La blancheur e$t-elle la
plus exellente de toutes les conlour.</I>
<p>XLIII. Que$t. <I>Pourquoy les recreations
que l'on prend en pre$ence des Superieurs ne
$ont-elles pas $i grandes qu'en leur ab-
$ence.</I>
<p>XLIV. Que$t. <I>Quelle doit e$tre la force
de la voix pour e$tre port&eacute;e, &amp; entendue de-
puis la terre iu$ques au Firmament.</I>
<p>XLV. Que$t. <I>E$t il permis de $ou$tenir
que la terre e$t mobile: o&ugrave; la Cen$ure des dia-
logues de Galilee e$t rapport&eacute;e tout au long.</I>
<p>XLVI. Que$t. <I>Pourquoy la nature $e
plai$t elle &agrave; la diuer$it&eacute; des obiets.</I>
<pb>
<HR>
<C><I>APPROBATION.</I></C>
<p>NOvs Docteur en la Facult&eacute; de Theolo-
gie de Paris, &amp; Cur&eacute; de S. Iacques de la
Boucherie certifions auoir leu le liure de qua-
rantes $ix <I>Que$tions Phy$iques &amp; Mathemati-
ques compo$&eacute; Par le R. P. Mer$enne R. Minime,</I>
&amp; n'y auoir rien trouu&eacute; qui $oit contre les bon-
nes m&oelig;urs &amp; regles de la foy. Faict &agrave; Paris
ce 20. Iuin. 1634.
<p>CHAPELAS.
<HR>
<C><I>APPROBATION.</I></C>
<p>NOvs auons veu &amp; approuu&eacute; les traitez
$uiuans du R. P. M. Mer$enne Reli-
gieux de no$tre Ordre, &agrave; $&ccedil;auoir <I>les Que$tions
Theologiques, Phy$iques, &amp; tradution des Mecbani-
ques de Galil&eacute;e, &amp; les Preludes de l'Harmonie</I> &amp;c.
&amp; n'y auons rien trouu&eacute; qui ne $oit conforme
&agrave; la vraye Theologie, &amp; aux bonnes m&oelig;urs.
En foy dequoy nous auons icy misnos $eings
faic en no$tre Conuent de la place Royalle
ce 20. Iuin 1634.
<p>F. FRAN&Ccedil;OIS DE LA NO&Uuml;E Minime.
<p>F. MARTIN. HERISSE Minime.
<pb>
<HR>
<C><I>PRIVILEGE DV ROY.</I></C>
<p>PAr lettres du Roy donnees &agrave; Paris
le mois d'Aou$t de l'ann&eacute;e 1634.
$ignees Perrochel, &amp; $eellees du grand
$ceau de cire iaune, il e$t permis au
P. M. Mer$enne Religieux Minime
de faire imprimer par tel Libraire que
bon luy $emblera <I>Plu$ieurs Trautez de
Philo$ophie, de Theologie, &amp; de Matnema-
tique.</I> Et deffences $ont faite; &agrave; toutes
per$onnes de quelque qualite qu'ils
$oient de les faire imprimer, vendre &amp;
di$tribuer pendantle temps de $ix ans &agrave;
compter du iour que le$dits liures $e-
ront acheuez d'imprimer, comme il
e$t plus amplement port&eacute; dans les let-
tres dudit Priuilege.
<p>Et ledit P. M. Mer$enne &agrave; con$enty &amp; con-
fent que Henry Guenon io&uuml;i$$e dudit Pri-
uilege, comme il e$t plus amplement decla-
r&eacute; par l'accord fait entr'e&ucirc;x.
<pb n=1>
<FIG>
<C>PREMIERE
PARTIE DES
QVESTIONS THEO-
LOGIQVES, MORALES,
Phy$iques &amp; Mathematiques.</C>
<HR>
<C>QVESTION PREMIERE.</C>
<C><I>Quelles $ont les principales curio$itez qui
occupent les hommes?</I></C>
<p>IE ne mets pasles Arts qui
$ont nece$$aires &agrave; la vie
humaine entre les curio-
$itez, mais $eulem&etilde;t ceux
dont il e$t ay$&eacute; de$e pa$-
$er: car l'Agriculture &amp; tous les Arts
qui appartiennent au me$nage, par
exemple, l'art de la pe$cherie, &amp; de la
cha$$e, l'art de boulanger, &amp; de faire le
<pb n=2>
beurre, &amp;c. $ont $i vtiles &agrave; la vie, qu'il
e$t difficile de l'entretenir $ans ces Arts
que la nece$$it&eacute; a fait rencontrer.
<p>Or les hommes mon$trent euidem-
ment par leur proced&eacute;, &amp; par leurs
exercices, qu'ils donnent plus de temps
aux curio$itez qu'aux cho$es nece$$ai-
res, car les Canadois &amp; plu$ieurs autres
nations t&eacute;moignent par leur fa&ccedil;on de
viure que l'art de lire, &amp; d'&eacute;crire, &amp;
que tous les Arts, dont ie parleray
apres, ne $ont pas nece$$aires; &amp; con-
$equemment qu'ils peuuent e$tre mis
au nombre des curio$itez, car les doigts
$uffi$ent &agrave; nombrer tout ce dont on a
be$oin, tant parce que le nombre de-
naire contient tous les autres, que par-
ce qu'on recommence &agrave; nombrer par
les me$mes doigts tant de fois que l'on
veut; ce qui $e peut au$$i faire auec
de petits cailloux, qui ont donn&eacute; le
nom au <I>calcul,</I> $ans qu'il $oit be$oin
de jettons, ou de plume. L'on peut
dire la me$me cho$e de la Geometrie, &amp;
de toutes les parties des Mathemati-
ques, mais parce que l'&otilde; les a iug&eacute;es ne-
ce$$aires en no$tre temps, &agrave; rai$on de la
guerre, des fortifications, &amp; de plu-
<pb n=3>
$ieurs parties de la police, il vaut mieux
mettre l'art des Flori$tes qui gouuer-
nent les Tulipes, &amp; les autres fleurs, &amp;
ceux qui font des cabinets de medail-
les, d'empreintes, de crayons, de por-
traits, d'images, &amp; de tableaux, entre
les curieux, d'aut&atilde;t que cet e$tude n'e$t
pas nece$$aire &agrave; la Republique. Ce qu'il
faut au$$i conclure de ceux qui rama$-
$ent les gemmes, les camaieux, les pie-
res fines, les coquilles, les fruits e$tran-
gers, le $celet des differentes e$peces
de poi$$ons, les papill&otilde;s, les mouches, &amp;
les autres in$ectes. Ie lai$$e l'art de filler
la $oye, de nourrir lesvers, les be$tes fau-
ues, &amp; les oy$eaux, &amp; de leur apprendre
&agrave; parler: l'art de faire les In$truments
de Mu$ique, &amp; d'en io&uuml;er, &amp; generale-
ment toutes les differentes $ortes de
ieux, &amp; d'exercices tant de l'e$prit que
du corps, $ans le$quels l'on peut viure,
&amp; dont on n'a pas grand be$oin, car l'on
peut mettre tous ces Arts entre les
principales curio$itez du monde: $i ce
n'e$t que l'on leur prefere l'e$tude des
A$trologues, des Phy$ionomes, &amp; des
Chyromanciens, &amp; que l'on croye que
toutes les gentille$$es qui dependent
<pb n=4>
des miroirs, des lunettes &agrave; longue &amp;
courte veu&euml;, &amp; des operations de Chy-
mie, $ont les principales curio$itez.
<p>Orily a plai$ir de con$iderer ce que
les hommes pri$ent dauantage dans
chaque genre de curio$it&eacute;s: par exem-
ple, ce que l'on iuge de plus excellent,
&amp; de plus remarquable parmy les co-
quilles, d&otilde;t quelques-vns croyent que
celles qui $ont faites &agrave; vis, ou en helice
qui va de droit &agrave; gauche $ont fort rares,
parce que toutes les autres vont de
gauche &agrave; droit. O&ugrave;l'on peut $embla-
blem&etilde;t remarquer, que toutes les plan-
tes &amp; les herbes qui s'entortillent au-
tour des pieux, ou des arbres qu'elles
rencontrent, commencent &amp; conti-
nuent tou$iours leurs plis de droict &agrave;
gauche, comme l'on experimente aux
poids de coq, &amp; &agrave; toutes celles que l'on
appelle <I>Volubiles,</I> except&eacute; le $eul hou-
blon, qui s'entortille de gauche &agrave; droit.
On tient au$$i que les coquilles qui ont
des notes de Mu$ique, $ont rares: ce
qui arriue encore aux papillons, qui
ont des lettres Grecques, ou d'autres
characteres $ur leurs ai$les. Ie lai$$e la
maniere de tourner en l'air par le moy&etilde;
<pb n=5>
de laquelle on fait des e$caliers $i me-
nus en forme de colomnes torces, &amp;
en plu$ieurs autres manieres, quel'on a
de la peine &agrave; les voir, ou &agrave; les tenir, en-
core qu'ils $oient d'vn pied de long. Ie
lai$$e toutes les $ubtilitez des pompes,
des fontaines artificielles, des differen-
tes manieres d'&eacute;crire occultement $ans
que l'on pui$$e apperceuoir l'&eacute;criture;
la maniere de tirer &amp; de battre l'or, l'ar-
gent &amp; les autres metaux, de faire les
tapi$$eries de haute lice, &amp; plu$ieurs
autres Arts, qui peuuent e$tre mis au
rang des curio$itez, puis qu'ils ne $ont
pas nece$$aires &agrave; la vie humaine, com-
me l'on experimente chez les Toupi-
nambous, Montagnards, &amp; autres $au-
uages, qui viuent $ans l'v$age de ces
Arts.
<p>D'o&ugrave; l'on peut ai$&eacute;ment conclure
que la plus grande partie de lavie &amp; du
labeur des hommes s'employe aux cu-
rio$itez, &amp; con$equemment que l'on
en employe la moindre &agrave; la nece$$it&eacute;.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Il $eroit &agrave; de$irer que ceux qui ont
<pb n=6>
des cabinets tres-rares, remarqua$$ent
ce qu'il y a de plus exquis dans chaque
genre, &amp; qu'ils aduerti$$ent de l'vtilit&eacute;
que l'on en peut retirer pour les Arts,
&amp; pour les $ciences: par exemple, qu'ils
fi$$ent vn d&eacute;nombrement des coquil-
les les plus rares, &amp; dont on fait plus
d'e$time; &amp; puis des fleurs, &amp; des oi-
gnons de tulipes, &amp; des autres plan-
tes, &amp;c. car il n'y a nul doute que l'on
peut d&eacute;couurir de grands $ecrets de la
nature par la $peculation de $es ouura-
ges, comme a fait Pali$$y, lors qu'il a
trouu&eacute; le moyen de rendre vne place
imprenable par le moyen de l'helice,
qui $e remarque d&atilde;s les coquilles, dont
quelques-vns maintiennent que l'on
peut v$er pour $&ccedil;auoir quelle heure il
e$t par les differentes couleurs, ou lu-
mieres qu'elles font, &agrave; rai$on de leurs
differentes reflexions.
<p>L'on pourroit au$$i grandement pro-
fiter des differ&etilde;tes remarques que font
les Iardiniers, &amp; les Flori$tes en culti-
uant les plantes, car ils ob$eruent plu-
$ieurs cho$es dans les oignons, &amp; dans
les racines, qui peuuent aider &agrave; la Phy-
$ique. Et qui doute que la conduite
<pb n=7>
de la dur&eacute;e &amp; de la vie des plantes de-
puis leurs germes ju$ques a la maturit&eacute;
de leurs graines ne pui$$e nous $eruir de
conduite pour la no$tre, pui$que toute
la nature e$t $i bien regl&eacute;e, que les plus
$&ccedil;auans $ont contraints de confe$$er
que le moindre de $es ouurages $urpa$-
$e toute la $age$$e, &amp; la $cience des h&otilde;-
mes, &amp; qu'il e$t tout &agrave; fait impo$$ible
qu'elle les pou$$e, &amp; les ameine au
point de perfecti&otilde;, o&ugrave; nous les voyons,
qu'elle ne $cit conduite &amp; ayd&eacute;e par
vne $ouueraine intelligence, qui nous
oblige par des $entimens interieurs &agrave;
l'adorer, &amp; &agrave; l'aimer eternellement?
<HR>
<C>QVESTION II.</C>
<C><I>D'o&ugrave; vient qu'ily a des hommes qui s'e$ti-
ment $i $&ccedil;auans, &amp; que les autres qui
font plus $&ccedil;auans qu'eux s'e$ti-
ment $i ignorans?</I></C>
<p>L'On pourroit re$pondre que quel-
ques-vns font s&etilde;blant de s'e$timer
$&ccedil;auans, encore qu'ils cognoi$$ent a$$ez
qu'ils ne $cauent rien, ou qu'ils $cauent
<pb n=8>
fort peu de cho$es, parce qu'ils veulent
acquerir de la reputation, afin de par-
uenir au de$$ein qu'ils $e $ont form&eacute;s, &amp;
qu'ils $e s&otilde;t propo$&eacute;s, &amp; de paroi$tre les
plus $&ccedil;auans dans les compagnies, o&ugrave;
ils $e rencontrent, parce que voyant
qu'ils y ont quelquefois re&uuml;$$i, &amp; n'a-
yant rencontr&eacute; per$onne qui leur ait
peu, ou voulu re$i$ter, $oit par re$pect
&amp; mode$tie, ou pour quelqu'autre rai-
$on, ils veulent entretenir le monde
dans la bonne opinion que l'on a con-
ceu&euml; de leur capacit&eacute;. Mais l'autre r&eacute;-
ponce e$t, peut-e$tre plus veritable,
particulierement &agrave; l'&eacute;gard de ceux qui
$e croyent tre$-$&ccedil;auans, &amp; qui $e $ont
per$uadez que cela e$t, &amp; qu'en effect
ils peuuent in$truire, &amp; de$abu$er tout
le monde: or ce$te creance peut e$tre
fond&eacute;e $ur ce qu'ils ont renc&otilde;tr&eacute; quel-
que fa&ccedil;on de rai$onner qui leur $emble
extraordinaire, $oit pour di$courir des
difficultez de la Phy$ique, ou des au-
tres $ciences, ou parce qu'ils ont $pecu-
I&eacute; quelque verit&eacute; particuliere, dont ils
ne trouuent nulle connoi$$ance ail-
leurs.
<p>Mais quand ils rencontrent quel-
<pb n=9>
qu'vn qui ne leur cede point pour la fa-
cilit&eacute; du di$cours, &amp; qui a autant, ou
plus de capacit&eacute; qu'eux, ils $e peuuent
ay$&eacute;ment de$abu$er, &amp; quitter toute
$orte de pre$omption, &amp; de preoccu-
pation d'e$prit, quoy qu'il ne $oit pas
nece$$aire d'e$tre remis d&atilde;s le bon che-
min, quand on a a$$ez d'e$prit &amp; de ju-
gement pour cognoi$tre, &amp; pour con-
clure que l'on ne $&ccedil;ait qua$i rien dans la
Phy$ique, $i l'on $uit la definition de la
$cience qu'Ari$tote a donn&eacute;e: car $i el-
le doit e$tre des objects eternels &amp; im-
muables, &amp; que Dieu pui$$e changer
tout ce qui e$t dans la Phy$ique, l'on
n'en peut faire vne $cience.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Il faut icy remarquer que le plus
haut $ommet de la $cience o&ugrave; les hom-
mes pui$$ent arriuer, $ert &agrave; les humilier,
&amp; &agrave; rabatre leur orgueil, d'autant qu'ils
voyent clairement qu'apres auoir e$tu-
di&eacute; l'e$pace de 60. ou 80. ans, qu'ils
ont $eulement trauaill&eacute; &agrave; de$couurir,
&amp; &agrave; reconnoi$tre leur ignorance. De l&agrave;
vient que quelques-vns e$timent, que
<pb n=10>
l'extreme $cience des hommes a lo
me$me effet qu'vne extreme ignoran-
ce, &amp; que toutes les extremitez $e ren-
contrent au me$me but, comme le $on
graue, &amp; l'aigu de l'Octaue, ou du Dia-
pa$on, qui $ont $i $emblables, qu'il e$t
difficile d'en remarquer la difference,
D'o&ugrave; l'on pouroit tirer plu$ieurs autres
conclu$ions, que ie re$erue pour vn au-
tre lieu. I'ajou$te $eulement que cha-
cun peut faire la preuue de ce corollai-
re $ur$oy-me$me, lors qu'il con$idere-
ra qu'il $'imaginoit pouuoir donner la
rai$on de toutes cho$es &agrave; la $ortie du
cours de Philo$ophie, ou de Theolo-
gie, &amp; qu'il $era contraint d'auo&uuml;er 20.
ou 30. ans apres qu'il ne $&ccedil;ait nulle rai-
$on qui le contente, &amp; qui luy $oit $i
euidente, &amp; $i certaine, qu'il n'en
pui$$e douter.
<p>C'e$t pourquoy il ne faut nullement
craindre que la plus gr&atilde;de $cience que
l'on pui$$e aquerir en ce monde rem-
pli$$e l'e$prit des $&ccedil;auans de vanit&eacute;, ou
d'arrogance, attendu qu'il y a plus de
danger qu'ils s'aillent cacher $ans o$er
paroi$tre, &amp; qu'ils demeurent dans vn
perpetuel $ilence, auec vn de$e$poit
<pb n=11>
d'arriuer &agrave; quelque connoi$$ance eui-
dente, &amp; infaillible des ouurages de la
nature, ou de ce qui $e fait dans eux-
me$mes, qu'il n'y en a qu'ils s'&etilde;orgueil-
li$$ent de connoi$tre $eulement qu'ils
ne $&ccedil;auent nulle cho$e auec a$$ez d'eui-
dence, &amp; de certitude pour en e$tablir
vne $cience.
<p>Car l'on peut dire que nous voyons
$eulement l'&eacute;corce, &amp; la $urface de la
nature, $ans pouuoir entrer dedans, &amp;
que nous n'aurons jamais autre $cience
que celle de $es effects exterieurs, $ans
en pouuoir penetrer les rai$ons, &amp; $ans
$&ccedil;auoir la maniere dont elle agit, iu$-
ques a ce qu'il plai$e &agrave; Dieu de nous de-
liurer de cette mi$ere, &amp; nous de$$iller
les yeux par la lumiere qu'il re$erue &agrave;
$es vrays adorateurs.
<HR>
<C>QVESTION III.</C>
<C><I>E$t-il vray que l'E$tain calcin&eacute;, e$t plus
pe$ant apres auoir e$t&eacute; calcin&eacute;, que lors
qu'il e$t crud.</I></C>
<p>L'Experi&etilde;ce que plu$ieurs publient
pour veritable, e$t a$$ez e$trange,
<pb n=12>
&agrave; $&ccedil;auoir que l'E$tain calcin&eacute; e$t plus
pe$ant que lors qu'il e$t crud, encore
que l'on n'adjou$te rien &agrave; $a chaux, &amp;
qu'en le calcinant il $'euapore grande
quantit&eacute; de $es parties en fum&eacute;es &amp;
vapeurs. Ce que le $ieur Brun excel-
lent Apoticaire de Bergerac, confirme
par l'experience qu'il propo$e &agrave; Mon-
$ieur Rey Docteur en Medecine, pour
en $&ccedil;auoir la rai$on. Ledit Brun ayant
mis deux liures &amp; 6. onces du plus fin
e$tain d'Angleterre dansvn va$e de fer,
accommod&eacute; &agrave; vn fourneau ouuert, &amp;
l'ayant reduit dans $ix heures en vne
chaux tre$-blanche $ans y adjo&ucirc;ter au-
cune cho$e, il en a trouu&eacute; 2. liures 13.
onces, ce$t &agrave; dire 7. onces dauantage:
quoy qu'apres auoir calcin&eacute; 6. liures de
pl&otilde;b, il ayt trouu&eacute; 6. onces de dechet.
<p>Or il e$t rai$onnable que ie die mon
jugement $ur cette difficult&eacute;, pui$que
l'vn &amp; l'autre m'ont fait l'honneur de
m'&eacute;crire $ur ce que ie leur auois pro-
po$&eacute; $ur ce $ujet, &amp; que le $ieur Rey
m'a donn&eacute; $on liure, dans lequel il e$-
$aye de prouuer qu'il n'y a nul corps d&atilde;s
la nature qui ne $oit pe$ant: ce qu'il
mon$tre par l'air, qui de$cend tre$-vite
<pb n=13>
dans tous les puits, &amp; les autres trous
que l'on fait en terre, de $orte qu'il
conclud dans $on 6. e$$ay, que la terre
e$tant conuertie en eau, &amp; l'eau en air,
l'air e$t au$$i pe$ant que la terre. Son
fondement con$i$te en ce que le $eu du
fourneau fai$ant euaporer les parties
les plus $ubtiles de l'air, $es parties plus
gro$$ieres &amp; plus pe$antes de$cendent
dans le vai$$eau de fer, &amp; $'atrachent
tellement &agrave; la chaux de l'e$tain, qu'el-
les la rendent plus pe$ante, comme il
arriue au $able, qui deuient plus pe$ant
par l'humidit&eacute; de l'eau que l'&otilde; y adjo&ucirc;-
te: de $orte que $i l'on di$tilloit l'air
dans vn alambic en vn lieu plus leger
que la Sphere de l'air, l'on trouueroit
que celuy qui demeureroit au fond du
vai$$eau $eroit plus pe$ant que celuy
que l'on auroit di$till&eacute;, &amp; qui $e $eroit
exhal&eacute;.
<p>Ie croy que ceux qui liront $on liure
en receuront vn particulier contente-
ment, car il rapporte plu$ieurs belles
remarques qui $ont veritables, &amp; don-
ne de l'entr&eacute;e &agrave; plu$ieurs excellentes
difficultez de la Phy$ique, &amp; de la Me-
decine. Or auant que de conclure cet-
<pb n=14>
te que$tion, ie veux aduertir que le <I>Ca-
la&euml;n,</I> dont il e$t parl&eacute; dans le 27. e$$ay
de $on liure, e$t vne e$pece de regule,
que l'on apporte des Indes, &amp; que l'on
appelle <I>Sin,</I> ou <I>Speautre.</I> Il re$$emble
qua$i &agrave; l'e$tain de glace, comme m'a
r&eacute;crit le $ieur Brun: $i quelques-vns
veulent voir la lettre que Mon$ieur
Rey m'a enuoy&eacute;e pour l'&eacute;clairci$$em&etilde;t
des difficultez que i'ay form&eacute;es $ur $es
e$$ais, ie la leur mon$treray tre$-libre-
ment.
<p>Quant &agrave; la $olution de la difficult&eacute;,
l'on peut, ce $emble, re$pondre que la
chaux d'e$tain deuient plus pe$ante,
parce qu'elle attire vne grande quan-
tit&eacute; de vapeurs, parmy le$quelles $ont
me$l&eacute;es plu$ieurs petites parties de ter-
re, qui augmentent $on poids: quoy
qu'il $oit difficile qu'elle en attire au-
tant, ou dauantage que ce qu'elle en
perd par la force du feu: ce qui arriue
$emblablement, &agrave; ce que l'on dit, &agrave; la
chaux de l'antimoine, &amp; &agrave; plu$ieurs au-
tres metaux calcinez, car encore que
la chaux de plomb $e $oit trouu&eacute;e plus
legere dans l'experience du $ieur Brun,
elle $'e$t trouu&eacute;e plus pe$ante dans l'ex-
<pb n=15>
perience des autres: &amp; $'il arriue que
quelque chaux $e trouue beaucoup
plus legere, il en faut rapporter la cau-
$e &agrave; la trop grande quantit&eacute; de vapeurs
qui $ont $orties du corps calcin&eacute;, com-
me l'on experimente dans les plantes,
&amp; dans les animaux.
<p>Mais cette rai$on ne me $atisfait pas,
c'e$t pourquoy ie prefere celle dudit
Rey &agrave; toutes les autres, quoy que l'on
pui$$e propo$er plu$ieurs difficultez
contre elle, dont il en a re$olu vne bon-
ne partie.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Ie de$irerois que tous $e porta$$ent &agrave;
ayder le public, &amp; qu'ils ob$erua$$ent la
grande loy de la morale, qui con$i$te &agrave;
faire tout le bi&etilde; &agrave; tous les hommes quo
l'on voudroit receuoir d'eux. C'e$t &agrave;
quoy les Chymi$tes, &amp; ceux qui tra-
uaillent $ur les metaux m&atilde;quent gran-
dement, car s'ils communiquoient mil-
le gentilles ob$eruations qu'ils rencon-
trent en trauaillant, plu$ieurs excel-
lents e$prits en pourroient tirer des lu-
mieres pour e$tablir quelque cho$e de
<pb n=16>
certain d&atilde;s la Phy$ique, ou d'vtile pour
la vie, &amp; pour la $ociet&eacute; des hommes.
N'e$t-ce pas vne cho$e cent fois plus
genereu$e &amp; plus glorieu$e d'ayder
tous les morteis de ce que l'on peut,
quand on n'en re&ccedil;oit nul dommage,
que de retenir la verit&eacute; en inju$tice, &amp;
d'empe$cher que la lumiere ne $orti$$e
$on effect, qui con$i$te &agrave; $e communi-
quer, &amp; &agrave; $'e$tendre &agrave; l'infiny, &agrave; l'imita-
tion, &amp; par la participation de la viue
$ource de la lumiere eternelle, qui nous
conuie par $on exemple &agrave; faire toutes
$ortes de plai$irs &agrave; nos freres, c'e$t &agrave; di-
re &agrave; tous les hommes, qui tous ont Dieu
pour leur pere.
<HR>
<C>QVESTION IV.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir $i les corps pe$ans augmentent
tou$iours leur vi$to$$e quand ils de$cen-
dent vers le centre de la terre.</I></C>
<p>IL e$t certain qu'vne boule de bois,
ou de plomb, ou de quelqu'autre
matiere a$$ez pe$ante pour penetrer
l'air $ans varier d'vn co$t&eacute; ny d'autre,
<pb n=17>
<FIG>
augmente tou$iours $a vi$te$$e
dans toutes les haulteurs, dont
nous la pouuons faire tomber:
car la boule qui tombe de 12.
pieds de haut dans le temps d'v-
ne $econde minute, tombe de
48. pieds ou enuiron dans le
temps de 2. $econdes, &amp; ain$i
con$equemment, de $orte que
les e$paces que fait la boule en
diuers t&etilde;ps, $ont en rai$on dou-
bl&eacute;e de$dits temps, ou peu s'en
faut, comme i'ay mon$tr&eacute; dans
vn trait&eacute; particulier. Mais il e$t
difficile, &amp; peut-e$tre impo$$i-
ble de determiner le peu qui
s'en faut, &amp; de $&ccedil;auoir en quel
lieu la boule comm&etilde;ce &agrave; garder
vne autre proportion dans $on mouue-
ment. Ie mets icy vne ligne diui$&eacute;e en
certaines parties, $elon le$quelles il y a
grande appar&etilde;ce que la boule de$cend:
de $orte que $i elle fait la premiere par-
tie AB dans la premiere $econde, quel-
le fait la partie BC dans la $econde, &amp;
CD dans la 3. &amp; DE dans la 4. Les
Geometres trouueront ay$ement la
maniere de faire cette diui$ion, qui
<pb n=18>
doit tou$iours garder vne me$me rai-
$on.
<p>Ie $uppo$e $eulement icy que la pre-
miere partie AB ayt 12. pieds de lon-
gueur, affin qu'ils determinent com-
bi&etilde; BC, &amp; les autres parties en doiuent
auoir: car quant aux autres difficultez
qui $e rencontrent dans ces cheutes, ie
les re$erue pour vn autre lieu. I'ad o&ucirc;te
$eulement que Vendelin m'a fait pen-
$er &agrave; cette proportion, dont ie parleray
plus amplement dans vn autre trait&eacute;.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Pui$que nous ne pouuons $&ccedil;auoir les
vrayes rai$ons, ou la $cience de ce qui
arriue dans la nature, parce qu'il y a
tou$iours quelques circon$t&atilde;ces, ou in-
$tances qui nous font douter $i les cau-
$es que nous nous imaginons $ont veri-
tables, &amp; s'il n'y en a point, ou s'il n'y en
peut auoir d'autres, ie ne voy pas que
l'on doiue requerir autre cho$e des plus
$&ccedil;auans que leurs ob$eruations, &amp; les
remarques qu'ils auront faites des dif-
ferens effets, ou phenomenes de la na-
ture. Par exemple, pui$que l'on ne
<pb n=19>
peut demon$trer que la terre $oit $table
&amp; mobile, l'on doit $e contenter de $&ccedil;a-
uoir toutes les ob$eruations que les
A$tronomes ont faites au Ciel, &amp; en
tout ce qui $emble auoir quelque $orte
de mouuement regl&eacute;. Et peut-e$tre
que cette ignorance des vrayes cau$es,
ou rai$ons des cho$es fera rentrer plu-
$ieurs en eux-me$mes, pour con$iderer
les mouuements de leur ame, &amp; tous
les re$$orts interieurs qui les font agir,
afin que chacun &eacute;prouue $i la connoi$-
$ance de $oy-me$me e$t plus vtile, &amp;
plus ay$&eacute;e que celle des cho$es exter-
nes. Ie m'a$$eure que l'on trouuera
quelque re$$ort qui fait mouuoir toutes
lesfacultez, &amp; les pui$$ances du corps,
&amp; de l'ame, d'o&ugrave; elles dependent, &amp;
qui ne depend de nul autre: &amp; qu'ils
confe$$eront hautement que l'&oelig;cono-
mie du corps humain, &amp; de toutes les
facultez, &amp; des operations de l'ame re-
connoi$t vn ouurier tre$-$age &amp; tre$-
intelligent, qui opere toutes cho$es en
nous, &amp; en tout l'vniuers, &amp; dont la
bont&eacute;, &amp; la grandeur e$t infiniment
adorable. Ce $ont l&agrave; les pen$&eacute;es qui
nous doiu&etilde;t $eruir de principal alim&etilde;t,
<pb n=20>
&amp; qui occupant nos $oins, &amp; nos veil-
les, doiuent remplir no$tre e$prit,
afin de l'vnir au Pere des e$prits, &amp; de
commencer d&eacute;s cette vie les exta$es
eternelles de la beatitude, &amp; les raui$-
$em&etilde;s qui nous metter&otilde;t hors de nous-
me$mes, pour nous aby$mer dans l'Im-
men$it&eacute; diuine.
<HR>
<C>QVESTION V.</C>
<C><I>Pourquoy la poudre de l'or, que l'on appelle
fulminant, fait elle vn $igrand bruit,
quand elle $ent la chaleur?</I></C>
<p>IL e$t difficile de renc&otilde;trer dans tou-
te la nature des effets plus e$tranges
que ceux de l'or fulminant, car $i to$t
qu'il e$t a$$ez &eacute;chauff&eacute;, il $e precipite
d'vne $i grande impetuo$it&eacute;, qu'il r&otilde;pt
le fer, &amp; tous les autres metaux que
l'on met de$$ouz, &amp; fait vn bruit $i $ec,
&amp; $i &eacute;clatant, qu'il e$t beaucoup plus
difficile de le $ouffrir que celuy d'vn pi-
$tolet, ou d'vn canon.
<p>Or il faut premierement remarquer
que cet or n'e$t autre cho$e qu'vne pou-
<pb n=21>
dre de$$eich&eacute;e que l'on tire de te<*>e pie-
ce d'or que l'on veut: par exemple, d'v-
ne pi$tole, ou d'vn &eacute;cu: ce que l'on fait
ay$&eacute;ment en mettant premierement
l'or dans de l'eau regale, dans laquelle
il $e di$$out ay$&eacute;ment, &amp; puis l'on ver$e
de l'huile de Tartre dedans pour le $e-
parer d'auec ladite eau. Et puis l'on
y ver$e de l'eau toute pure, afin de le fai-
re precipiter apres qu'il a jett&eacute; toutes
$es fum&eacute;es, $on feu, &amp; $a furie; &amp; fina-
lement l'on ver$e cette eau par inclina-
tion, afin de prendre la poudre qui $e
trouue au fond, &amp; que l'on fait $eicher
au feu, ou au $oleil; ce qui e$t $i ay$&eacute;,
que l'on peut faire cette poudre dans
vne demie heure, $ans v$er de feu, com-
me j'ay experiment&eacute;.
<p>En 2. lieu, il faut remarquer que cet-
te poudre va tou$iours en bas, &amp; pou$-
$e ou rompt les cueilliers, &amp; les autres
corps $ur le$quels on la met, au$$i-to$t
qu'elle e$t a$$ez &eacute;chauff&eacute;e: &amp; lors qu'el-
le prend feu, elle luy donne, ce$emble,
vne couleur blua$tre, &amp; $'&eacute;leue vn peu;
mais quand elle rencontre vn corps $i
fort, &amp; $i dur qu'elle ne peut le rompre,
il e$t difficile de $&ccedil;auoir o&ugrave; elle va, par-
<pb n=22>
ce que l'on n'en trouue point de ve$ti-
ge: quoy que l'on pui$$e tellement l'en-
fermer entre 4. cartons, que l'on re-
marquera ay$&eacute;ment de quel co$t&eacute; elle
va, lors qu'elle ne peut rompre le corps
$ur lequel elle s'enflamme.
<p>En 3. lieu, j'ay experiment&eacute; que le
feu de la poudre &agrave; canon, que l'on me$-
le parmy, n'e$t pas $uffi$ant pour l'en-
flammer; &amp; que le plus grand Soleil de
l'E$t&eacute; ne la fait pas partir, encore que
plu$ieurs tiennent que la $eule chaleur
du corps la pui$$e enflammer, quand on
la porte dans la poche, c'e$t pourquoy
il faut prendre garde que l'on ne l'&eacute;-
chauffe trop en la fai$ant $eicher. Or il
e$t probable que le $alpe$tre, qui s'e$t
attach&eacute; &agrave; cette poudre d'or, e$t cau$e
de ce qu'elle prend le feu, &amp; qu'elle va
en bas &agrave; rai$on de $a pe$anteur, qui ne
peut e$tre enleu&eacute;e par les e$prits du $al-
pe$tre.
<p>Quant au bruit qu'elle fait, on peut
la comparer &agrave; celuy du tonnerre, ou
plu$to$t &agrave; celuy d'vnfo&uuml;et, car l'vn &amp;
l'autre e$t tre$ $ec, &amp; penetr&atilde;t, &amp; $e fait
par la duret&eacute; de la colli$ion, ou du bat-
tem&etilde;t de l'air, qui te$moigne la grande
<pb n=23>
violence qu'il endure par l'&eacute;clat qu'il
fait. Mais le bruit de la poudre &agrave; canon
e$t plus muet, &amp; plus $ourd, &agrave; rai$on
qu'elle e$t beaucoup plus molle, &amp; plus
gro$$iere que la poudre d'or, dont cha-
que grain e$t fort dur, encore qu'elle
$oit qua$i impalpable.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Si l'on auoit tellement $pecul&eacute; tou-
tes $ortes de $ons, &amp; de bruits, que l'on
peu$t juger de toutes les $ortes, &amp; les
qualitez, ou proprietez des mouuem&etilde;s
en les oyant, &amp; que l'on $&ccedil;e&ucirc;t tous les
effets qu'ils peuuent produire, l'on en-
richiroit grandement la Phy$ique; &amp;
peut-e$tre que la beaut&eacute;, l'excellence,
l'vtilit&eacute;. &amp; l'e$tendu&euml; des $ons ne cede-
roient pas &agrave; la lumiere, laquelle n'a pas
$eruy $i immediatement &agrave; no$tre $alut,
que le $on, qui nous a fait conceuoir la
reuelation Diuine, &amp; nous a fait em-
bra$$er la vraye Religion. Mais ie trai-
te ailleurs de tout ce que l'on peut con-
noi$tre par le moyen du $on, de $orte
qu'il $uffit maintenant de con$iderer
que les $ons, quoy que pa$$agers, ne
<pb n=24>
$ont pas $i peu de cho$e, qu'ils ne contri-
buent grandement &agrave; la gloire de Dieu,
&amp; &agrave; no$tre $alut, comme l'on experi-
mente aux Cantiques de lo&uuml;ange, que
nous luy offrons tous les jours.
<HR>
<C>QVESTION VI.</C>
<C><I>Comment les metaux peuuent-ils s'engen-
drer dans la terre, puis que le Soleilne
penetre pas $i auant?</I></C>
<p>L'Experience fait voir que la terre
e$t tou$iours froide, lors qu'on l'ou-
ure, &amp; qu'on la creu$e de 6. ou 7. pieds,
quelque chaleur qui pui$$e faire, ce qui
mon$tre, ce $emble, que le Soleil n'en-
gendre pas les metaux dans les entrail-
les de la terre: &amp; ce qui t&eacute;moigne qu'el-
le a quelque chaleur particuliere, qui
luy e$t au$$i naturelle, comme celle de
l'e$tomach aux animaux, &amp; comme la
lumiere au Soleil. Ce qui a fait con-
clure &agrave; Bernard Pali$$y, que la matiere
des pierres, &amp; des metaux, n'e$t autre
cho$e que le $el de l'eau, dans laquelle
il e$t tellement me$l&eacute;, que l'on ne peut
<pb n=25>
l'apperceuoir que par $es effets, c'e$t &agrave;
dire, par les pierres, les marca$ites, &amp;
les metaux, qu'il engendre premiere-
ment tous blancs de couleur de $el, qui
attire toutes les parties terre$tres qui
luy $ont propres, &amp; puis chaque corps
prend differentes couleurs, $uiuant les
differents degrez de congelation, &amp;
les differens $els, qui coagulent &amp; arre-
$tent les matieres qu'ils rencontrent.
<p>Or cette eau congelatiue, qui e$t me$-
l&eacute;e, &amp; confu$e auec l'eau commune,
qui $'exhale, peut e$tre appell&eacute;e cin-
quie$me element, &amp; contient en emi-
n&etilde;celes couleurs, les $aueurs, les odeurs,
la duret&eacute;, &amp; toutes les autres qualitez
des corps qu'elle engendre. O&ugrave; l'on
peut remar quer que la $em&etilde;ce de cha-
que cho$e, ou la tige quelle jette e$t
blanche &agrave; $on commencement, &amp;
que le $el e$t cau$e de toutes les gene-
rations, car $i l'on o$toit le $el des me-
taux, des pierres, des plantes, ou des
animaux, ils s'en iroient tous en pou-
dre: c'e$t luy qui donne la duret&eacute;, &amp; la
$olidit&eacute; aux os, &amp; aux pierres, &amp; qui
$emble e$tre le $ou$tien de toutes les
cho$es corporelles. Mais il y a autant
<pb n=26>
de differentes $ortes de $els que de cou-
leurs, &amp; d'odeurs: par exemple, la cou-
pero$e e$t vn $el di$tinct du $el nitre, du
vitriol, de l'alun, du borrax, du $ublim&eacute;,
du $ucre, du $alpe$tre, du $el gemme,
du $alicor, du tartre, du $el armoniac,
&amp; de tous les autres $els, qui empe$-
chent la corruption des corps o&ugrave; ils $e
rencontrent, qui blanchi$$ent le linge
d&atilde;s les le$$iues, qui tannent &amp; endurci$-
$ent le cuir des taneurs, par l'entremi-
$e de l'&eacute;corce de che$ne, laquelle a vne
grande quantit&eacute; de $el, qui $e commu-
nique au cuir: car les &eacute;corces des arbres
en contiennent qua$i tout le $el. Or ie
ne m'e$tendray pas dauantage $ur ce
$ujet, afin qu'on li$e les excellens di$-
cours qu'en a fait ledit Pali$$y, qui ex-
plique au$$i la maniere dont on fait le
$el commun dans les marais &amp; dans les
$alines de Xaintonge. Ceux qui pren-
dront la peine de le lire, croyront ay$&eacute;-
ment que les coquilles, les herbes, les
animaux, &amp;c. $e peuuent petrifier, &amp;
$e reduire en metal, par le moyen de
ladite eau congelatiue. Mais il e$t dif-
ficile de $&ccedil;auoir d'o&ugrave; vient la differen-
ce des $els, &amp; $'ils $ont tous homogenes
<pb n=27>
au commencement, de $orte qu'ils ne
re&ccedil;oiuent point d'autre differ&etilde;ce, que
des differens accidens qu'ils rencon-
trent, ou $i Dieu les a faits de differen-
tes e$peces d&eacute;s le commencement du
monde.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Sil'on $e donne le loi$it de con$ide-
rer que plu$ieurs e$peces de bois, &amp;
me$me que les corps des hommes $e
peuuent petrifier, il faudra aduo&uuml;er
que l'eau tant de pluye, que de riuiere,
de fontaine, &amp;c. ou que l'air joint aux
vapeurs, &amp; aux exhalai$ons ont la ver-
tu, &amp; la pui$$ance de c&otilde;uertir les corps
qui en $ont touchez, en pierre, &amp; con-
$equemment de les rendre beaucoup
plus pe$ans qu'ils n'e$toient. Or il e$t
tre$-difficile de $&ccedil;auoir d'o&ugrave; vient cet-
te plus gran de pe$anteur, $i ce n'e$t que
l'&otilde; die que l'eau, ou l'air vaporeux rem-
plit les pores des bois, &amp; des autres
cho$es qui $e petrifient; &amp; par con$e-
quent qu'il les rend plus den$es qu'ils
n'e$toient, pui$que nous ne reconnoi$-
$ons nulle autre cau$e de la plus grande
<pb n=28>
pe$anteur des corps, que leur plus gr&atilde;-
de den$it&eacute;: de $orte que $i l'on pre$$e
tellement la laine, ou l'&eacute;ponge, qu'elles
ayent autant de parties en me$me vo-
lume que l'or, elles $eront au$$i pe$an-
tes que l'or.
<p>Co qui peut faire pen$er &agrave; ceux qui
portent toutes cho$es au bien, c'e$t &agrave;
dire &agrave; la gloire, &amp; &agrave; l'amour de Dieu,
qui $ont les $ouuerains biens de l'hom-
me, que $i les actions morales peuuent
e$tre rendu&euml;s meilleures, &amp; plus meri-
toires par quelque $orte de conden$a-
tion, &amp; qu'elles tirent leur bont&eacute;, &amp;
leur poids, des differentes fins, &amp; inten-
tions, qu'elles $eront d'autant plus effi-
caces, qu'elles $eront faites auec vne
plus grande multitude de b&otilde;nes inten-
tions; par exemple, auec intention de
plaire &agrave; Dieu, &amp; de $e conformer &agrave; $a
$aincte volont&eacute;, auec intention de faire
plai$ir au prochain, &amp; de $e perfection-
ner en la vertu, &amp;c. Mais la grace di-
uine e$t celle qui opere le plus, &amp; qui
donne le poids, &amp; la vertu &agrave; chaque
action, de $orte qu'elle peut e$tre com-
par&eacute;e &agrave; l'eau congelatiue, qui affermit,
&amp; appe$antit les corps $ans leur faire
<pb n=29>
perdre leur figure, comme la grace an-
noblit nos actions $ans changer leur
apparence exterieure.
<HR>
<C>QVESTION VII.</C>
<C><I>Quelle e$t la plus grande port&eacute;e des arque-
bu$es, &amp; de l'artillerie, &amp; en quelle
proportion les boulets diminuent-
ils leur force, &amp; leur vi$te$$e?</I></C>
<p>ENtre plu$ieurs proprietez qu'a l'an-
gle de 45. degrez, l'on peut dire
qu'il d&otilde;ne la plus grande port&eacute;e &agrave; tou-
tes $ortes d'armes &agrave; feu, &agrave; bales, &amp; &agrave; fle-
ches, parce qu'il conduit tellement les
bales, qu'elles $ont au milieu du plan
horizontal &amp; du vertical. Mais il e$t
difficile de $&ccedil;auoir en quelle propor-
tion leur vi$te$$e $e diminu&euml;; quoy que
$i le mouuement violent e$t oppo$&eacute; au
naturel, l'on pui$$e dire que cette dimi-
nution e$t en rai$on doubl&eacute;e des e$pa-
ces que font les boulets, &amp; les autres
mi$$iles, pui$que la vi$te$$e des corps
pe$ans, qui vont au centre, $'augmen-
te, ce $emble, en rai$on doubl&eacute;e des
<pb n=30>
e$paces, par le$quels ils de$cendent,
comme j'ay remarqu&eacute; dans vn trait&eacute;
particulier. Il y a encore plu$ieurs au-
tres grandes difficultez, dont ie re$er-
ue la $olution pour vn autre lieu: par
exemple, &agrave; $&ccedil;auoir quelle ligne fait le
boulet en fini$$ant $on vol, ou $a cour-
$e; &amp; $i la courbeure de $on arc e$t hy-
perbolique, ou parabolique, comme
croyent quelques-vns, ou $i elle e$t
d'vne e$pece differente de toutes les
autres lignes courb&eacute;es, &amp; $i elle tient
dauantage de la ligne droicte, que de
la circulaire: ce que l'on pourroit de-
terminer $i l'on $&ccedil;auoit en qu'elle pro-
portion le mouuement naturel du bou-
let $'augmente, &amp; en qu'elle propor-
tion $e diminu&euml; $on mouuement vio-
lent. Ie lai$$e plu$ieurs autres difficul-
tez qui appartiennent aux effets diffe-
rens des boulets, $elon les differentes
inclinations, ou incidences, dont ils
frappent les murailles, parce qu'elles
meritent des di$cours entiers.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Il y a plu$ieurs cho$es &agrave; con$iderer
dans les port&eacute;es des canons, des mou$-
<pb n=31>
quets, &amp; des autres in$trumens, qui
$eruent &agrave; letter des bales, des pierres,
ou d'autres cho$es: par exemple, qu'ils
font plus de fau$$&eacute;e de loin que de pres,
car le boulet de canon a plus d'effet &agrave; 3.
ou 4. cens pas, qu'&agrave; 50. ou cent pas: &amp;
puis quelle difference il y a entre tou-
tes les fau$$ees que fait le boulet &agrave; tou-
tes $ortes de di$tances depuis la bouche
du canon, ju$ques &agrave; ce qu'il ce$$e de $e
mouuoir. Quand les canons commen-
cent &agrave; e$tre $i longs qu'ils diminuent
leur port&eacute;e qu'ils auoient e$tant de 16.
ou 18 pieds. Si leur recul a autant de
force en arriere que leurs boulets en
deuant: $i e$tant tirez perpendiculai-
rement en haut, ils ont vne au$$i gran-
de port&eacute;e, que lors qu'on les tire &agrave; 45.
degrez, ou &agrave; quel degr&eacute; il les faut tirer,
pour auoir vne port&eacute;e qui $oit &eacute;gale &agrave; la
perpendiculaire: $i e$tant tirez en bas
perpendiculairem&etilde;t, leur mouuement
de violence dure dauantage, &amp; les por-
te plus loin qu'e$tant tirez en haut, ou
&agrave; tel degr&eacute; que l'on voudra. Ily a en-
core plu$ieurs autres experiences &agrave; fai-
re, d&otilde;t les Canoniers pourroient gran-
dement ayder &agrave; ceux qui e$$ayent d'&eacute;-
<pb n=32>
tablir quelque cho$e de regl&eacute;, &amp; de cer-
tain dans la Phy$ique.
<HR>
<C>QVESTION VIII.</C>
<C><I>Quelle e$t la ligne de direction qui $ert
aux Mechaniques?</I></C>
<p>CEtte ligne pa$$e par le centre du
monde, &amp; par celuy de la pe$an-
teur de chaque cho$e; &amp; l'on $uppo$e
qu'elle $oit tir&eacute;e, ou e$tendu&euml; vers le
Zenith d'vn co$t&eacute;, &amp; de l'autre vers le
Nadir iu$ques &agrave; l'infiny. Or elle e$t ap-
pell&eacute;e <I>ligne de direction,</I> parce que tout
ce qui pe$e, &amp; ce qui tombe la $uit, ou
s'atre$te $ur l'vn de $es points: c'e$t
pourquoy elle pa$$e entre nos pieds, &amp;
par le milieu du centre de pe$anteur de
nos corps, quand nous $ommes debout,
autrement nous tomberions, comme
il arriue &agrave; ceux qui dan$ans $ur la cor-
de, n'v$ent pas bien de leur contrepoix,
&amp; $ont contraints de tomber, s'ils ne re-
compen$ent la perte de la ligne de di-
rection par la violence &amp; l'impetuo$it&eacute;
du mouuement de leurs corps; car la
<pb n=33>
pierre, que l'impetuo$it&eacute; $ou$tient en
l'air, apprend que l'on peut tellement
voltiger, que la ligne de direction ne
$era pas nece$$aire. Il faut donc remar-
quer l'vtilit&eacute; de cette ligne, qui con-
traint les jambes, &amp; la poictrine &agrave; faire
vn angle aigu auec les cui$$es, lors que
l'on $e leue, afin que les pieds, &amp; le cen-
tre de pe$anteur de tout le corps $e ren-
contrent dans la ligne de direction:
$urquoy l'on peut voir la 30. que$tion
des Mechaniques d'Ari$tote, dans la-
quelle il tient que l'angle droit e$t cau-
$e du repos, &agrave; rai$on de l'&eacute;galit&eacute;, c&otilde;me
l'on experim&etilde;te aux balances, qui font
cette angle auec leurs bras, quand elles
$ont en &eacute;quilibre. D'o&ugrave; il $'en$uit que
l'angle aigu, ou l'obtus e$t cau$e du
mouuement, parce qu'il e$t le princi-
pe de l'inegalit&eacute;.
<p>Les vieillards qui p&atilde;chent trop $ur le
deuant, $e $eruent de ba$tons, pour ap-
puyer le centre de leur pe$anteur; &amp;
nous auan&ccedil;ons l'vn des pieds en deu&atilde;t,
ou nous le retirons en derriere, lors que
nous nous bai$$ons pour rama$$er ce
qui e$t tomb&eacute;, afin d'appuyer le me$me
centre. Ie lai$$e plu$ieurs autres ob$er-
<pb n=34>
uations: par exemple, que l'on peut fai-
re des tours qui panchent vers la terre
$emblables &agrave; celles de Pi$e, &amp; de Bolo-
gne, pourueu que les centres de leurs
pe$anteurs $e rencontrent dans la per-
pendiculaire, qui diui$e la tour en 2.
parties &eacute;quiponderantes.
<p>D'o&ugrave; il e$t ay$&eacute; de conclure que le
point, dont les corps $ont $u$pendus, $e
rencontre tou$iours dans la ligne de di-
rection. Mais il faut remarquer que
cette ligne a 3. $ortes de points, &agrave; $&ccedil;a-
uoir le $uperieur, l'inferieur, &amp; celuy
du milieu, qui concurre auec le centre
de pe$anteur: &amp; que chaque corps peut
e$tre $u$pendu par l'vn de ces 3. points,
que l'on appelle pour ce $ujet, <I>points de
ret&etilde;tion, &amp; de $u$pen$ion,</I> autour de$quels
le corps $e peut mouuoir. L'on peut en-
core les nommer centres de violence,
ou du mouuement violent, lors qu'on
leue vn corps pe$ant, ou qu'on le jette
en haut, ou en bas, car la pierre jett&eacute;e
en bas e$t porr&eacute;e par ces 2. centres, ou
par vn me$me centre, lequel e$t dou-
ble en pui$$ance. L'on peut au$$i met-
tre vn centre de legeret&eacute; dans les corps
legers, mais ils ne $ont pas dans la pui$-
<pb n=35>
$ance de no$tre Mechanique, comme
e$t celuy de pe$anteur.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Ceux qui $e plaignent de l'aridit&eacute;
des $ciences, &amp; particulierement des
Mathematiques, &agrave; rai$on qu ils ne cro-
yent pas que l'on en pui$$e tirer aucim
fruit pour la vie $pirituelle, &amp; pour la
moralit&eacute;, ont, ce me $emble gr&atilde;d tor<*>
car ils condamnent ce qu'ils ne $&ccedil;auent
pas; attendu qu'il n'y a point d'hom-
mes d'e$prit, qui ne pui$$ent con$iderer
qu'il n'y a nul meilleur moyen de par-
uenir &agrave; Dieu, qu'en imitant la cheute
des corps pe$ans, dont le centre de pe-
$anteur ne $ortiamais de la ligne de di-
rection, qui les conduit tout droit au
centre de l'vniuers; or le c&oelig;ur, ou la
volont&eacute; de l'homme, qui e$t c&otilde;me $on
centre de pe$anteur, $uiuant le beau
mot de S. Augu$tin, <I>amor meus, pondus
meum,</I> fera le me$me chemin vers Dieu,
$i nos affections qui donnent le bran$le
&agrave; la volont&eacute;, $e tiennent tou$iours vnies
&agrave; la Loy de Dieu, qui e$t la vraye ligne
de direction de toutes nos actions: de
<pb n=36>
$orte qu'il faut $eulement $e maintenir
dans cette ligne pour arriuer au centre
de no$tre repos, auquel nous $ommes
pou$$ez par toutes $ortes de con$idera-
tions, comme le centre de grauit&eacute; d'v-
ne pierre e$t pou$$&eacute; v<*> le centre de la
terre, par toutes les parties qui l'&etilde;uiron-
nent. Mais $i l'on met quelque empe$-
chement dans ladite ligne: par exem-
ple, $i l'on met vne &eacute;pingle, ou vne ai-
guille dedans, qui tienne ferme, il e$t
impo$$ible que la pierre de$cende, en-
core qu'elle $oit au$$i pe$ante que toute
la terre, comme il e$t impo$$ible que
nous arriuions &agrave; Dieu, $i nous $ub$ti-
tuons quelque empe$chement &agrave; $a loy,
&amp; &agrave; fa $ainte volont&eacute;, qui $eule e$t la
$ouueraine regle de toutes nos vo-
lontez.
<p>Ie lai$$e mille excellentes con$idera-
tions, que l'on peut de duire de cette
que$tion, &amp; de celle qui $uit, dans la-
quelle ie n'ay pas voulu mettre des fi-
gures, quoy qu'elle en aytbe$oin, de
peur d'&eacute;pouuanter ceux qui les hay$-
$ent, &amp; qui $'imaginent qu'elles ne $er-
uent que de croix &agrave; l'e$prit: encore que
les experts $&ccedil;achent tre$-bien qu'elles
<pb n=37>
apportent de grandes lumieres aux
di$cours.
<HR>
<C>QVESTION IX.</C>
<C><I>Peut-on donner larai$on. de tout ce qui arri-
ue &agrave; la Romaine, &amp; aux balances?</I></C>
<p>CEux qui $&ccedil;auent la $cience des
Mechaniques, demon$trent que
les poids, qui $ont mis dans les balan-
ces, ou qui $ont $u$pendus par quel-
qu'autre in$trument $emblable, ont
me$me rai$on entr'eux que les di$tan-
ces, le$quelles con$equemment ont
me$me rai$on entr'elles que les poids;
ce qu'ils preuuent par le cercle, parce
que les cercles qui $ont d&eacute;crits par les.
branches de la balance, $ont d'autant
plus grands, que les points au$quels on
$u$pend les poids, $ont plus &eacute;loignez
du point fixe de la balance: d'o&ugrave; il arri-
ue, qu'ils font d'autant plus de chemin
en quittant la ligne horizontale de l'&eacute;-
quilibre pour arriuer &agrave; la perpendicu-
laire.
<p>Il faut donc conclure que les poids
<pb n=38>
peuuent e$tre rendus plus pe$ans en les
&eacute;loignant dudit point de la balance,
&amp; plus legers en les en approch&atilde;t: que
la capacit&eacute;, &amp; la pui$$ance qu'ils ont &agrave;
faire plus de chemin, ou &agrave; de$cendre
plus vi$te, e$t cau$e de leur plus grande
pe$anteur: que tous les in$trumens de
la Mechanique, dont parle Ari$tote d&atilde;s
$es Que$tions &amp; Balde, Blancan, Mo-
nantolius, &amp; Gneuare dans leurs Com-
mentaires, tirent leur force de ces rai-
$ons, commeil e$t ay$&eacute; de prouuer par
l'explication de la figure, &amp; de la force
des Grues, des Cheures, des Mouffles,
des Tenailles, des Ci$eaux, des Rames,
des Ma$ts de Nauire, des Pre$$es, &amp;
des Pre$$oirs, des Leuiers, des Ro&uuml;es,
des Poulies, &amp; de tous les autres in$tru-
mens que l'on $e peut imaginer.
<p>Il $uffit de remarquer icy ce qu'en-
$eigne, &amp; dem&otilde;$tre Guid-Vbalde dans
le trait&eacute; qu'il a fait du Leuier, &agrave; $&ccedil;auoir,
que la force qui $ou$tient le poids atta-
ch&eacute; au leuier, &agrave; me$me rai$on auec le
poids, qu'a la partie du leuier qui e$t
entre l'appuy, &amp; le poids, auec la partie
du leuier qui e$t entre l'appuy, &amp; la for-
ce. D'o&ugrave; il arriue premierement que la
<pb n=39>
force qui leue, ou qui $ou$ti&etilde;t le poids,
e$t dautant moindre que l'appuy s'ap-
proche dauantage du poids: de $orte
que l'e$pace de la force e$t &agrave; l'e$pace du
poids, comme la di$tance de l'appuy &agrave;
la force, e$t &agrave; la di$tance de l'appuy au
poids $u$pendu; $econdement que la
force, qui $ou$tient le poids, a me$me
proportion auec luy, qu'a la di$tance
de l'appuy, ju$ques au point, auquel le
leuier e$t coup&eacute; par vne ligne, qui de$-
cend perpendiculairement du centre
de la pe$anteur du poids $ur l'Orizon,
auec la di$tance de l'appuy, &amp; de la
force.
<p>De plus, il demon$tre dans la 8. pro-
po$ition, que quand la force $ou$tient
vn poids, dont le centre de pe$anteur
e$t $ur le leuier parallele &agrave; l'Orizon, que
cette force e$t dautant moindre que le
poids e$t leu&eacute; plus haut par le leuier, &amp;
qu'elle e$t d'autant plus grande, que le
poids e$t dauantage abai$$e. La neu-
fie$me fait voir, que cette force qui $ou-
$tient le poids abai$i&eacute; $ouz le leuier &eacute;-
quidi$tant &agrave; l'Orizon, doit e$tre aug-
ment&eacute;e en me$me proportion que l'on
&eacute;leuera le poids $ur l'Orizon, &amp; qu'elle
<pb n=40>
doit e$tre diminu&eacute;e &agrave; me$me propor-
tion qu'on l'abai$$era $ouz l'Orizon.
<p>Finalement la 10. propo$ition en$ei-
gne, que le poids e$t tou$iours &eacute;gal, &amp;
qu'il faut tou$iours vne me$me force
pour le leuer, &amp; pour le $ou$tenir en
haut, ou en bas, ou &agrave; niueau, quand il a
$on centre de pe$anteur dans le leuier,
$oit que le poids $e rencontre entre la
force, &amp; l'appuy, ou que la force $e ren-
contre entre l'appuy, &amp; le poids, ou que
l'appuy $oit entre le poids, &amp; la force:
d'o&ugrave; il conclud, qu'il n'y a nul poids $i
lourd, ny $i grand, que l'on ne pui$$e
donner vne force capable de l'enleuer
&amp; de le $ou$tenir par le moy&etilde; du leui er.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Entre plu$ieurs cho$es qui $ont tre$-
con$iderables dans la Mechani que, i'en
remarque vne merueilleu$e, qui $evoid
au contre poids de la Romaine, que
l'on appelle <I>Crochet,</I> car ce c&otilde;tre-poids
a vne infinit&eacute; de pe$anteurs au$$i diffe-
rentes, que les differentes di$tances qui
$ont entre luy, &amp; le point fixe, par le-
quel on $u$pend ladite Romaine: par
<pb n=41>
exemple, $i le contre-poids ne pe$e
qu'vne liure &agrave; vn poulce dudit point, il
pe$era cent mille liures &agrave; cent mille
poulces: de $orte que ce point empe$-
che d'autant plus $a pe$anteur qu'il $'en
approche d'auantage, $oit parce que le
contre-poids en e$t d'autant plus con-
traint, &amp; plus empe$ch&eacute; de de$cendre
perpendiculairement, c&otilde;me l'on prou-
ue par les angles que font les cercles
auec la ligne de directi&otilde;, ou pour quel-
qu'autre rai$on que l'on ne $&ccedil;ait pas.
<p>Quoy qu'il en $oit, cette ob$eruation
nous peut faire $ouuenir, que le propre
poids de nos mauuai$es inclinations e$t
dautant plus grand que nous nous &eacute;loi-
gnons dau&atilde;tage de la volont&eacute; de Dieu,
qui e$t le point fixe, le quel no<SUP>9</SUP> d&eacute;po&uuml;il-
le d'autant plus de cette pe$anteur qui
nous pou$$e &agrave; no$tre ru&iuml;ne, que nous en
approchons dauantage par vn amour
re$pectueux qui nous rend $i prompts
&agrave; l'ob$eruance des Commandemens
diuins, que nous ne $entons nulle pe-
$anteur, parce que le contre-poids de
nos affections d&eacute;regl&eacute;es e$t $ou$tenu
par la crainte que nous au&otilde;s d'offen$er
la Souueraine bont&eacute;, &amp; par l'a$$i$tance
<pb n=42>
que nous donne celuy qui a prononc&eacute;
ces paroles, <I>Iugum meum $uaue e$t, &amp;
onus meum leue.</I>
<HR>
<C>QVESTION X.</C>
<p><I>D'o&ugrave; vient que les Romans, &amp; les autres li-
ures qui ne traittent pas des $ciences, $ont
mieux vendus, que les liures qui parlent
des $ciences, &amp; qui demon$trent plu$ieurs
cho$es vtiles, &amp; nouuelles?</I>
<p>IL n'y a nulle apparence que la rai$on
de ce Phenomene $e doiue tirer de
ce que la plus grande partie des hom-
mes negligent les liures $&ccedil;auans, parce
qu'ils $ont trop pleins de curio$itez,
puis qu'il n'y a rien qui les charme $i
pui$$amment, que d'appr&etilde;dre des cho-
$es curieu$es, &amp; nouuelles, comme l'on
experimente en tous ceux qui $e plai-
$ent &agrave; entendre ce qui arriue de nou-
ueau, $oit dans leur pa&iuml;s, ou ailleurs.
Maisil $emble que les Romans $e ven-
dent mieux, parce que tout le monde
e$t capable de les lire, &amp; que l'on n'y
rencontre pas ordinairement des diffi-
<pb n=43>
cultez ab$tru$es, qui de$irent de gran-
des $peculations, comme il arriue dans
les liures, qui traitent des <*>ences, &amp;
qui $emblent tous remplis d'&eacute;pines aux
ignorans Les femmes, &amp; les enfans $e
plai$ent &agrave; l'hi$toire fabuleu$e, ou veri-
table, parce qu'elle n'a be$oin que de la
memoire, &amp; de l'imagination, au lieu
que les $ci&etilde;ces requierent vn iugement
$olide, &amp; vne pointe d'e$prit, qui pene-
tre tout ce qu'il y a de plus $ubtil, &amp; de
plus difficile dans la nature.
<p>Or puis qu'il $e rencontre vn moin-
dre nombre de bons e$prits, &amp; d'hom-
mes $&ccedil;auans, il e$t euident que les liures
qui leur plai$ent, &amp; qui r&eacute;pondent &agrave;
leur capacit&eacute;, doiuent e$tre en moindre
nombre que les Romans, &amp; les hi$toi-
res, ou les autres liures qui traittent
d'vne $emblable matiere Si l'&otilde; $&ccedil;auoit
le nombre des $&ccedil;auans, &amp; designorans,
&amp; de ceux qui prennent plus de con-
tentement aux recherches curieu$es
des $ciences, qu'aux di$cours du vul-
gaire, les Libraires $&ccedil;auroient combien
ils doiuent tirer de copies de la Pre$$e
pour les vns, &amp; pour les autres.
<p>A quoy l'on peut adjou$ter que l'ex-
<pb n=44>
cellence du $tile des Romans e$t cau$e
qu'ils $e vendent mieux, au lieu que le
$tile des liures qui traittent des $cien-
ces, e$t le plus $ouuent a$$ez rude, &amp;
qu'il e$t remply de plu$ieurs termes,
qui ne $ont entendus que de ceux qui
ont e$tudi&eacute;.
<p>D'ailleurs ils traitent pour l'ordinaire
de la morale, &amp; me$lent des intriques,
&amp; des rencontres, qui excitent, &amp; e$-
branlent les pa$$ions des lecteurs, le$-
quelles $ont ordinairement plus pui$-
$antes dans les ignorans, que dans les
$&ccedil;auans qui en ont e$teint vne partie
par la frequente contemplation qu'ils
font des $ouuerains principes, Or tous
$ont capables des $entimens, &amp; des re-
glemens de la Morale, tant parce que
l'on nous contraint perpetuellement
de les pratiquer, que parce que nous
en $entons les $emences d&atilde;s nous me$-
mes, $ans qu'il $oit nece$$aire de les
prendre, ou de les receuoir d'ailleurs;
&amp; con$equemment tous $ont capables
de lire les Romans, qui $ont pleins de
moralitez.
<p>Finalement, tous confe$$ent que l'a-
mour e$t la plus pui$$ante de nos pa$-
<pb n=45>
$ions, &amp; qu'elle en e$t le commence-
ment, &amp; la fin; &amp; me$me l'on peut di-
re que toutes les autres pa$$ions ne $ont
que l'amour reue$tu de differ&etilde;tes cou-
leurs; or les Romans $ont pleins de
de$criptions de l'amour, &amp; n'ont point,
ce $emble, d'autre but, ny d'autre fin,
que de faire aymer, &amp; d'embra$er leurs
lecteurs de cette pa$$ion: c'e$t pour-
quoy il ne faut nullement s'e$tonner de
ce qu'ils $e vendent mieux que les li-
ures des $ciences: au contraire, il fau-
droit s'e$tonner s'ils ne $e v&etilde;doient pas
mieux: quoy que $i l'on compare la
$cience &agrave; l'amour, &amp; les $ouueraines
actions de l'entendement auec celles
de l'appetit, ou de la volont&eacute;, celles-l&agrave;
$oient, peut-e$tre, preferables &agrave; celles-
cy; mais cette difficult&eacute; doit e$tre re-
$eru&eacute;e pour vn autre lieu.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Si tous les hommes v$oient parfaicte-
ment de la droite rai$on que Dieu leur
a donn&eacute;e, il n'y auroit plus de guerres,
ny de querelles, ou de di$$entions au
monde, car tous auroient me$mes $en-
timens, &amp; nul n'auroit iamais plus de
<pb n=46>
contentement, apres les deuoirs qu'il
doit &agrave; la diuine Ma e$t&eacute;, que de faire
toutes $ortes de plai$irs &agrave; vn chacun: de
$orte que celuy qui auroit be$oin d'ar-
gent, de liures, de ve$temens, ou de
quelques autres commoditez, en trou-
ueroit tou$iours dix fois d'auantage
qu'il n'en de$ireroit, parce que tous $es
voi$ins, &amp; $es amis luy porteroient &agrave;
l'&etilde;nuy tout ce qu'ils croyroi&etilde;t luy e$tre
nece$$aire, vtile, ou agreable. D'o&ugrave; il
arriueroit que tous auroient vn $ujet
tre$-grand, &amp; continuel d'&eacute;leuer les
mains au Ciel, &amp; de remercier la Bont&eacute;
diuine de tant de graces, ou plu$to$t de
la $upplier de retrancher vne partie de
tant de con$olations. Or s'il $e rencon-
tre quelqu'vn qui trouue du defaut
dans cet heureux genre de vie, il e$t ay-
$&eacute; de $atisfaire &agrave; toutes les objections
qu'il pourra faire, &amp; &agrave; toutes les diffi-
cult&eacute;s qu'il propo$era, &amp; de luy demon-
$trer qu'il ne contient autre cho$e que
l'explication de la grande loy de la Mo-
rale, qui con$i$te a nous comporter en-
ners tous les hommes, comme nous
voudrions qu'ils $e comporta$$ent en
no$tre endroit.
<pb n=47>
<HR>
<C>QVESTION XI.</C>
<p><I>Pourquoy les gens de lettre, c'e$t &agrave; dire
les hommes $&ccedil;auans, ne paruienuent-ils
pas pour l'ordinaire &agrave; de $i grandes for-
tunes, que ceux qui $ont vaillans, ou qui
ont quelqu'autre addre$$e.</I>
<p>PLu$ieurs s'e$tonnent de ce que les
$&ccedil;auans n'ont pas cou$tume de par-
uenir aux gr&atilde;des dignitez, atendu qu'il
s&etilde;ble, qu'ils doiuent e$tre les plus adui-
$ez &amp; les plus $ages, &agrave; rai$on de la gr&atilde;de
lumiere qu'ils re&ccedil;oiu&etilde;t de la lecture des
bons liures, &amp; de la frequente medita-
tion qui leur e$t ordinaire: &amp; con$e-
quemment qu'ils doiuent gouuerner
les Republiques, &amp; les E$tats, &amp; com-
mander aux peuples, $uiuant le de$ir
des anciens, qui ont creu que le mon-
de $eroit bien-heureux quand il $eroit
gouuern&eacute; par les Philo$ophes, quoy
qu'ils ne $e $oient pas mis $ouz la con-
duite de Pythagore, ou de Plat&otilde;. Mais
l'on peut r&eacute;pondre que ceux qui em-
ployent leur vie &agrave; la lecture, &amp; &agrave; la $pe-
<pb n=48>
culation, ne $ont pas propres pour gou-
uerner les e$tats, $i quant &amp; quant leur
extraction ne les rend recommanda-
bles, &amp; venerables aux peuples, qui
choi$i$$ent ordinairement ce qui a plus
d'&eacute;clat, &amp; d'apparence. Et puis le long
e$tude affoiblit l'e$prit des hommes, &amp;
ne permet pas $ouu&etilde;t qu'ils $oient vail-
lans, hardis, rorts, &amp; courageux, com-
me il e$t requis &agrave; ceux qui doiuent pro-
teger les peuples enuers tous, &amp; contre
tous. D'ailleurs, le plai$ir des bonnes
lettres e$t $i charmant, que ceux qui
l'ont gou$t&eacute;, m&eacute;pri$ent celuy des gr&atilde;ds
honneurs, lequel e$t $ouuent accom-
pagn&eacute; de plus d'&eacute;pines que de ro$es.
Or la principale rai$on de toutes celles
qui $e peuuent imaginer, doit e$tre pri-
$e de la Prouidence &eacute;ternelle, qui choi-
$it ceux qui luy plai$t, pour les mettre
$ur les Thr&ocirc;nes, &amp; pour leur faire por-
ter $on Image en terre.
<p>Ce$t donc $ur elle que nous deuons
nous repo$er, comme $ur la plus ferme
ba$e de toutes nos re$oluti&otilde;s, qui n'ont
nulle vertu, qu'entant qu'elles la pren-
nent pour leur fondement: c'e$t elle
qui donne le rang, &amp; l'ordre &agrave; chacun,
<pb n=49>
&amp; qui fait que les vns $ont Roys, les au-
tres Philo$ophes, les vns riches &amp; pui$-
$ans, les autres pauures &amp; debiles, &amp;
finalement c'e$t elle qui conduit tou-
tes les creatures &agrave; leurs fins, &amp; qui s'ac-
c&otilde;modant auec vne douceur ineffable
&agrave; leurs capacitez les conduit aux lieux
qu'elle leur a preparez d&eacute;s l'&eacute;ternit&eacute;.
C'e$t pourquoy chacun $e doit conten-
ter de $a vacati&otilde;, &amp; adorer cette gran-
de Prouidence, afin d'en jo&uuml;ir eternel-
lement, lors qu'elle nous appellera de
cette vie, pour nous d&otilde;ner celle qui n'a
point de terme, ni de limites.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Quiconque con$iderera attentiue-
ment qu'il ne $e fait, ny ne $e peut rien
faire, que par la conduite &amp; par la pro-
uidence de Dieu, &amp; que c'e$t luy qui
gouuerne toutes cho$es immediate-
ment, n'y ayant que le $eul pech&eacute;, c'e$t
&agrave; dire le rien, ou le neant qu'il ne fait
pas, il ne pourra e$tre emport&eacute; par au-
cune affliction, &amp; demeurera tou$iours
ferme &amp; con$tant dans toutes $ortes
de rencontres, qui luy donneront le
<pb n=50>
t&etilde;ps de $e reconnoi$tre, &amp; de rai$onner.
Car il conclurra, que c'e$t vne folie in-
tolerable de vouloir s'oppo$er aux de-
crets Diuins, &amp; &agrave; la volont&eacute; du Mai$tre
de l'vniuers, &amp; que c'e$t la plus grande
$age$$e que les hommes pui$$ent auoir,
que de $e lai$$er gouuerner par les $ain-
ctes loix de la Prouidence eternelle,
qui ne permet pas qu'vn $eul poil tom-
be de nos te$tes, qu'elle n'en ayt vn $oin
particulier, ny que nous fa$$ions vn $eul
pas, qu'elle n'en tienne vn conte tre$-
exact, &amp; qu'elle ne nous en recompen-
$e, $i nous le fai$ons pour quelque bon-
ne intention.
<HR>
<C>QVESTION XII.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir $i l'on peut trouner la vraye lon-
gitude, ou la di$tance des Meridiens,
tant $ur la mer que $ur la terre,
pour l'v$age de la nauigation?</I></C>
<p>LA di$tance des Meridiens, ou la
difference des longitudes de deux
lieux de la terre, ou de la mer, $e trou-
ue par l'ob$eruation que l'on fait en
<pb n=51>
deux lieux a$$ez &eacute;loignez l'vn de l'au-
tre, de l'in$tant precis, auquel l'Eclip$e
de la Lune commence, ou $init: car la
difference du temps du midy e$tant
conuertie en degrez, mon$tre la verita-
ble di$tance des Meridiens; d'autant
qu'&agrave; l'&eacute;gard de tous ceux qui ont la Lu-
ne $ur l'horizon, elle entre veritable-
ment, &amp; vi$iblement en me$me temps,
c'e$t &agrave; dire au commencement de l'E-
clyp$e, dans la pyramide de l'ombre de
la terre, &amp; en $ort &agrave; la fin. Car encore
que la Lune face parallaxe en cette po-
$ition, neantmoins ce n'e$t pas &agrave; l'&eacute;gard
de l'ombre, dans laquelle elle e$t plon-
g&eacute;e, mais &agrave; l'&eacute;gard de la region du Ciel,
qui luy e$t $uperieure, &amp; qui e$t plus &eacute;-
loign&eacute;e de la terre. A quoy il faut ad-
jou$ter, que dans le pa$$age de la Lune,
l'ombre de la terre, &amp; elle, gardent vne
&eacute;gale di$tance d'auec la $ur-face de la
terre, &agrave; l'&eacute;gard de la quelle elles ne font
nul parallaxe, mais elles paroi$$ent par
tout en me$me in$tant, $ouz la me$me
ligne de vi$ion, comme font les cho$es
contigu&euml;s qui $ont les vnes $ur les au-
tres.
<p>Il y a encore vn autre moyen, dont
<pb n=52>
le fondement e$t demon$tratif, quoy
que la pratique en $oit plus fa$cheu$e,
&amp; plus difficile, &agrave; $&ccedil;auoir l'Eclyp$e du
Soleil, dont on aura ob$eru&eacute; le com-
mencement, &amp; la fin en des lieux diffe-
rents, car $i l'on compare le temps de la
dur&eacute;e, du commencement, &amp; de la fin
que l'&otilde; aura ob$eru&eacute; en ces deux lieux,
auec la difference des parallaxes de la
Lune entre les deux ob$eruations, l'on
$&ccedil;aura la di$tance des Meridiens, &amp; la
difference des longitudes.
<p>Mais il faut $uppo$er que les Ob$er-
uateurs cognoi$$ent la me$ure, &amp; la
grandeur des refractions de l'orizon $ur
lequel ils ob$eruent, autrement l'ob-
$eruation $era $u$pecte.
<p>L'on peut dire la me$me cho$e de
l'approche de la Lune aux e$toilles fi-
xes, &amp; aux Planettes, &agrave; $&ccedil;auoir quand
elle $<*>interpo$e entre no $tre &oelig;il, &amp; leurs
corps lumineux. Ce qui ne m&atilde;que pas
de difficultez, d'autant que la Lune
e$tant hors du point vertical, ne $e pre-
$ente jamais &agrave; no$tre veu&euml; en $on vray
lieu, &agrave; cau$e du parallaxe, car elle e$t
tou$iours plus ba$$e, &amp; plus inclin&eacute;evers
l'orizon. Or ce parallaxe qu'elle fait
<pb n=53>
hors le point du Zenith, $e di$tribu&euml;
quelquesfois tout en longitude, &agrave; $&ccedil;a-
uoir quand le Zodiaque pa$$e par le
Zenith, &amp; quelquefois tout en latitu-
de; ce qui arriue lors qu'elle e$t dans le
90. degr&eacute; de l'Eclyptique $ur l'orizon:
mais hors de ces 2. lieux $on parallaxe
$e di$tribu&euml;, partie en longitude, &amp; par-
tie en latitude.
<p>Apres ledit parallaxe, il faut con$i-
derer la refraction, qui accompagne la
Lune ju$ques au 45. Almicantarat, ou
degr&eacute; de hauteur $ur l'orizon, car elle
fait vne diuer$it&eacute; de vi$ion contraire &agrave;
la precedente, puis qu'elle hau$$e, &amp; le-
ue vers le Zenith, au lieu que le paral-
laxe abai$$e vers l'orizon, de $orte que
la Lune e$t encore $ouz l'orizon, quand
la refraction la fait voir de$$us.
<p>D'o&ugrave; il s'en$uit que l'ob$eruation
qui $e fera par cette voye, $era plus dif-
ficile que l'autre, parce qu'elle requiert
vn homme experim&etilde;t&eacute; dans les ob$er-
uations, &amp; vn long calcul des paralla-
xes: &amp; puis elle e$t enuelop&eacute;e d'vne
grande perplexit&eacute;, &agrave; rai$on des refra-
ctions qui mon$trent tou$iours la cho$e
hors de $on vray lieu.
<pb n=54>
<p>Or il faut pre$uppo$er trois cho$es
en ces ob$eruati&otilde;s, dont la premiere e$t
la connoi$$ance a$$ez preci$e de l'&eacute;le-
uation du pole $ur l'orizon o&ugrave; $e fait
l'ob$eruation. La 2. e$t le t&etilde;ps, &amp; l'heu-
re exacte de l'apparence, &amp; la 3. e$t vne
connoi$$ance certaine des refractions
du lieu, o&ugrave; l'on ob$erue: le$quelles 3.
cho$es e$t&atilde;t preci$&eacute;m&etilde;t connu&euml;s, con-
duiront infailliblement &agrave; la connoi$-
$ance de la di$tance des Meridiens.
<p>Car quant aux parallaxes, la con-
noi$$ance en e$t a$$ez certaine, &amp; $ont
&eacute;gaux par toute la terre, lors que la
Lune e$t d'vne &eacute;gale hauteur, ou du
moins la difference ne fait nulle erreur
$en$ible. Mais la diuer$it&eacute; des refra-
ctions rend les ob$eruations $u$pectes,
quand la Lune e$t proche de l'Orizon,
comme l'on remarque dans celles de
M&oelig;$tlin excellent A$tronome de Tu-
binge, qui remarqua l'an 1590. le 7.
Iuillet, que le Soleil $e leuoit en Orient,
lors que la Lune eclip$&eacute;e de quelques
doigts e$toit qua$i &eacute;leu&eacute;e de 2. degrez;
&agrave; l'Occident, &amp; lors que $on centre $e
couchoit, le Soleil e$toit &eacute;leu&eacute; de deux
degrez.
<pb n=55>
<p>D'o&ugrave; il&verbar;s' en$<*>it, comme Kepler la re-
marqu&eacute; dans l'onzie$me prop. de $es
Paralipomenes $ur Vitellion, nombre
8. que la refraction horizontale fut ce
iour l&agrave; &agrave; Tubinge de plus de 2. degrez;
ce qui e$t e$trange, attendu que les plus
grandes que Tycho a ob$eru&eacute;es dans le
Dannemarc, n'ont iamais exced&eacute; 33.
minutes dans la Lune. Le me$me Ke-
pler remarque que les refractions $ont
plus &eacute;gales, &amp; plus vniformes $ur la mer
que $ur la terre, $ur laquelle elles $ont
quelquesfois in$en$ibles, &amp; d'autres
fois prodigieu$es &agrave; rais&otilde; que l'Athmo$-
phere retient qua$i tou$iours vne me$-
me di$tance d'auec l'eau.
<p>Le Lantgraue de He$$ a$$eure dans
les Epi$tres de Tycho, qu'il a vne fois
ob$eru&eacute; Venus, comme $i elle eu$t e$t&eacute;
$tationnaire dans l'orizon l'e$pace d'vn
quart d'heure, encore qu'elle fu$t veri-
tablement plus de deux degrez $ouz
l'orizon; &amp; qu'elle di$parut dans vn in-
$tant; ce qui prouue vne refraction ex-
ce$$iue, &amp; extraordinaire.
<p>Or ces refractions arriuent quand
l'air e$t &eacute;pe$$i par vne vapeur qui monto
de la terre, de $orte que la conden$a-
<pb n=56>
tion de l'air fait vne plus grande refra-
ction du rayon. Surquoy l'on peut en-
core rapporter que les Holl&atilde;dois ayant
nauig&eacute; l'an 1596. iu$ques au 76. degr&eacute;
de l'eleuation du pole, vers les terres
de$ertes de la nouuelle Zemble, pour
chercher le pa$$age qui entre dans l'O-
cean Scythique Oriental, &amp; e$tant ar-
re$tez par les glaces, le Soleil leur appa-
rut pour la derniere fois le 3. iour de
Nouembre, qui ne deuoit plus paroi-
$tre iu$ques &agrave; ce qu'il eu$t me$me decli-
nai$on Au$trale, laquelle arriuoit iu$te-
ment le 6. iour de Feurier l'an $uiuant
1597. &amp; neantmoins il leur apparut le
24. de Ianuier, lequel a pour caractere
infaillible l'ob$eruation de la conjon-
ction de la Lune &agrave; Iupiter au 2. degr&eacute;
du Taureau, quelques heures apres que
le Soleil fut retir&eacute;.
<p>De $orte que le Soleil e$toit encore
r&eacute;ellement 4. degrez $ouz l'orizon,
quand il $e m&otilde;$tra en partie $ur iceluy:
d'o&ugrave; il s'en$uit nece$$airement, que la
refraction horizontale fut ce iour l&agrave; de
plus de 4. degrez d&atilde;s la nouuelle Zem-
ble, &agrave; rai$on de l'epe$$eur de l'air con-
den$&eacute; par les tenebres, &amp; par le froid
<pb n=57>
continuel de ces terres gel&eacute;es. D'ail-
leurs, les refracti&otilde;s $ont par tout moin-
dres en Automne, qu'en Hyuer, &amp; en
autres $ai$ons de l'ann&eacute;e, &amp; $uiuent la
den$it&eacute;, &amp; la raret&eacute; de l'air des differens
lieux o&ugrave; l'on $e rencontre: c'e$t pour-
quoy l'on n'e$t iamais a$$eur&eacute; du vray
lieu de la Lune, &amp; de l'E$toile, que l'on
ne connoi$$e la grandeur de l'angle de
refraction dans l'orizon, &amp; en quelle
proporti&otilde; il $e diminu&euml;, ou s'augmente.
<p>Or pour $&ccedil;auoir $i ce moyen, ou quel-
qu'autre peut $eruir &agrave; ceux qui naui-
gent la grande mer du Nord, du Sud,
&amp; des autres parties de l'Ocean, lors
qu'ils veulent trouuer la di$tance des
Meridiens, &amp; le degr&eacute; de leur longitu-
de, il faut $uppo$er 4. cho$es, dont la
premiere e$t vn Meridien fixe $ur quel-
que lieu de la terre. La 2. que les tables
A$tronomiques du mouuement des
planettes, &amp; particulierement de la
Lune, re$pondent exactement aux ap-
par&etilde;ces du Ciel, &amp; <*>u Meridien $uppo-
$&eacute;.La 3 que l'Ob$e ruateur cognoi$$e les
refractions du lieu, o&ugrave; il ob$erue: &amp; la
4. que l'ob$eruation $e face par viz
homme exerc&eacute;, &amp; $&ccedil;auant en telles
<pb n=58>
cho$es, &amp; qui ayt des inftrumens tre$-
ju$tes, &amp; a$$ez grands.
<p>Quant &agrave; la premiere cho$e, elle e$t
po$$ible, facile, &amp; v$it&eacute;e: la 2. e$t dou-
teu$e, &amp; n'e$t pas encore certaine, d'au-
tant que le mouuement de la Lune
(qui $eul peut $eruir &agrave; cette operation)
determin&eacute; par les 3. Equations de Ty-
cho Brah&eacute; e$t quelquefois moindre, ou
plus gr&atilde;de de la $ixi&eacute;me partie d'vn de-
gr&eacute;, comme les ob$eruations de Tycho
l'ont oblig&eacute; de le confe$$er, &amp; de $uiure
le milieu de cet excez, &amp; de ce defaut.
<p>Kepler $e $ert de cette va<*>et&eacute; dedans
$es tables, de $orte que $on calcul $e
trouue difforent de celuy de Tycho,
de huict ou neuf minutes, qui font
quelquefois le tiers d'vne heure dans
le mouuement de la Lune, &amp; 5. degrez
de l&otilde;gitude $ur la terre, qui vallent 75.
lieu&euml;s d'Allemagne $ouz l'Equateur.
<p>Les autres tables, comme les ancien-
ries de Ptolom&eacute;e, &amp; d'Alphon$e, au$$i
bien que les nouuelles Pruteniques
dre$$&eacute;es par Era$me Reinhold, &amp; qui
ont les ob$eruations, &amp; le calcul de
Copernic pour leur fondement, s'&eacute;loi-
gnent des apparences iu$ques &agrave; vn de-
<pb n=59>
gr&eacute; &amp; dauantage: celles de Lansberge
s'eloignent au$$i des apparences, &amp; du
calcul de Tycho, quoy qu'il conuienne
le plus exactem&etilde;t de tous auec le Ciel:
de $orte qu'il en faut demeurer &agrave; celles
dudit Tycho, puis qu'elles $ont les plus
certaines: or il e$t con$tant qu'elles s'&eacute;-
loignent encore quelquefois des appa-
rences, &amp; con$equemment l'on ne peut
s'a$$eurer de la 2. condition, laquelle
e$t la plus nece$$aire en cette matiere.
<p>La 3. qui con$i$te &agrave; connoi$tre les
refractions, requiert l'experience de
plu$ieurs ann&eacute;es, &amp; m&atilde;que le plus $ou-
uent. Quant &agrave; la 4. elle e$t po$$ible en
vn point, puis qu'il y a des Pilotes tre$-
$&ccedil;auans, &amp; exercez dans les Mathema-
tiques: mais elle e$t tre$-difficile, &agrave; rai-
$on qu'il faut vne grande tranquillit&eacute;
pour ob$eruer, car $i l'in$trument n'e$t
arre$t&eacute;, &amp; immobile, iamais l'ob$er-
uation ne $era exacte, &amp; fidelle: or l'on
$&ccedil;ait combien la mer e$t in$table, de
$orte que la 2. condition n'e$tant point
encore arriu&eacute;e, &amp; la 3. &amp; 4. e$tant $i
difficiles, il e$t impo$$ible de $&ccedil;auoir
tellement la di$tance de 2. Meridiens
par vne $eule ob$eruation faite en l'vn
<pb n=60>
d'iceux, l'autre e$tant po$&eacute;, qu'il n'y ait
nul $oup&ccedil;on d'erreur.
<p>D'o&ugrave; l'vn de mes amis, tre$-excel-
lent A$tronome, conclud qu'il e$t im-
po$$ible de dre$$er des tables perpetuel-
les, &amp; vniuer$elles des longitudes, &amp;
qu'il faut lai$$er cela &agrave; la dexterit&eacute; du
Pilote, qui peut arriuer a$$ez pr&eacute;s de la
difference des Meridiens par les ob$er-
uations de plu$ieurs iours, s'il e$t bon
A$tronome, &amp; s'il $&ccedil;ait ob$eruer le
cours des E$toiles, pourueu qu'il pren-
ne la Lune dans le 90. degr&eacute;, ou proche
d'iceluy, &amp; lors qu'elle $era en quadrat,
ou en oppo$ition auec le Soleil, ou vn
iour deuant, ou apres.
<p>Chri$tianus Longomontanus propo-
$e &agrave; la $in de $on 2. liure des Theori-
ques, le moyen de connoi$tre la di$tan-
ce de toutes $ortes de Meridiens d'auec
celuy de Hafnie, par la di$tance de la
Lune pri$e de quelque E$toile proche
du Zod&ibreve;aque, mais il veut que la Lune
$oit dans le 90. degr&eacute; de l'ecly ptique, &amp;
que l'Azimuth, ou cercle des hauteurs
de la Lune couppe le Zodia que &agrave; an-
gles droits, d'autant qu'elle n'a pour
lors nul parallaxe en longitude.
<pb n=61>
<p>Sans doute cette $ituation de la Lu-
ne e$t la plus $eure, pourueu que l'E-
$toile, dont on prendra la di$t&atilde;ce, n'ayt
pas grande latitude; mais $i elle $urpa$-
$e 2. degrez, &amp; que la di$tance de l'E-
$toile, &amp; de la Lune $oit moindre que
10. degrez, on peut commettre vn er-
reur de 15. minutes, que la Lune fait
en demie-heure; d'o&ugrave; il arriue vn er-
reur de 7. degrez &amp; demy en longitu-
de, quivallent 112 1/2 lieu&euml;s d'Allemagne
$ouz l'Equinoctial. Or c&eacute;t erreur peut
s'augmenter au double, $i par exemple,
l'E$toile e$t en $a latitude Meridiona-
le, &amp; la Lune dans la Septentrionnale,
ou au contraire.
<p>Il vaudroit donc mieux prendre la
di$tance de la Lune d'auec 2. E$toiles,
&amp; par l'analy$e d'vn triangle $pherique
trouuer $on vray lieu. Or $i l'on prend
la Lune hors du 90. degr&eacute; du Zodia-
que, elle fera tou$iours parallaxe en
longitude, &amp; $era pour lors tre$-diffici-
le de trouuer exactement $on vray lieu,
comme il a e$t&eacute; mon$tr&eacute; cy - deuant,
&amp; neantmoins $i l'on n'a ce vray lieu,
l'on de$e$pere de iamais pouuoir con-
noi$tre la vraye di$tance des Meridiens,
<pb n=62>
&amp; la difference des longitudes, dont on
ne peut au$$i iuger par le leuer, &amp; le
coucher de la Lune, tant &agrave; cau$e des
differentes refractions, que parce qu'il
peut arriuer, &amp; arriue en effet, qu'en
deux meridiens &eacute;loignez de deux cent
lieu&euml;s l'vn de l'autre, $ouz me$me pa-
rallele, bi&etilde; que la Lune $e leue premie-
rement, d&atilde;s l'vn que dans l'autre, l'on
ob$erue $ans erreur $en$ible la me$me
heure, &amp; la me$me di$tance du Soleil
au Meridien, &amp; con$equemment il e$t
impo$$ible de determiner la di$tance
des deux. Ce qui arriue parce que la
Lune fait demy degr&eacute; dans vne heure,
&amp; quelquefois n'e$t pas vne minute
d'heure &agrave; $e leuer.
<p>Or apres le di$cours de cet excellent
A$tronome, j'adjou$te que ces longitu-
des $e peuuent trouuer par le moyen
d'vn horloge d'eau, ou de $able, &amp; d'vn
autre au Soleil, dont le premier fera
$&ccedil;auoir le temps qui $e $era &eacute;coul&eacute; de-
puis le premier lieu, duquel on $uppo$e
que le Meridien, ou le degr&eacute; de longi-
tude e$t cogneu, $oit que le vai$$eau
ayt endur&eacute; mille tourmentes, &amp; que
l'on ne $&ccedil;ache o&ugrave; l'on e$t, $oit qu'il ayt
<pb n=63>
eu toute $orte de calme, car $i l'orloge
d'eau e$t bien fait, &amp; qu'il demeure
tou$iours perpendiculaire, comme fait
la lampe de Cardan, il mon$trera iu$te-
ment combien il y a d'heures que l'on
vogue $ur la mer, &amp; con$equemment
qu'elle heure il e$t au lieu d'o&ugrave; l'on a
party, &amp; dont on connoi$t le Meridien.
Par exemple, $i l'orloge dure 24. heu-
res, &amp; que l'on $oit party &agrave; midy, il $era
iu$tement midy au lieu, d'o&ugrave; l'on e$t
party, $i toute l'eau e$t tomb&eacute;e: ce qui
arriuera $emblablem&etilde;t, $i elle s'e$t vui-
d&eacute;e 3. 4. ou 5. fois, &amp;c. car il y aura au-
tant de iours depuis le depart.
<p>Qu&atilde;t &agrave; l'orloge au Soleil, $oit que l'&otilde;
v$e d'vn a$trolablevniuer$el, ou de quel
qu'autre in$trum&etilde;t tre$-exactpour trou-
uer l'heure, &amp; pour prendre la hauteur
du Soleil au midy du lieu, o&ugrave; l'on $era, il
mon$trera la di$tance du Meridi&etilde; con-
nu, &amp; $uppo$&eacute; d'auec celuy du lieu, o&ugrave;
l'on e$t; par exemple, s'il y a 24. heures
que l'on e$t party de de$$ouz le Meri-
dien connu, &amp; que l'horloge au Soleil
mon$tre vne heure apres midy, c'e$t
cho$e a$$eur&eacute;e que le Meridien o&ugrave; l'on
e$t, $era &eacute;loign&eacute; de 15. degrez du Meri-
<pb n=64>
dien $uppo$&eacute;, qu'il lai$$e vers l'Occi-
dent, &amp; s'il n'e$t qu'onze heures, il l'au-
ra lai$$&eacute; &agrave; l'Orient: or il faut faire les
ob$eruations quand le Soleil e$t en $on
midy, parce qu'il e$t pour lors exempt
de refracti&otilde;, ou s'il en a, elle e$t la moin-
dre de tout le iour. Il faut dire la me$-
me cho$e des E$toiles, qui peuuent $er-
uir pour $&ccedil;auoir l'heure, &amp; la longitude
au lieu du Soleil. Mais il faut tou$iours
prendre les E$toiles en leur plus grande
hauteur au$$i bien que le Soleil, afin
d'&eacute;uiter l'erreur des refractions.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Ceux qui $'imaginent la Geographie
de la Lune, &amp; qui croyent en pouuoir
marquer, &amp; di$tinguer les differentes
prouinces, &amp; les riuieres, &amp; les fore$ts,
$ont bien &eacute;loignez de leur de$$ein, puis
qu'ils ne peuuent pas $eulement trou-
uer les longitudes de la terre, ny de la
mer, quoy qu'elles leur $eruent de de-
meure. Mais les e$prits bien-heureux
ont vn grand contentement de $&ccedil;auoir
les longitudes de no$tre monde, &amp; de
tous les A$tres, $i toutesfois ce conten-
<pb n=65>
tement peut e$tre de quelque con$ide-
ration &agrave; l'&eacute;gard de celuy qu'ils re&ccedil;oi-
uent de la vi$ion, &amp; de la jou&iuml;$$ance de
Dieu, qui les &eacute;leue &agrave; vne $cience bien
plus grande, &amp; plus excellente que
celle de toute la nature. C'e$t donc
apres celle la qu'il faut tou$iours a$pi-
rer, &amp; qu ne$ acquiert que par l'ob$er-
uation des commandemens de Dieu,
&amp; par l'accompli$$ement de $a $aincte
volont&eacute;, qui a vne au$$i grande diffe-
rence de longitude d'auec la no$tre,
qu'il y a d'imperfections dans la crea-
ture, &amp; de perfecti&otilde;s dans le Createur.
<HR>
<C>QVESTION XIII.</C>
<C><I>Quelle e$t la cho$e la plus admirable de tout
le monde?</I></C>
<p>CEtre que$tion $e doit entendre des
cho$es vi$ibles &amp; corporelles, afin
que l'on ne me$le pas la beaut&eacute;, &amp; l'ex-
cell&etilde;ce de l'e$prit, auec celle du corps,
&amp; que l'on $e tienne dans le me$me or-
dre des creatures. Or il $emble que
tous les mortels contemplent les cieux
<pb n=66>
comme la plus excellente piece du
monde, &amp; que le Soleil $oit le corps le
plus admirable de toute la nature: de
l&agrave; vient qu'il e$t nomm&eacute; <I>Opus admirabi-
le, vas excel$i,</I> dans le 43 chap. de l'Ec-
cle$ia$tique; dans lequel nous li$ons
encore, <I>tripliciter Solexurens montes,</I> ce
que l'on peut expliquer de $es trois $or-
tes de rayons, &agrave; $&ccedil;auoir des droits, dont
il les frappe quand il e$t leu&eacute;; des refle-
chis qu'il enuoie de$$us par la reflexion
de la Lune &amp; des autres a$tres, &amp; des
rompus, dont il les illumine auant que
d'e$tre leu&eacute; $ur no$tre horizon par l'en-
tremi$e de l'atmo$phere, ou des nu&euml;s:
$i ce n'e$t que l'on die qu'il les illumine
le matin, &amp; le $oir, encore qu'il n'illu-
mine plus les campagnes, &amp; que s'ima-
ginant les montagnes $ouz l'&eacute;quateur,
ou dans la Zone torride, il les echauffe
dauantage, parce qu'il en e$t plus pres
que des campagnes: quoy que le con-
traire $e remar que &agrave; leur $ommet, &agrave; rai-
$on qu'il re&ccedil;oit moins de lumiere refle-
chie, &amp; que l'air y e$t plus rare, &amp; con-
$equemment moins capable de cha-
leur.
<p>Certes il e$t malai$&eacute; de trouuer, ou
<pb n=67>
de s'imaginer vne plus belle cho$e au
monde que la lumiere, puis qu'il $em-
ble que la beaut&eacute; de toutes les autres
cho$es depend d'elle, du moins &agrave; no$tre
&eacute;gard: c'e$t pourquoy l'on excu$e or-
dinairement plus volontiers ceux qui
ont ador&eacute; la lumiere, que ceux qui ont
rendu des honneurs diuins aux plantes,
&amp; aux animaux.
<p>Et puis $a production imite celle des
cho$es $pirituelles, dautant qu'elle $e
fait dans vn moment, &amp; $e tire en
quelque maniere du $ort, &amp; de la por-
t&eacute;ee des autres agens corporels, qui ont
be$oin du mouuement local, &amp; du t&etilde;ps
pour agir. D'ailleurs elle $e porte &agrave; l'in-
fini, de $orte que $i l'on rama$$oit toute
la lumiere d'vne chandelle qui &eacute;claire
depuis la terre ju$ques au firmament,
l'on verroit au$$i clair $ur le concaue
dudit firmament, comme $i l'on auoit
la chandelle dans la main. Veritable-
ment c'e$t vne cho$e admirable d'ex-
perimenter qu'vne petite e$teincelle
de feu, que l'on fait tomber en frappant
vn caillou, rempli$$e $en$iblement tou-
te la $olidit&eacute; d'vne $phere d'air de 20.
ou cent pieds de large, &amp; que $i elle
<pb n=68>
n'e$t pas re$eru&eacute;e dans vne chambre,
qu'elle rempli$$e toute la $olidit&eacute; du
m&otilde;de de tous les co$tez o&ugrave; il ne $e ren-
contre nul corps opaque; &amp; finalement
qu'e$tant renferm&eacute;e, cette infinie ca-
pacit&eacute; $oit born&eacute;e par vne e$pace de 4.
pieds, ce qui ne peut arriuer $ans vne
infinit&eacute; de reflexions. D'o&ugrave; il e$t ay$&eacute;
de conclure qu'elle e$t la cho$e la plus
admirable du monde, &amp; qu'il n'y a rien
entre toutes les cho$es corporelles qui
nous repre$ente la Diuinit&eacute; plus viue-
m&etilde;t que la lumiere, qui nous doit tou-
$iours faire $ouuenir d'auoir recours &agrave;
celle du S. E$prit, $uiuant la priere de
l'Egli$e, <I>&ocirc; lux beati&szlig;ima, reple cordis inti-
ma tuorum fidelium.</I>
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Encore que la lumiere du Soleil $oit
tre$-excellente, &amp; admirable, comme
nous auons dit, neantmoins elle n'e$t
pas qua$i con$iderable &agrave; l'&eacute;gard de l'ex-
cellence de la vie, ou du Principe de la
vie, qui anime les plantes, &amp; les ani-
maux; &amp; ie ne doute nullement que
tous les hommes $eroient rauis, $'ils
<pb n=69>
pouuoient comprendre ce Principe, &amp;
s'ils en pouuoient di$po$er, comme de
la lumiere, qu'ils contraignent en for-
me de coue, ou de cylindre par le moy&etilde;
des glaces paraboliques, $pheriques, &amp;
hyperboliques, quoy qu'il $oit peut-
e$tre au$$i difficile de $&ccedil;auoir la di$po$i-
tion, &amp; les qualitez que doit auoir vn
corps pour e$tre lumineux, &amp; pour &eacute;-
clairer, que de connoi$tre la preparati&otilde;
&amp; les di$po$itions qui $ont requi$es
dans vn corps pour e$tre anim&eacute;.
<p>O quel contentement nous receur&otilde;s,
quand nous verrons toutes ces difficul-
tez au$$i clairement que la lumiere du
Solcil, &amp; que nous jo&uuml;irons de ce que
nous e$perons icy, toutes &amp; quantes-
fois que nous di$ons, <I>In lumine tuo vide-
bimus lumen.</I>
<HR>
<C>QVESTION XIIII.</C>
<C><I>D'o&ugrave; vient que la plus grande partie des
hommes preferent l'argent, &amp; le lucre
&agrave; la $cience, &amp; &agrave; l'honne$tet&eacute;.</I></C>
<p>IL e$t, ce $emble, bien difficile d'ex-
pliquer la vraye rai$on de ce Pheno-
<pb n=70>
mene Moral, dautant que les hom-
mes e$tant rai$onnables, il n'e$t pas ai$&eacute;
de s'imaginer pourquoy ils ne $uiuent
pas la rai$on, attendu qu'ils n'ont tien
de plus excellent qu'elle: or elle en$ei-
gne que l'honne$tet&eacute; &amp; la vertu$ont
preferables aux riche$$es, parce qu'elles
appartiennent &agrave; l'e$prit, qui e$t plus
noble que le corps. Et l'on ne rencon-
tre point d'hommes qui ne prote$tent
qu'ils veulent $uiure la rai$on, &amp; qui ne
croyent l'auoir de leur co$t&eacute; en tout ce
qu'ils font, &amp; en ce qu'ils di$ent. C'e$t
pourquoy il faut conclure que tous ne
croyent pas que la vertu $oit meilleure
que les riche$$es, ni que les $ciences
vaillent mienx que l'argent: de $orte
qu'il e$t nece$$aire de leur per$uader
cette verit&eacute;, &amp; de la leur demon$trer
euidemment, pour la leurfaire embra$-
$er. Et s'il s'en rencontre qui le croyent,
&amp; qui neantmoms recherchent les ri-
che$$es auec plus de pa$$ion &amp; d'ar-
deur que les $ciences &amp; la vertu, il
faut dire que la pa$$ion les aueugle, ou
qu elle a plus de pui$$ance $ur eux que
la rai$on.
<p>Ce qui arriue ai$&eacute;ment, parce que
<pb n=71>
la plus grande partie des hommes $e
lai$$e emporter aux $ens &amp; &agrave; leurs ob-
jects, &amp; prefere les cho$es vi$ibles aux
inui$ibles, &amp; $i l'on compare le temps
que l'on employe aux exercices du
corps qui nous $ont communs auec les
brutes, l'&otilde; aduo&uuml;era qu'il y a plus d'h&otilde;-
mes qui des dix parties de leur vie en
donnent neuf au corps, qu'il n'y en a
qui en donnent neuf&agrave; l'e$prit.
<p>D'ailleurs les $ciences e$tant inui$i-
bles, comme l'e$prit, dans lequel elles
font leur re$idence, il faut $e rendre $pi-
rituel, ous'accou$tumer aux fonctions
de l'entendement pour enui$ager leur
beaut&eacute;, &amp; pour en apprendre la valeur
&amp; l'excellen c; quoy qu'elles ne $oient
pas capables de faire vn h&otilde;ne$te hom-
me, $i quant &amp; quant il n'e$t vertueux:
car la principale partie de l'honne$tet&eacute;
con$i$te dans la vertu, &amp; particuliere-
ment dans celle qui nous vnit plus pui$-
$amment &agrave; Dieu, qui e$t la $ource &amp; la
fontaine de toute $orte d'honn e$tet&eacute;
&amp; de veitu.
<p>D'o&ugrave; il e$t ai$&eacute; d'inferer que les $&ccedil;a-
uans $ont grandement obligez &agrave; la di-
uine Prouidence, qui les a mis dans vn
<pb n=72>
e$tage plus releu&eacute; que celuy des igno-
rans &amp; qui leur a prepar&eacute; vn e$tat dans
ce monde, qui approche de celuy des
Anges, afin qu'en v$ant des lumieres
qu'ils ont, ils en$eignent les autres &amp;
attirent tout le monde &agrave; Dieu, pour
qui $eul nous deu&otilde;s tous viure &amp; mou-
rir, $uiuant les deux beaux mots de l'A-
po$tre, <I>mihi viuere Chri$tus e$t, &amp; mori
lucrum.</I>
<C>COROLLAIRE. I.</C>
<p>Les $&ccedil;auans ont de grands auantages
$ur les ignorans, s'ils s'en veulent pre-
ualoir, car e$t&atilde;t de$ia detachez des $ens,
&amp; des cho$es corruptibles, il leur e$t
beaucoup plus ai$&eacute; de s'&eacute;leuer, &amp; de
s'vnir &agrave; Dieu, tant par conformit&eacute; de
leur vol&otilde;t&eacute; auec la $ienne, que de leurs
$peculations auec les pen$ees diuines,
&agrave; limitation de plu$ieurs excellens &amp;
Saincts per$onnages, qui v$ent de cer-
tames prieres fort courtes, qui leur $er-
uent de memorial pour e$tre perpe-
tuellement attentifs &agrave; la pre$ence de
Dieu, comme quand S. Bernard di$oit
$i$ouuent pour ce $ujet:
<pb n=73>
<p><I>Ie$u dulcis memoria</I>
<p><I>Dans vera cordis gaudia,</I>
<p><I>Sed $upermel &amp; omnia</I>
<p><I>Eius dulcis pr&aelig;$entia.</I>
<p>Sainct Augu$tin, <I>amor meus, pondus me&utilde;,
illuc feror quocunque feror,</I> &amp; puis, <I>agro$ce
quod tuun e$t, igno$ce auoa meum e$t.</I> Saint
Bruno, <I><*> bonitas!</I> S. Fran&ccedil;ois d'A$$i$e,
<I>Deus meus &amp; omma</I>: S. Fran&ccedil;ois de Pau-
le, <I>charitas!</I> S. Ignace Martyr, <I>frumen-
tum Chri$ti $um</I>: &amp; <I>amor meus crucifixus
e$t</I>: S. Ignace de Loyla, <I>$orde$cit mihi
terra, quando a$picio c&oelig;lum:</I> S. Xauier,
<I>$atis e$t Domine, $atis e$t:</I> S. There$e,
<I>ternum ben&egrave;, &aelig;ternum mal&egrave;</I>; &amp; vne autre,
<I>tr<*>p e$t auare &agrave; qui Dieu ne $uffit</I>: le Pro-
phete Royal, <I>qu&agrave;m dilecta tabernacula
tua domine virtutum, concupi$cit, &amp; defecit
anima mea in atria Domini;</I> &amp; puis, <I>qu&agrave;m
bonus I$ra&euml;l Deus his qui recto $unt corde:</I>
vn autre, <I>O Seigneur mon Dieu que tu es
grand en toute grandeur.</I> A quoy l'&otilde; peut
rapporter les dernieres paroles, par le$-
quelles plu$ieurs ont finy leur vie, com-
me celles de Iean Ger$on, <I>&ocirc; Deus! for-
tis e$t vt mors dilectio tua,</I> qu'il di$t en
mourant, apres auoir expliqu&eacute; les 50.
propr retez de l'amour diuin.
<pb n=74>
<p>Saint Louis Roy de France mourut
en di$ant, <I>Introibo in domum tuam, adora-
bo ad Templum $anctum tuum, &amp; confitebor
nomini tuo</I>: S. Thomas d' Aquin en di-
$ant, <I>veni dilecte mi, egrediamur in agr&utilde;:</I>
S. Fran&ccedil;ois en di$ant, <I>Educ de cu$todia
animam meam ad confitendum nominituo,
me expectant iu$ti donec retribuas mihi.</I>
S. Xauier en di$ant, <I>&ocirc; Ie$us Dieu de mon
c&oelig;ur,</I> S. Ba$ile en di$ant auec plu$ieurs
autres, &amp; me$me auec no$tre Sauueur,
<I>in manus tua Domine commendo $piritum
meum:</I> feu Mon$ieur Gamache, <I>&amp; an-
nos &aelig;terno in mente $emper habebo,</I> &amp; S.
Fran&ccedil;ois de Paule, <I>O Domine Ie$u Chri-
$te, Pa$tor bone, iu$tos con$erua, peccatores iu-
$tifica, &amp; omnibus defunctis mi$erere, &amp;
propitius e$to mihi mi$errimo peccatori:</I> qui
furent les dernieres paroles de ce grand
Sainct.
<C>COROLLAIRE. II.</C>
<p>L'on peut dire que l'on prefere l'ar-
gent &amp; les autres biens &agrave; la $cience,
parce qu'il e$t plus ai$&eacute; d'acquerir celle-
cy par le moyen de ceux l&agrave;, que d'ac-
querir les biens par la $cience. Et puis
<pb n=75>
l'argent e$t plus nece$$aire, &agrave; la vie hu-
maine, or toute la nature embra$$e
premierement, &amp; auec plus d'ardeur
ce qui luy e$t nece$$aire que ce qui ne
luy $ert que d'ornement. A quoy il faut
adjou$ter qu'il n'y a rien qui plai$e da-
uantage aux hommes que la bonne re-
putation, &amp; le bon accueil qu'ils re&ccedil;oi-
uent dans toutes $ortes de compagnies:
ce qui leur arriue qu&atilde;d ils ont cinquan-
te mille liures de rente, quoy qu'ils ne
$&ccedil;achent rien, &amp; qu'ils n'ayent nulle
vertu quiles rende recommandables:
au lieu que les plus $&ccedil;auans qui $e pui$-
$ent rencontrer $ont m&eacute;pri$ez, &amp; n'ont
nul accez d&atilde;s les grandes compagnies,
dans le$quelles ils $ont a$$ez $ouuent
mal traitez, de $orte qu'ils $ont con-
traints de $e contenter d'vne crou$te
de pain, tandis que les autres v$ent des
mets les plus exquis.
<p>D'o&ugrave; il e$t ai$&eacute; de conclurre, qu'ils
ont be$oin d'vne grande pati&etilde;ce qu'ils
peuu&etilde;t acquerir par vne parfaite $oub-
mi$$ion &agrave; la pronidence de Dieu, &amp; p<*>
vne entiere re$ignati&otilde; de tout ce qu'ils
$ont, &amp; de tout ce qu'ils peuuent &agrave; la
volont&eacute; de celuy qui les contemple
<pb n=76>
dans leur pauuret&eacute;, &amp; qui les aime au-
tant que les plus riches du monde.
<HR>
<C>QVESTION XV.</C>
<C><I>Peut-on inuenter, &amp; faire vn mouuement
perpetuel?</I></C>
<p>CE $eroit vn grand coup $i l'on pou-
uoit d&eacute;$abu$er tous ceux qui per-
dent le temps &agrave; la recherche du mou-
uement perpetuel artificiel, qu'ils l'em-
ploya$$ent aux cho$es qui s&otilde;t po$$ibles
&amp; vtiles; car il n'y a nul doute qu'ils
reu$$iroient en plu$ieurs machines t&atilde;t
pneumatiques, qu'hydiauliques, au$$i
bien comme font les Chymi$tes en plu-
$ieurs $els &amp; e$$ences, $i les vns &amp; les
autres ne trauailloient iamais &agrave; leurs
inuentions, que la demon$tration ne
leur eu$t fait voir la po$$ibilit&eacute; de l'exe-
cution. Quant aux Ingenieurs, il e$t
ai$&eacute; de leur per$uader que ce mouue-
ment e$t impo$$ible, &agrave; rai$on que ce qui
donne le premier bran$le aux machi-
nes, ne peut e$tre meu par elles d'vn
bran$le &eacute;gal de reciprocation, &amp; que
<pb n=77>
toute $orte de mouuement violent s'al-
lentit &amp; diminu&euml; tou$iours $a force
peu &agrave; peu, depuis $on commencement
ju$ques &agrave; $a fin. Et puis il e$t plus ai$&eacute; de
faire tomber les re$$orts que de les rele-
uer, &amp; nulle cho$e ne peut monter plus
haut que $a $ource par $es propres for-
ces: ce qui arriueroit au mouuement
perpetuel, qui ne peut e$tre, s'il n'a vn
principe naturel qui $ub$i$te tou$iours
dans vne &eacute;galit&eacute;, ou qui $oit plus fort
que les re$$orts, ou les engins qu'il doit
mouuoir: car nulle cho$e &eacute;gale n'agit
$ur ce qui luy e$t &eacute;gal. C'e$t pourquoy
il ne $uffit pas de dire que ce mouue-
ment perpetuel n'e$t pas po$$ible, &agrave; rai-
$on de la matiere dont on v$e, qui ne
peut pas tou$iours durer, pui$que les
rai$ons de $on impo$$ibilit&eacute; $e prennent
de plus loin, &amp; que l'incorruptibilit&eacute;
de la matiere ne fait rien &agrave; ce $ujet.
Mais l'on ne peut pas mon$trer en par-
ticulier en quoy manque chaque inu&etilde;-
tion, $i l'on ne rapporte toutes les figu-
res &amp; tous les de$$eins des differentes
machines que l'on a trouu&eacute;es, ou qui $e
peuuent rencontrer, affin d'en expli-
quer les defauts: car l'vn manque &agrave; la
<pb n=78>
force de l'eau, l'autre &agrave; la connoi$$ance
de l'air ou &agrave; celle de la force qu'ont les
poids $ur chaque plan inclin&eacute;: mais
quoy qu'il en $oit, l &otilde; en decouure tou$-
jours l'erreur, encore que cela ne $e fa$-
$e pas tou$iours $ans peine, &amp; $ans des
labeurs qui $ont quelquefois tre$-en-
nuieux. L'on tient que Cornelius
Drebel a trouu&eacute; vne liqueur qu'il en-
ferme dans vn canal circulaire de ver-
re, par laquelle il repre$ente le flux &amp;
le reflux de la mer, &amp; le mouuement
perpetuel: il e$t ai$&eacute; d'experimenter $i
l'eau de la mer enferm&eacute;e dans vn an-
neau de verre retient le mouuem&etilde;t de
l'Ocean, &amp; de iuger $i vn tel mouue-
ment peut $eruir aux mouuemens per-
petuels des machines, c'e$t pourquoy
ie n'en parle pas dauantage
<p>I'adiou$te $eulement qu'il faudroit
e$$aier &agrave; remarquer $i la mer a quel que
repos entre $on flux &amp; $on reflux, com-
me l'on tient qu'il y a vn point, ou vn
moment de repos entre le mouuement
droit &amp; le reflechi, &amp; c&otilde;bien dure ce re-
pos, &amp; quelle force a chaque flot, pour
faire mouuoir des machines. L'on
peut dire la me$me cho$e des ondes de
<pb n=79>
l'air, ou du vent, quoy qu'il $oit beau-
coup plus difficile d'en reconnoi$tre les
flux &amp; les reflux, parce qu'ils ne$ont
pas vi$ibles comme ceux de la mer.
<p>Or ceux qui de$ir&etilde;t de $e perfection-
ner, peuuent s'e$tudier &agrave; reconnoi$tre
les flots, &amp; le flux &amp; reflux du Sang &amp;
des pa$$i&otilde;s qui affectent le c&oelig;ur, &amp; des
affections qui agitent l'e$prit d'vn mou-
uement continuel, afin d'en v$er $eule-
ment, ou principalement pour faire
mouuoir les re$$orts qui donnent le
mouuement aux vertus, &amp; d'arriuer
par leur moyen au lieu, o&ugrave; le mouue-
ment perpetuel de l'ame &amp; de la rai$on
e$t dans le repos perpetuel, $uiuant co
beau mot de l'Egli$e, <I>in labore requies, in
&aelig;$tu temperies, in fletu $olatium; &ocirc; lux bea-
ti&szlig;ima reple cordis intima tuorum fidelium.</I>
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Si l'on pouuoit connoi$tre euidem-
ment le re$$ort qui donne le mouue-
ment perpetuel au c&oelig;ur, &amp; qui le fait
&eacute;largir &amp; re$tre$$ir, ie ne doute nulle-
ment que l'on arriueroit &agrave; vne grande
connoi$$ance de la Diuinit&eacute;, &amp; que, l'on
<pb n=80>
receuroit vn contentement tre$-parti-
culier; ce qu'il faut e$tendre aux re$-
$orts qui font mouuoir toutes les par-
ties des plantes, &amp; qui tran$portent la
ro$&eacute;e &amp; la pluye depuis le pied des ar-
bres iu$ques au haut des br&atilde;ches, pour
les conuertir en mo&uuml;elle, en bois, en e$-
corce, en fibres, en fleurs, &amp; en fruits.
Car c'e$t vne cho$e capable de rauir
tous les hommes, lors que l'on con$ide-
re que le petit arti$an qui e$t dans cha-
que plante, &amp; dans chaque animal,
tr&atilde;$porte la viande dans toutes les par-
tie, $ans aucuns engins, gru&euml;s, mouf.
fles, &amp; poulies, &amp; qu'il l'arrange auec
tant d'adre$$e dans chaque lieu, depuis
le bout des pieds iu$ques au haut de la
te$te, qu'elle ne peut plus e$tre di$tin-
gu&eacute;e d'auec les parties du corps.
<p>Certes, puis qu'il n'y a nulle indu$trie
humaine qui pui$$e faire cela, ni qui
pui$$e former de tels automates, il faut
nece$$airement auo&uuml;er que l'arti$an
qui trauaille &agrave; cet ouurage, e$t plus ex-
cellent que tous les hommes, &amp; que
c'e$t &agrave; luy $eul qu'il appartient de faire
des mouuemens perpetuels, de $orte
qu'il n'y a rien de viuant qui ne nous
<pb n=81>
mon$tre la pre$ence de Dieu, agi$$ant
tou$iours en toutes cho$es, &amp; qui ne
nous exhorte &agrave; nous &eacute;crier auec le P$al-
mi$te, <I>mirabilis facta e$t $cientia tua ex me,
confortata e$t, &amp; non potero ad eam.</I>
<HR>
<C>QVESTION XVI.</C>
<C><I>La quadrature du cercle e$t-clle impo&szlig;ible?</I></C>
<p>CE$te que$tion e$t extremement
difficile, car l'on trouue d'excel-
lens Geometres qui tiennent qu'il n'e$t
pas po$$ible de trouuer vn quarr&eacute;, dont
la $urface $oit &eacute;gale &agrave; celle du cercle,
&amp; d'autres qui tiennent le contraire:
parce que les premiers croyent que l'on
ne peut arriuer &agrave; gette connoi$$ance, &agrave;
rai$on que nous n'auons nuls principes
qui y meinent, &amp; que ceprobleme ap-
partenant aux lieux plans ne peut e$tre
re$olu par le peu de connoi$$ance que
nous ont lai$$&eacute; les anciens Geometres.
<p>Mais les autres con$iderants qu'Ar-
chimede a demon$tr&eacute; la quadrature de
la parabole, croyent que l'on peut au$$i
trouuer celle du cercle, puis que la $ur-
<pb n=82>
face de ladite parabole e$t au$$i bien
enuironn&eacute;c d'vne ligne courbe d'vn
co$t&eacute;, que le demy cercle. Or l'on de-
mon$tre que le plan, ou l'aire de la pa-
rabole e$t plus grande d'vn tiers, que le
triangle, quia me$me hauteur &amp; me$-
me ba$e que ladite parabole. Ce qu'Ar-
chimede a prouu&eacute; par ce theoreme:
<I>l'extez, par lequel le plus grand e$pace $ur-
pa$$e le moindre peut e$tre multipli&eacute;, ou com-
pos&eacute; tant de fois qu'il $urpa$$era toute autre
$crte d'e$pace donn&eacute;.</I> Mais ie traiteray plus
amplem&etilde;t des vtilitez de cette $ection
parabolique dans la 19. que$tion. Il
$uffit maintenant de remarquer que le
triangle, ou le quarr&eacute;, que l'on dit luy
e$tre &eacute;gal, n'a pas $on circuit &eacute;gal &agrave; ce-
luy de la parabole, auquel on ne $&ccedil;au-
roit donner vne ligne droite &eacute;gale, non
plus qu'au cercle: de $orte qu'il faut en-
tendre cette &eacute;galit&eacute; des capacitez de
leurs figures. Quant &agrave; la quadrature
du cercle, nul n'a encore demon$tr&eacute;
qu'elle $oit po$$ible, ou impo$$ible; ce
qui donne occa$ion &agrave; plu$ieurs de ne
perdre pas l'e$perance de la pouuoir
rencontrer.
<p>Or les moyens qui ont $eruy &agrave; trou-
<pb n=83>
uer celle de la parabole, ne peuu&etilde;t $er-
uir au cercle; &amp; nul n'a trouu&eacute; la qua-
drature de l'hyperbole, &amp; de l'ellip$e,
de $orte que le cercle n'e$t pas $eul $ans
quadrature, &amp; l'on peut donner vne in-
finit&eacute; de lignes courbes, dont les capa-
citez ne peuuent e$tre quarr&eacute;es par les
Geometres: quoy que ie ne doute nul-
lement que les Anges n'en $&ccedil;achent
le moyen.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>Il vaut beaucoup mieux $'appliquer
aux parties de la Geometrie, qui $ont
vtiles, &amp; dans le$quelles on peut de-
mon$trer plu$ieurs excell&etilde;s theoremes,
qu'&agrave; ces quadratures; quoy que l'&otilde; die
que quelques- vns ont trouu&eacute; des veri-
tez tre$-excellentes en les cherchant,
c&otilde;me il arriue que les Chymi$tes trou-
u&etilde;t de beaux $ecrets par hazard en cher
chant la pierre Phy$ique. Or l'on peut
voir plu$ieurs autres cho$es de la qua-
drature du cercle, &amp; de la proportion
des polygones qui luy $ont in$crits, &amp;
circon$crits, dans le 6. chapitre du 4.
liure de la Verit&eacute; des $ciences, dans le
<pb n=84>
Cyclometre de Snellius, &amp; dans plu-
$ieurs autres lieux.
<C>COROLLAIRE II.</C>
<p>Encore que l'on eu$t trouu&eacute; geome-
triquement la quadrature du cercle,
neantmoins elle ne $eroit pas plus iu$te,
&amp; ne $eruiroir pas dauantage que celle
dont v$e mechaniquement, car l'on ap-
proche $i pr&eacute;s de la iu$te$$e, qu'il ne s'en
faut pas la cent millie$me partie d'vne
ligne que le quarr&eacute; ne $oit &eacute;gal au cer-
cle, encore que $on diametre $oit cent
fois plus grand que celuy du Ciel des
e$toiles. Or peut e$tre que la demon-
$tration de la vraye quadrature $e peut
trouuer par le moyen des lignes, &amp; des
$ections Coniques, puis qu'elles ont
$erui &agrave; demon$trer la tri$ection de l'an-
gle, &amp; la duplication du Cube.
<HR>
<C>QVESTION XVII.</C>
<C><I>Les Tali$mans, &amp; les metaux, on les autres
corps que l'on graue pour attirer les
influences du Ciel, ont ils quelque
vertu particuliere?</I></C>
<p>AVant que de re$pondre &agrave; la diffi-
cult&eacute;, il faut remarquer que le
<pb n=85>
mot <I>Tali$man,</I> $ignifie vne lame d'or,
d'argent, de cuiure, de plomb, ou d'au-
tre matiere, $ur la quelle on graue quel-
que figure, ou image, $oit d'vn lion,
d'vn taureau, d'vn $erpent, de Iupiter,
de Mars, ou de telle autre cho$e que
l'on veut, $elon le de$$ein que l'on a,
pour attirer les influ&etilde;ces du Ciel, com-
me $i la figure de Mars, ou de Iupiter
grau&eacute; dans l'e$tain, ou dans le fer de-
uoit attirer la vertu de ces deux planet-
tes. Ce qui e$t $i ridicule, &amp; $i inepte
qu'il n'y a plus que les vieilles, &amp; les
trop credules qui ne s'en moquent c&otilde;-
me d'vne pure fable: car outre que l'ex-
perience fait voir que ces graueures &amp;
ces figures n'ont nulle force, ou aptitu-
de pour determiner &amp; pour attirer les
vertus des A$tres, la rai$on y repugne
entierement, qui me$me per$uade que
les a$tres n'&otilde;t pas la force, ni les influen-
ces qu'&otilde; leur attribu&euml;, car chaque a$tre
n'a point d'autre force $ur nous que cel-
le qu'il exerce auec $a lumiere, &amp; $a
chaleur; de $orte que $i l'on di$po-
$oit autant de chandelles autour de
la terre, comme il y a d'e$toiles au
Ciel, dont elle fu$t au$$i illumin&eacute;e, &amp;
<pb n=86>
&eacute;chauff&eacute;e, comme elle e$t par le$di-
tes e$toiles, nous $entirions les me$mes
influences; &amp; $i les chandelles lui$oient
plus fort, leurs influences $eroient plus
fortes que celles des e$toiles, qu'il ne
faut pas $'imaginer auoir $eulem&etilde;t e$t&eacute;
cr&eacute;es pour la terre, mais pour plu$ieurs
autres rai$ons que Dieu s'e$t re$eru&eacute;es,
&amp; que nous connoi$trons au Ciel.
<p>Il faut e$tre merueilleu$ement cre-
dule pour $e per$uader que des figures
&eacute;crites, peintes, ou grau&eacute;es dans telle
matiere que l'on voudra, &amp; $ouz telle
con$tellation que l'on choi$ira, ayent
la pui$$ance de cha$$er les be$tes vene-
neu$es $oit que les Hebreux, les Chal-
deans, &amp; les Grees en ayent v$&eacute; (com-
me tiennent ceux qui tirent la diction
Tali$man du <I>T$elen,</I> ou de <I>Tt$atiman</I> ou
de <I>T$ilmenia</I> ou du <G>te\lesma</G>, des Grecs,
&amp; qui di$ent que le Grec <G>soixei_a</G>, &amp; le
<I>Magner.</I> Hebra&iuml;que $ignifient la me$me
cho$e) &amp; que les anciens s'en $oient
$eruis pour leurs Dieux Tutelaires, &amp;
pour mettre &agrave; la pro&uuml;e de leurs nauires,
afin d'empe$cher la tempe$te, apres les
auoir grau&eacute;es, &amp; dre$$&eacute;es $ouz le $igne
des poi$$ons, ou que toutes les hi$toires
<pb n=87>
que l'on en rapporte $oient fau$$es, car
ceux qui ont experiment&eacute; la grande
multitude des fau$$etez qui $ont dans
les hi$toriens, qui parlent des pierres,
des plantes, ou des autres cho$es natu-
relles, ou artificielles, &amp; me$me dans
les &eacute;crits des Philo$ophes, qui ne de-
uroient rien &eacute;crire que de bien a$$eur&eacute;,
ne doiuent pas $e lai$$er $urprendre par
les di$cours fabuleux que l'on lit de la
force des caracteres, &amp; des Tali$mans
dans Albert, Cardan, Galeotus, Para-
cel$e, Ficin, Crollius, &amp; ailleurs.
<p>Mais il n'e$t pas nece$$aire d'auertir
les $&ccedil;au&atilde;s de ces erreurs, puis qu'ils $ont
a$$ez $ages pour ne croire rien de tous
ces contes, s'ils ni $ont forcez par l'ex-
perience, qui nous d&eacute;couure tou$iours
la fau$$et&eacute; de plu$ieurs cho$es, quoy
qu'on les aye tenu&euml;s iu$ques &agrave; pre$ent
pour tre$-veritables, &amp; qui conuaincra
perpetuellement que les Tali$mans
n'ont nulle vertu, comme ie pourray
mon$trer dans le Trait&eacute; de la force de
l'imagination.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Il y a de certaines per$onnes trop
<pb n=88>
$crupuleu$es, comme il y en a de trop
libertines, mais il faut que la rai$on &eacute;-
clair&eacute;e de la Foy diuine fa$$e reuenir
les vns &amp; les autres au milieu, dans le-
quel con$i$te ordinairement la vertu.
Or puis que l'on rencontre des Philo-
$ophes, qui maintiennent la force des
Tali$mans, dont nous venons de par-
ler, &amp; qui l'appuyent de rai$ons, &amp;
d'experiences, il n'y a nul doute qu'vn
Philo$ophe Chre$tien peut expre$$e-
ment en faire les experiences, afin de
d&eacute;$abu$er les $imples, qui croyent la
plus grande partie de tout ce qu'ils li-
$ent dans les liures, $ans pa$$er &agrave; l'exa-
men que font les $&ccedil;auans de tout ce
qu'ils $oup&ccedil;onnent de fau$$et&eacute;; &amp; afin
qu'il de$trui$e les ob$eruations preten-
du&euml;s (qui iont pri$es de quelques rela-
tions hi$toriques, la plu$part fabuleu-
$es) par de veritables experiences, qui
$oient $ans reproche, &amp; qui guari$$ent
la foible$$e des e$prits trop credules.
<p>Si $on fait cela', ie m'a$$eure que l'on
n'attribu&euml;ra plus de$ormais nulle vertu
aux Tali$mans, &amp; que leurs deffen$eurs
confe$$eront ingenu&euml;ment qu'ils n'en
auoient pas fait l'examen. Ce qui $e
<pb n=89>
doit au$$i entendre de la Chiromantie,
de l'A$trologie Iudiciaire, de la Geo-
mantie, &amp; de plu$ieurs autres badine-
ries dont l'e$tude, &amp; l'exercice e$t tout
&agrave; fait indigne d <*>n honne$te homme.
<HR>
<C>QVESTION XVIII.</C>
<C><I>Les Camaieux, ou Gamahez ont-ils quelque
force, ou quelque $ignification?</I></C>
<p>L'On appelle les Agathes, &amp; les au-
tres pierres, $ur le$quelles il $e ren-
contre naturellement des figures gra-
u&eacute;es, &amp; en bo$$e, <I>Gamah&eacute;,</I> ou <I>Camaieux,</I>
$oit que les figures $oient color&eacute;es, ou
$ans couleur; dont on void plu$ieurs
experiences en diuers lieux, comme
dans la $ale des antiques du Louure,
dans laquelle il y a vne pierre, o&ugrave; l'on
void la peinture d'vn pigeon, &amp; dans
plu$ieurs marbres, qui ont des figures
qui repre$entent en quelque fa&ccedil;on des
mai$ons, des villes, des images de la
Vierge, ou de no$tre Seigneur, &amp;c. I'ay
dit <I>en quelque facon,</I> parce qu'elles $ont
tou$iours $i defectueu$es, qu'il e$t be-
<pb n=90>
$oin que l'imagination $uppl&eacute;e la plus
grande partie des traits, &amp; des linea-
mens. A quoy l'on peut rapporter les
differentes lettres Grecques, ou Lati-
nes, &amp; les mots de Mu$ique que l'on
remarque $ur les coquilles de mer, &amp;
$ur les ai$les des papillons, les aigles
qui $e trouuent $ur le plan des branches
de fougere apres que l'on les a coup-
p&eacute;es, &amp; les Soleils qui $ont $ur les pate-
no$tres faites de guy de che$ne, &amp; mil-
le autres $ortes de figures qui $e r&etilde;con-
trent dans les plantes, d&atilde;s les animaux,
&amp; dans les pierres, $uiuant les differents
degrez de coction de leur matiere, &amp;
les differents atomes, dont elles $ont
compo$&eacute;es. Ie lai$$e les differentes fi-
gures que font les vapeurs, les fum&eacute;es,
&amp; les nu&euml;s, parce qu'elles ne $ont pas
fixes comme les autres, &amp; qu'elles ont
encore be$oin d'vne plus grande force
de l'imagination: de l&agrave; vient que l'on
$e figure qua$i tout ce que l'on veut d&atilde;s
les nu&euml;s, comme dans le $on des clo-
ches.
<p>Mais la principale difficult&eacute; qui $e
rencontre dans les camaieux &amp; dans
toutes les figures precedentes, con$i$te
<pb n=91>
&agrave; $&ccedil;auoir $i elles ont quelque plus gran-
de vertu que les caracteres, &amp; les figu-
res des <I>Tali$mans,</I> dont nous auons par-
l&eacute;: car encore que l'on pin$$e s'imagi-
ner que la figure du Scorpi&otilde; empremte
par la nature $ur vne pierre, pur$$e tirer
le venin de la playe que le vray Scorpi&otilde;
a faite, afin qu'elle $e nourri$$e, &amp; s'aug-
mente tant qu'elle pourra, pour $e
changer dans la nature de l'animal
qu'elle repre$ente, comme l'on tient
qu'il e$t arriue &agrave; plu$ieurs figures de cra-
paux, qui ont peu &agrave; peu engendr&eacute; ces
animaux, neantmoins cela e$t d'vne
trop grande con$equence pour s'arre-
$ter &agrave; cette rai$on, &amp; &agrave; ces phenomnes
que l'on n'a pas encore a$$ez bien exa-
minez: or l'on perd le temps &agrave; faire la
recherche des rai$ons, &amp; des cau$es d'v-
ne cho$e, dont on n'e$t pas a$$eur&eacute;, &amp;
dont on n'a pas remarqu&eacute; vne a$$ez
grande multitude de circon$tances, car
le m'a$$eure que nul de tous ceux qui
s'effor&ccedil;ent de tronuer la rai$on de ces
phenomenes, n'en a iamais fait l'e$$ay:
&amp; $i l'on examinoit tout ce que Crol-
lius, &amp; les autres Chymi$tes &amp; Na-
turali$tes ont &eacute;crit des differentes $i-
<pb n=92>
gnatures des plantes, &amp; de leurs effets
&eacute;s maladies, ie ne doute nullement
que de cent cho$es qu'ils auancent har-
diment, l'on n'en trouueroit pas quatre
de veritables.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>Pali$$y maintient que toutes les fi-
gures des pierres, &amp; des bois $e forment
par la de$cente, &amp; l'&eacute;gout des eaux c&otilde;-
gelatiues, qui engendrent &amp; nourri$-
$ent les poi$$ons dans la mer, les ani-
maux, &amp; les plantes dans la terre, qu'el-
les conuertiroient toutes en pierre, $i
elle nageoient ded&atilde;s, &amp; que les pierres
s'engendrent dans nos corps par la $eu-
le vertu de cette eau, dont i'ay parl&eacute;
plus amplement dans la 6. que$tion.
<C>COROLLAIRE. II.</C>
<p>Les Peintres appellent <I>Camaieux,</I> les
crayons qu'ils font d'vne $eule couleur
$oit rouge, ou noire, &amp;c. c'e$t ce que
Pline appelle <I>Monochrome,</I> quoy que
l'on y pui$$e adjou$ter plu$ieurs cou-
leurs di$tinctes, pourueu qu'elles ne
<pb n=93>
$oient pas me$l&eacute;es, comme l'on fait aux
$igures des chartes, qui ne $ont point
ombrag&eacute;es, car les ombres commen-
cent &agrave; rendre la peinture plus excellen-
te, quoy qu'elle manque encore des
douces tran$itions, qui confondent tel-
lement les couleurs que l'on n'en peut
reconnoi$tre la di$tinction. Surquoy
Loys de Montioye remarque dans le
trait&eacute; qu'il a fait de la Peinture, que la
di$pute qu' Apelles cut auec Protoge-
ne &agrave; Rhodes, $e doit entendre de cet
addouci$$ement de couleurs, qui fait
perdre in$en$iblement les vnes dans les
autres, &amp; non des $imples lignes, dont
les plus habiles mai$tres ne f&otilde;t nul &eacute;tat,
comme il prouue par l'authorit&eacute; de Mi-
chel Ange Bonarot, Rapha&euml;l Vrbin,
Saluiat, Polidore, de Parmes, &amp; du
Titian: quoy que l'on pui$$e peut-e$tre
mieux expliquer ce pa$$age du 5. cha-
pitre du 35. liure de Pline, du traict, qui
fait reconnoi$tre l'excellente main, &amp;
l'heureu$e imagination des Peintres.
Mais il merite d'e$tre leu, afin de con$i-
derer la lumiere, la $plendeur, ou le t&otilde;,
&amp; ce qu'il appelle <I>l'Armoge</I> dans les ta-
bleaux; car il veut que le ton $oit la
<pb n=94>
partie, o&ugrave; la couleur a plus de force, &amp;
qu il $oit entre la lumiere ou le clair de
la couleur, &amp; entre l'ombre, &amp; que l'<I>Ar-
moge</I> $erue pour pa$$er d'vne couleur &agrave;
l'autre, comme le demy ton $ert pour
pa$$er du ton graue &agrave; l'aigu: c'e$t ce qui
re$pond aux nuances des Brodeurs, &amp;
des Tapi$$iers.
<HR>
<C>QVESTION XIX.</C>
<C><I>A quoy $eruent les $ections Coniques, &amp;
quel peut e$tre leur v$age?</I></C>
<p>L'V$age des $ections, &amp; des lignes
Coniques e$t $i general, &amp; $i mer-
ueilleux, qu'il e$t difficile que ceux qui
n'&etilde; $&ccedil;auent pas la nature &amp; les proprie-
tez, le croyent, comme il e$t ai$&eacute; de
conclurre par ce petit di$cours que ie
commence par la con$ideration de la
$ection, ou de la ligne hyperbolique,
dont vne ligne droite s'approche tou-
$iours de plus en plus, $ans qu'elle pui$-
$e iamais la rencontrer. Elle $ert au$$i
pour faire, &amp; pour conduire des all&eacute;es,
des berceaux, &amp; des galleries qui pa-
<pb n=95>
roi$tront tou$iours d'&eacute;gale largeur, en-
core que l'&oelig;il $oit &eacute;loign&eacute; de c&etilde;t lieu&euml;s,
ou dauantage de leurs extremitez, ou
des autres endroits, qui born&etilde;t $a veu&euml;,
comme Aguilon demon$tre dans le 4.
liure de $on optique, prop. 47. ce que
l'on peut encore appliquer aux autres
lignes des $ections coniques, qui $ont
tre$-ai$ees &agrave; d&eacute;crire par les differentes
manieres que Mon$ieur Mydorge &agrave; d&otilde;-
n&eacute;es dans $on 2. liure des Coniques.
Cette ligne $ert encore pour les mi-
roirs, car elle rama$$e dans $on foyer in-
terieur tous les rayons de la lumiere,
qui vont aboutir &agrave; $on foyer exterieur,
comme la glace parabolique rama$$e
tous les rayons qu'elle re&ccedil;oit paralle-
les, dans le $ien; &amp; comme l'elliptique
renuoie tous ceux qui partent de l'vn
de $es foyers &agrave; l'autre.
<p>Mais la ligne hyperbolique e$t enco-
re plus admirable dans les lunettes, &amp;
dans la refraction, que dans les miroirs,
&amp; dans la reflexion, car elle fait dans
les diafanes ce que fait la parabolique
dans les opaques, puis qu'elle rama$$e
dans vn $eul poinct, ou dans vn $eul fo-
yer tous les rayons paralleles qu'elle
<pb n=96>
re&ccedil;oit: c'e$t pourquoi les Lunettiers de-
uroient faire les verres de leurs lunet-
tes de longue veu&euml; en forme d'hyper-
bole conuexe, afin de multiplier la gr&atilde;-
deur apparente des objets tant qu'ils
voudroient, &amp; de nous faire voir claire-
ment tout ce qui e$t dans le Soleil, &amp;
dans les autres corps cele$tes.
<p>Quant &agrave; l'v$age de cette ligne, &amp; des
2 autres (&agrave; $&ccedil;auoir de la parabolique, &amp;
de l'elliptique) dans la de$cription des
lignes horaires, des horloges, &amp; de la
Gnomonique, ou Scioterique, il e$t tre$-
grand, &amp; e$t au$$i agreable qu'il e$t
nece$$aire, comme l'on peut voir dans
les 3. liures qu'a fait Maurolic des hor-
loges, &amp; particulierement dans le 3. o&ugrave;
il donne la maniere de les d&eacute;crire, &amp;
vne partie de leurs proprietez. Ie lai$$e
plu$ieurs autres particularitez de ces
lignes: par exemple, que l'on en peut
v$er pour bru$ler iu$ques &agrave; l'infiny, c&otilde;-
me i'ay remarqu&eacute; ailleurs: qu'elles $er-
uent pour expliquer la maniere dont $e
fait la vi$ion, &amp; dont le Soleil, &amp; les
autres a$tres agi$$ent auec leurs rayons,
dautant qu'elles meritent vn liure
entier.
<pb n=97>
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>L'on trouuera plu$ieurs proprietez
de$dites $ections Coniques dans le 16.
chap.du 4.liure de la Verit&eacute; des Scien-
ces; dans le 6. chap. de la 2. partie de
l'Impiet&eacute; des Dei$tes, o&ugrave; neuf e$peces
de miroirs $ont expliqu&eacute;es, &amp; dans le
13. chap. de. la 25. objection que font
les impies contre l'exi$tence de la Di-
uinit&eacute;, o&ugrave; les proprietez, &amp; la fabrique
des miroirs paraboliques $ont expli-
qu&eacute;es: de $orte qu'il n'e$t pasicy nece$-
$aire d'vn plus long di$cours. Et $i l'on
veut $'in$truire plus amplement de ces
lignes, &amp; de tout ce qui leur apparti&etilde;t,
il faut lire l'Apollonius Perg&aelig;us, &amp; les
liures des $ecti&otilde;s Coniques de M&otilde;$ieur
Mydorge, que tous les $&ccedil;auans de-
uroient prier de donner les 6. derniers
liures qu'il a promis, afin de jo&uuml;ir de
ce chef-d'&oelig;uure, &amp; de s'en $eruir en
mille occa$ions.
<pb n=98>
<HR>
<C>QVESTION XX.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir $i l'on peut lire dans les a$tres par
le moyen des miroirs, &amp; $i l'on peut
connoi$tre les cho$es futures
dans les E$toiles?</I></C>
<p>QVelques-vns $e $ont imaginez
que l'on pouuoit lire dans la Lune
par le moyen de 2. ou plu$ieurs miroirs,
dont l'vn porte les characteres ju$ques
&agrave; cet a$tre, &amp; l'autre les re&ccedil;oit par la re-
flexion de ladite Lune, &amp; les renuoye
&agrave; l'&oelig;il; Agrippa s'e$t vant&eacute; dans $es li-
ures d'en $&ccedil;auoir le $ecret, &amp; plu$ieurs
autres di$ent qu'on a fait $&ccedil;auoir des
nouuelles bien $ecretes par ce moyen,
&agrave; ceux qui e$toient bien &eacute;loignez; mais
s'ils parlent tout &agrave; bon, ils $e trompent
lourdement, car encore que l'on peu$t
enuoyer l'&otilde;bre, ou la lumiere des cha-
racteres que l'on forme $ur les glaces
des miroirs auec de la cireou du papier,
&amp; que la Lune fu$t vn corps $i poli,
qu'elle peu$t renuoyer les me$mes cha-
racteres ju$ques &agrave; terre, &amp; $ur l'autre
<pb n=99>
glace, les rayons de$dits characteres
$eroient $i affoiblis, qu'il $eroit impo$-
$ible de les apperceuoir. D'ailleurs,
encore que l'on $uppo$a$t que la Lune
fu$t ronde, plate, ou creu$e, l'on ne
peut e$tablir le lieu pour po$er le miroir
$i &agrave; propos, que la reflexion de la Lune
$e face dedans? Mais il n'e$t pas nece$-
$aire de m'e$t&etilde;dreicy plus amplement,
puis qu'il n'y &agrave; nul homme $&ccedil;auant, &amp;
judicieux, qui ne $&ccedil;ache que cette ma-
niere de communiquer les pen$&eacute;es au
loin, n'e$t pas po$$ible. Si ces vanteurs
$&ccedil;auoient le $ecret, &amp; la pui$$ance des
diaphanes, ils eu$$ent plu$to$t dit que
l'on eu$t peu lire dans la Lune, $'il s'y r&etilde;-
controit quelque &eacute;criture, quoy que
I'on pui$$e s'imaginer des miroirs $i
grands, &amp; $i parfaits, qu'ils repre$ente-
ront tout ce qui e$t dans les a$tres a$$ez
di$tinctement pour e$tre apperceu de
l'&oelig;il: mais l'execution n'e$t pas dans la
pui$$ance des hommes.
<p>Or la que$tion ayant deux parties, il
faut $atisfaite &agrave; la $econde, qui appar-
tient &agrave; l'A$trologie, que quelques-vns
croyent auoir e$$&eacute; pratiqu&eacute;e par les
premiers Patriarches, qui ont veu, &amp;
<pb n=100>
leu, di$ent-ils, les cho$es futures d&atilde;s les
e$toiles: Surquoy ie dy premierement
que nous n'auons nulle rai$on d'&eacute;tablir
cette lecture, puis que Iacob l'vn des
plus grands Patriarches, &amp; amis de
Dieu, ny ceux de $on temps n'ont point
leu dans les e$toiles, que la famine
deu$t durer 7. ans, autrem&etilde;t ils eu$$ent
fait vne $i bonne proui$ion qu'ils n'eu$-
$ent pas e$t&eacute; contraints d'enuoyer en
&AElig;gypte pour achepter du froment.
<p>Quant &agrave; ce qu'on rapporte que Lia
nomma $on fils <I>Gad,</I> parce qu'il e$toit
n&eacute; $ouz Iupiter, que l'on appelle <I>bonne
fortune,</I> cela n'e$t pas $i c&otilde;$tant que l'on
en pui$$e tirer aucune conclu$ion pour
l'&eacute;criture des e$toiles: &amp; $i l'on fait re-
flexion $ur les Cometes, &amp; $ur les figu-
res que l'on remar que dans le Ciel, ou
dans les nu&euml;s, l'on aduo&uuml;era qu'elles ne
fignifi&etilde;t point les cho$es futures, ou que
cette $ignificati&otilde; ne peut e$tre connu&euml;
par les hommes: de l&agrave; vient qu'ils $e
trompent qua$i tou$iours, qu&atilde;dils pre-
di$ent ce qui doit arriuer apres tous ces
$ignes. Il faut dire la me$me cho$e des
e$toiles, car encore que les Cieux $oient
comparez &agrave; des liures, &amp; &agrave; des voix, qui
<pb n=101>
racontent la gloire de Dieu, &amp; que l'on
pui$$e s'imaginer que les lettres He-
bra&iuml;ques, ou Arabe$ques $ont repre-
$ent&eacute;es par les differentes di$po$itions
des e$toiles, &amp; des planettes, neant-
moins il n'y a nul moyen de lire, ou de
trouuer quelle a e$t&eacute; l'intention de
Dieu, lors qu'il les a ain$i di$po$&eacute;es; &amp;
con$equemment elles ne nous peuuent
$eruir pour $&ccedil;auoir les cho$es futures.
A quoy l'&otilde; peut adjou$ter que les e$toi-
les e$tant tou$iours en me$me di$po$i-
tion ne $ignifient qu'vne me$me cho$e,
&amp; partant que l'on ne peut $&ccedil;auoir $i ce
qu'elles repre$entent e$t pa$$&eacute;, ou fu-
tur.
<p>Car encore que l'on pui$$e dire que
le changement des Planettes change
les dictions, nous n'auons iamais veu
d'hommes qui en pui$$ent lire aucunes
dans les cieux, &amp; nous experimentons
que les plus $&ccedil;auans du monde $e mo-
quent de cette lecture, comme d'vne
fable: ce qui $uffit pour per$uader aux
bons e$prits que tout ce que les Rabins,
&amp; les autres ont aduanc&eacute; $ur cette ma-
tiere, e$t $ans nul fondement. Mais ie
parle plus amplement de l'A$trologie
<pb n=102>
dans vn autre lieu. Quant aux miroirs,
l'on peut voir ce qui e$t dans le 13.chap.
de la 25. objection, que i'ay de$ia cit&eacute;
dans le Corollaire precedent, &amp; en plu-
$ieurs autres endroits, o&ugrave; i'en traite.
<HR>
<C>QVESTION XXI.</C>
<C><I>La lumiere e$t-elle vi$ible, &amp; di$tincte des
couleurs? il e$t au$si parl&eacute; des corps
terre$tres qui ont de la lumie-
re en eux.</I></C>
<p>CEtte que$tion e$t difficile en $es
deux parties, car encore que la lu-
miere pour grande qu'elle pui$$e e$tre,
ne $e voye point dans le foyer des mi-
roirs ardens, qui bru$lent par reflexion,
ou par refraction, iu$ques &agrave; ce que l'on
y applique vn corps opaque, qui le face
paroi$tre, neantmoins on la void quand
elle e$t reflechie, lors que l'on regarde
directement le Soleil. Or l'on peut di-
re qu elle n'e$t pas vi$ible quand elle
n'e$t pas receu&euml;, ou termin&eacute;e par vn
corps brute, &amp; opaque, comme l'on ex-
perimente dans les endroits de l'air, o&ugrave;
<pb n=103>
elle e$t $i forte qu'elle bru$le, car enco-
re que toute la lumiere du Soleil, ou
vne autre plus grande $e trouua$t dans
le <I>focus</I> d'vn miroir, il $eroit impo$$ible
de la voir, $i l'on n'appliquoit quelque
corps opaque qui la peu$t reflechir iu$-
ques &agrave; l'&oelig;il. Mais il faut remarquer
que ce corps opaque ne doit pas e$tre
poli, parce que toute $orte de poli$$ure
repre$ente $eulem&etilde;t l'image du Soleil,
particulierement $i elle e$t parfaicte,
comme l'on experimente aux miroirs
plats, le$quels e$tant expo$ez aux rav&otilde;s
du Soleil, en repre$entent tellement
l'image, que l'on n'apper&ccedil;oit ny lumie-
re, ny glace de miroir, de $orte que
ceux qui ne $&ccedil;auent pas $i l'on a e$tably
ladite glace au lieu o&ugrave; elle e$t, croyent
que c e$t le corps du Soleil.
<p>D'o&ugrave; il e$t ai$&eacute; de conclurre que $i
tous les corps opaques e$toient parfai-
tement polis, que l'on ne verroit que la
$eule image du Soleil en quelque lieu
que l'on peu$t regarder: de $orte qu'il
n'y a que l'&eacute;galit&eacute; des $urfaces qui em-
pe$che que cette image ne $e forme di-
$tinctement, car elle e$t la $ource de la
confu$ion, comme l'&eacute;galit&eacute; l'e$t de la
<pb n=104>
di$tinction, dautant qu'elle rompt, &amp;
di$$ipe tellement les rayons du Soleil,
qu'ils n'ont pas a$$ez de force pour re-
pre$enter leur origine, quoy qu'ils n'a-
yent point, ce $emble, d'autre de$$ein.
Ce qui a fait p&etilde;$er &agrave; quelques-vns que
la lumiere n'e$toit autre cho$e que l'i-
mage du corps lumineux, &amp; que les
hommes ne paroi$troient qu'vne pure
image de Dieu, s'ils n'apportoient nul-
le re$i$tance &agrave; $es faueurs, &amp; s'ils refle-
chi$$oient tous les ray ons de $es graces
$ur leur prochain, &amp; con$equemment
qu'ils ne con$idereroient autre cho$e
dans toutes les creatures, que la $eule
image de Dieu.
<p>Ie ne veux pas obmettre vne con$i-
deration tre$-particuliere touchant les
corps lumineux, qui con$i$te &agrave; remar-
quer tous ceux qui ont de la lumiere
en eux-me$mes, a$in que l'on pui$$e
mieux conjecturer quelle e$t $a nature,
lors que l'on aura examin&eacute; tous les $u-
jets, o&ugrave; elle $e rencontre. Or nous ex-
perimentons que les vers lui$ans, l'A-
garic, le che$ne pourry, &amp; plu$ieurs au-
tres bois, &amp; que le Haran, le Merlan,
&amp; plu$ieurs autres poi$$ons illuminent,
<pb n=105>
auant qu'ils $oient cuits, &amp; &eacute;caillez. Il
arriue la me$me cho$e &agrave; la Raye cuite
&amp; bo&uuml;illie, qui luit $i fort que l'on peut
qua$i lire &agrave; $a lumiere. A quoy l'&otilde; peut
adjou$ter l'eau de la mer, qui produit
mille e$tincelles par $on mouuement.
Et quelques-vns tiennent que le c&oelig;ur
entretient vne flam me perpetuelle d&atilde;s
$es $eins ou ventricules, tandis qu'il a
de la vie, &amp; du mouuement.
<p>Quant aux couleurs, il e$t certain
qu'elles ont quelque cho$e di$tinct de
la lumiere, dont les rayons prennent la
reinture des $urfaces differentes, lors
qu ils entrent dans leurs pores, &amp; qu'ils
en $ortent par differentes reflexions.
Mais l'on peut dire que ces $urfaces n'&otilde;t
nulle couleur en $oy, &amp; que les differ&etilde;-
tes couleurs s eng&etilde;drent actuellement
par les diuer$es refractions, &amp; reflexi&otilde;s,
qui $e font d&atilde;s les corps qui re&ccedil;oiu&etilde;t &amp;
qui renuoyent la lumiere: quoy qu'il
$oit bi&etilde; difficile de determiner le nom-
bre des rayons, ou la grandeur de la lu-
miere, qui e$t nece$$aire pour faire pa-
roi$tre le blanc, le rouge, ou les autres
couleurs; &amp; combien de fois vn me$me
ray&otilde; doit e$tre rompu, ou reflechy pour
<pb n=106>
faire paroi$tre telle couleur que l'&otilde;vou-
dra, car ce $ecret $upo$e vne $peculati&otilde;
tre$ $ubtile, &amp; tre$-exacte de la figure,
&amp; de la grandeur de chaque pore, qui
$e rencontre dans la $urface des corps,
pui$que chaque pore e$t $emblable &agrave;
vn petit miroir concaue, dont la glace
a $a figure differente de celle des autres
pores.
<p>Or les pri$mes, ou triangles de chry-
$tal, &amp; les verres taillez en differentes
manieres peuuent ayder &agrave; $urmonter
cette difficult&eacute;, car leurs refractions,
qui produi$ent le bleu, le vert, le iaune,
&amp; plu$ieurs autres couleurs, peuuent
e$tre me$ur&eacute;es: &amp; l'on peut $&ccedil;auoir c&otilde;-
bien il $e perd de lumiere par les diffe-
rentes immer$ions du rayon dans les
corps diafanes, encore qu'il $oit diffi-
cile d'en faire l'application &agrave; la perte
qui s'en fait par le moyen des pores de
chaque corps opaque.
<p>Ceux qui compo$ent tous les corps
d'atomes de differ&etilde;tes figures, peuuent
rapporter les couleurs aux differentes
reflexions, qui $e font par leur moyen,
&amp; dire que l'eau $e teint de couleur de
rubi par l'or, &amp; de couleur d'azur par
<pb n=107>
l'argent, &amp; de plu$ieurs autres $ortes de
couleurs par les autres metaux &amp; mi-
neraux, &amp; par les differ&etilde;s $ucs des her-
bes, &agrave; rai$on des differencs atomes de
ces corps, qui $e me$lent parmy ladite
eau, &amp; qui font que $a $urface rompt
&amp; reflechit differcmment les rayons
qu'elle re&ccedil;oit, &amp; con$equemm&etilde;t qu'el-
le fait paroi$tre toutes les differentes
couleurs que nous voyons. Mais il fau-
droit determiner quelle figure doiuent
auoir les atomes pour engendrer le
blanc, le noir, &amp;c. &amp; comme ils doi-
uent e$tre di$po$ez pour re$lechir, &amp;
pour rompre la lumiere en telle manie-
re que l'on voudra.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>L'on peut voir toutes les proprietez
de la lumiere, qui $ont expliqu&eacute;es dans
la 4. que$tion $ur la Gene$e, &amp; dans le
2. liure de la Mu$ique. Mais il faut re-
marquer que quand ie dis que la lumie-
re e$t inui$ible dans le foyer des miroirs
qui bru$lent, ou en tel autre lieu que l'&otilde;
voudra, que cela arriue parce qu'elle ne
peut enuoyer de ray&otilde;s &agrave;l'&oelig;il, car elle e$t
<pb n=108>
$terile, de $a nature, n'ayant rien que ce
qu'elle re&ccedil;oit du corps lumineux, qui
la fait reflechir &agrave; la rencontre des corps
opaques, de $orte que $i l'&oelig;il ne $e ren-
contre vis &agrave; vis de la ligne droite du ra-
yon direct, reflechy ou rompu, il ne
peut rien voir; &amp; toutes &amp; quantes-
fois qu'il s'y rencontre, il void le Soleil,
ou les autres corps lumineux parfaite-
ment, ou imparfaitement, $uiuant les
$urfaces brutes, ou polies qui reflechi$-
$ent, ou rompent les rayons. Car l'on
peut dire que toutes les couleurs $ont
les tableaux, &amp; les images du Soleil, ou
des autres corps lumineux: par exem-
ple, de la flamme des chandelles, com-
me i'ay dit dans cette que$tion. Or il
y a plu$icurs autres difficultez dans la
lumiere, dont il faudra traiter ailleurs:
par exemple, comme elle peut $e rare-
fier, &amp; $e conden$er iu$ques &agrave; l'infiny;
comment $on infinie pui$$ance, &amp; ra-
diation e$tant renferm&eacute;e dans vne pe-
tite chambre, ne la peut a$$ez &eacute;clairer
poury pouuoir lire, nonob$tant l'infi-
nit&eacute; de reflexions qu'elle y fait: pour-
quoy la lumiere, ou la flamme d'vne
chandelle paroi$t plus grande &agrave; propor-
<pb n=109>
tion que l'on s'en &eacute;loigne dauantage:
$i le feu que l'on void e$t different de
la rarefraction de l'air, &amp;c.
<HR>
<C>QVESTION XXII.</C>
<C><I>Quelles $ont les vertus occultes, &amp; la $ym-
pathie, &amp; antipathie, &amp; d'o&ugrave;
elles viennent.</I></C>
<p>L'On appelle ordinairement les
vertus occultes, celles dont on
apper&ccedil;oit les effects, &amp; dont on ne
$&ccedil;ait pas la rai$on; par exemple, l'on
dit que l'Ay mant attire le fer par vne
vertu occulte, mais l'on ne $&ccedil;ait pas
pourquoy, ny comment $e fait cette at-
traction: par o&ugrave; l'on void que les ver-
tus occultes $e rapportent &agrave; leur effect,
qui nous en$eigne qu'elles $ont, mais
ils ne nous font pas connoi$tre quelles
elles $ont. Quant &agrave; la $ympathie, &amp; &agrave;
l'antipathie, dont l'vne rend deux ou
plu$ieurs cho$es amies, &amp; l'autre enne-
mies, elles procedent au$$i des quali-
litez, que l'on appelle occultes; parce
que l'on ne $&ccedil;ait pas l'origine des rap-
<pb n=110>
ports, &amp; des re$$emblances, qui$e ren-
contrent entre les corps, &amp; les e$prits.
Or ces qualitez ne viennent pas de la
di$po$ition des a$tres, puis qu'elles $ont
differentes dans vn me$me climat, $ur
lequel les me$mes a$tres ont vn me$-
me a$pect, comme l'on remarque dans
les plantes, dans les animaux, &amp;
dans les pierres de me$me e$pece,
dont les qualitez $ont differentes, quoy
que les a$tres les regardent e$gale-
ment. C'e$t pourquoy il e$t plus rai-
$onnable de dire qu'elles ont leur $our-
ce dans le different m&eacute;lange des ele-
mens, ou des atomes, dont les corps
$ont compo$ez, ou dans la quantit&eacute; du
$el, du $ouffre, &amp; du mercure, qui$ont
les principes $en$ibles des corps. Mais
il faut remarquer que ces qualitez $ont
$eulement occultes aux ignorans, car
les doctes qui $&ccedil;auent l'origine des
actions, que le vulgaire nomme <I>$ympa-
thie,</I> ou <I>antipathie,</I> n'v$ent point de ces
termes, &amp; mon$trent que ce qu'on ap-
pelle <I>occulte,</I> leur e$t euident: &amp; s'il ya
des qualitez qu'ils ne connoi$$ent pas,
ils auou&euml;nt librement leur ignorance
en cela. de $orte que l'on peut conclure
<pb n=111>
que tous les hommes $ont fort ignor&atilde;s,
puis qu'ils $ont contraints d'auo&uuml;er que
plu$ieurs qualitez leurs $ont occultes,
&amp; qu ils ont be$oin de la $ympathie
pour couurir leur d&eacute;faur. Car encore
que les Chymi$tes e$$ayent &agrave; per$uader
qu'ils $&ccedil;auent la rai$on de tous les effets
de la nature, neantmoins $i on les pre$-
$e, &amp; qu'on leur demande pourquoy
tel $el, $ouffre, ou mercure a vne telle
vertu, &amp; dequoy il e$t compo$&eacute;: pour-
quoy la fecondit&eacute; de la $em&etilde;ce d&eacute;pend
plu$to$t de l'vn des principes que d'vn
autre: qni a contraint les principes &agrave; $e
me$ler auec les excremens des corps,
qu'ils appellent, <I>Caput mortuum,</I> &amp; mil-
le autres cho$es $emblables, l'on trouue
qu'ils ne $&ccedil;auent rien, &amp; l'on e$t con-
traint d'auo&uuml;er que l'homme n'e$t pas
capable de $&ccedil;auoir la rais&otilde; d'autre cho-
$e que de ce qu'il peut faire, ny d'autres
$ciences, que de celles, dont il fait luy-
me$me les principes, comme l'on peut
demon$trer en con$iderant les Mathe-
matiques.
<pb n=112>
<HR>
<C>QVESTION XXIII.</C>
<C><I>D'o&ugrave; vient le grand contentement que l'on
re&ccedil;oit, lors que l'on croit auoir trouu&eacute;
quelque nouuelle demon$tration,
ou verit&eacute;?</I></C>
<p>L'On peut con$iderer deux cho$es
en cette que$tion, &agrave; $&ccedil;auoir pour-
quoy, nous $entons des tran$ports d'vn
contentement extraordinaire, au me$-
me temps que nous auons trouu&eacute; quel-
que verit&eacute;, &amp; pourquoy ce contente-
ment $e pa$$e tout au$$i to$t, de $orte
qu'il $emble que l'on a beaucoup plus
de contentem&etilde;t en cerchant la verit&eacute;
qu'apres que l'on la trouu&eacute;e. Quant &agrave;
la premiere partie, il e$t ai$&eacute; d'y $atisfai-
re, &agrave; rai$on que l'aqui$ition des perfe-
ctions augmente en quelque maniere
no$tre e$tre, car puis que la connoi$$an-
ce de la verit&eacute; e$t le plus bel ornement
de l'e$prit, &amp; qu'elle luy donne comme
vne $econde vie, il e$t certain qu'elle
e$t la plus grande de $es perfections: de
l&agrave; vient que la felicit&eacute; des Saincts con-
<pb n=113>
$i$te dans la parfaite connoi$$ance de
Dieu. D'o&ugrave; il e$t ai$&eacute; de conclure qu'il
n'y a nul thre$or, dont la jo&uuml;i$$ance
pui$$e donner autant de $atisfaction
comme fait la po$$e$$ion d'vne verit&eacute;,
lors qu'elle r&etilde;contre l'e$prit d'vn hom-
me qui pri$e dauantage l'honne$tet&eacute;
que le gain. Car chaque verit&eacute; repre-
$ente la beatitude, dont elle e$t vne
participation, &amp; vn rayon, ou vne ima-
ge; &amp; parce que nous cherchons tous
la felicit&eacute;, comme no$tre derniere fin,
&amp; que toute $orte de connoi$lance, &amp;
de demon$tration $emble en e$tre vne
partie, nous receuons vn particulier
contentem&etilde;t dans la po$$e$$ion de cha-
que connoi$$ance, lequel a cou$tume
d'e$tre d'autant plus grand, que la ve-
rit&eacute; que nous auons acqui$e, e$t plus
rare, plus excellente, &amp; plus releuee.
<p>Mais l'autre partie me $emble plus
difficile, &agrave; $&ccedil;auoir pourquoy l'on a plus
de feu, &amp; d'ardeur &agrave; la recherche de la
verit&eacute;, que l'on ne re&ccedil;oit de plai$ir de
l'auoir trouu&eacute;e: quoy qu'il $oit nece$-
$aire de $&ccedil;auoir $i cela e$tveritable, au&amacr;t
que d'&etilde; rechercher la rais&otilde;, carpuis que
l'on n'entreprend point le trauail, que
<pb n=114>
pourarriuer au but que l'&otilde;s'e$t propo$&eacute;,
il $emble que le plai$ir que l'on a d'e$tre
arriu&eacute; &agrave; ce que l'on de$iroit, doit e$tre
beaucoup plus gr&atilde;d que celuy que l'on
$ent dans le trauail: quoy que l'on pui$-
$e dire qu'il a quelque $orte de plai$ir
actuel, qui ne $e rencontre pas dans la
po$$e$$ion, &agrave; cau$e du mouuement qui
l'accompagne, &amp; qui appartient &agrave; la vie
actuelle, au lieu que la jo&uuml;i$$ancere$-
$emble &agrave; l'habitude, &amp; au repos, qui e$t
pre$que ins&etilde;$ible. Et puis l'&otilde; de$ire tou-
$iours pa$$er outre, de $orte que les ve-
ritez acqui$es ne $eruent que de degrez
pour arriuer &agrave; d'autres: c'e$t pourquoy
l'on n'en tient non plus de conte, qu'vn
homme auare des thre$ors qu'il a dans
$es coffres, car l'homme croid que tout
luy appartient, &amp; que tout a e$t&eacute; fait
pour luy: d'o&ugrave; il arriue qua$i tout ce
que nous con$iderons dans $es actions,
&amp; d'o&ugrave; l'on peut tirer des nouuelles rai-
$ons pour la Morale.
<pb n=115>
<HR>
<C>QVESTION XXIV.</C>
<C><I>Pourquoy le chri$tal, le verre, le talc, la cor-
ne, &amp; plu$ieurs autres corps $ont-ils
diaphanes, ou tran$parens?</I></C>
<p>CE$te difficult&eacute; e$t l'vne des plus
grandes de toute la Philo$ophie,
car quelques rai$ons que l'on apporte
pour la per$picuit&eacute;, ou la tran$parence
des corps diafanes, ou pour l'opacit&eacute;
des autres, il n'y en a point qui $atisfa$-
$ent entierem&etilde;t: puis qu'il y a plu$ieurs
corps, dans le$quels l'eau &amp; l'air pre-
dominent dauantage que dans le chry-
$tal, &amp; dans les autres diaphanes qui
$ont opaques: c'e$t pourquoy l'on ne
peut, ce $emble, re$pondre que la tran$-
parence des corps vient de l'abondan-
ce de l'eau, ou de l'air. Quant &agrave; la re-
ctitude des pores, que l'on s'imagine
e$tre vis &agrave; vis les vns des autres lors
que la lumiere les penetre, il s'en$ui-
uroit que ces corps $eroient percez de
part en part, &amp; qu'ils auroient autant
de trous, qu'il y a de rayons qui pa$$ent
<pb n=116>
&agrave; trauers; ce qui n'a nulle apparence de
verit&eacute;. Et certes la matiere, &amp; les
qualitez des corps diaphanes $ont $i
differentes, qu'elles nous empe$chent
de trouuer vn principe vniforme de
leur tran$par&etilde;ce, car $i elle venoit d'v-
ne parfaite mixtion, ou d'vne me$me
nature des parties, il $emble que l'or
deuroit e$tre le plus diaphane de tous
les corps: &amp; $i elle venoit de l'eau, la
glace $eroit plus diaphane que le chry-
$tal: finalement $i elle venoit de l'air,
les cho$es qui $ont plus rares, &amp; plus le-
geres, $eroient plus tran$par&etilde;tes, ce qui
e$t contraire &agrave; l'experience, car la pier-
re ponce, le liege, &amp; plu$ieurs autres
corps fort legers $ont opaques; &amp; le
talc, quoy que rama$$&eacute;, &amp; terre$tre, e$t
diaphane; de $orte qu'il $emble que la
duret&eacute;, la molle$$e, la pe$anteur, la le-
geret&eacute;, la froideur, la chaleur, &amp; toutes
les autres qualitez $ont compatibles
auec la tran$parence, &amp; l'opacit&eacute;; &amp;
que nous n'auons nul moyen de $&ccedil;auoir
le vray principe de l'vne, ny de l'autre;
dont il ne faut pas s'e$tonner, puis que
la me$me cho$e arriue qua$i tou$iours,
lors que nous e$$ayons &agrave; trouuer la rai-
<pb n=117>
$on primitiue, &amp; originaire des Pheno-
menes de la nature, dautant que nous
n'e$tions pas, quand l'on a po$&eacute; $es fon-
demens, &amp; que $es effets ne nous mei-
nent pas a$$ez euidemrnent &agrave; la $ource
pour nous conuaincre, &amp; pour nous
contraindre de nous y arre$ter par la
force d'vne parfaite demon$tration.
<HR>
<C>QVESTION XXV.</C>
<p><I>Le froid e$t-il $eulement vne priuation de
la chaleur, ou vn e$tre po$itif? ce que l'on
peut e$tendrc &agrave; la lumiere, &agrave; l'o, nbre, &amp; &agrave;
plu$ieurs autres cho$es.</I>
<p>L'On peut faire la me$me que$tion
de l'ombre &agrave; l'&eacute;gard de la lumiere,
&amp; de la $eichere$$e compar&eacute;e &agrave; l'humi-
dit&eacute;, car il $emble que le froid n'e$t rien
autre cho$e que la priuation de la cha-
leur, comme l'ombre e$t la priuation de
la lumiere; car $i to$t que la chalcur
manque, le froid $uccede, qui accom-
pagne le re$tre$$i$$ement, &amp; la con-
den$ation des corps, qui auoient e$t&eacute;
rarefiez par la chaleur. Or c&otilde;me l'om-
<pb n=118>
bre n'e$t pas vne entiere priuation de la
lumiere, mais $eulement d'vne plus
grande lumiere, puis qu'elle e$t di$tin-
cte des tenebres, qui cha$$ent toute $or-
te de lumiere, le froid n'e$t pas au$$i
pour l'ordinaire vne priuation de toute
$orte de chaleur, car il n'y a peut-e$tre
nul corps au monde qui n'en ayt quel-
que degr&eacute;. Mais parce que l'on ne $&ccedil;ait
pas encore quelle e$t la nature de la
chaleur, il e$t difficile d'expliquer com-
me arriue le froid, qui depend particu-
lierement des vents du Septentrion:
$urquoy l'on peut voir le trait&eacute; que
Verulamius a fait des v&etilde;ts. De l&agrave; vient
que l'ob$curit&eacute; de la nature, &amp; l'igno-
rance des rai$ons veritables lai$$ent la
libert&eacute; de $'imaginer que la lumiere, la
chaleur, &amp; les $ons, ou les mouuem&etilde;s
peuuent au$$i bien e$tre appellez priua-
tions des tenebres, du froid, &amp; du $ilen-
ce, ou du repos, comme le $ilence, le
froid, &amp; l'ombre, ou les tenebres $ont
appell&eacute;es priuations du $on, du chaud,
&amp; de la lumiere. Car $i la chaleur $e de-
finit, ou $e connoi$t par la rarefacti&otilde;, &amp;
par d'autres effets r&eacute;els, la me$me cho-
$e arriue au froid, lequel on c&otilde;noi$t par
<pb n=119>
la c&otilde;den$ation, &amp; par $es autres effets:
&amp; l'&oelig;il, ou l'oreille ne nous mon$trent
pas mieux l'e$s&etilde;ce de la lumiere, &amp; des
$ons, que celle de l'ombre, &amp; du $ilence.
Neantmoins ie ne veux pas icy faire le
panegyrique de l'ombre, comme a fait
Vouuerius dans $on iour d'E$t&eacute;, ou dans
$on <I>P&aelig;gnion,</I> auquel il e$t ai$&eacute; d'ajou$ter
plu$ieurs cho$es: quoy qu'il $uffi$e de
lire cet excellent Autheur, pour com-
prendre la grande vtilit&eacute;, &amp; la nece$$i-
t&eacute; des ombres, puis que c'e$t d'elles que
dep&etilde;dent la Gnomonique, &amp; l'vne des
principales parties de la Per$pectiue, de
l'Architecture, &amp; de la Geode$ie.
<p>Or encore que nous ne $&ccedil;achions pas
la nature de la lumiere, &amp; que l'on ne
pui$$e demon$trer qu'elle e$t plus po$i-
tiue, que l'ombre, ou les tenebres, par-
ce que l'on n'a pas de rai$on a$$ez eui-
dente pour ioindre les deux extremi-
tez qui doiuent entrer dans la demon-
$tration, neantmoins nous $entons dans
nous-me$mes quelque $orte de con-
trainte, qui nous fait croire que la cha-
lcur, &amp; la lumiere $ont des e$tres po$i-
tifs, &amp; que leurs conttaires meritent le
nom de priuation. L'on peut dire la
<pb n=120>
me$me cho$e de l'humidit&eacute;, &agrave;l'&eacute;gard de
la $eichere$$e, qui $uit nece$$airement
dans les corps, dont on o$te l'humidit&eacute;,
&amp; mediter ce qui $e peut dire de l'e$tre
compar&eacute; au neant, qui a e$t&eacute; mis par
quelques Philo$ophes pour le principe
de toutes cho$es, au contraire de ceux
qui ont tenu que nulle cho$e ne $e peut
faire de rien, <I>ex nihilo nihil</I>: ce qui peut
e$tre veritable en vn $ens, parce que
chaque crcature e$t tir&eacute;e de l'e$tre en
pui$$ance, qui n'e$t pas vn rien, ou vn
neant $i ab$olu, que le non e$tre, qui
n'a pas me$me la pui$$ance d'e$tre, c'e$t
&agrave; dire qui n'enferme nulle po$$ibilit&eacute;, &amp;
qui n'a nul ordre, ou rapport &agrave; la pui$-
$ance de Dieu.
<HR>
<C>QVESTION XXVI.</C>
<C><I>Des inuentions &amp; des $ecrets que l'on re-
cherche, ou que l'on de$ire dauantage
dans les arts, &amp; dans les $ciences.</I></C>
<p>L'On $&ccedil;ait que les Chymi$tes re-
cherchent, &amp; de$irent particulie-
ment la pierre Phy$ique, &amp; la poudre,
<pb n=121>
qui aille $ur le blanc, ou $ur le rouge,
pour conuertir le mercure, le plomb, &amp;
les autres metaux en or, ou en argent,
&amp; que pour ce $ujet ils e$$ayent &agrave; tirer
le mercure du plomb pour le fixer, &amp;
l'e$prit, ou la teinture de l'or, dont vne
goute pui$$e penetrer &amp; teindre vne
grande quantit&eacute; de vif argent, quoy
qu'ils y perdent tout le temps qu'ils y
employent. Les T'einturiers cherchent
la pourpre des anciens, qu ils appellent
$ouuent <I>Murex, &amp; conc<*>yliurn,</I> comme
l'on peut voir d&atilde;s les notes de Salmuth
$ur Pancirolle; &amp; les Vitriers e$$ayent
de trouuer vn rouge tran$par&etilde;r, &amp; vne
maniere de teindre le verre en couleur
de Rubi par le moyen de la poudre, ou
de l'e$prit de l'or. Ceux qui trauaillent
&agrave; la Mechanique, cherchent le mou-
uement perpetuel dans l'eau, dans les
ro&uuml;&euml;s, &amp; dans toutes $ortes de re$$orts,
&amp; la maniere de cheminer $ur l'eau $ans
enfoncer, &amp; de voler en l'air. A quoy
l'on peut adiou$ter les Ingenieurs, qui
de$irent vne place $i bi&etilde; fortifi&eacute;e qu'el-
le $oit imprenable, comme e$t celle,
que propo$e Bernard Pali$$y dans le li-
ure qu'il a fait $ur ce $uiet; &amp; les Archi-
<pb n=122>
tectes, qui n'ont pas encore trouu&eacute;, ou
prouu&eacute; par rai$on, quel doit e$tre le ba-
$timent, dans lequel l'on ne pui$$e rien
adjou$ter, ni qu&atilde;t &agrave; la beaut&eacute;, ni quant
&agrave; l'vtilit&eacute;.
<p>Ceux qui font le verre de $alicor, &amp;
des autres matieres, de$irent r&etilde;contrer
la maleabilit&eacute;, quoi qu'elle ait cou$t&eacute; la
vie &agrave; ceux qui l'auoi&etilde;t trouu&eacute;e, $i les hi-
$toires ne nous trompent: finalement il
n'y a nul art qui n'ait $es preten$ions,
qui $urpa$$ent tou$iours l'indu$trie des
hommes, comme il e$t ay$&eacute; de m&otilde;$trer
par vne longue induction, que ie lai$$e
&agrave; ceux qui la voudront faire.
<p>Quant aux $ciences, elles ne $ont pas
plus parfaites que les arts, car l'on n'a
encore peu demon$trer $i la quadratu-
re du cercle e$t impo$$ible, ou $i elle
peut e$tre trouu&eacute;e: &amp; il y a mille pro-
blemes qui concement la quantit&eacute; c&otilde;-
tinu&euml;, &amp; la di$crete, dont plu$ieurs
Mathematiciens recherchent en vain
la $olution, parce qu'ils ne $&ccedil;auent pas
le chemin qu'il y faut tenir. Nul Mu-
$icien n'a encore trouu&eacute; la maniere de
produire les effets dont $e vantent les
Grecs, &amp; nul Catoptricien ou Miro&uuml;et-
<pb n=123>
tier n'a fait de miroirs qui ayent l'effet
de ceux d'Archimede, ou de Proclus.
Les Dioptriciens, ou Lunettiers n'ont
peu rencontrer de lunettes &agrave; longue
veu&euml;, qui fa$$ent voir les traits du vi$a-
$e de 7. ou 8. lieu&euml;s, &amp; qui $eruent &agrave;
lire, ou &agrave; voir ce qui e$t $ur la Lune, ou
$ur les autres a$tres, encore que la $ci&etilde;-
ce leur en$eigne que l'&otilde; peut repre$en-
ter vn ciron au$$i gros qu'vne mai$on,
&amp; vne mai$on au$$i petite qu'vn ciron.
Ceux qui de$irent $&ccedil;auoir ce que les
anciens ont eu dauantage que nous d&atilde;s
les arts, &amp; ce que l'on a trouu&eacute; de nou-
ueau dans nos derniers $iecles, peuuent
lire Pancirolle, qui a fait deux volumes
$ur ce $ujet.
<HR>
<C>QVESTION XXVII.</C>
<C><I>Combien la pierre d' Aymant a-elle de
proprietez?</I></C>
<p>ENcore que nous ne pui$$ions $&ccedil;a-
uoir toutes les proprietez des corps
naturels, parce que nous ne $&ccedil;auons pas
le principe, &amp; la $ource d'o&ugrave; elles deri-
<pb n=124>
uent, ny toutes les differentes rencon-
tres qui modifient, &amp; qui empe$chent,
ou aydent leurs effects, neantmoins il
e$t ay$&eacute; de remarquer tous les pheno-
menes, qui nous paroi$$ent dans les
corps differens, comme ie fais icy dans
la pierre d'Aymant, qui peut e$tre con-
$ider&eacute;e &agrave; l'&eacute;gard du Ciel, vers lequel
elle $e tourne, ou du fer qu'elle attire.
Quant &agrave; l'&eacute;gard du Ciel, toutes $es par-
ties en regardent vn certain point, ce
qui d&eacute;pend de $a conuer$ion vers le po-
le Arctique, car lors qu'on fait nager
cette pierre $ur l'eau par le moyen du
liege, ou en quelqu'autre maniere, elle
tourne l'vn de $es co$tez vers le Septen-
trion: mais il e$t difficile de $&ccedil;auoir $i ce
co$t&eacute; de la pierre e$t Meridional, ou
Septentrional, d'autant qu'il faut frot-
ter le bout des aiguilles du co$t&eacute; qu'el-
le tourne vers le Midy, pour les faire
tourner vers le Septentrion, car $'il e$t
frott&eacute; du co$t&eacute; de la pierre, qui va vers
le Sept&etilde;trion, il ira vers le Midy. Mais
elle ne tourne pas tou$iours l'vn de ces
co$tez iu$tement vers le Pole, car elle
decline tanto$t vers l'Orient, &amp; d'au-
tresfois vers l'Occident, $elon qu'il y a
<pb n=125>
vne plus grande ma$$e de terre, ou plus
ou moins de mer d'vn co$t&eacute;, ou d'au-
tre. Ce qui arriue $emblablement aux
aiguilles qui en $ont touch&eacute;es, &amp; qui
deuiennent plus pe$antes que deuant
d'vn grain, ou enuiron, $elon la bont&eacute;
de la pierre, qui les touche, $oit que $es
e$prits corporels s'in$inu&euml;nt dans les
pores des aiguilles, ou qu'elle leur don-
ne vne vertu particuliere de de$cendre
en bas.
<p>Or quand on les veut toucher, il faut
choi$ir la ligne de la pierre, qui va du
Midy au Septentrion, &amp; la conduire
$elon cette ligne par de$$us l'aiguille,
ju$ques &agrave; ce que l'on $oit au bout, $ur
lequelil faut demeurer vn peu de t&etilde;ps,
afin que la pierre luy communique vne
plus grande vertu: car encore que les
bonnes pierres la communiquent &agrave; l'a-
cier, &amp; au fer $ans les toucher, neant-
moins il e$t meilleur de les toucher,
comme j'ay dit.
<p>Quant &agrave; la traction du fer, elle en ti-
re d'autant plus pe$ant qu'elle e$t meil-
leure, comme i'ay experiment&eacute; auec
vne, qui leue 2. fois au$$i pe$ant de fer
comme elle e$t, encore qu'elle ne $oit
<pb n=126>
pas arm&eacute;e: &amp; l'on en rencontre qui le-
uent 8. ou 10. fois au$$i pe$ant comme
elles $ont. Quand elles $ont arm&eacute;es,
ou acc&otilde;pagn&eacute;es de 2. petits morceaux
d'acier par leurs 2. poles, elles deuien-
nent cent fois plus fortes qu'elles n'e-
$toient deuant: ce qui e$t $i veritable
que i'en ay veu qui ne peuuent qua$i le-
uer vne petite aiguille e$t&atilde;t de$arm&eacute;es,
encore qu'elles leuent plus d'vne liure
de fer, $i to$t qu'elles $ont arm&eacute;es: o&ugrave;
l'on doit remarquer que la pierre, &amp; le
fer n'ayant nulle force d'attirer d'autre
fer, con&ccedil;oiuent cette force par la con-
jonction de l'vn auec l'autre, comme il
arriue &agrave; la matiere, &amp; &agrave; la forme. L'vn
des plus gentils effets de cette pierre $e
void lors qu'elle enleue deux ou 3. pi-
ro&uuml;ettes, que l'on fait tourner $ur vne
table, car elle les tient en l'air, tandis
qu'elles continu&euml;nt leur mouuement,
qui dure 5. ou 6. fois dauantage qu'il
n'eu$t fait $ur la table: &amp; $i l'on en fait
tourner vne autre &agrave; rebours, elle la leue
encore, &amp; l'entretient dans ce mouue-
ment contraire &agrave; celuy de la premiere:
&amp; finalement $i on luy pre$ente vne
troi$ie$me piro&uuml;ette immobile, elle la
<pb n=127>
leue au$$i, &amp; la fait tourner comme la
piro&uuml;ette, &agrave; l'e$$ieu de laquelle elle s'at-
tache: mais cette derniere piro&uuml;ette
continu&euml; $on mouuement long temps
apres que celle dont elle l'a re&ccedil;eu, a fini
le $ien: ce qui e$t a$$ez merueilleux.
Ie lai$$e plu$ieurs particularitez de cet-
te pierre: par exemple, que le fer qu'el-
le aura touch&eacute; en la menant d'A &agrave; B.
perd $a vertu d'attraction, $i to$t que
<FIG>
l'on remeine l'Aym&atilde;t
de B &agrave; A; que $i ce fer
AB e$t leu&eacute; perpendiculairement, de
$orte que B $oit en haut, &amp; A en bas,
qu'en condui$ant l'&eacute;guille d'A &agrave; B, elle
$e retourne $i to$t qu'elle arriue vers le
milieu C, &amp; plu$ieurs autres, dont ie ne
veux pas parler iu$ques &agrave; ce que i'aye
verifi&eacute; les experiences de Gilbert, &amp; de
Cabeus, &amp; que i'en aye remarqu&eacute; de
nouuelles.
<HR>
<C>QVESTION XXVIII.</C>
<C><I>Peut-on prouuer, ou confirmer les my$teres
de la Religion Chre$tienne par les opera-
tions, &amp; les principes de l'Alchymie?</I></C>
<p>PLu$ieurs $e $ont efforcez de confir-
mer les my$teres de la Religion
<pb n=128>
Chre$tienne par les operations, &amp; par
les principes de l'Alchymie, dont ils $e
$ont $eruis pour tirer des comparai$ons,
qui $ont meilleures, &agrave; leur aduis, pour
faire comprendre les articles de la Foy,
que celles dont S. Chry$o$tome &amp; les
autres Peres de l'Egli$e ont v$&eacute; pour le
me$me $ujet. De l&agrave; vient qu'ils ont dit
que le $el, ou le mercure de la nature,
qui demeure tou$iours incorruptible,
&amp; qui con$erue, &amp; nourrit tous les in-
diuidus corporels, repre$ente Dieu; &amp;
que $a chaleur naturelle, qui engendre
l humide radical, e$t la figure du Pere,
qui engendre le Fils; &amp; finalement que
le $ec vnit l'vn &amp; l'autre, comme le S.
E$prit vnit le Pere &amp; le Fils: de $orte
qu'ils croyent que ce$te premiere ma-
tiere contient beaucoup de proprietez
de la Trinit&eacute;: ce qu'ils confirment par
le nom du $el, que les Hebreux appel-
lent <I>Melach,</I> qui vaut 78. lequel diui$&eacute;
par 3. donne le nombre 26. qui e$t $a-
cr&eacute;, &agrave; rai$on qu'il e$t $ignifi&eacute; par le nom
Tetragramme <I>Ichoua.</I>
<p>A quoy ils adjou$tent que l'e$prit du
monde, qui de$cend du premier mobi-
le par le Firmament, &amp; par les Planet-
<pb n=129>
tes, dont il attire la vertu, vients' incor-
porer auec la ma$$e terre$tre, qu'il pur-
ge de $es imperfections en endurant la
mort, &amp; en deuenant apres plus clair, &amp;
plus glorieux pour engendrer d'autres
indiuidus plus excellens, &amp; pour pur-
ger l'ordure des metaux imparfaicts,
afin de les conuertir en vn or tre$-pur,
comme le Fils de Dieu de$cend dans
les entrailles de la Vierge, pour mourir
pour nous, &amp; pour re$u$citer plus glo-
rieux, afin de nous transformer par le
diuin aliment de l'Euchari$tie, &amp; de
nous rendre $emblables &agrave; luy. Ie lai$$e
ce qu'ils di$ent des operations de leur
laboratoire, pour prouuerles 7. Sacre-
mens, la re$urrection des morts, &amp; plu-
$ieuts autres cho$es, d'aut&atilde;t que ie n'e-
$time pas que ces comparai$ons pui$-
$ent apporter plus de clart&eacute; &agrave; nos my-
$teres, que les comparai$ons ordinaires,
que l'on prend de la lumiere des a$tres,
&amp; de la propriet&eacute; des Elemens, &amp; des
mixtes. Et puis l'ay experiment&eacute; que
plu$ieurs Chymi$tes $e perdent telle-
ment dans ces caprices, qu'au lieu de
demeurer dans la $eule comparai$on,
ils s'imaginent que leur $ec, leur chaud,
<pb n=130>
&amp; leur humide, c'e$t &agrave; dire le $el, le $oul-
fre, &amp; le Mercure, doiuent principale-
ment e$tre entendus par le my $tere de
la Trinit&eacute;, &amp; que leur agent vniuer$el
d&eacute;gag&eacute; des impuretez tant $pecifiques,
qu indiuiduelles e$t Dieu: que les im-
puretez $ont les e$prits malins; &amp; que
les f&ecirc;ces, ou le <I>Caput mortuum,</I> $ont l'en-
fer: de $orte qu'ils ont voulu donner vn
$ens naturel &agrave; l'E$criture $aincte, com-
me ont fait Kunrath dans $on Amphi-
teatre, Flud dans tous $es liures, &amp; plu-
$ieurs autres, comme $i le $eul vray $ens
de l'E$criture ne $e deuoit entendre
que de la poudre, ou de la pierre Phy$i-
que, ce qu'ils di$ent, &amp; e$$ayentauec
vne impiet&eacute; d'autant plus grande qu'ils
la cachent auec plus d'accorti$e, &amp; d'a-
dre$$e $ouz le voile de la piet&eacute;. C'e$t
pourquoy il faut y prendre garde, &amp;
$uiure en ce$ujet la c&etilde;$ure que les Do-
cteurs de Sorbonne ont fait des &oelig;uures
dudit Kunrath, &amp; croire que la Reli-
gion Chre$tienne n'a pas affaire de la
Chymie pour $a confirmation, ou pour
$a deffence, &amp; qu'elle luy nui$t plus en
la bouche de ceux qui cherch&etilde;t le $ens
alchymi$te dans les paroles de Dieu,
<pb n=131>
dans le liure de Thomas &agrave; Kempis de
l'Imitation de Ie$us-Chri$t, ou me$me
dans les liures Sacrez, qu'elle ne luy
$ert, comme l'on aduo&uuml;era librement,
quand on l'aura experiment&eacute;.
<p>Ie ne veux pas neantmoins condam-
ner tous les Chymi$tes, qui comparent
le Bapte$me &agrave; la calcination, &amp; &agrave; la lo-
tion, dont ils v$ent pour &eacute;purer les mix-
tes: ni ceux qui trouuent de la re$$em-
blance entre la Confirmation &amp; la fixa-
tion; entre l'Euchari$tie, &amp; la pierre
Phy$ique: entre la Penitence, la cal-
cination, la putrefaction, &amp; la di$$olu-
tion; entre l'Extreme Oncti&otilde;, &amp; l'hui-
le de vie, par le moyen de laquelle ils
di$ent que les metaux imparfaits $e c&otilde;-
uerti$$ent en or, comme ils prouuent
par le clou du cabinet de Flor&etilde;ce, qu'ils
di$ent e$tre moiti&eacute; fer &amp; moiti&eacute; or: en-
tre les Ordres $acrez, &amp; l'huile me$l&eacute;
auec les cendres du $el tre$-parfaict,
qu'ils appellent le <I>$auon des $ages</I>; &amp; fi-
nalement entre le mariage, &amp; le $oulfre
metallique rouge, &amp; blanc, d'o&ugrave; ils ti-
rent leur Elixir Arabique: parce que ie
ne doute nullem&etilde;t qu'il n'y en ait quel-
ques-vns qui le font &agrave; bonne intention,
<pb n=132>
&amp; qui ne prennent les operations Chy-
miques que pour de $imples comparai-
$ons, &amp; des ombres de nos my $teres.
<p>Mais il n'y a pas grande apparence
des'imaginer que l'on les pui$$e prou-
uer, ou per$uader parcette voye, atten-
du qu'il y a plu$ieurs Caluini$tes, Lu-
theriens, Iuifs, Turcs, Arabes, &amp;c. qui
$&ccedil;auent au$$i bien la Chymie que les
Catholiques, quoy qu'ils ne vueillent
pas embra$$er les 7. Sacremens, ny les
autres my $teres de no$tre Foy.
<p>Or il faudroit examiner $i Dieu a tel-
lement compo$&eacute; la nature des corps,
que leur di$$olution, &amp; tout ce qu'ils
peuuent faire, ou endurer, repre$ente
tout ce qui appartient &agrave; la Religion
Chre$tienne: car il n'y a nul doute qu'il
l'a peu faire; mais il n'y a pas moyen de
connoi$tre s'il l'a fait, s'il ne le reuele,
parce que nous ne $&ccedil;au&otilde;s pas la manie-
re qu'il a tenu&euml; &agrave; la compo$ition, &amp; &agrave;
l'arrengement des parties du monde,
&amp; de chaque indiuidu.
<pb n=133>
<C>COROLLAIRE.</C>
<C><I>De la Cen$ure de la Sorbonne, contre le
liure de Kunrath.</I></C>
<p>I'ay creu que ceux qui re$pectent la
Sacr&eacute;e Facult&eacute; de la Sorbonne $eront
bien ay$es de con$iderer le iugement,
&amp; la cen$ure qu'elle a fait de l' Amphi-
teatre de Henri Kunrath, &amp; que l'on
connoi$tra par cet aduis en quoy pe$-
chent les liures de Chymie, c'e$t pour-
quoy ie le mets icy.
<HR>
<C><I>La Sacr&eacute;e Facult&eacute; de la Theologie de Paris,
&agrave; tous les Catholiques.</I></C>
<p>PVi$que l'Apo$tre nous enjoint d'&eacute;-
prouuer toutes cho$es, &amp; de rete-
nir ce qui e$t bon, ayant apperceu que
depuis quelques mois les Catholiques
ont vn certain liure tre$-pernicieux en-
tre les mains, dans lequel il y a premie-
rement quelques figures, &amp; puis plu-
$ieurs explicati&otilde;s de diuers pa$$ages de
la $aincte E$criture di$po$&eacute;es par $ept
<pb n=134>
degrez, &amp; finalement quelques corol-
laires, &amp; dont le tiltre e$t, <I>l'Amphiteatre
Chri$tianocabali$tique Dinin<*>que,
Phy$ico-chymique, Tertriun-<*>uque, de
la $age$$e eternelle $eule veritable, par Henri
Kunrath de Lip$e, amaicur $idelle de la Theo-
$ophie, &amp; Doctcur d<*> l'vne, &amp; l'autre Me-
decine:</I> La $u$dite Facult&eacute; de Theologie
ayant leu exactement, &amp; examin&eacute; le li-
ure entier par quelques pocteurs qu'el-
le a $pecialement deputez pour ce $u-
iet, a iug&eacute; que les explications e$tant
pri$es &agrave; la lettre, &amp; tous les corollaires
pris c&otilde;me ils $ont, auec le liure me$me,
doiuent e$tre condamn&eacute;s, particuliere-
ment parce qu'e$tant remply d'impie-
tez, d'erreurs, &amp; d'here$ies, &amp; d'vne
perpetuelle profanation $acrilege des
pa$$ages de la $aincte E$criture, il abu$e
des plus $aints my$teres de la Religion
Catholique, &amp; conduit les lecteurs aux
arts deffendus, &amp; abominables, C'e$t
pourquoy elle a iug&eacute; qu'vn liure $i con-
tagieux ne peut e$tre leu, ny expo$&eacute; en
public $ans perte de la Foy, de la Reli-
gion, &amp; de la piet&eacute;.
<p>Fait &agrave; Paris dans no$tre a$$embl&eacute;e ge-
neralle, celebr&eacute;e $olemnellement au
<pb n=135>
College de Sorbonne, l'an de no$tre
Seigneur 1625.le 1. iour de Mars.
<p>Par le commandement de Mon$ieur
le Doyen, &amp; des Mai$tres de la dite Sa-
cr&eacute;e Facult&eacute; de la Theologie de Paris.
Ph. Bouuot.
<HR>
<C>QVESTION XXIX.</C>
<C><I>Puis qu'il e$t certain que le Soleil a beaucoup
de taches, ou de macules, &amp; de facu-
les, qu'en peut-on inferer?</I></C>
<p>IL n'e$t pas be$oin de prouuer qu'il y
a plu$ieurs macules dans le Soleil,
puis qu'il y a peu de per$onnes $tudieu-
$es qui ne les ay&etilde;t ob$eru&eacute;es, ce$t pour-
quoy i'explique $eulement icy leurs
proprietez, &amp; l'vtilit&eacute; que l'on en peut
tirer, $uiuant la $peculation de Schei-
ner, qui a remarqu&eacute; dans la 580. page
de $on Soleil, que $on diametre luy a
$ouuent paru de 51&prime;. d'o&ugrave; il infere qu'il
e$t &eacute;loign&eacute; de la terre de 87, de $es dia-
metres: &amp; d'autrefois il a veu $on dia-
metre de 55&prime;. &agrave; $&ccedil;auoir le 19. du mois
d'Octobre de l'an 1626. &amp; de 56&prime;. l'an
<pb n=136>
$uiuant le 23. de Septembre. Oril e$t
certain que les macules, qui paroi$$ent
dans le Soleil, $ont d'autant plus gran-
des, qu'il paroi$t plus grand, &amp; qu'il e$t
plus &eacute;loigu&eacute; de nous. Mais afin de $&ccedil;a-
uoir leur grandeur a$$ez preci$&eacute;ment,
il faut $uppo$er que le rayon, ou le de-
midiametre de la terre e$t de 860. lieu&euml;s
d'Allemagne, dont chacune e$t com-
po$&eacute;e de 4000. pas Geometriques, &amp;
con$equemment que $on circuit e$t de
(5403 2152/4000) lieu&euml;s, c'e$t &agrave; dire que le tour
de la terre a 21614152. pas Geometri-
ques &amp; s&otilde; demidiametre 3440000. Et
puis il faut $upo$er que le demidiame-
tre du Soleil a (4602 16119/4000) lieues, &amp; $a cir-
conference (28920 36<*>2/4000) Cecy e$tant po-
$&eacute;, il a remar qu&eacute; plu$ieurs macules, d&otilde;t
les vnes $ont $i grandes que leur diame-
tre e$tau demidiametre du Soleil, com-
me 1. &agrave; 10. ou &agrave; 7. &amp; con$equemment
elles ont 660. lieu&euml;s de grandeur. Ily
en a d'autres qui $urpa$$ent la grandeur
de l'Europe, ou de l'Afrique, encore
que l'on $uppo$e $eulem&etilde;t la grandeur,
&amp; l'&eacute;loignement que Tycho donne au
Soleil, &amp; que le diametre de la terre $oit
&agrave; celuy du Soleil, comme 1. &agrave; 12. ou &agrave; 13.
<pb n=137>
<p>Il en remarque d'autres qui $ont
plus grandes que la terre, car elles ont
2410. lieu&euml;s en diametre, mais elles $e
font de plu$ieurs petites macules, qui
s'ama$$ent peu &agrave; peu en$emble, de $or-
te que le Soleil e$t tou$iours me$l&eacute; de
tenebres; d'o&ugrave; il conclud que l'Eclyp-
$e du Soleil, qui arriua &agrave; la Pa$$ion de
no$tre Seigneur, $e fi$t par l'entremi$e
d'vne grande quantit&eacute; de ces macules,
puis que la Lune ne peut nous la rendre
vniuer$elle comme elle fut. Or ces
macules paroi$$ent $ouuent 13. iours ou
enuiron dans le Soleil, &amp; con$equem-
ment font leur tour en 26. ou 27. iours,
plus ou moins: mais elles ne font nul
parallaxe, d'o&ugrave; l'on conclud qu'elles le
touchent &amp; parce qu'elles $cuano&uuml;i$-
$ent, &amp; di$paroi$$ent $ouuent dans le
milieu du Soleil, il e$t difficile de iuger
quelle e$t leur matiere, $i l'on ne dit
qu'elles $ont des nu&euml;s, qui $'&eacute;leuent du
corps du Soleil, comme celles de la ter-
re, car elles vont quelquesfois en $e
gro$$i$$ant, &amp; d'autresfois en $e dimi-
nuant depuis l'vn des bords du Soleil
iu$ques &agrave; l'autre; &amp; d'ob$cures elles de-
uiennent claires c&otilde;me des flambeaux,
<pb n=138>
apres qu'elles $e $ont termin&eacute;es en fu-
m&eacute;e. car le Soleil e$t comme vn grand
bra$ier, qui les enflamme, $i to$t qu'el-
les $ont a$$ez rarefi&eacute;es. Mais il faut re-
marquer que les facules, ou flambeaux
du Soleil $e conuerti$$ent au$$i bien en
macules, que les macules en facules &amp;
que les vnes $uccedent aux autres, ou
qu'elles $e me$lent $ouuent en$emble:
&amp; finalement qu'elles commencent
tou$iours &agrave; l'horizon de l'Orient du So-
leil, &amp; fini$$ent &agrave; l'horiz&otilde; de l'Occid&etilde;t.
<p>L'on peut encore dire que ces macu-
les $e tournent quelquefois en Come-
tes, &amp; que la Comete de l'an 1618. &amp;
les autres e$toient des macules $orties
du Soleil: quoy que toutes ces ob$er-
uations ne preuuent pas a$$ez euidem-
ment que le Soleil $oit corruptible, &amp;
qu'il re&ccedil;oiue des alterations, comme
la terre, &amp; particulierement comme le
mont Ve$uue, pour obliger les h&otilde;mes
&agrave; embra$$er cette opinion, car Claude
Berigard maintient que l'on peut enco-
re retenir l'incorruptibilit&eacute;, &amp; me$me
la $olidit&eacute; des cieux, dans le hure qu'il
a fait contre les Dialogues de Gali-
lee du mouuement de la terre.
<pb n=139>
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Il e$t ay$&eacute; de verifier les ob$eruations
&amp; les experiences des macules du So-
leil, parce que Malaperta d&otilde;n&eacute; les ob-
$eruations qu'il en a faites depuis l'an
1618. ju$ques &agrave; 1627. dans le liure qu'il
intitule <I>Heliocyclia,</I> en me$me temps
que Scheiner a donn&eacute; les $iennes dans
$a Ro$e Vr$ine, car celuy-cy les a ob$er-
u&eacute;es &agrave; Ingol$tad, &amp; &agrave; Rome, &amp; celuy-
la &agrave; Arras, o&ugrave; il m'a fait voir $es in$tru-
mens, &amp; la maniere dont il a ob$eru&eacute;
les macules.
<HR>
<C>QVESTION XXX.</C>
<C><I>Quelle vtilit&eacute; peut-on tirer des lunettes de
longue veu&euml; pour les $ciences,
&amp; pour la vie?</I></C>
<p>IL faut premierem&etilde;t remarquer que
les lunettes $ont faites de verre, ou
de chry$tal, &amp; qu'elles gro$$i$$ent, ou
diminuent les objects; elles les gro$$i$-
$ent, quand les verres $ont conuexes
<pb n=140>
d'vn co$t&eacute;, &amp; plats de l'autre, ou qu'ils
$ont conuexes des deux co$tez: mais
elles les diminu&euml;nt, lors que les verres
$ont creux ou concaues d'vn, ou deux
co$tez. Orauant que de parler des lu-
nettes de longue veu&euml;, dont on rappor-
te l'inuention &agrave; Galil&eacute;e, ou aux Hol-
landois, ou &agrave; quelques autres plus an-
ciens, il faut remarquer en $econd lieu
que les verres creux $eruent &agrave; ceux qui
ont la veu&euml; courte, d'autant que leur
humeur chry$tallin fait la portion d'v-
ne $i petite Sphere, qu'il r'acourcit trop
le cone des rayons vi$uels, de $orte qu'il
ne peut arriuer iu$ques &agrave; la retine, qui
en doit e$tre peinte di$tinctement pour
nous faire voir.
<p>Et parce que ce racourci$$ement de
la pointe du cone e$t plus grand, quand
il vient des objects &eacute;loignez, il faut ap-
pliquer le verre concaue &agrave; l'&oelig;il, afin
d'allonger ladite pointe, iu$ques &agrave; ce
qu'elle arriue di$tinctement &agrave; la retine:
quoy que l'on n'en ayt pas be$oin, lors
que les objects s&otilde;t proches, parce qu'ils
font la pointe du cone a$$ez longue.
<p>Mais il faut autant de differentes lu-
nettes creu$es, comme il $e rencontre
<pb n=141>
de differents c&otilde;uexes dans les humeurs
chry$talins, &amp; de differens &eacute;loignem&etilde;s
de$dits chry$talins iu$ques au fond de
la retine: &amp; l'on experimente tou$iours
que la differente concauit&eacute;, ou conue-
xit&eacute; des verres a des effets differens, t&atilde;t
pour l'&oelig;il que pour la lumiere: c'e$t
pourquoy chacun peut iuger de la figu-
re de l'humeur chry$talin qu'il a dans
l'vn, ou l'autre &oelig;il, dans le$quels il e$t
le plus $ouuent different, de l&agrave; vient
$ouuent que l'on void mieux d'vn &oelig;il,
que de l'autre.
<p>En troi$ie$me lieu, il faut dire tout le
contraire de ceux qui ont leur chry$ta-
lin $i plat, ou $i peu courbe, ou fait d'v-
ne $i grande portion de $phere, qu'il al-
longe trop le cone de la pyramide ra-
dieu$e, car ils doiuent v$er de verres
d'autant plus conuexes, qu'ils ont ledit
chry$talin moins conuexe.
<p>Cecy e$tant po$&eacute;, ie dis que les lunet-
tes de l&otilde;gue veu&euml; $ont compo$ees d'vn
verre conuexe, que l'on met au bout
du tuyau, qui regarde l'object, &amp; d'vn
concaue, que l'on applique &agrave; l'&oelig;il, &amp;
qu'elles gro$$i$$ent d'autant plus l'ob-
ject que la portion du conuexe e$t pri$e
<pb n=142>
$ur vne plus grande $phere, &amp; celle du
concaue $ur vne moindre. Del&agrave; vient
qu'il faut faire les tuyaux d'autant plus
longs que le$dits conuexes approchent
dauantage d'vn plan droit, &amp; d'autant
plus courte, que la portion de leurs ver-
res conuexes e$t pri$e d'vne moindre
$phere.
<p>Orces lunettes $eruent premierem&etilde;t
pour connoi$tre ce qui e$t, ou ce qui $e
fait &agrave; vne, ou deux lieu&euml;s, d'o&ugrave; l'on e$t,
quand elles $ont b&otilde;nes, &amp; con$e quem-
ment elles peuuent $uppl&eacute;er le chemm
qu'il faudroit faire pour $&ccedil;auoir la me$-
me cho$e, &amp; aydent &agrave; &eacute;uiter vne infi-
nit&eacute; de dangers, &amp; de mauuai$es ren-
contres: mais il faut d'autant plus ac-
courcir les lunettes, que l'on a la veu&euml;
plus courte: del&agrave; vi&etilde;t qu'elles ont qua$i
aurant de differents points comme il
y a de differens chry$talins.
<p>En deuxie$me lieu, elles $eruent pour
remarquer plu$ieurs cho$es dans les
a$tres, que l'on ne peut voir $ans leur
ayde, comme l'on experimente aux
macules du Soleil, donti'ay parl&eacute; dans
la que$tion precedente, car quand on
applique les lunettes au trou que l'on
<pb n=143>
fait dans la fene$tre d'vne chambre,
qui n'a nulle lumiere d'ailleuts, &amp; que
l'on &eacute;loigne vne charte bl&atilde;che du ver-
re concaue, iu$ques &agrave; ce que l'on voye
di$tinctement la repre$entation, ou l'i-
mage du Soleil $ur ladite charte, l'&otilde; re-
marque ay$&eacute;ment la multitude, la figu-
re, &amp; la grandeur des macules, qui $ont
quelquefois en grand nombre, &amp; d'au-
trefois il y en a peu, ou il n'en paroi$t
point du tout.
<p>Troi$i&eacute;mement, elles mon$trent que
le Soleil e$t plus proche de la terre &agrave;
l'Hyuer, qu'&agrave; l'E$t&eacute;, car la me$me lu-
nette fait paroi$tre $on image beau-
coup plus grande dans le $igne du Ca-
pricorne, que dans celuy de l'Ecreui$-
$e, del&agrave; vient qu'il faut vn peu l'acour-
cir &agrave; l'E$t&eacute;, car elle doit e$tre plus lon-
gue pour voir di$tinctement les obiects
qui $ont plus proches, &amp; plus courte
quand ils $ont plus &eacute;loignez: d'o&ugrave; il ar-
riue que l'on doit plus &eacute;loigner la char-
te de la lunette &agrave; l'Hyuer, qu'&agrave; l'E$t&eacute;,
pour voir &eacute;galement ce que l'on veut
remarquer. Finalement elles $eruent
pour remarquer le Croi$s&atilde;t, le decours,
&amp; les autres apparences de Venus, qui
<pb n=144>
imite toutes les figures de la Lune;
pour d&eacute;couurir plu$ieurs nouuelles
E$toiles, que l'on ne peut apperceuoir
auec les yeux, pour en remarquer les
diametres, &amp; pour plu$ieurs autres cho-
$es, qui meritent vn trait&eacute; particulier,
$ans lequel on ne peut expliquer a$$ez
clairement tous les differents effets des
lunettes compo$&eacute;es de deux ou plu-
$ieurs conuexes, &amp; concaues, qui ren-
dent les rayons paralleles, &amp; concur-
rents, &amp; qu'ils &eacute;cartent quand ils con-
current, ou qu'ils $ont paralleles, com-
me il arriue aux miroirs.
<HR>
<C>QVESTION XXXI.</C>
<p><I>Peut-on trouuer en France de la matiere pour
entretenir le feu, &amp; pour $e chauffer $ans
v$er de bois? &amp; peut-on faire du $alpe-
$tre par artifice?</I>
<p>IL e$t certain que l'on v$e de mottes,
ou de gaz&otilde;s de terre en Holl&atilde;de, que
l'on appelle tourbes, &amp; de la <I>Ho&uuml;ille</I> au
pays du Liege, pour faire du feu, &amp;
pour $e chauffer: cette <I>Ho&uuml;ille</I> e$t vne
<pb n=145>
e$pece de charbon de terre que l'on ti-
re des mines tre$-profondes, &amp; qui e$t
$emblable &agrave; l'&eacute;cume du fer. Or l'on a
vne grande quantit&eacute; de terres en Fran-
ce, qui $ont propres &agrave; bru$ler, &amp; qui
$ont proches des riuieres; qui peuuent
e$tre trauaill&eacute;es depuis le commence-
ment d'Apuril ju$ques &agrave; la $ainct Mar-
tin. Etelles peuuent $uppl&eacute;er aux fo-
re$ts, dont la couppe, &amp; la degradation
apporte de grandes pertes, comme a
mon$tr&eacute; le $ieur de Lamberuille, qui
donne les moy&etilde;s de $e $eruir des Aby$-
mes, Croullieres, &amp; Mollieres, qui
viennent des Tourbieres, dans $es di$-
cours Politiques. Certainement s'il y
a a$$ez de cette terre propre &agrave; bru$ler, &amp;
&agrave; chauffer toutes $ortes de fourneaux,
$ur les rui$$eaux, &amp; les petites riuieres,
qui de$cendent dans les grandes riuie-
res de France, &amp; $i elle e$t plus propre
que le bois &agrave; faire cuire tout ce que l'on
veut, il faudroit re$eruer le bois pour
ba$tir, &amp; pour meubler les mai$ons, &amp;
pour tous les autres v$ages de la Me-
chanique; or il maintient qu'il y en a
a$$ez proche d'Aultre, Canche, Thare,
Therin, Nounete, Ai$e, Leyt, &amp; Lyane,
<pb n=146>
qui de$cendent dans la Somme, &amp; pro-
che des riuieres &amp; rui$$eaux qui en-
trent dans la Seine, &agrave; $&ccedil;auoir, Aube,
Aubete, Or$e, Creu$e, Legnes, Ar$e,
Lozain, Voire, Amane, Au$on, Lui-
$tre, Bar$an, Ardu$$on, Sorme, Doruin,
Yonne, Senin, Arman$on, Serain, Cu-
re, Cou$in, O$erain, Loze, Sault, Vil-
lenoce, Lamboye, Vannes, Loin, du
Biez, Durtan, la Iuyne, Yrre, Loet,
Orge, Remande, Yuete, Marne, Sui-
ze, Vennory, Sault, Roignon, Blai$e,
Ourc, Morin, Bieure, Crou$t, Oy$e
Somme, Aine, Vele, Bione, Tourbe,
Valie, Ardilie, Nore, Epte, Vegre,
Blai$e, Hadre, Iton, Andele, Olne,
Oudon, Eure, Drome, Vire, la Done,
Ardre, Burd, Yue, Rille, Somme.
<p>Ie veux encore mettre les rui$$eaux
qui de$cendent dans la Loire, dans le
Ro$ne, dans la Garonne, &amp; dans la
Charante, afin que l'on admire la dili-
gence de cet Autheur.
<p>Dans la Loire, Colence, Dolizon,
Borne, Cheneualet, Ve$i$$e, An$e, Li-
gnon, De, Argent, Or, E$cu, I$able,
Vs, Coy$e, Donzi, Verne$an, Neiron-
de, Soruin, Renai$on, Recon$e, Aroux,
<pb n=147>
Alier, Alamon, Sumare, Thieure, la
Iordane, la Sole, Drogne, Bedac, Do-
re, Chi$$on, Iolare, Vrile, Oeuf, Loiret,
Cire, le Br&atilde;le, le Cher, Auuron, Theol.
Yeure, Naon, le Sauldre, petite Saul-
dre, Po$o, Indre, E$chandron, Indrois,
la Diue, Theoret, le Thon, Briaude,
Bu$$e, Laution, le Layon, Oudon, Se-
nure, le Latan, Lirome, Mayene, Vo-
lon, Sarte, la Vigne, Aigre, Aurule,
Eidre, Huyne, Beuuron, Cu$$on, Vie-
ne, Creu$e, la Crau$e, petite Crau$e,
la Gartampe, Vincon, la Ba$ile, la Vi-
gnane, Taurion, Aurance, Brance,
Goere, le Clan, la Vone, la Cloere,
Moi$$an, Thoe, Tyr&otilde;, Mu$$uue, Braye,
Ardre, la Vilaine, Aou$t, Blauet, Oder,
Rance, Minete, Coe$non, les Conies.
<p>Dans le Ro$ne, Ain, Saune, Vencel-
le, la Tylle, Be$ne, Ou$che, Su$on, Na-
uigenne, Therin, Bur$ure, le Doux,
Grone, Pianete, Mourgon, A$ergue,
Saene, le Garon, Giers, la Gere, Bar,
Salize, Clomar, Furan, le Dorbe, la
Can&eacute;e, Cani$e, Dome, Li$ere, Ayre,
Grye, Drac, Die, Acha$$e, la Ru$$e, la
Durance, Ozon, Charny.
<p>Dans la Garonne, Bai$e, Ciron, La-
<pb n=148>
rod, Ladour, le Luis, le Gaue, Ourth,
Oleron, le Nes, O$$eau, A$pe, le Vert,
Haum, Vidoux, Bidou$e, le Nine, le
Salat, la Cre$te, la Riege, le Gers, Hi-
cis, Salat, Aigue la Vaul, la Sane, le
Tarn, Ta$con, la Drot, Dordoigne,
Gironde, la Somme, Leyre, Lers, le
Lot, Li$le, la Drone, Agou$t, Dauey-
ron, la Lous, la Douce, Mydon, le
Nibe.
<p>Dans la Charante, la Peru$e, Argent,
Or, Son, Sonnete, la B&otilde;nuyre, la Tar-
doere, les Gaues, de Rancogne, le
Gaue, Churet, Toulure, Anguyene,
la Noere, la Boeme, le Ne, Suyne,
Che$boulonne, Indre, Gironde, la Se-
pure, Aultize, la Vandeze.
<p>Ce qui peut $eruir &agrave; ceux qui pren-
dront la peine de cheminer au long de
ces riuieres, pour $&ccedil;auoir le nom des
rui$$eaux que l'on rencontre, &amp; pour
&eacute;prouuer s'il $e trouue des Tourbes
propres &agrave; faire dufeu dans tous ces en-
droits.
<p>Le $ieur Guillain a au$$i propo$&eacute; la
maniere de faire tant de $alpe$tre que
l'on voudra, par le moyen de l'vrine, &amp;
des autres excremens des cheuaux, &amp;
<pb n=149>
de la cendre qui a de$ia $erui &agrave; la le$$iue;
d'o&ugrave; l'on peut tirer plu$ieurs vtilitez,
tant pour la poudre &agrave; canon, que pour
faire de l'eau $alpe$tr&eacute;e, qui ne gele ia-
mais, encore qu'elle rafraichi$$e dau&atilde;-
tage que la glace, &amp; pour tirer plu$ieurs
medecines qui $e peuuent faire de $a
fleur, qui ne vaut plus rien, quand le $el
en e$t o$t&eacute;. Or cette fleur $ert &agrave; faire
vegeter la terre, &amp; &agrave; l'engrai$$er, &amp; c&otilde;-
uertit le ciment envne $emblable fleur.
A quoy il adjou$te que la ro$&eacute;e de May,
&amp; de Septembre engendre du poi$$on
dans l'eau morte, $i l'on prend des ga-
zons couuerts d'herbe, &amp; remplis de
ro$&eacute;e, &amp; que l'on les mette $ur des ba-
$tons, ou des clayes, l'herbe en bas, car
la ro$&eacute;e qui tombera dans l'eau engen-
drera des poi$$ons, dont l'experience
e$t $i ay$&eacute;e &agrave; faire aux lieux o&ugrave; l'on a de
l'eau morte, qu'il vaut mieux la faire,
que d'&etilde; rechercher la rai$on auant que
d'en $&ccedil;auoir la verit&eacute;.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>L'on trouuera plu$ieurs cho$es excel-
lentes de l'eau, &amp; du $el, qui $eruent &agrave;
<pb n=150>
la generation des poi$$ons, &amp; de toutes
les autres cho$es dans les traitez que
Pali$$y en a faits, car ils $ont pleins de
rares experiences.
<HR>
<C>QVESTION XXXII.</C>
<p><I>Si le $el engrai$$e la terre, pour quoy les an-
ciens ont-ils fait paroi$tre la malediction
qu il luy donnoient en $emant du $el de$-
$us pour la rendre $terile?</I>
<p>L'Experience de la marne, &amp; dufu-
mier fait voir que leur $el engrai$-
$e la terre, &amp; qu'ils $onr inutiles &agrave; cet
effet, lors qu'ils en $ont d&eacute;po&uuml;illez, c&otilde;-
me en$eigne Pali$$y dans $on trait&eacute; de
la marne, &amp; du fumier, qu'il appelle le
thre$or des champs. Or la marne e$t
vne terre argilleu$e, qui $e tourne $ou-
uent en pierres propres &agrave; e$tre calcinees
&amp; en craye: elle $ert 10. ou trente ans
&agrave; engrai$$er la terre, lors qu'elle a e$t&eacute;
di$$oute par la pluye, qui tire l'eau de la
marne, qu'il appelle congelatiue, gene-
ratiue, &amp; cinquie$me Element, quine
s'&eacute;uapore pas comme l'eau commune,
<pb n=151>
qui luy $ert de vehicule; elle engen-
dre au$$i les &eacute;cailles des poi$$ons, les os,
les pierres, &amp; tout ce qui e$t dur dans
les plantes, &amp; dans les animaux. C'e$t
elle qui congele les liqueurs, &amp; qui $e
di$$out, quand la pluye tombe de$$us la
marne, pour engrai$$er la terre: ce qui
arriueroit &agrave; toute $ortes de pierres, $i la
pluye les pouuoit di$$oudre pour en
porter le cinquie$me Element aux ra-
cines des plantes.
<p>L'on peut au$$i v$er de l'argille au lieu
de la marne pour engrai$$er les terres,
comme les foulons en v$ent pour de-
gre$$er leurs draps: finalement le $el
de toutes $ortes de plantes a cou$tume
de rendre la terre plus feconde, de $or-
te qu'il faut, ce $emble, re$pondre &agrave; la
difficult&eacute; du $el qu' Abimelec fei$t jet-
ter dans Sichen, &amp; que plu$ieurs ont
fait ietter en d'autres endroits de la ter-
re, qu'ils ont voulu rendre $terile, que
le $el commun e$t trop cau$tique, &amp;
bru$lant, &amp; con$equemment qu'il con-
$omme l'humide radical, le $el naturel,
ou la partic oleagineu$e de la terre, qui
contribu&euml; dauantage aux generations
des indiuidus que les autres parties.
<pb n=152>
<p>Or ceux qui croyent que la duret&eacute;
des corps vient du $el, ou de l'eau con-
gelatiue, qui e$t dans l'eau commune,
di$ent que le fer, ou l'acier que l'on tr&etilde;-
pe dans les forges pour l'endurcir, tire
le $el des liqueurs, dans le$quelles on
le trempe, &amp; que c'e$t pour ce $uiet que
l'on me$le du verre broy&eacute;, du vinaigre,
du $el, &amp;c. parmi l'eau de la trempe, &amp;
nient que la marne, &amp; l'argille $oient
oleagineu$es, d'aut&atilde;t qu'elles $ont $eu-
lement pateu$es, comme la farine m&eacute;-
l&eacute;e auec de l'eau. Mais quoy que l'on
pui$$e s'imaginer pour expliquer la ma-
niere dont $e fait la generation des in-
diuidus par le moy&etilde; de la marne, &amp; des
autres cho$es qui engrai$$ent la terre, il
e$t fort difficile d'en expliquer les
actions, &amp; les circon$tances particulie-
res: &amp; la plus grande difficult&eacute; demeu-
re tou$iours, &agrave; $&ccedil;auoir ce qui rend cet
cau plus c&otilde;gelatiue que les autres par-
ties qui s'exalent; d'o&ugrave; vient l'a crimo-
nie, &amp; la fecondit&eacute; du $el, puis qu'il $e
peut encore re$oudre en d'autres par-
ties, &amp; en d'autres principes, $i ce n'e$t
que l'on die que les premiers principes
que Dieu fei$t au commencement du
<pb n=153>
monde ayent e$t&eacute; le $el, le $oulphre &amp;
le mercure, &amp; que ces trois pieces de
chaque compo$&eacute; ne pui$$ent e$tre diui-
$&eacute;es, ou re$olu&euml;s en d'autres principes:
ce que les Peripateticiens n'auo&uuml;eront
pas, puis qu'ils re$oluent toures les cho-
$es corporelles en forme &amp; en matiere,
dont l'vne, &amp; l'autre e$t inui$ible, &amp; in-
diui$ible, puis que la vi$ibilit&eacute; vient de
la couleur, ou de la lumiere, &amp; la diui-
$ibilit&eacute; de la quantit&eacute;, qui ne $ont pas
nece$$aire &agrave; l'e$$ence de ladite forme,
ou de la matiere.
<C>COROLL AIRE.</C>
<p>Le $el peut rendre la terre $terile, par-
ce qu'il empe$che les corruptions or-
dinaires, qui $e font dans $a $urface, car
la generation n'ariue pas $ans la cor-
ruption: Mais le di$cours des $els meri-
te vn trait&eacute; particulier, puis qu'il ya
autant de difference de $els, qu'il y a
de differ&etilde;tes e$peces de mixtes: ce que
l'on peut au$$i dire des differents $oul-
phres, &amp; mercures.
<pb n=154>
<HR>
<C>QVESTION XXXIII.</C>
<C><I>A quoy $eruent les rai$ons, &amp; les propor-
tions de la Geometrie? o&ugrave; l'on void la
quadrature de la Parabole.</I></C>
<p>CEux qui $e contentent de $&ccedil;auoir
le nom, &amp; la $ignification des rai-
$ons, &amp; des proportions, ne croyent pas
que l'on en pui$$e tirer de grandes vtili-
tez, c'e$t pourquoy ils les negligent:
mais s'ils con$iderent que la plus excel-
l&etilde;te partie de la Logique d'Ari$tote d&eacute;-
pend de ces rai$ons, &amp; que l'on ne $cau-
roit ent&etilde;dre ou expliquer aucune cho-
$e parfaictement $ans leur aide, comme
il e$t ay$&eacute; de prouuer par toutes les par-
ties de la Philo$ophie, ils quitteront
leur opinion. Or encore que la diui-
$ion, &amp; la compo$ition des rai$ons, &amp;
que les differentes analogies, ou pro-
portions $eruent plus $onuent &agrave; la Geo-
metrie, qu'aux autres parties de la Phy-
$ique, elles $ont ne&atilde;tmoins tre$-necef-
$aires pour entendre la proportion des
mouuemens naturels, &amp; des violens,
<pb n=155>
comme ie mon$treray dans vn di$cours
particulier, dans lequel i'expliqueray
la proportion des vi$te$$es de la pierre,
ou des autres corps qui de$c&etilde;dent vers
le centre de la terre, $oit dans l'air, ou
dans l'eau.
<p>Elles $eruent au$$i pour la per$pecti-
ue, &amp; pour toutes les parties de l'Opti-
que: &amp; ceux qui $uiuent l'&eacute;galit&eacute; des
tons, &amp; des demitons dans la Mu$ique,
$ont contraints de trouuer 11. lignes
moyennes proportionnelles entre les
2. qui font l'octaue, dont i'explique
l'inuention dans le trait&eacute; du Luth, &amp;
dans celuy du diapa$on des Orgues. Fi-
nalement les Mechaniques ne peuuent
e$tre enten du&euml;s $ans les rai$ons, &amp; les
proporti&otilde;s, dont i'ay trait&eacute; fort ample-
ment dans vn liure entier: Mais il faut
$&ccedil;auoir le 5. liure des Elemens d Eucli-
de pour les entendre en perfection. I'a-
jou$te $eulementicy l'vtilit&eacute; de ces rai-
$ons, qu' Archimede a demon$tr&eacute;es en
quarrant la parabole, dont l'vne e$t que
$i l'on d&eacute;crit vne ligne perpendiculaire
&agrave; la ba$e de la $ection parabolique, par
le milieu de ladite ba$e, &amp; vne autre par
le milieu du re$te de la ba$e, c'e$t &agrave; dire
<pb n=156>
par le quart de la ba$e, iu$ques &agrave; la $e-
cti&otilde;, la plus grande ligne e$t $e$quitier-
ce de la moindre, par la 19. propo$ition:
La 2. vtilit&eacute; $e prend du triangle in$crit
dans ladite $ection, (qu'il appelle por-
tion compri$e $ouz vne ligne droite, &amp;
$ouz la $ection d'vn cone rectangle) qui
a la me$me ba$e, &amp; la me$me hauteur
que ladite $ection, lequel e$t octuple
des 2. triangles, qui $ont in $cripts dans
les 2. petites portions de la $ection qu'il
lai$$e &agrave; $es 2. co$tez: Et chacun de $es
triangles e$t octuple des 2. autres, que
l'on d&eacute;crit dans les 2. petites portions
qu'ils lai$$ent &agrave; leurs co$tez: ce qui arri-
ue &agrave; tous les autres petits triangles que
l'on peut d&eacute;crire dans les petites por-
ti&otilde;s, qui re$tent tou$iours ju$ques &agrave; l'in-
fini, comme il demon$tre dans la 21.
propo$ition. La 3. vtilit&eacute; e$t, que ledit
triangle d&eacute;crit dans la $ection parabo-
lique e$t $ouz$e$quitierce de ladite $e-
ction, par la 24. prop. &amp; que $i l'on pr&etilde;d
tant de gran deurs que l'on voudra, qui
$e $uiuent en rai$on quadruple, qu'e$t&atilde;t
adjou$t&eacute;es auec le tiers de la moindre,
elles $ont $e$quitierces de la plus gr&atilde;de,
c&otilde;me l'on void dans ces 4. n&otilde;bres 3. 12.
<pb n=157>
48. 192. car l'vnit&eacute;, qui e$t le tiers de 3.
adjou$t&eacute;e &agrave; la $omme de ces 4. n&otilde;bres,
fait 256. qui e$t $e$quitierce de 192. L'&otilde;
trouue qua$i la me$me cho$e dans le
tiers du quart, car $i on les adiou$te en-
$emble, ils font le tiers du total; par
ex&etilde;ple, l'vnit&eacute; qui e$t le tiers du quart
de 12. c'e$t &agrave; dire de 3. adiou$tee &agrave; 3. fait
4. qui e$t 1/3 de 12. ce qui peut $eruir aux
Mu$iciens pour l'interualle, ou la rai-
$on du Diate$$aron, qu'ils appellent la
Quarte, car cette rai$on, &amp; ce tiers ont
$erui &agrave; Archimede pour la quadrature
de la parabole, laquelle il a trouu&eacute;e en
$uppo$ant que l'&otilde; peut tellem&etilde;t adiou-
$ter, ou c&otilde;po$er l'e$pace, dont le plus
gr&atilde;d $urpa$$e le moindre, qu'il $era plus
grand que tout autre e$pace d&otilde;n&eacute;, dont
les autres Geometres plus anci&etilde;s qu' Ar-
chimede ont $emblablement v$&eacute; pour
demon$trer que tous les cercles $ont en
rai$on doubl&eacute;e, &amp; les $pheres en rai$on
tripl&eacute;e de leurs diametres: que toutes
les pyramides $ont le tiers du pri$me,
quia la me$me ba$e, &amp; la me$me hau-
teur: &amp; que tout cone e$t le tiers du cy-
lindre, qui a me$me ba$e, &amp; me$me
hauteur.
<pb n=158>
<HR>
<C>QVESTION XXXIV.</C>
<C><I>Quelles rai$ons a-t'on pour prouuer, &amp; pour
per$uader le mouuement de la terre,
autour de $on axe, dans l'e$pace
de vingt-quatre heures</I>?</C>
<p>LA premiere rai$on d&otilde;t on v$e pour
prouuer que la terre $e meut, &amp;
qu'elle fait chaque iour $on tour en-
tier, $e prend de ce qu'il n'y a nulle ap-
parence que toute la grande machine
de l'vniuers $e remu&euml;, &amp; que le firma-
m&etilde;t, ou les e$toiles facent chaque iour
6000. lieu&euml;s, ce qui $emble incompre-
hen$ible: au lieu que $i la terre $e meut,
elle fait $eulem&etilde;t 7200. lieu&euml;s par iour,
c'e$t &agrave; dire 14000. moins que les e$toi-
les. 2. L'ordre de la nature $emble
mieux e$tabli $i les moindres corps $e
meuuent plus vi$te, &amp; les plus grands
plus lentement: par exemple, $i <FIG> fait
$on tour en 30. ans, <FIG> en 12. <FIG> en 2.
<FIG> en 9. mois, <FIG> en 80. iours, la <FIG> en vn
mois, la premiere c&otilde;pagne de <FIG> en 24.
heur. la 2. en 3. iours &amp; 1/2; la 3. en 7. iours,
<pb n=159>
&amp; la 4. en 16. ioursc&otilde;me remarque cali-
l&eacute;e, &amp; finalem&etilde;t la terre d&atilde;s vn iour, ou
d&atilde;s vn an, de $orte que les e$toiles, &amp; le
Soleil demeurent immobiles $i l'on ex-
cepte le mouuement du Soleil, qui $e
fait dans 27. iours ou enuiron, $ur $on
axe d'Occident en Orient, &amp; celuy des
e$toiles pour expliquer la prece$$i&otilde; des
&eacute;quinoxes. 3. Pui$que la terre a be-
$oin du Soleil, elle doit l'aller chercher,
comme nous cherchons le feu, dont
nous auons be$oin: car $i nous ne de$i-
r&otilde;s pas que les villes, &amp; les campagnes
$e tournent, quand nous montons au
haut des tours pour les cont&etilde;pler, au$$i
ne deuons nous pas de$irer que le So-
leil, &amp; les e$toiles $e tournent pour en-
ui$ager la terre. 4. Il n'e$t pas &agrave; pro-
pos d'attribuer 2. mouuem&etilde;ts contrai-
res &agrave; vn me$me corps, ce que font ne&atilde;t-
moins ceux qui di$ent que les e$toiles,
&amp; les autres a$tres $e meuuent, &amp; que
la terre e$t immobile, car il e$t beau-
coup pl<SUP>9</SUP> facile de tenir qu'elle $e meut
d'Occident en Orient, tandis que la
Lune, &amp; les autres planettes $e meu-
uent $eulement de leur propre mouue-
ment. Lan$berge croid que la premie-
<pb n=160>
re rai$on e$t demon$tratiue, qui con$i-
$te en ce que le Soleil e$t &eacute;loign&eacute; de la
terre de 1498 1/2 $emidiametres terre-
$tres, lors qu'il e$t en $a moy&etilde;ne di$tan-
ce, &amp; que les e$toiles en $ont &eacute;loign&eacute;es
de 10302927. $emidiam etres; d'o&ugrave; il ar-
riue que les e$toiles font chaque heure
23178529692. lieu&euml;s d'Allemagne, &amp;
dans vn battement de l'attere, ou dans
vne $econde minute, 643848. lieu&egrave;s,
ou enuiron: au lieu que la terre, dontil
met le circuit de 400. lieu&euml;s, ne fait
que la $ezie$me partie d'vne lieu&euml;, c'e$t
&agrave; dire 250. pas dans vne $econde: qui
n'e$t guere dauantage que ce que fait
vne bale d'ar quebu$e en me$me temps.
<p>Ie lai$$e plu$ieurs autres rai$ons, que
l'on apporte pour le mouuement de la
terre: par exemple, qu'il explique tou-
tes les apparences, ou les phenomenes
plus clairement, &amp; plus briefuement;
qu'il s'enfuit me$me qu'elle $e meut, $i
les cieux $e meuuent, parce qu'ils la
doiuent rauir auec eux, puis qu'elle n'a
nulle re$i$tence, &agrave; rai$on qu'elle ne s'&eacute;-
loigne point de $on centre, &amp; plu$ieurs
autres, au$quelles Mon$ieur Morin
<pb n=161>
Profe$$eur royal a r&eacute;pondu dans vn li-
ure particulier; de $orte qu'il n'y a nulle
rai$on qui prouue le mouuement de la
terre, car puis que Dieu a enuoy&eacute; $on
Fils pour nous $auuer par $a mort, l'on
ne doit pas s'&eacute;tonner s'il fait rouller les
cieux pour nous, &amp; s'il a cre&eacute; tout le
monde corporel pour l'v$age, &amp; pour le
plai$ir des hommes.
<p>Mais nous n'en $&ccedil;auons point au$$i
iu$ques &agrave; pre$ent qui prouue $on im-
mobilit&eacute;, car il n'y a pas plus d'ab$ur-
dit&eacute; de faire les e$toiles de la premiere
grandeur 127. fois plus grandes que le
grand orbe terre$tre, &amp; 1575473627.
fois plus grandes que le Soleil, que de
faire aller les e$toiles $i vi$te qu'elles fa-
cent $ix cent mille lieu&euml;s dans le temps
d'vn battement d'artere. Et bien que
nous ne $&ccedil;achions pas pourquoy il y a
59967010. lieues, entre <FIG> &amp; les e$toi-
les, il ne s'en$uit pas que cet e$pace no
$oit veritable. Il n'e$t pas au$$i nece$-
$aire de $&ccedil;auoir la cau$e dumouuement
de la terre, pour aduo&uuml;er qu'elle $e
meut, pui$que ceux qui mett&etilde;t le mou-
uement des e$toiles, n'en connoi$$ent
pas la cau$e. Quant &agrave; l'A$trologie lu-
<pb n=162>
diciaire, elle demeure en $on entier,
encore que l'on mette la terre mobile,
car il n'e$t pas nece$$aire qu'elle $e re-
po$e pour receuoir les influences du
Ciel, qui ont vne moindre force au c&etilde;-
tre qu'&eacute;s autres endroits: car $i l'on di$-
po$e plu$ieurs chandelles en rond, le
centre $era le moins illumin&eacute; de tous
les points, qui $eront dans le cercle. Et
quand cet art $eroit o$t&eacute; d'entre les au-
tres, l'on n'auroit perdu nulle $cience,
puis qu'il n'a nulle demon$tration.
<p>Les autres rai$ons que l'on apporte
pour prouuer $on immobilit&eacute;, ne $ont
pas meilleures: car les corps pe$ans, qui
de$cendent du haut d'vne tour, tom-
bent au$$i bien perpendiculairement
$ur la terre, que $i elle e$toit $table, par-
ce que toutes les cho$es corporelles,
qui $ont proches de la terre, $ont por-
t&eacute;es en rond comme elle, &amp; $ont tou-
$iours &eacute;galement &eacute;loign&eacute;es du me$me
point de la terre. Et lors que l'on jette
vne pierre, ou que l'on tire le canon
vers l'Orient, il va au$$i loin que du co-
$t&eacute; de l'Occident, encore que l'on $up-
po$e que la terre $e meuue vers l'Ori&etilde;t,
&amp; qu elle face 250. pas Geometriques
<pb n=163>
dans vne $ec&otilde;de minute d'heure, d'au-
tant que le boulet e$t port&eacute; du me$me
mouuement que la terre, &amp; outre ce
mouuement commun, il a le violent,
qui le porte tou$iours &eacute;galement loin
de quelque co$t&eacute; que l'on le pui$$e ti-
rer: &amp; s'il fait 250. pas vers l'Occident
dant vne $econde minute, comme fait
la terre vers l'Orient, l'&otilde; peut dire qu'il
demeure dans vn me$me lieu, encore
qu'il abbatte les murailles, d'aut&atilde;t qu'il
n'importe que la muraille $e meuue
vers le boulet, ou le boulet vers la mu-
raille, pourueu qu'il tienne ferme &agrave; la
rencontre: de $orte que $i l'on tiroit vn
coup de mou$quet vers l'Occident,
dans vn parallele de la terre, qui alla$t
de me$me vi$te$$e vers l'Occident, $i la
bale alloit tou$iours d'vne me$me vi-
$te$$e, elle demeureroit tou$iours dans
vn me$me lieu au regard des e$toiles,
ou de quelqu'autre point immobile.
<p>Ie lai$$e plu$ieurs autres rai$ons, com-
me e$t celle que l'on prend du mouue-
ment droit, que l'on $uppo$e le plus
$imple de tous, car il n'e$t nullement
nece$$aire que les pierres tombent au
centre par vn mouuement droict, puis
<pb n=164>
que le circulaire leur e$t au$$i propre, &amp;
au$$i ai$&eacute;, comme ie mon$treray dans
vn di$cours particulier, dans lequel on
verra, que toutes cho$es $e meuuent
circulairement, ou par helices, dans la
$uppo$ition du mouuement de la terre.
Et puis l'on peut dire que le mouuem&etilde;t
circulaire e$t le plus $imple de tous, puis
que le cercle e$t la plus $imple de tou-
tes les figures, &amp; que la $phere e$t le
plus $imple de tous les corps. Ie lai$$e
encore la 4. &amp; 5. rai$on de Mon$ieur
Morin, par le$quelles il combat la ver-
tu magnetique, ou attractrice de la ter-
re, d'autant qu'elles meritent vn exa-
men plus particulier, qui ne $e peut fai-
re dans la brieuet&eacute; que ie me $uis pro-
po$&eacute;e dans cette petite que$tion, par la-
quelle on void qu'il n'y a point de de-
mon$tration naturelle qui contraigne
d'embra$$er la $tabilit&eacute;, ou la mobilit&eacute;
de la terre.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>La rai$on fondamentale dont on a
v$&eacute; iu$ques &agrave; pre$ent pour prouuer la
mobilit&eacute; de la terre, n'e$t pas bonne,
<pb n=165>
parce qu'elle prouue trop, ou qu'elle
$uppo$e beaucoup d'ignorance car puis
que Dieu n'a pas $uiuy dans l'e$tat de la
grace le chemin le plus court de tous
les po$$ibles, pour nous $auuer attendu
qu'il le pouuoit faire d'vn $eul acte de
volont&eacute;, pourquoy conclurons nous
qu'il a gard&eacute; le chemin leplus court d&atilde;s
la nature? Ne $eroit-ce pas le plus
court pour la $ant&eacute;, ou pour la guari-
$on des corps, qu'il y eu$t quelque trou
vers le talon, par lequel toutes les hu-
meurs $uperflu&euml;s peu$$ent $ortir s&atilde;sv$er
de tant de medecines? Certes $i l'on
veut s'amu$er &agrave; con$iderer toutes les
&oelig;uures de la nature, &amp; &agrave; epiloguer de$-
$us, l'on y trouuera tou$iours &agrave; repren-
dre, mais ce $era auec les rai$ons de
Momus, qui $eront fond&eacute;es $ur la pre-
$omption de l'homme, &amp; $ur l'ignoran-
ce de celles que Dieu &agrave; eu&euml;s en e$tabli$-
$ant la fermet&eacute; de la terre, &amp; la mobili-
t&eacute; des a$tres, ou en fai$ant quelqu'autre
piece de l'vniuers, dont tous admire-
roient beaucoup plus l'artifice, que l'on
ne fait celuy des or ai$ons de Ciceron,
des Po&euml;mes de Virgile, ou des propo$i-
tions d'Euclide, (encore que quelques-
<pb n=166>
vns maintiennent que l'on n'en peut
o$ter vne diction, ou vne lettre, que
l'on ne ga$te tout, ou que l'on n'en o$te
la grace) s'ils en connoi$$oient les rai-
$ons, &amp; les re$$orts, que nous verrons
tre$ clairement, quand celuy qui gou-
uerne la grande machine de ce monde,
nous en d&eacute;couurira les $ecrets, &amp; la
$cience.
<C>COROLLAIRE. II.</C>
<p>Ie parleray encore du mouuement
de la terre dans la que$tion 44. &amp; 45.
qui conti&etilde;nent l'abreg&eacute; des Dialogues
que Galil&eacute;e a faits dudit mouuement,
pour confirmer les Hypothe$es d'Ari-
$tarque, &amp; de Copernic. Or l'on peut
s'imaginet de nouuelles rai$ons en fa-
ueur du mouuement journalier de la
terre, qui ne $eruent de rien pour l'an-
nuel, dont ie parleray dans la 37. que-
$tion: par exemple, que $i les e$toiles,
&amp; les planettes $e meuuent, qu'il e$t
nece$$aire que la terre, qui n'a nul apuy,
ou empe$chement qui l'ex&etilde;pte d'e$tre
rauie par le$dits a$tres pour tourner $ur
$on axe, face tou$iours $on tour; &amp; plu-
<pb n=167>
fieurs autres que i'obmets, de peur d'e-
$tre trop long. Mais l'on trouuera tou-
$iours de nouuelles $olutions aux nou-
uelles rai$ons, d'autant que nous ne
$&ccedil;aur&otilde;s iamais la maniere dont les pie-
ces de l'vniuers ont e$t&eacute; e$tablies, iu$-
ques &agrave; ce qu'il plai$e &agrave; Dieu de nous la
reueler: de $orre que nous pouu&otilde;s tou-
$iours dire auec S. Paul, <I>nunc per $pecu-
lum, &amp; in &aelig;nigmate, tunc autena facie ad
faciem.</I>
<HR>
<C>QVESTION XXXV.</C>
<p><I>Pourquoy fait-il plus chaud &agrave; l'E$t&eacute; qu'&agrave;
l'Hyuer, veu que le Soleil e$t beaucoup
plus proche de nous &agrave; l'Hyuer qu'&agrave; l'E$t&eacute;?
&amp; pourquoy fait-il froid &agrave; l'ombre?</I>
<p>ENtre mille cho$es que l'on peut di-
re du Soleil, il faut remarquer qu'il
illumine &amp; e$chauffe la terre par 3. $or-
tes de rayons en me$me temps, dont le
plus fort e$t perpendiculaire, le 2. e$t le
rayen, qui tombe obliquement, &amp; qui
$e rompt dans les vapeurs, qui font
l'atmo$phere, &amp; le 3. e$t celuy que les
<pb n=168>
planettes, &amp; les e$toiles reflechi$$ent,
de $orte que la partiedu Soleil que nous
ne voyons point, &amp; qui e$t tourn&eacute;e vers
le firmam&etilde;t, nous &eacute;claire par le moyen
de la reflexion, &amp; que l'hemi$phere du
Soleil que nous voyons, illumine au$$i
nos Antipodes. Or il y en a qui tien-
nent que la rai$on pourquovil &eacute;chauffe
dauantage en E$t&eacute; qu'en Hyuer, ne $e
doit pas prendre de ce que les rayons
tombent plus obliquem&etilde;t, ou en moin-
dre nombre &agrave; l'Hyuer, puis que les co-
nes radicux qui $e terminent &agrave; chaque
point de la terre, $ont d'vne &eacute;gale for-
ce, &amp; que le Soleil nous frappe per-
pendiculairement en $e leuant &amp; en $e
couchant. C'e$t pourquoy nous $enti-
rions plus de chaleur au leuer, &amp; au
coucher du Soleil, qu'&agrave; $on midy, s'il
n'y auoit nulles vapeurs Ce que l'on
peut confirmer par les bords de la Lu-
ne qui $ont au$$i lui$ans que $on milieu,
encore qu'ils $oient illuminez par des
rayons plus obliques. Et puis la terre
n'e$t pas parfaitement ronde, car elle
e$t r&etilde;plie d'inegalit&eacute;s, qui arre$tent les
rayons, qui $ont $eulement debilitez
par la quantit&eacute; des vapeurs, qui $ont
<pb n=169>
remplies de plu$ieurs petits corps opa-
ques. Neantmoins les autres main-
tiennent que le Soleil &eacute;chauffe dauan-
tage &agrave; l'E$t&eacute; qu'&agrave; l'Hyuer, &agrave; rai$on que
$es rayons frappent la terre plus perp&etilde;-
diculairement, &amp; que les rayons refle-
chis $e ioignans aux droits les redou-
blent, &amp; les renforcent; ce qui e$t fort
probable, car encore que l'on pui$$e di-
re que l'atmo$phere e$t beau coup plus
&eacute;pai$$e &agrave; l'Hyuer qu'&agrave; l'E$t&eacute;, ne&atilde;t moins
$i les rayons e$toient au$$i perpendicu-
laires &agrave; l'Hyuer, ie croy qu'il feroit au$-
$i chaud qu'&agrave; l'E$t&eacute;, car l'experience
fait voir que les rayons bru$lent au$$i
bien, &amp; &eacute;clairent au$$i fort &agrave; trauers vn
chry$tal bien &eacute;pais, qu'&agrave; trauers celuy
qui e$t beaucoup plus mince.
<p>Or l'on peut voir les 2. lettres de Be-
nedictus a Rapha&euml;l d'Auria $ur ce $u-
iet, o&ugrave; il explique la maniere de trou-
uer combien le rayon fait plus de che-
min par les vapeurs, lors qu'il les pene-
tre obliquement, que quand il tombe
de$$us perpendiculairement. Quant &agrave;
la moindre di$t&atilde;ce qu'a le Soleil &agrave; l'Hy-
uer, l'experience en$eigne qu'elle n'e$t
pas $uffi$ante pour nous &eacute;chauffer, en-
<pb n=170>
core qu'il $oit plus proche de nous qu'&agrave;
l'E$t&eacute; de 80. demidiametres terre$tres.
A quoy l'on peur adiou$ter qu'il mon-
$tre $es 2. hemi$pheres 13. fois &amp; demie
chaque ann&eacute;e, d'autant qu'il fait $on
tour en 27. iours; d'o&ugrave; il arriue de gr&atilde;ds
changemens, &amp; d'e$tranges alterations
dans la terre, car $a $urface e$t conti-
nuellem&etilde;t alter&eacute;e par plu$ieurs macu-
les, &amp; flambeaux, dont il v en a quel-
quefois 50. ou 60. &amp; plu$ieurs taches
$ont au$$i gro$$es que la Lune, comme
Schener a remarqu&eacute; dans $on Soleil.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>L'on peut dire qu'il y a cinq rai$ons
qui $ont cau$es qu'il fait plus chaud &agrave;
l'E$t&eacute; qu'&agrave; l'Hyuer: dont la premiere
e$t que le Soleil demeure plus long-
temps $ur l'horizon; la 2. que $es ray&otilde;s
reflechis s'vni$$ent dauantage auec $es
rayons incidens: la 3. qu'il y a moindre
re$i$tence des vapeurs, qui $ont moins
&eacute;pai$les &agrave; l'E$t&eacute;: la 4. que la lumiere e$t
plus grande, parce que les rayons $ont
plus perpendiculaires, &amp; qu'ils $ont ay-
dez par ceux de la Canicule, &amp; de quel-
<pb n=171>
ques autres grandes e$toiles: la 5. parce
que la grande impre$$ion de la chaleur
que le Soleil a engendr&eacute;e les iours pre-
cedens dans la terre $e ioint auec la
nouuelle chaleur qu'il produit les au-
tres iours $uiuans. A quoy l'on peut ad-
iouter que la plus gr&atilde;de multitude des
facules du Soleil ayde &agrave; engendrer les
plus grandes chaleurs.
<HR>
<C>QVESTION XXXVI.</C>
<C><I>Comment les nu&euml;s peuuent-elles nager, ou $e
pourmener dans l'air $ans tomber, puis
qu'elles $ont $i pe$antes?</I></C>
<p>PVis que les nu&euml;s $e $ou$tiennent
dans l'air, il $emble qu'elles doi-
uent e$tre plus legeres puis que les cho-
$es pe$antes de$cendent au fond des
plus legeres, comme l'ay dit dans vn
autre lieu, o&ugrave; i'ay expliqu&eacute; les princi-
pes de la nauigation, &amp; de la $ubmer-
$ion. Car elles ne monteroientiamais
plus haut que l'air, $i elles n'e$toient
plus rares, &amp; con$equemment plus le-
geres. Or il n'importe nullem&etilde;t qu'el-
<pb n=172>
les $oient plus opaques &amp; renebreu$es
que l'air, d'autant que la raret&eacute; &amp; l'o-
pacit&eacute; conuiennent au$$i ay$&eacute;ment en-
$emble, que la den$it&eacute; &amp; la per$picui-
t&eacute;, qui rend les corps diaphanes. Et par-
ce que les nu&euml;s ont plus de parties opa-
ques que l'air, elles $erarefient dauan-
tage par les rayons du Soleil, qui n'e-
chauffent guere les corps parfaictem&etilde;t
diaphanes, &agrave; rai$on qu'ils penetrent &agrave;
trauers, $ans aucune reflexion &amp; $ans
empe$ch&eacute;ment. Mais lors que les nu&euml;s
rencontrent des parties de l'air plus ra-
res, elles ne pa$$ent pas outre, &amp; de-
meurent $u$pendu&euml;s iu$ques &agrave; ce qu'el-
les $e re$oluent en pluye, en neige, ou
en gre$le, &amp; qu'elles deuiennent plus
pe$antes que l'air, qui a des differents
degrez de raret&eacute;, &amp; de pe$anteur, $oit
de $oy-me$me, ou par le m&eacute;lange des
vapeurs; dont il arriue que de plu$ieurs
nu&euml;s, les vnes montent plus haut que
les autres, &amp; qu'il e$t tre$-difficile de
$&ccedil;auoir iu$ques o&ugrave; elles peuuent mon-
ter, $i l'on ne $&ccedil;ait tous les degrez de la
raret&eacute; de l'air, &amp; tous ceux que la cha-
ieur peut donner aux nu&euml;s, qui paroi-
$troient &agrave; l'&oelig;il mis dans la Lune, com-
<pb n=173>
me les macules du Soleil.
<p>Il faut encore remarquer que le vent
meut ai$&eacute;ment les nu&euml;s, parce qu'elles
ne luy font qua$i nulle re$i$tence: &amp;
qu'il e$t nece$$aire qu'il $e c&otilde;den$e au-
tant d'air, comme elles en occupent,
puis que les loix de l'vniuers ne pouu&atilde;t
permettre le vuide ni la penetrati&otilde; des
corps, ne permettent au$$i iamais de ra-
refaction, qu'elles ne luy oppo$ent la
conden$ation, afin de faire $ub$i$ter la
nature par vn perpetuel &eacute;quilibre, qui
ne perd rien d'vn co$t&eacute; qu'il ne le gai-
gne de l'autre, &amp; qui $ert &agrave; expliquer
vne infinit&eacute; de difficultez dans la Phy-
$ique. Quant &agrave; la fum&eacute;e, l'on peut dire
qu'elle e$t vne e$pece de nu&euml;; mais il ne
faut pas s'imaginer qu'elle $e change,
car elle retombe &agrave; terre au$$i to$t qu'el-
le deuient plus den$e, &amp; plus pe$ante
que luy: $i ce n'e$t que l'on compo$e
no$tre air de toutes les vapeuts, &amp; fu-
m&eacute;es, qui $'exhalent de la terre &amp; de
tous $es mixtes &amp; indiuidus. Neant-
moins l'on peut dire que les nu&euml;s ne
tombent pas $i to$t qu'elles $ont plus
pe$antes, &amp; plus den$es que l'air, puis
que l'on experimente qu'vne fueille
<pb n=174>
d'or, ou d'argent mi$e $ur l'eau, ou en-
fonc&eacute;e ded&atilde;s ne va pas au fond, &amp; con-
tinu&euml; $a nauigation, encore qu'elle $oit
beaucoup plus pe$ante, parce qu'elle
n'a pas a$$ez de force pour diui$er l'eau,
&amp; pour la faire fuir de deuant $oy, pour
aller au fond: ce qui e$t grandement
con$iderable pour l'hydraulique; quoy
que l'on pui$$e dire que cet enfonce-
m&etilde;t $oit empe$ch&eacute; par des petites par-
ticules d'air, qui $ont dans les pores de
ces fueilles.
<HR>
<C>QVESTION XXXVII.</C>
<C><I>Quelle rai$on peut on auoir pour croire que
la terre $e meut au tour du Soleil, que l'on
met au centre du monde</I>?</C>
<p>ENcore que i'aye parl&eacute; du mouue-
ment journalier de la terre dans la
34 que$tion, &amp; que l'on pui$$e s'imagi-
ner que la cau$e, pour laquelle elle $e
tient d&atilde;s $on lieu $ans aller d&eacute;&ccedil;a ny de-
l&agrave;, $e doit prendre de ce mouuement,
comme il arriue que les pierres qui
cournent $i vi$te dans l'air, qu'elles
<pb n=175>
ne peuuent tomber, &amp; que les verres,
&amp; les autres vai$$eaux, qui $ont pleins
de vin, ou de quelqu'autre liqueur, ne
l'&eacute;panchent pas, lors qu'&otilde; les fait tour-
ner a$$ez vi$te, neantmoins il faut con-
$iderer $on autre mouuement, que l'on
appelle <I>annuel,</I> par lequel l'on s'imagine
dans l'&eacute;chole d'Ari$tarque, qu'elle $up-
pl&eacute;e le mouuement du Soleil; dont
i'explique icy les rai$ons.
<p>La premiere $e tire de ce que Mars
e$t quelquefois de$$us, &amp; d'autresfois
de$$ouz le Soleil, ce qui ne peut arriuer
$ans e$tablir vn &eacute;picycle d'vne e$trange
grandeur, $i la terre ne $e meut pas au
tour du Soleil: or le mouuement an-
nuel de la terre abolit ces epicycles. La
2. rai$on e$t fond&eacute;e $ur ce qu'il e$t plus &agrave;
propos que le Soleil $oit au milieu du
monde pour departir &eacute;gallement $a lu-
miere &agrave; tout l'vniuers. Ie lai$$e les au-
tres rai$ons, parce que l'on peut les lire
dans Lan$berge, &amp; dans Kepler, afin
d'adiouter $eulement que l'on n'a don-
n&eacute; iu$ques icy nulle rai$on, qui demon-
$tre que le Soleil $oit au centre du m&otilde;-
de, ou que la terretourne au lieu du
Soleil: &amp; con$equemment qu'il e$t au$-
<pb n=176>
$i &agrave; propos d'embra$$er les hypothe$es
de Tycho &amp; des autres qui $auuent
tous les phenomenes $ans le mouue-
ment terre$tre annuel, que de $uiure
celles d'Ari$tarque; quoy qu il $oit li-
bre &agrave; vn chacun de $e $eruir de telle
hypothe$e qu'il voudra pour expliquer
les apparences du Ciel, &amp; pour le cal-
cul: &amp; peut e$tre que quelques-vns
nous donneront bien-to$t d'autres hy-
pote$es differentes de toutes celles qui
ont e$t&eacute; propo$&eacute;es iu$ques &agrave; pre$ent, qui
$eront au$$i $imples, &amp; au$$i ai$&eacute;es &agrave; c&otilde;-
prendre que celles de Copernic, &amp; qui
pourront e$tre plus veritables. A quoy
l'Harmonicon de Viete peut apporter
de la lumiere, pourueu que l'on ne la
luy refu$e pas, comme l'&otilde; a fait iu$ques
&agrave; pre$ent. Or cette difficult&eacute; peut $er-
uir &agrave; nous faire faire des reflexions $ur
les principes de<*>utres $ciences, qui ne
$ont que des hy<*>nc$es, le$quelles ne
$ont peut-e$tre pas plus veritables que
celles de l'A$tronomic, car elles ne
nous $ont pas plus euidentes.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>L'on peut remarquer la me$me cho$e
<pb n=177>
dans cette que$tion que celle dont i'ay
parl&eacute; dans le 2. Corollaire de la 34. &agrave;
$&ccedil;auoir que l'on peut tou$iours s'imagi-
ner de nouuelles rai$ons pour fauori$er
le mouuem&etilde;t annuel de la terre au tour
du Soleil: par exemple, que $i le Soleil
n'e$toit le centre de l'vniuers, &amp; de la
terre, que nous verrions tou$iours la
Lune illumin&eacute;e, d'autant que la lumie-
re du Soleil ne $e perdant point, &amp; ren-
contrant la derniere $urface du monde,
$e reflechiroit tellement $ur la Lune,
qu'elle l'illumineroit toujours, me$mes
&agrave; no$tre &eacute;gard, $uppo$&eacute; que le monde
$oit finy; car encore que l'on s'imagi-
na$t le vuide apres les e$toiles, il $erui-
roit d'vn parfait miroir pour renuoyer
tous les rayons du Soleil, comme il e$t
ay$&eacute; de demon$trer par les loix, &amp; les
regles inflexibles de la Catoptr&igrave;que. Et
$i l'on replique que la derniere $urface
du monde n'e$t pas polie, il s'en$uit
qu'elle $era veu&euml;, comme il arriue aux
autres corps brutes. Mais outre que
nous ne $&ccedil;auons pas $i le monde e$t infi-
ny, puis que plu$ieurs Theologi&etilde;s e$ti-
ment que Dieu e$tant tout pui$$ant la
peu faire infiny en e$tendu&euml;, &amp; qu'ils
<pb n=178>
e$tabli$$ent des e$paces imaginaires in-
finis, qu'ils appellent reels, &amp; que le
Createur de la grande e$t&etilde;du&euml; de l'air,
qui s'apelle <I>Rachia</I> d&atilde;s la $ainte langue,
ne nous a pas reuel&eacute; s'il la cre&eacute;e finie, ou
infinie, la rai$on precedente n'a pas la
force d'vne demon$tration.
<HR>
<C>QVESTION XXXVIII.</C>
<C><I>Les principes, &amp; les fondemens de l'Optique
$ont-ils plus certains que ceux de
la Mu$ique?</I></C>
<p>CEs d<*>x parties de Mathemati-
que n'ont pas la puret&eacute;, ni con$e-
quemment la certitude de la Geome-
trie, dautant qu'elles $uppo$ent la Phy-
$ique, car encore que les principes de
la nature fu$$ent au$$i euidens &amp; au$$i
certains en eux me$mes que ceux de
l'Arithmetique, neantmoins ils n'ont
pas ce degr&eacute; de certitude&agrave;no$tre &eacute;gard,
comme auo&uuml;ent tous ceux qui $&ccedil;auent
l'art de la rai$on, &amp; qui $e plaignent de
ne pouuoir trouuer des principes de
connoi$$ance dans la Phy$ique, qui n'a
<pb n=179>
qua$i nulle certitude en comparai$on
de celle des pures Mathematiques, c&otilde;-
me il e$t ai$&eacute; de conclure par les diffe-
rentes opinions des Philo$ophes, qui
ne s'accordent iamais $i parfaitement
$ur vn me$me $ujet, que l'on n'y recon-
noi$$e de la matiere, &amp; des occa$ions
de douter.
<p>Mais afin de comparer la certitude
de l'Optique auec celle de la Mu$ique,
ie dy premierement qu'elles n'ont tou-
tes deux nuls principes $i clairs, &amp; $i
certains que l'on n'en pui$$e douter, t&atilde;t
parce qu'elles pre$uppo$ent les $ens, &amp;
leurs operations, dont la maniere nous
e$t inc&otilde;nu&euml;, que parce qu'elles me$lent
tou$iours la Phy$ique dans leurs rai$on-
nemens, laquelle ne nous donne pas les
principes de connoi$$ance, ou d'effet.
<p>Neant moins $i l'on fait comparai$on
de la certitude de ces deux Arts, il $em-
ble que celle de l'Optique e$t plus gr&atilde;-
de, ou pour mieux dire, que $es princi-
pes $ont moins douteux, &amp; incertains,
ce qui n'arriue pas &agrave; rai$on qu'elle e$t
$ubalterne &agrave; la Geometrie, &amp; que la
Mu$ique e$t $ubalterne &agrave; l'Arithmeti-
que, car ces $ubalternations n'appor-
<pb n=180>
tent rien aux $ciences <I>$ubaltern&eacute;es,</I> qui
doiuent auoir des principes propres &amp;
particuliers, qui $oient au$$i certains &amp;
euidens, que celles que l'on appelle <I>$u-
balternantes.</I> Et peut e$tre que cette
$ubalternation n'a pas encore e$t&eacute; bien
entendu&euml;, &amp; qu'il $eroit plus expedient
de dire que la Geometrie, &amp; l'Arith-
metique $ont les regles generales, qui
feruent pour dre$$er les demon$trati&otilde;s,
&amp; pour tirer toutes les conclu$ions des
autres $ciences, lors que l'on en donne
les vrays principes: car encore que l'on
attribue cet office &agrave; la Logique, neant-
moins l'on peut dire qu'elle emprunte
de la Geometrie tout ce qu'elle a de
plus ferme, &amp; de plus a$$eur&eacute;.
<p>Mais voyons quelques principes de
ces deux $ciences, ($i tant e$t qu'elles
meritent ce nom, que l'on ne donne, &agrave;
proprement parler, qu'&agrave; la Geometrie,
&amp; &agrave; l'Arithmetique) afin de con$eruer
leurs certitudes. L'vn des principes de
l'Optique e$t, que tout ce qui $e void,
paroi$t $ouz vn angle; &amp; que ce qui $e
void $ouz vn plus grand angle, paroi$t
plus grand; &amp; l'vn de ceux de la Mu$i-
que e$t, que l'Octaue e$t de 2. &agrave; <I>1.</I> &amp; la
<pb n=181>
Quinte de 3. &agrave; 2. &amp; que les con$onan-
ces $ont agreables, &amp; les di$$onances
de$-agreables. Or l'on peut douter $i
la vi$ion $e doit regler $uiu&atilde;t les angles,
ou plu$to$t $elon la maniere que la ra-
diati&otilde; de la lumiere affecte lestuniques,
&amp; les humeurs de l'&oelig;il, &amp; particuliere-
ment l'arance ou la Retine, d&atilde;s laquel-
le le cone de la pyramide Optique
n'e$t pas tel que l'on $e l'imagine pour
l'ordinaire, comme l'on mon$tre dans
la vraye Optique: &amp; plu$ieurs croyent
que l'object paroi$t d'autant plus grand
qu'il e$t veu par vne plus grande quan-
tit&eacute; de ray&otilde;s, encore qu'ils $oient com-
pris par vn moindre angle.
<p>Quant aux con$onances, il y en a qui
les nient, &amp; qui maintiennent que les
di$$onances peuuent donner plus de $a-
tisfacti&otilde; &agrave; de certaines oreilles que le$-
dites con$onances. Et puis tous ne con-
fe$$ent pas que l'Octaue $oit de 2. &agrave; 1. &amp;
la Quinte de 3. &agrave; 2. tant parce qu'elles
paroi$$ent b&otilde;nes $ouz d'autres termes,
&amp; que leurs rais&otilde;s $ont peut e$tre $our-
des, ineffables, &amp; irrationnelles, que
parce qu'il ne s'en$uit pas que les $ons
ayent me$me rai$on entr'eux que le$-
<pb n=182>
dites cordes, puis qu'en bonne Logi-
que, il n'e$t pas permis de pa$$er d'vn
genre &agrave; l'autre $ans enfraindre la loy
des Homogenes.
<p>A quoy l'on peut adjou$ter que tout
ce qui depend de l'&oelig;il &amp; de l'oreille ne
peut e$tre plus certain que leurs opera-
tions, qui $ont $uiettes &agrave; plu$ieurs tr&otilde;-
peries, &amp; illu$ions: de $orte que l'on
peut conclurre que la $cience, qui ap-
partient au $ens, dont l'action e$t plus
certaine, &auml; $emblablement plus de cer-
titude.
<p>Or ie ne veux pas maintenant decider
$i l'oreille e$t plus certaine que l'&oelig;il,
d'autant que ie fais vn trait&eacute; de l'excel-
lence de l'vn &amp; de l'autre dans vn autre
en droit, o&ugrave; i'explique les manieres de
tromper, &amp; de de$abu$er ces deux $ens,
qui $ont de$tinez aux arts &amp; aux $cien-
ces. Et $i l'on prend leur certitude de
celles dont on les fait $ubalternes, elles
auront vn pareil degr&eacute; de certitude,
parce que l'Arithmetique, d'o&ugrave; l'on fait
nai$tre la Mu$ique, e$t au$$i certaine
que la Geometrie, dont on tire l'Opti-
que: quoy qu'il $emble que l'Optique
$oit plus generale, &amp; plus proche de la
<pb n=183>
dem&otilde;$tration, &agrave; rai$on qu'elle n'e$t pas
$uiette aux mouuemens de l'air, qui
$eruent de $uiet, &amp; d'object &agrave; la Mu$i-
que, &amp; qu'elle embra$$e toutes $ortes
de reflexions &amp; de refractions, qui $e
font dans vn moment, lequel approche
de la dur&eacute;e des operations de l'e$prit.
<HR>
<C>QVESTION XXXIX.</C>
<C><I>De quelles matieres $e $eruent les Teintu-
riers pour teindre la laine, ou le
drap, &amp; la $oye de toutes
$ortes de coubeurs?</I></C>
<p>SI les arti$ans aymoient les $ciences,
ils pourroient aider les Philo$ophes
en plu$ieurs manieres, &amp; particuliere-
ment en leur donnant plu$ieurs expe-
riences, qu'ils font ordinairement, &amp;
plu$ieurs ob$eruati&otilde;s qui peuuent don-
ner de l'entr&eacute;e aux difficultez de la
Phy$ique, &amp; &agrave; leur $olution. Or encore
que les Orfeures, les Lapidaires, les
Affincurs, les Chymi$tes, les Apoti-
quaires, les Tireurs d'or, &amp; tous ceux
qui manient les metaux, pui$$ent, ce
<pb n=184>
$emble, donner plus de lumiere $ur ce
$uiet que les Peintres, les Sculpteurs,
les Teinturiers, &amp; les autres arti-
$ans, neantmoins il n'y a nul art, ou me-
$tier qui ne pui$$e $eruir en quelque
cho$e: par exemple, la con$ideration
des drogues, des bois, des racines, des
&eacute;corces, des herbes, &amp; des autres ingre-
diens, dont v$ent les Teinturiers en lai-
ne &amp; en $oye, peuuent ayder &agrave; com-
prendre la nature, &amp; les proprietez des
couleurs, qu'ils donnent aux draps par
le moyen des bre$ils de Farnambour; de
Laual, de $ainte Marie, &amp; de S. Mar-
the, dont le premter e$t le meilleur.
<p>Ils v$ent au$$i du bois d'Inde, qu'ils
appellent <I>Compeche,</I> du fu$tel de Sa-
uoye, de Dauphin&eacute;, &amp; de Ro&uuml;en: du
bois iaune; de l'&eacute;corce de che$neaux en
taillis, &amp; de plu$ieurs auttes bois, com-
me des racines de noyer, de l'&eacute;corce, &amp;
des coquilles des noix vertes: des Gau-
des franches &amp; ba$tardes: de gene$trol-
les, ou gene$tron, de $oumac, de galles
vertes, &amp; $eiches de Tours: d'aluns de
Rome, &amp; de roche; de couperozes; de
gommes, tant de Per$e, que d'Arabie,
de Venize &amp; d'ailleurs: du $auon de
<pb n=185>
Cenes, de Ca$tres, &amp; de celuy qui e$t
noir, &amp; liquide: d'or$eille de Lyon, de
Flandre, d'Angleterre, &amp; d'ailleurs: de
cendres communes, &amp; de grauel&eacute;e: de
$oude d'alitarbe, &amp; de la blanche, de la
potac&eacute;e: de la chaux communc: de la
garence de Flandre, &amp; d'Angleterre,
de la cochenille: de la graine d'&eacute;carla-
te, &amp; de $on pa$tel: de la graine d'Aui-
gnon: du tartre de Montpelier: du $af-
fran d'Allemagne: de la bourre de Fl&atilde;-
dre, d'Angleterre, &amp; de Paris: d'&eacute;cor-
ces de grenades auec leur fruict $ec: de
la limaille de fer, &amp; d'acier: de la terre
qu'ils appellent <I>Terra merita,</I> &amp; de plu-
$ieuts autres drogues, donti'explique-
rois icy les coulcurs, le prix, le poids, &amp;
les m&eacute;langes, $i ie ne iugeois qu'il e$t
nece$$aire d'en voit l'e$$ay, &amp; l'expe-
rience chez les Teinturiers, pour les
comprendre ai$&eacute;ment.
<p>Quant aux coulcurs des Peintres, des
Enlumineurs, &amp; des Miniateurs, elles
meritent vn di$cours particulier, au$$i
bien que celles dont v$ent les Verriers,
les Emailleurs, les Vitriers, &amp; les Po-
tiers, qui employent l'argent, l'e$tain,
le plomb, le cuiure, &amp; les autres me-
<pb n=186>
taux, &amp; les mineraux pour colorer leurs
ouurages; c'e$t pourquoy i'adiou$te
$eulement icy que les Chymi$tes de-
uroient s'e$tudier &agrave; la recherche des
rai$ons de la grande multitude de cou-
leurs, qui $e font dans les. differents de-
grez de la coction, de la generation, ou
de la corruption des matieres qu'ils en-
ferment dans les Athenors, les retor-
tes, &amp; les autres Alembics, dont ils
v$ent en toutes leurs operations, afin de
voir $i l'on peut rapporter toutes $ortes
de couleurs &agrave; la differente reflexion,
refraction, &amp; immer$ion de la lumiere.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>Les Peintres $e $eruent de plu$ieurs
couleurs pour acheuer leurs tableaux,
&amp; pour peindre en gomme, en huile, &amp;
&agrave; l'eau, $oit $ans trituration, &amp; broye-
ment, ou autrement. Ie mets $eulem&etilde;t
icy celles dont ils v$ent &agrave; l'eau, &agrave; $&ccedil;auoir
le noir de cerf bru$l&eacute;, de Flandre, de
pierre noire, &amp; d'ancre: dont les tan-
nez bruns approchent de bien pi&eacute;s, car
le tann&eacute; mourant en e$t plus &cacute;loign&eacute;.
Et puis ils vs&etilde;t du violet noir, de l'inde,
<pb n=187>
du tourne$ol: du violet de bois de Per$e
di$till&eacute;, &amp; cuit en vinaigre: du pa$le;
qui $e fait d'vn peu de blanc me$l&eacute; auec
le precedent: de l'azur, qui a plu$ieurs
degrez de prix, &amp; de viuacit&eacute;: de celuy
que l'&otilde; appelle blanchette, &amp; mour&atilde;te;
du bleu bl&atilde;c, &amp; cele$te: du rouge brun,
de la laque pure commune, de la cou-
leur d'armure, qui $e compo$e de ladi-
te laque, &amp; du $affran auec l'vrine: de
la gomme goutte, &amp; de la laque cou-
leur de bois, du vermillon pur, de la mi-
ne tant commune, que blanchette, &amp;
de celle que l'&otilde; apelle rouge- blanc: de
la laque bl&atilde;chette forte auec ou $ans la
ceru$e, de la couleur de chair vermil-
lonn&eacute;e compo$&eacute;e de vermillon, de la-
que, &amp; de blanc: de la mine, &amp; vermil-
lon blanc: de la vraye couleur de chair,
de la couleur de chair morte: de la gom-
me goutte; de la graine d'Auignon, du
$affran, que l'on me$le auec le ma$$icot:
du iaune pa$le, &amp; du dor&eacute;: du minime
brun, &amp; cendr&eacute;, &amp; de la fueille morte:
du vert de ve$$ie, du calcin&eacute;, du mou-
rant, du vert de mer &amp; du gay: du $a-
fran&eacute;, du vert iaune, du compo$&eacute; auec
la graine d'Auign&otilde;: du di$till&eacute;, de vert
<pb n=188>
bleu, &amp; de montagne, du vert de terre<*>
du gris brun, du gris blanc &amp; noir, du
torne-$ol &amp; bl&atilde;c, &amp; de plu$ieurs autres
compo$ez: du blanc de ceru$e de Ve-
ni$e, du blanc de plomb, &amp; du blanc
de craye. Ie lai$$e plu$ieurs autres cou-
leurs, qui $ont di$till&eacute;es, &amp; que l'on tire
des mineraux, &amp; des metaux, &amp; toutes
celles qui $ont &agrave; huille, dont les diffe-
rentes compo$itions meritent vn liure
entier.
<C>COROLLAIRE II.</C>
<p>L'on v$e au$$i de l'or, &amp; de l'argent
d'Allemagne, de Flandre, &amp; de Paris
dans les couleurs, &amp; peintures &agrave; l'eau;
mais il faut remarquer que l'or $appli-
que tellement $ur le bois, $ur le fer, &amp;
$ur le cuiure, qu'il faut premierement
mettre deux couches de blanc $ur le
bois, &amp; qu'il faut polir l'or auec la dent
de chien, ou de loup: &amp; $i on le couche
en huille, il faut mettre vne couche de
blanc, 2. de rouge, &amp; puis l'or de cou-
leur, $ur lequel on met l'or. Quant &agrave;
l'or en fueille, on l'applique auec le pin-
ceau fait de poil de blereau, &amp; auec le
coton.
<pb n=189>
<p>Pour employer l'or poly &amp; bruny $ur
le cuiure, il faut premierement polir
ledit cuiure, &amp; le faire rougir, affin d'ap-
pliquer l'or auec le caillou; &amp; puis il le
faut recuire: ce que l'on fait en met-
tant 2. ou 3. couches, l'vne $ur l'autre, &amp;
en le remettant tou$iours &agrave; feu de char-
bon leger pour le polir! &amp; lors que l'on
l'applique $ur de la charte, ou $ur du
papier, la dent de b&oelig;uf du deuant y
doit $eruir.
<HR>
<C>QVESTION XL.</C>
<C><I>Pourquoy l'haleine que l'on pou$$e du poul-
mon, $e void-elle plus ays&eacute;ment &agrave;
l'Hyuer qu'&agrave; l'E$t&eacute;; &amp; qu'e$t-
ce que le vent?</I></C>
<p>SI ce que l'on pou$$e hors de l'e$to-
mac par le mouuem&etilde;t du poulmon
n'e$toit autre cho$e que de l'air, ou du
vent, qui $e fait par $on mouuement, &amp;
par $a conden$ation, nous ne verrions
pas l'haleine &agrave; l'Hyuer, pui$que l'on n'a
iamais veu l'air, quoy qu'il ayt e$t&eacute; tre$-
chaud, ou tre$-froid, &amp; con$equem-
<pb n=190>
ment tre$ rare, ou tre$-den$e. C'e$t
pourquoy il faur conclure que l'on ne
void autre cho$e dans l'haleine qui pa-
roi$t &agrave; l'Hyuer, que les vapeurs, &amp; les
excremens qui $ortent du poulmon, &amp;
qui s'epai$$i$$ent, &amp; $e c&otilde;den$ent telle-
m&etilde;t &agrave; la $ortie de la bouche, ou du nez,
qu'ils $e rendent vi$ibles, comme la fu-
m&eacute;e, par la reflexion de la lumiere, qui
n'e$t pas a$$ez forte &agrave; l'E$t&eacute;, ou lors que
l'on e$t expo$&eacute; &agrave; la chaleur, &agrave; rai$on que
les vapeurs qui $ortent de la bouche
$ont trop rarefi&eacute;es, &amp; trop e$tendu&euml;s, &amp;
renuoyent trop peu de rayons &agrave; l'&oelig;il
pour e$tre apperceu&euml;s.
<p>Quant &agrave; la 2. partie de ce$te que$ti&otilde;,
il y a grande appar&etilde;ce que le vent n'e$t
pas different de l'agitation de l'air, &amp;
qu'il e$t dautant plus froid qu'il le con-
den$e dauantage, comme l'on experi-
mente dans toutes $ortes de $oufflets,
&amp; d'euentails; mais il e$t difficile de $&ccedil;a-
uoir pourquoy le vent du Midy n'e$t
pas $i froid que celuy de la bize, lors
qu'ils $ont &eacute;galement forts, &amp; qu'ils
conden$ent l'air &eacute;galement, $i l'on n'en
rapporte la cau$e aux vapeurs, &amp; aux
exi lai$ons chaudes, qui $ont me$l&eacute;es
<pb n=191>
auec le vent du midy, $ans le$quelles il
$eroit au$$i froid que le vent du $epten-
trion. A quoy l'on peut adiou$ter que
les vapeurs, ou les e$prits qui $ortent
des lieux $alpe$treux refroidi$$ent l'air,
&amp; que celuy du midy e$t quelquefois
au$$i froid que celuy du $eptentrion. Or
l'on peut voir le liure que Bacon a fait
des vents, &amp; experimenter toutes les
manieres, dont on les peut produire
auec le $alpe$tre, l'&AElig;olipile, ou au-
trement.
<HR>
<C>QVESTION XLI.</C>
<p><I>E$t-il vray que de toutes les figures I$operi-
metres de me$ine nature, celle qui e$t la
mieux ordonn&eacute;e, &amp; que de toutes les he-
terogenes ordonn&eacute;es, celle qui e$t la plus
termin&eacute;e e$t la plus grande?</I>
<p>IL y a long- temps que l'on a demon-
$tr&eacute; que la figure circulaire e$t la plus
grande de toutes les I$operimetres, par-
ce qu'elle contient vne infinit&eacute; d'&atilde;gles,
au lieu que les autres n'en contiennent
qu'vn certain nombre, qui donne tou-
<pb n=192>
$iours vne plus grande figure reguliere,
lors qu'il e$t plus grand.
<p>Mais la difficult&eacute; e$t plus grande
quand il e$t que$tion de comparer les
triangles, &amp; les autres figures de diffe-
rente e$pece, &amp; heterogenes. Or il e$t
certain que le triangle &eacute;quilateral e$t le
plus grand de tous les triangles, dont le
circuit e$t &eacute;gal: &amp; con$equemment
qu'il e$t plus grand que l'Equicrure, ou
I$ocele lequel e$t au$$i $ouuent plus
grand que ceux dont tous les co$tez
$ont inegaux, que l'on appelle <I>$calenes,</I>
quoy que cela n'arriue pas tou$iours,
car le $calene, dont les co$tez $ont 11.
18. 21. e$t plus grand que l'l$ocele, qui a
10. 20. 20. pour $es co$tez, car la gran-
deur, ou l'aire de ce$tuy cy e$t $eulem&etilde;t
&rx; 9375. &amp; l'aire de celuy- l&agrave; e$t &rx; 9800.
Quant &agrave; l'Equilateral I$operimetre,
dont chacun des co$tez a 16 2/3, $on aire
e$t &rx; (14467 16/27). Mais quand les figures
I$operimetres Homogenes ne $ont pas
ordonn&eacute;es, il peut arriuer que la moins
ordonn&eacute;e $oit moin dre, &eacute;gale, ou plus
grande; par exemple, $i l'on con$idere
les 3. parallelogrammes, &amp; les 3. trape-
zes I$operimetres, quepropo$e Camille
<pb n=193>
Glorieux, le premier parallelogramme
a 15.15.9.9. pour $es 4. co$tez, le 2. a 12.
12. 3 1/2. 3 1/2. &amp; le 3. a 12. 12. 4. 4. Les 4.
co$tez du premier trapeze $ont 15 6. 10.
17. ceux du $econd, 12.8.6.5. &amp; ceux du
troi$ie$me 12.4.6.10. or l'aire, ou la ca-
pacit&eacute; du premier parallelogramme e$t
135. celle du 2. e$t 42. celle du 3. e$t 48.
celle du premier trapeze a 84. celle du
2. a &rx; (2460 15/16). &amp; celle du 3. a 48. d'o&ugrave;
il e$t ai$&eacute; de conclure que le premier
parallelogramme e$t plus grand que le
premier trapeze: que le 2. e$t moindre
que le 2. &amp; que le 3. e$t &eacute;gal au 3. tra-
peze. Le me$me autheur demon$tre
que la figure, qui e$t la plus terminee
entre les I$operimetres ordonn&eacute;es de
differente nature, e$t la plus grande:
par exemple, le triangle &eacute;quilateral,
dont le co$t&eacute; e$t 16 2/3, a pour $on aire &rx;
(14467 16/27). &amp; le quarr&eacute; dont le co$t&eacute; e$t
12 1/2. a 156 2/4 p<*> $a capacit&eacute;.
<p>Mais quand ces figures ne $ont pas
ordonn&eacute;es, il peut arriuer que la plus
termin&eacute;e $era plus gr&atilde;de, ou moindre,
ou &eacute;gale: par exemple, $i le triangle
$calene a 10. 17. 21. pour $es 3. co$tez,
$a capacit&eacute; e$t 84. laquelle e$t &eacute;gale au
<pb n=194>
parallelogramme, dont le plus grand
co$t&eacute; e$t &rx;60 + 12. &amp; le moindre 12.
&rx;60. &amp; toutesfois le me$me triangle
e$t moindre que le parallelogramme
i$operimetre, dont les co$tez $ont 14.
&amp; 10. car $on aire e$t de 140. mais il e$t
plus grand que le parallelogramme,
dont les co$tez $ont 20. &amp; 4, car $on ai-
re n'e$t que de 80.
<p>Finalement il prouue que la figure,
qui approche dauantage de l'ordonn&eacute;e
e$t tou$iours la plus grande des figures
i$operimetres de me$me nature qui ne
$ont pas ordonn&eacute;es: &amp; que quand elles
conuiennent, ou qu'elles $ont differen-
tes en angles, ou en co$tez, celle dont
les co$tez, ou les angles approchent
dauantage des co$tez, ou des angles de
l'ordonn&eacute;e e$t plus grande.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>L'on appelle la figure <I>ordonn&eacute;e,</I> ou <I>re-
guliere,</I> quand $es co$tez, &amp; $es angles
$ont &eacute;gaux, commeil artine au triangle
&eacute;quilateral, au quarr&eacute;, &agrave; l'exagone, &amp;c.
de $orte que la regularit&eacute; des figures
leur donne d'au$$i grands auantages,
<pb n=195>
que celle que l'on ob$erue dans toutes
les autres cho$es: del&agrave; vient que cha-
que figure reguliere e$t la plus grande
de toutes les i$operimetres de me$me
nature, &amp; que celle d'entre les irregu-
lieres qui approche dauantage de la re-
guliere, e$t la plus grande. Mais l'on
ne peut rien determiner, quand les co-
$tez de l'vne s'approchent dauantage
de la reguliere, &amp; que les angles s'en
&eacute;loignent dauantage.
<HR>
<C>QVESTION XLII.</C>
<C><I>La blancheur e$t elle la plus excellente de
toutes les couleurs?</I></C>
<p>ENcore que les Peintres, ou les Tein-
turiers ne mettent pas le blanc, &amp;
le noir entre les couleurs, parce que le
blanc e$t vne table d'attente, qui e$t in-
differente &agrave; receuoir toutes $ortes de
couleurs, dont il $emble qu'elle e$t le
principe: &amp; que le noir, qui re$$emble
&agrave; la priuation de toutes les couleurs,
n'en pui$$e receuoir aucune, ne&atilde;tmoins
il n'y a nul doute que la blancheur e$t
<pb n=196>
vne couleur, que l'on peut appeller vne
lumiere diminuee, ou commen&ccedil;ante:
car elle luy e$t plus $emblable que tou-
tes les autres couleurs, tant en ce qu'el-
le fait vne plus forte impre$$i&otilde; $ur l'&oelig;il,
qu'elle ble$$e en di$$ipant $a force, &amp; $a
viuacit&eacute;, qu'&etilde; ce qu'elle e$t $u$ceptible
de toutes $ortes de couleurs, comme le
rayon du Soleil, qui en repre$ente les
principales, lors qu'il pa$$e &agrave; trauers les
triangles, ou les pri$mes de chry$tal, &amp;
de verte, ou qu'il $e rompt dans les au-
tres diafanes. Or il faut remarquer que
la blancheur re$i$te dauantage &agrave; la cha-
leur, ou au feu de la lumiere, que les
autres couleurs, comme l'on remar que
dans le papier blanc, qui ne bru$le pas
$i ay$&eacute;ment que le papier noir, rouge,
verd, &amp;c. lors que l'on y veut mettre le
feu auec vn miroir ardent, $oit que ce-
cy arriue &agrave; cau$e que chaque cho$e agit
plus fort &amp; plus ay$&eacute;ment $ur $on con-
traire, ou que le noir, &amp; les autres cou-
leurs rendent le papier, &amp; les autres
corps plus gras, plus huileux, &amp; plus
propres &agrave; conceuoir le feu.
<p>Mais l'on peut propo$er plu$ieurs dif-
ficultez $ur ce $ujet, qui de$irent d'au-
<pb n=197>
tres lieux: par exemple, que le blanc
e$t le plus imparfait, puis qu'il attire, &amp;
re&ccedil;oit toutes les autres conleurs, qui
$ont comme les actes &agrave; l'&eacute;gard de la
pui$$ance: &amp; qu'il di$$ipe la veu&euml;, au
lieu que le noir la reunit, lequel on peut
appeller le plus parfait, puis qu'il refu$e
toutes les autres couleurs (comme l'on
dit que la matiere des cicux refu$e tou-
tes les autres formes) d'autant que le
noir les contient toutes en &eacute;minence.
D'ailleurs, l'on peut dire que le noir
dilate la veu&euml;, puis que la paupiere s'&eacute;-
largit dans les tenebres, &amp; qu'elle $e re-
$treint &agrave; la pre$ence de la lumiere. Or
il y a plu$ieurs $ortes de bl&atilde;cs, dont les
vns viennent, ce $emble, de la $eule re-
flexion de la lumiere, comme il arriue
&agrave; la blancheur de la neige, qui n'e$t au-
tre cho$e qu'vne quantit&eacute; de rayons re-
flechis en mille manieres, par les diffe-
rentes parties, tant concaues que con-
uexes de la neige: mais la blancheur du
drap, du laict, du lis, &amp;c. $ont fort dif-
$erentes de la precedente.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Sile noir, on quelqu'autre couleur
<pb n=198>
r&etilde;dle papier plus rude, ou plus poreux,
cela peut e$tre cau$e qu'il bru$le plus
ay$&eacute;ment que lors qu'il e$t plus poly,
ear plus vn corps e$t poly, &amp; moins
poreux, &amp; plus ay$&eacute;ment il re$i$te aux
agens contraires, qui ne peuuent im-
primer leurs qualit&eacute;s $ur leurs $urfaces,
quoy que l'on remarque le contraire
dans l'aymant, lequel agit d'aut&atilde;t plus
pui$$amment $ur le fer, qu'il e$t plus po-
lv, car vn me$me morceau de fer, qui
ne peut e$tre attir&eacute; par l'Aym&atilde;t brute,
e$t attir&eacute; $i to$t que l'on a poly l'vn ou
l'autre, ou tous deux, aux endroits par
le$quels l'vn doit attirer, &amp; l'autre doit
e$treattir&eacute;: ce qui e$t tre$-remarquable
pour plu$ieurs rai$ons.
<HR>
<C>QVESTION XLIII.</C>
<p><I>Pourquoy les recreations que l'on prend en la
pre$ence des mai$tres, &amp; des $upericurs ne
$ont elles-pas $i agreables que calles que
l'on prond en lcur ab$cence?</I>
<p>LA nature, &amp; la propriet&eacute; de la re-
creation e$t, ce $emble, tellement
<pb n=199>
conjointe auec la libert&eacute;, que l'vne ne
peut $e renc&otilde;trer $ans l'autre, ou qu'el-
le e$t d'autant moindre qu'elle a moins
de libert&eacute;, &amp; plus de contrainte, com-
me l'on experimente dans les pri$ons,
o&ugrave; les plai$irs que l'on peut receuoir, ne
$ont iamais $i grands, quoy que l'on n'y
renc&otilde;tre quelquefois de meilleurs trai-
temens qu'ailleurs, comme ils $ont lors
que l'on e$t en pleine libert&eacute;: car toute
$orte de contrainte, &amp; de retenue e$t
vne e$pece de douleur, qui attaque l'e$-
prit, ou le corps, &amp; qui nous captiue
contre no$tre volont&eacute;.
<p>Or quand les mai$tres, ou ceux qui
v$ent d'vne pareille authorit&eacute; $ur nous,
$e trouuent pre$ens &agrave; nos recreations,
nous craign&otilde;s qu'ils ne remarquent nos
pa$$ions, &amp; nos imperfections, &amp; qu'ils
ne diminu&euml;nt la bonne opinion qu'ils
pouuoient auoir conceu&euml; de no$tre bon
naturel, de nos bonnes inclinations, &amp;
de nos vertus: ce qui ne peut arriuer
$ans la perte de l'e$time que nous aui&otilde;s
acqui$e dans leur e$prit. Et parce que
les hommes ne font pas moins de cas
de leur reputation que de leur vie, &amp;
de leur e$tre, ils $ont portez d'vne me$-
<pb n=200>
me pa$$ion, &amp; d'vne me$me violence &agrave;
deffendre leur honneur, &amp; leur vie;
qu'ils e$timent auoir perdu&euml; dans la p&etilde;-
$&eacute;e de ceux qui les m&eacute;pri$ent. Del&agrave;
vient qu'ils ne craignent $eulement pas
la pre$ence des $uperieurs, &amp; de tous
ceux qui peuuent aduertir le$dits $upe-
rieurs de leurs imperfections, mais au$-
$i celle de tous les honne$tes hommes,
dontils peuuent receuoir du bla$me, &amp;
du me$pris.
<p>I'en excepte ceux qui $ont bien ay$es
que l'on remarque $oigneu$em&etilde;t leurs
actions, afin qu'ils en pui$$ent corriger
les d&eacute;fauts; mais l'on en rencontre fort
peu de ceux-l&agrave;, car nul ne veut e$tre
reprimand&eacute;; &amp; lors que l'on en trouue,
l'on peut conclurre que s'ils ne $ont $o-
lidement vertueux, qu'ils $ont bien
auant dans le chemin de la vertu, dont
ils jo&uuml;iront bien to$t, puis qu'elle ne re-
butte nul de ceux qui la recherchent
auec ferueur.
<p>Et ie ne doute nullement qu'ils ne
$oient bien ay$es de ne prendre nul-
le recreation qu'en la pre$ence de
ceux qui ont charge, ou droit de les re-
prendre, &amp; de veiller $ur leurs actions,
<pb n=201>
dautant qu'ils de$irent de $e recreer
honne$tement, ce qui ne peut e$tre re-
pris de ceux qui ont du iugement, &amp; de
la vertu, &amp; qui $&ccedil;auent que les plai$irs
innocens, dont on v$e pour dela$$er, &amp;
pour renforcer l'e$prit, ou le corps, afin
qu'il fa$$e mieux $es fonctions, ne $ont
pas moins agreables &agrave; Dieu, ny moins
honne$tes, que les affaires les plus $e-
rieu$es, &amp; les plus grands employs que
l'on pui$$e auoir.
<HR>
<C>QVESTION XLIV.</C>
<C><I>Quia-il de plus notable dans les Dialogues
que Galil&eacute;e a faits du mouuement de la
terre? cette que$tion contient tout
$on premier Dialogue.</I></C>
<p>CE di$cours $eruira pour ceux qui
n'ont pas, ou qui n'entendent pas
les quatre Dialogues que Galil&eacute;e a faits
des mouuemens de la terro, car il con-
tient tout ce qu'ils ont de plus remar-
quable. Or il commence par la com-
parai$on du mouuement droit auec le
circulaire; &amp; dit que les principales
<pb n=202>
parties de l'vniuers n'ont pas deu auoir
d'autre mouuement que le circulaire,
dautant qu'elles ont deu e$tre di$po-
$&eacute;es $i parfaitement, qu'elles n'ayent eu
nul be$oin de changer de place, ce qui
ne pourroit arriuer $i elles $e mouuoi&etilde;t
en ligne droite, qui n'e$t point termi-
n&eacute;e, &amp; quine $ert que pour &eacute;loigner les
parties dn monde de le ur propre lieu.
<p>Mais le circulaire les con$eruant tou-
$iours dans vne &eacute;gale di$tance d'auec
leur centre n'a nul point qui ne $oit $on
commencem&etilde;t &amp; $a fin; del&agrave; vient qu'il
e$t &eacute;gal par tout, au lieu que le mouue-
ment droit e$t plus vi$te au commence-
ment, lors qu'il e$t violent, ou &agrave; la fin,
quand il e$t naturel. De plus, le circu-
laire e$tant perpetuellement termin&eacute;
peut e$tre in finy par le moyen de la re-
petition de $es tours; ce qui ne peut ar-
riuer au mouuement droit, car la natu-
re ne donne nul mouuement qui ne
pui$$e paruenir &agrave; s&otilde; terme: or $i le mou-
uement droit va s'allenti$$ant, il $era
violent, donc il ne $era pas perpetuel:
s'il va s'accroi$$ant, il finira &agrave; $on terme,
donc il ne durera pas tou$iours, de $or-
te que le $eul mouuement circulaire
<pb n=203>
e$t propre pour l'&eacute;ternit&eacute;.
<p>A quoy l'on peut adiou$ter que $i la
pen$&eacute;e de Plat&otilde; e$t veritable, que l'Au-
theur de l'vniuers a lai$$&eacute; tomber les
a$tres d'vn certain lieu $i haut, que
quand ils ont eu a$$ez de vi$te$$e, il a
chang&eacute; leur mouuement droit au cir-
culaire qu'ils c&otilde;$eruent encore, de $or-
te que l'on peut $upputer d'o&ugrave; ils ont
deu tomber pour acquerir les mouue-
mens qu'ils ont en demeur&atilde;t dans leurs
propres lieux.
<p>D'o&ugrave; il e$t ay$&eacute; de conclurre que le
mouuement circulaire, &amp; le repos $ont
tre$-propres pour la con$eruation de
l'vniuers, &amp; que le droit e$t vtile pour
renuoyer les parties en leurs lieux na-
turels, par vn chemin tre$ court. Et $i
Ari$tote a bien definy la nature, il a deu
mettre des corps qui $e repo$ent natu-
rellement, comme il en a mis qui $e
meuuent, puis qu'il dit qu'elle e$t le
principe du mouuement &amp; du repos.
<p>Or il faut remarquer que la pierre
qui quitte $on repos, $e meut par tous
les degrez po$$ibles de tardiuet&eacute;, &amp;
qu'elle acquiert tou$iours de nou-
ueaux degrez de vi$te$$e. Apres ces
<pb n=204>
di$cours qu'il e$tend iu$ques &agrave; la 39. pa-
ge de $on premier dialogue: il combat
l'incorruptibilit&eacute; qu'Ari$tote a mi$e
dans les cieux, dautant que $i l'on e$toit
dans la Lune, ou dans le Soleil, on n'ap-
perceuroit pas mieux les petites cor-
rupti&otilde;s de la terre: par exemple, l'em,
bra$ement des fore$ts, &amp; des villes, &amp;c.
que celles qui peuuent arriuer au So-
leil, dans lequel Schener a remarqu&eacute;
tant de corruptions, de macules, &amp; de
flammes, qu'il nous a fait douter s'il en-
dure autant ou plus de corruptions, &amp;
de changemens que la terre, comme ie
mon$tre dans vne autre. Si Ari$to-
te eu$t veu les nouuelles e$toiles de
l'an 1572. &amp; 1604. il eu$t peut e$tre
chang&eacute; d'auis, particulierem&etilde;t s'il eu$t
ob$eru&eacute; le lieu des Cometes au$$i haut
que celuy du Soleil, comme Tycho,
Kepler, &amp; plu$ieurs autres ont remar-
qu&eacute;, quov que Claramontius $e $oit ef-
forc&eacute; de demon$trer le contraire par les
me$mes ob$ernations, &amp; les me$mes
parallaxes, dont les autres $e $ont $er-
uis.
<p>Dans la 46. page, il remarque que
les macules du Soleil, nai$$ent &amp; $e di$-
<pb n=205>
$ipent $ouuent au milieu du Soleil, o&ugrave;
elles paroi$$ent pl<SUP>9</SUP> larges qu'aux bords,
au$quels leur mouuem&etilde;t e$t plus lent,
d'o&ugrave; il c&otilde;clud qu'elles ne $ont pas $phe-
riques, &amp; qu'elles ne $ont pas port&eacute;es
par des cercles c&otilde;centriques au Soleil.
Il adjou$te en $uite que l'incorruptibi-
lit&eacute; n'e$t pas vne qualit&eacute; qui annobli$$e
les corps, puis qu'vne $tatu&euml;, qui ne $e
corrompr point par la generation, ny
par les autres mouuemens, e$t moins
noble, &amp; moins excellente que ne $ont
les hommes.
<p>D'ailleurs nous ne pouuons $&ccedil;auoir s'il
a des generations dans les a$tres $em-
blables ou di$$emblables &agrave; celles de la
terre, &amp; que nous n'en pouuons pas
auoir de plus grandes conjectures, que
celles qu'vn homme nourry au milieu
d'vne fore$t auroit de la mer, des poi$-
$ons, &amp; des nauires, dont il n'auroit ia-
mais o&uuml;y parler, n'y ayant nulle pen$&eacute;e
rai$onnable qui nous pui$$e faire con-
iecturer autre cho$e $inon que s'il y a
des creatures viuantes &amp; intelligentes
d&atilde;s les a$tres, qu'elles lo&uuml;ent &amp; adorent
le Createur de l'vniuers.
<p>Quant &agrave; la comparai$on de la terre
<pb n=206>
&amp; de la Lune, il remarque premiere-
ment que l'vne &amp; l'autre e$t $pherique,
opaque, &amp; d'vne matiere dure, &amp; $oli-
de, comme l'on prouue par les inegali-
tez, &amp; les montagnes que l'on d&eacute;cou-
ure dans la Lune auec les lunettes. 2,
qu'elle a deux parties comme la terre,
&agrave; $&ccedil;auoir celle de l'eau qui paroi$t plus
ob$cure, &agrave; rai$on qu'elle reflechit vne
moindre quantit&eacute; de rayons. 3. que la
terre $e void comme vne Lune, $i l'on
s'imagine vn &oelig;il dans la Lune, car lors
qu'elle e$t en tenebres, la terre e$t plei-
ne, c'e$t &agrave; dire que le contraire s'ob$er-
ueroit dans la terre. Mais il remarque
que de la terre l'on nevoid que l'hemi$-
phere inferieur de la Lune, au lieu que
de la Lune l'on verroit toutes les faces
de la terre; encore qu'elle ne peu$t e$tre
veu&euml; de tous les endroits de la Lune.
4. $i le me$me co$t&eacute; de la Lune regarde
tou$iours la terre, la ligne qui pa$$e par
les centres de la terre &amp; de la Lune pa$-
$e par le me$me point de la $urface de
la Lune, mais l'on ne void pas la me$me
face de la Lune quand on e$t $ur la $ur-
face de la terre, car l'on apper&ccedil;oit vn
<pb n=207>
peu dauantage de $a partie Occidenta-
le, &amp; vn peu moins de l'Orientale, lors
qu'elle $e leue, &amp; au contraire quand
elle $e couche. Or l'on prouue par les
lunettes qu'elle paroi$t en cette fa&ccedil;on,
car de 2. macules qu'elle a, l'vne regar-
de le vent Me$tral, qu&atilde;d elle e$t en-$on
midy, &amp; l'autre luy e$t oppo$ee, &amp; elle
peut e$tre veu&euml; $ans lunettes, comme
la premiere dont la figure paroi$t en
ellip$e, ou en ouale, &amp; e$t $epar&eacute;e des
plus grandes macules: or elles paroi$-
$ent tanto$t deux ou trois fois plus pro-
ches, &amp; d'autresfois plus &eacute;loign&eacute;es du
bord. Il remarque en 5. lieu que la Lu-
ne re&ccedil;oit vne plus grande lumiere de la
terre, quand elle e$t &agrave; demy pleine, de
$orte que la lumiere reflechie par la ter-
re e$t cau$e que nous voyons la partie
de la Lune qui n'e$t point illumin&eacute;e du
Soleil. 6. ces 2. corps s'eclip$ent l'vn
l'autre reciproquement. 7. $i le corps
de la Lune e$toit poly c&otilde;me vn miroir,
elle ne nous paroi$troit iamais illumi-
n&eacute;e qu'en vne partie fort petite, com-
me il e$t ay$&eacute; de demon$trer par la gla-
ce d'vn miroir c&otilde;uexe: c'e$t pourquoy
<pb n=208>
les inegalitez de la Lune nous $eruent
pour nous la fairevoir en $es differentes
illuminations par le moyen d'vne infi-
nit&eacute; de plans, qui reflechi$$ent la lu-
miere de rous co$tez. Et parce que l'eau
que l'on r&eacute;pand $urvn corps remplit $es
pores, &amp; $es cauitez, &amp; que $a $urface
perd $es inegalit&eacute;s, nous le voyons plus
noir, &amp; plus ob$cur, comme l'on expe-
rimente $ur les carreaux illuminez du
Soleil, $ur le$quels on ver$e de l'eau.
<p>En 7. lieu, l'on remarque que la lu-
miere de la terre reflechie $ur la Lune
paroi$t beaucoup plus claire 2. ou trois
iours deuant, qu'apres $a conjonction
auec le Soleil, comme l'on experimen-
te en la regardant vers l'Orient, auant
que l'Aurore paroi$$e, car elle paroi$t
mieux qu'&agrave; l'Occident: ce qui arriue &agrave;
rai$on de l'hemi$phere terre$tre, qui e$t
oppo$&eacute; &agrave; la Lune d'Orient, car ce co$t&eacute;
de la terre contient toute l'A$ie, &amp; a
plus de terre que de mer: mais l'autre
hemi$phere, qui c&otilde;tient le grand Oce&atilde;
Atlantique, e$t oppo$&eacute; &agrave; la Lune Occi-
dentale, &amp; l'experience en$eigne que
la reflexion de l'eau e$t plus foible que
celle de la terre. D'o&ugrave; l'on ne peut pas
<pb n=209>
conclurre que la Lune $oit compo$ee
de terre &amp; d'eau, d'autant que la dif-
ference de ces lumieres peut arriuer
pour d'autres rai$ons.
<p>En 8. lieu les parties de la Lune les
plus polies $ont les moins claires, &amp; f&otilde;t
$es macules, comme l'on remarque aux
lignes des bords qui $eparent la partie
illumin&eacute;e d'auec l'autre, car les lieux
o&ugrave; il n'y a point de macules, paroi$$ent
merueilleu$ement inegales, &amp; comme
remplies d'herbes, d'arbres, ou de m&otilde;-
tagnes, au lieu que les lieux des macu-
les paroi$$ent tre$-egaux.
<p>En 9. lieu, il conclud qu'il n'y a point
d'habitans dans la Lune, ou que s'il y
en a qu'ils $ont entierement differens
d'auec ceux de la terre, &agrave; rai$on qu'elle
e$t differemment illumin&eacute;e par le So-
leil, car toute $a $urface n'e$t illumin&eacute;e
qu'vne fois le mois, durant lequel elle
a $es 4. $ai$ons, au lieu que la plus gran-
de partie de la terre qui e$t illumin&eacute;e
chaque iour, n'a les $iennes que dans vn
an. Et puis les Tropiques de la terre
$ont &eacute;loignez de 47. degrez, &amp; ceux
de la Lune n'ont que 10. degrez, qui
font la largeur du ventre du Dragon:
<pb n=210>
&amp; finalement l'on n'a iamais ob$eru&eacute;
de nu&eacute;c dans la Lune, comme dans la
terre.
<HR>
<C>QVESTION XLV.</C>
<C><I>Qui a-il de remarquable dans le $econd
Dialogue de Galil&eacute;e.</I></C>
<p>IL s'efforce de per$uader le mouue-
ment annuel de la terre dans cette 2.
partie par les rai$ons qui $uiuent, car
puis qu'il a fallu pour le bien des hom-
mes que tout l'vniuers, &amp; particuliere-
m&etilde;t les e$toiles, &amp; le Soleil enui$agea$t
les differentes parties de la terre, il $em-
ble qu'il e$t plus rai$onnable qu'elle
fa$$e $on tour en 24. heures, que de fai-
re tourner le Soleil, &amp; les e$toiles en
me$me temps, puis que le circuit, &amp; le
chemin de la terre e$t quatorze mille
fois plus court, &amp; que l'&otilde; $e mocqueroit
de celuy qu&igrave; feroit tourner vne ville
toute entiere au tour de $oy, pour en
voir toutes les mai$ons, au lieu de $e
tourner $oy me$me $ur vne tour pour
la voir.
<p>Dans la 109. page, il remarque que
<pb n=211>
le mouuement des corps e$t $eulement
&agrave; l'&eacute;gard des autres corps qui $ont
priuez de ce me$me mouuement, &amp;
qu'Ari$tote a peruerti cet axiome en
$ub$tituant que tout ce qui a mouue-
ment, $e doit mouuoir $urvne cho$e im-
mobile; d'o&ugrave; il conclud que le grand
mouuement qu'ont les a$tres de l'O-
rient &agrave; l'Occident ne peut e$tre appell&eacute;
mouuement &agrave; leur &eacute;gard, mais $eule-
ment en le compar&atilde;t auec la terre, par-
ce qu'il $e fait pour elle $eule; or elle
peut $uppleer tous ces mouuemens en
$e tournant elle me$me, &amp; la nature
cherche tou$iours, &amp; $uit le chemin le
plus court. Et puis $i la terre e$toit im-
mobile, il faudroit que les a$tres eu$$ent
deux mouuem&etilde;s contraires en me$me
temps, &agrave; $&ccedil;auoir le diurne d'Orient en
Occident, &amp; le propre d'Occident en
Orient, lequel ils ont $eulement en
mettant la mobilit&eacute; de la terre: quey
que l'on luy pui$$e r&eacute;pondre que les
a$tres qui $e meuuent plus vi$te de me$-
me co$t&eacute;, ont du mouuement &agrave; l'&eacute;gard
de ceux dont le mouuem&etilde;t e$t plus tar-
dif, &amp; que $i l'on $&ccedil;auoit toutes les rai-
$ons que Dieu cognoi$t, &amp; tous les ef-
<pb n=212>
fets &amp; les rencontres qui doiuent e$tre
dans tout l'vniuers, que l'on iugeroit
qu'il e$t plus &agrave; propos que la terre $oit
immobile.
<p>Mais il adiou$te que les plus grands
cercles, ou $pheres du monde $ont plus
de temps &agrave; faire leur circuit que les
moindres, car Saturne fait le $ien en 30.
ans, Iupiter en 12. Mars en 2. le Soleil
en vn, la Lune dans vn mois; &amp; $i l'on
con$idere les $atellites de Mars, le pre-
mier fait $on cours dans 42. heures, le
2. en trois iours &amp; demy, le 3. en 7. &amp; le
4. en $eize. Or la terre ne peut e$tre
immobile $ans troubler cet ordre, car
il faut pa$$er tout d'vn coup iu$ques
aux e$toiles qui $e meuuent en 24. heu-
res, au lieu que leur mouuement de-
uroit e$tre fort tardif, puis que leur
$phere e$t beaucoup plus grande que
celle de Saturne, &amp; con$equemment
qu'elle deuroit e$tre immobile, de peur
que l'on $oit contraint d'auo&uuml;er que les
e$toiles, qui pa$$ent par l'&eacute;quinoctial,
$e meuuent tre$-vi$te, &amp; que celles qui
approchent du pole $e meuuent tre$-
lentement. Certes ces rai$ons ne per-
$uadent nullement, dautant qu'il n'y a
<pb n=213>
nulle ab$urdit&eacute; que les a$tres, qui ont
les plus grandes $pheres, aillent plus vi-
$te; &amp; l'ordre fixe, &amp; permanent qu'ils
tiennent dans le firmament $olide, ou
liquide, ne prouue autre cho$e $in&otilde;l'ad-
mirable $age$$e de l'Ouurier qui les a $i
bien di$po$ez, qu'ils ne peuuent iamais
abandonner leur rang. L'autre rai$on
pri$e de la facilit&eacute; qu'il y a de mouuoir
la terre in differ&etilde;te au repos &amp; au mou-
uement, puis qu'elle na point d'autre
$u$pen$ion que $on propre poids, ou
&eacute;quilibre, &amp; qu'il n'e$t pas po$$ible que
le premier mobile raui$$e tous les au-
tres cieux, que quant &amp; quant il n'&eacute;-
branle la terre, qui n'a nul appuy hors
de $oy, $emble e$tre plus forte; encore
que l'on pui$$e r&eacute;p&otilde;dre que Dieu l'em-
pe$che de $e mouuoir, &amp; que $on c&etilde;tre
affermit tellement toutes $es parties
qu'il les tient tou$iours dans vn me$me
lieu: &amp; il n'e$t pas plus difficile &agrave; Dieu
de rendre chaque partie de la circonfe-
rence immobile, que le centre.
<p>Iclai$$e maintenant plu$ieurs autres
cho$es, dont il traite dans ce 2. Dialo-
gue, &amp; dans le 3. &amp; le 4. dautant que
i'en re$eruele di$cours, &amp; l'exam&etilde; par-
<pb n=214>
ticulier pour vn liure entier, c'e$t pour-
quoy j'adiou$te $eulement icy le iuge-
ment, &amp; la cen$ure que les Cardinaux
ont fait &agrave; Rome, de $on liure, &amp; de $es
opinions, afin que nul ne $e lai$$e $ur-
prendre dans ces matieres.
<C>COROLLAIRE.</C>
<p>Il n'e$t pas nece$$aire d'expliquer icy
les rai$ons pour le$quelles Galil&eacute;e a e$t&eacute;
condamn&eacute;, tant parce que l'hi$toire en
$eroit trop longue, que parce que la
$entence, &amp; le procez qui $uit en de-
clare vne partie, comme l'on verra &agrave; la
$uite du di$cours, qui contient premie-
rement les noms des Cardinaux qui y
ont a$$i$t&eacute;.
<C><I>Sentence contre Galil&eacute;e, &amp; contre $es Dialo-
gues du mouuement de la terre.</I></C>
<p>NOus Ga$par du titre de $aincte
Croix en Ieru$alem, Borgia.
Frere F&oelig;lix Centino du titre de $ainct
Ana$ta$e dit d A$coli.
<p>Guido du titre de $ainte Marie du Peu-
ple, Bennuoglio.
<pb n=215>
<p>F. De$ir&eacute; Scaglia de $ainct Charles, dit
Cremone.
<p>F. Anthoine Barberin dit de S. Onu-
phre.
<p>Laudiuius Zacchia du titre de S. Pier-
re &eacute;s Liens, dit de S. Sixte.
<p>Berlingerius du titre de S. Augu$tin
Ge$$o.
<p>Fabrice du titre de S. Laurent in pane
&amp; perna Vero$pi, appellez Pre$tres.
<p>Fran&ccedil;ois de S. Laur&etilde;t in Dama$o Bar-
berin, &amp; Martius de Ste Marie neufue
Ginetto, Dlicres par la mi$ericorde de
Dieu, Cardinaux de la $aincte Egli$e
Romaine, Inqui$iteurs Generaux de la
$aincte Foy Apo$tolique, en toute la
Republique Chre$tienne, $pecialem&etilde;t
deputez contre l'here$ie.
<p>Comme ain$i $oit que toy Galil&eacute;e,
fils de feu Vincent Galil&eacute;e Florentin
&acirc;g&eacute; de 70. ans, as e$t&eacute; denonc&eacute; en ce S.
Office d&eacute;s l'ann&eacute;e 1613. que tu tenois
pour vraye la fau$$e doctrine en$eign&eacute;e
par quelques-vns, &agrave; $&ccedil;auoir que le So-
leil e$t le centre du monde, &amp; qu'il e$t
immobile, &amp; que la terre $e meut au$$i
d'vn mouuement journalier; que tu
auois quelques di$ciples au$quels tu
<pb n=216>
en$eignois la me$me doctrine; que tou-
chant la me$me cho$e tu entretenois
corre$pondance auec quelques Mathe-
maticiens d'Allemagne: que tu auois
fait imprimer quelques lettres intitu-
l&eacute;es, <*>, dans le$quel-
les tu expliquois la me$me doctrine
comme vraye: qu'aux obiections ti-
r&eacute;es de la $aincte E$criture que quel-
quefois l'on tefai$oit, tu re$pondois en
glo$ant ladite E$criture conform&eacute;m&etilde;t
&agrave; ton $entiment: &amp; qu'en $uite la co-
pie d'vn &eacute;crit en forme de lettre fut
pre$ent&eacute;e, que l'on di$oit auoir e$t&eacute; e$-
crite par toy &agrave; vn certain ton di$ciple,
en laquelle $uiuant l'expo$ition de Co-
pernic, $ont contenu&euml;s diuer$es propo-
$itions contre le vray $ens, &amp; l'authori-
t&eacute; de la $aincte E$criture.
<p>Pour ce $uiet le $ainct Office voulant
pouruoir au de$ordre, &amp; au dommage
qui prouenoit de l&agrave;, &amp; qui s'alloit aug-
ment&atilde;t an preiudice de la $aincte Foy.
Par l'ordonnance de $a Sainctet&eacute;, &amp;
des Eminenti$$imes &amp; Reuerendi$$i-
mes Seigneurs Cardinaux de cette $ou-
ueraine. &amp; vniuer$elle Inqui$ition, les
deux propo$itions de la $tabilit&eacute; du So-
<pb n=217>
leil, &amp; du mouuement de la terre, ont
e$t&eacute; qualifi&eacute;es par les Theologi&etilde;s Qua-
lificateurs, &agrave; $&ccedil;auoir,
<p>Que cette propo$iti&otilde;, <I>La terre n'e$t point
le centre du monde, <*>i immohile, mais elle $e
meut, me$me du mouuement iournalier,</I> e$t
vne propo$ition ab$urde, &amp; fau$$e en la
Philo$ophie, &amp; que con$ider&eacute;e en
Theologie, elle e$t au moins erron&eacute;e
en la Foy.
<p>Mais parce que l'on vouloit alors
proceder enuers toy auec douceur, il
fut decret&eacute; dans la Congregati&otilde; tenu&euml;
en la pre$ence de $a Sainctet&eacute; le 29. de
Feburier 1616. que l'Eminenti$$ime
Seigneur Cardinal Bellarmin t'enioi-
gni$t que tu eu$$e &agrave;quitter entierement
ladite fau$$e opinion, &amp; qu'au cas que
tu refu$a$$e de ce faire, le Commi$$aire
du S. Office te fei$t commandement
de quitter ladite doctrine, &amp; que tu ne
continua$$e plus &agrave; l'en$eigner aux au-
tres, ni &agrave; la deffendre, ni &agrave; en traiter.
que $i tu n'aquie$$ois &agrave; ce commande-
ment, tu fu$$e mis en pri$on, &amp; en exe-
cution du me$me Decret, le iour $ui-
uant dans le Palais, &amp; en la pre$ence
du $u$dit Eminenti$$ime $eigneur Car-
<pb n=218>
dinal Bellarmin, apres auoir e$t&eacute; beni-
gnement aduerti &amp; admone$t&eacute; par le
me$me $eigneur Cardinal, il te fut fait
commandement par le Pere Commi$-
$aire du S. Office, qui e$toit pour lors
auec vn Notaire, &amp; des te$moins, que
tu eu$$e &agrave; quitter du tout ladite fau$$e
opini&otilde;, qu'&agrave; l'aduenir tu ne peu$$e plus
la tenir, ni la def$endre, ny l'en$eigner
en fa&ccedil;on quelconque, ny de viue voix,
ny par &eacute;crit; ce qu'ayant promis tu fus
licenti&eacute;. Et afin d'abolir entierement
vne $i pernicieu$e doctrine, &amp; d'empe$-
cher qu'elle n'alla$t $e gli$$ant plus au&atilde;t
au grand preiudice de la verit&eacute; Catho-
lique, il emana vn Decret de la Con-
gregation de l'Index, par lequel les li-
ures qui traitent d'vne telle doctrine
furent deffendus, &amp; cette me$me do-
ctrine declar&eacute;e fau$$e, &amp; du tout con-
traire &agrave; la $aincte E$criture.
<p>Et dernierement ayant icy paru vn
liure imprim&eacute; &agrave; Florence l'an pa$$&eacute;,
dont l'in$cription mon$troit que tu en
e$tois l'autheur, letitre e$tant tel, Dia-
logues de Galil&eacute;e Galilei des deux prin-
cipaux $y$temes du monde Ptolemai-
que, &amp; Copernique, &amp; en $uite la $ain-
<pb n=219>
te Congregation e$tant inform&eacute;e que
par l'impre$$i&otilde; dudit liure la fau$$e opi-
nion du mouuement de laterre, &amp; de
l'immobilit&eacute; du Soleil prenoit plus de
pied de iour en iour, &amp; s'e$tendoit de
plus en plus; apres que ledit liure fut di-
ligemm&etilde;t con$ider&eacute;, l'on y trouua l'ex-
pre$$e tran$gre$$ion du $u$dit comman-
dement, qui t'auoit e$t&eacute; fait, le me$me
liure deffendu continuant ladite opi-
nion de$ia c&otilde;damn&eacute;e, &amp; declar&eacute;e pour
telle en ta pre$ence, encore que tut'ef-
forces dans ledit liure de per$uader par
differentes rai$ons que tu la lai$$e, com-
me indetermin&eacute;e, &amp; expre$$&eacute;ment pro-
bable, ce qui $emble vn erreur (vne
opinion declar&eacute;e, &amp; definie pour con-
traire &agrave; la $ainte E$criture, ne pouuant
en nulle fa&ccedil;on e$tre probable)
<p>Et pour ce $uiet par no$tre ord&otilde;nan-
cetu as e$t&eacute; appell&eacute; &agrave; ce S. Office, o&ugrave;
apres ton $erment e$tant examin&eacute; tu as
reconnu que tu as compo$&eacute;, &amp; fait im-
primer le liure, &amp; as confe$$&eacute; qu'il y a
enuiron 10. ou 12. ans, qu'aprez que
l'on t'eut fait le $u$dit comm&atilde;dement,
cu c&otilde;men&ccedil;as &agrave; &eacute;crire ledit liure, lequel
cu as dem&amacr;d&eacute; cong&eacute; de faire imprimer,
<pb n=220>
$ans toutesfois notifier &agrave; ceux qui t'ont
donn&eacute; cette licence, que tu auois com-
mandement de ne point tenir, ni en-
$eigner en aucune maniere vne tello
doctrine.
<p>Tu as pareillement confe$$&eacute; que ce
qui e$t contenu audit liure e$t tellem&etilde;t
deffendu en plu$ieurs lieux que le le-
cteur peut $e former cette pen$ee que
les argumens rapportez pour la partie
fau$$e e$tant deduis, &amp; enoncez en tel-
le maniere, ils $ont plus pui$$ans pour
conuaincre, que faciles &agrave; $oudre, t'ex-
cu$ant d'e$tre tomb&eacute; en cet erreur ($i
&eacute;loign&eacute; comme tu as dit) de ton inten-
tion, pour auoir &eacute;crit en forme de dia-
logues, &amp; par la naturelle complai$an-
ce que chacun a en $es propres $ubtili-
tez, &amp; &agrave; $e faire paroi$tre plus $ubtil que
le commun des hommes, &amp; me$mes &agrave;
trouuer des di$cours ingenieux, &amp; des
rai$onnemens probables en apparence,
pour appuyer des propo$irions fau$$es.
<p>Et t'ayant e$t&eacute; determin&eacute; vn temps
conuenable pour faire tes deffences,
tu as produit vne Atte$tation &eacute;crite de
la main de l'Eminenti$$ime Cardinal
Bellarmin que tu auois procur&eacute;e, com-
<pb n=221>
me tu as dit, pour te deffendre des ca-
lomnies de tes ennemis, qui di$oient
que tu auois fait vne abjuration, &amp; que
tu auois e$t&eacute; penitenti&eacute; par le S. Office;
par laqueile atte$tation il e$t dit que tu
n'auois fait aucune abjuration, &amp; que
tu n'auois point au$$i e$t&eacute; penitenci&eacute;,
mais que l'on t'auoit $eulem&etilde;t pronon-
c&eacute; la declaration faite par $a Sainctet&eacute;,
&amp; publi&eacute;e par la Sacr&eacute;e Congregation
de l'Index, d&atilde;s laquelle il e$t port&eacute; que
la doctrine du mouuement de la terre,
&amp; de l'immobilit&eacute; du Soleil e$t contrai-
re aux $aintes E$critures, partant qu'el-
le ne $e peut deffendre, ni tenir, &amp; que
par con$equent n'y e$tant faite aucune
mention des deux parties du comman-
dement, &agrave; $&ccedil;auoir <I>docere,</I> &amp; <I>quouis modo,</I>
l'on doit croire que dans le cours de 14.
ou 16. ans tu en auois perdu toute me-
moire, &amp; que pour la me$me rai$on tu
auois teu le commandement, quand tu
as demand&eacute; la licence de pouuoir faire
imprimer le liure, &amp; que tu di$ois tout
cela, non pour excu$er ta faute, mais
afin que l'on ne l'attribu&euml; n&otilde; &agrave; vne ma-
lice, mais &agrave; vne ambition.
<p>Mais tu es demeur&eacute; plus charg&eacute; par
<pb n=222>
l'atte$tation que tu as produite pour ta
deffence, puis qu'il e$t port&eacute; par icelle
que ladite opinion e$t contraire &agrave; la
$amcte E$criture, tu as neantmoins o$&eacute;
en traiter, &amp; la deffendre comme pro-
bable, la licence que tu as extorqu&eacute;e
auec artifice, &amp; fine$$e, ne te peut e$tre
fauorable, n'ayant pas notifi&eacute; le com-
mandement que tu auois.
<p>Et nous e$tant auis que tu n'auois pas
dit entierement la verit&eacute; touchant ton
intention, nous iugea$ines qu'il e$toit
nece$$aire de proceder contre toy &agrave; l'e-
xamen rigoureux, auquel $ans aucun
preiudice des cho$es par toy c&otilde;fe$$&eacute;es,
&amp; deduites contre toy, comme cy de$-
$us, tu as r&eacute;pondu catholiquement $e-
lon ta dite intention.
<p>Partant veu meurement, &amp; examin&eacute;
l'importance de cette ti&etilde;ne cau$e auec
te$dires confe$$ions &amp; excu$es, &amp; tel-
le que l'on deuoit rai$onnablement
voir, &amp; con$iderer, nous auons proce-
d&eacute; contre toy &agrave; la $entence definitiue
e$crite cy apres.
<p>A yant donc inuoqu&eacute; le Tre$-$ainct
nom de no$tre Seigneur Ie$us-Chri$t,
&amp; de la tre$-glorieu$e Mere tou$iours
<pb n=223>
Vierge Marie, par cette no$tre $enten-
ce deffinitiue, laquelle $eansicy en no-
$tre Tribunal, du con$eil &amp; aduis des R.
P. Mai$tres en la $aincte Theologie, &amp;
Docteurs de l'vn &amp; l'autre droit nos
con$ulteurs, nous profer&otilde;s en ces &eacute;cri-
tures en la cau$e &amp; &eacute;s cau$es agit&eacute;es
pardeu&atilde;t nous entre l'honorable Char-
les Syncero Docteur de l'vn, &amp; l'autre
droit, Procureur Fi$cal de ce $ainct Of-
$ice d'vne part, &amp; toy Galil&eacute;e Galilei
$u$dit coupableicy pre$ent&eacute;, interrog&eacute;,
pour$uiuy, &amp; confe$$&eacute; comme de$$us
de l'autre. Nous di$ons, pronon&ccedil;ons,
&amp; decern&otilde;s, que toy calil&eacute;e $u$dit pour
les cho$es deduites au procez, &amp; par toy
confe$$&eacute;es commede$$us, t'es rendu
grandement $u$pect d'here$ie &agrave; ce S.
Office, &agrave; $&ccedil;auoir d'auoir tenu, &amp; creu
la doctrine fau$$e, &amp; c&otilde;traire aux $ain-
tes &amp; diuines E$critures, que le Soleil
e$t le centre du monde, &amp; qu'il ne $e
meut pas d'Orient en Occident, &amp; que
la terre $e meut, &amp; n'e$t pas le centre
du monde, &amp; que l'&otilde; peut tenir &amp; def-
fendre pour probable vne opini&otilde; apres
auoir e$t&eacute; declar&eacute;e, &amp; definie pour con-
traire &agrave; l'E$criture $aincte, &amp; qu'en $ui-
<pb n=224>
te tu as encouru toutes les cen$ures, &amp;
peines des $acrez Canons, &amp; autres
con$titutions generales, &amp; particulieres
impo$&eacute;es, &amp; promulgn&eacute;es contre $em-
blables delinquans, dont nous con-
$ent&otilde;s que tu $ois ab$ous, pourueu que
tu abiure, &amp; maudi$$e, &amp; dete$te de-
uant nous auec vn c&oelig;ur $incere, &amp; vne
foy non <*>e les $u$dites erreurs, &amp;
here$ies, &amp; toute autre erreur, &amp; here-
$ie contraire &agrave; l'Egli$e Apo$tolique &amp;
Catholique, en la maniere &amp; en la for-
me que nous te donnerons.
<p>Et afin que ce$te grande erreur, &amp;
cette tran$gre$$ion que tu as commis
ne demeure pas entierement impunie,
&amp; que tu $ois plus adui$&eacute; &agrave; l'aduenir, &amp;
que tu $erue d'exemple aux autres, afin
qu'ils s'ab$tiennent de $emblables fau-
tes, Nous ordonnons que par vn Edit
public, le liure des Dialogues de Gali-
l&eacute;e Galilei $oit deffendu, te condam-
nons aux pri$ons formelles de ce no$trc
$ainct Office pour le temps qu'il nous
plaira, &amp; pour penitence $alutaire t'im-
po$ons que durant les trois ann&eacute;es $ui-
uantes tu die vne fois la $emaine les 7.
P$eaumes Penitentiels, nous re$eruans
<pb n=225>
le pouuoir de moderer, changer, &amp; le-
uer du tout, ou en partie les peines, &amp;
penitences $u$dites. Et ain$i di$ons,
pronon&ccedil;ons, decernons, declarons, or-
donnons, condamnons, &amp; re$eruons en
ce$te, &amp; en toute autre meilleure ma-
niere, &amp; forme que derai$on nous pou-
uons, &amp; deuons, <I>Ita pronunciamus nos
Cardinales infra$cripti.</I>
<p><I>Fr. Cardinalis de A$culo.</I>
<p><I>G. Gardinalis Bentiuolus.</I>
<p><I>Fr. D. Cardinalis de Cremona.</I>
<p><I>Fr. Ant. Cardinalis S. Onofrij.</I>
<p><I>B. Cardinalis Gyp$ius.</I>
<p><I>F. Cardinalis Vero$pius.</I>
<p><I>M. Cardinalis Gine$tus.</I>
<p>Ie Galil&eacute;e fils de feu Vincent Galilet
&acirc;g&eacute; de 70. ans, con$titu&eacute; per$onnelle-
ment en iugement, &amp; ageno&uuml;ill&eacute; de-
uant vous Eminenti$$imes, &amp; Reuer&etilde;-
di$$imes Seigneurs Cardinaux Inqui$i-
teurs Generaux en toute la Republi-
que Chre$tienne contre la malignit&eacute;
heretique, ayant deuant mes yeux les
Sacro $aincts Eu&atilde;giles, le$quels ie tou-
che de mes propres mains, iure que i'ay
tou$iours creu, crois maintenant, &amp;
moyennant l'ayde de Dieu croiray &agrave;
<pb n=226>
l'aduenir tout ce que la $aincte Egli$e
Catholique, Apo$tolique, &amp; Romai-
ne tient, pre$che, &amp; en$eigne; mais dau-
tant que par ce $ainct Office, pour auoir
dit qu'il n'auoit e$t&eacute; de $a part me$me
iuridiquement inthim&eacute; auec comman-
dement que i'eu$$e &agrave; quiter entierem&etilde;t
la fau$$e opinion, que le Soleil e$t le
centre du monde, &amp; qu'il ne $e meut
point, &amp; que i'eu$$e &agrave; ne point tenir, ny
deffendre, ny en$eigner en $a&ccedil;on quel-
conque, ny de viue voix, ny par &eacute;crit
ladite fau$$e doctrine, &amp; dit qu'il m'a-
uoit e$t&eacute; notifi&eacute; que ladite doctrine e$t
contraire &agrave; la $aincte E$criture, &amp; fait
imprimer vn liure, dans lequel le traite
la me$me doctrine de$ia condamn&eacute;e, &amp;
apporte des rais&otilde;s auec beaucoup d'ef-
ficace en $a faueur, $ans donner aucune
$olution, i'ay e$t&eacute; iug&eacute; grandement $u$-
pect d'here$ie, &agrave; $&ccedil;auoir d'auoir tenu, &amp;
creu que le Soleil e$t le centre du mon-
de, &amp; immobile, &amp; que la terre n'e$t
point le centre, &amp; qu'elle $e meut.
<p>Partant voulant o$ter de l'e$prit de
vos Emin&etilde;ces, &amp; de tout fidelle Chre-
$tien ce vehement $oup&ccedil;on, rai$onna-
blement con&ccedil;eu contre moy, Ieiure, ie
<pb n=227>
dete$te, &amp; maudis d'vn c&oelig;ur $incere, &amp;
d'vne foy n&otilde; feinte les $u$dites erreurs,
&amp; here$ies, &amp; generalement toutes &amp;
chacune autre erreur, here$ie, &amp; $ecte
contraire &agrave; la $u$dite Sce Egli$e, &amp; iure
qu'&agrave; l'aduenir ie ne diray ny n'affirme-
ray plus iamais de voix, ou par e$crit
telles cho$es, &agrave; rai$on de$quelles on
pui$$e auoir vn $emblable $oup&ccedil;on de
moy. Que plu$to$t $i ie viens &agrave; connoi-
$tre quelque heretique, ou quelqu'vn
qui en $oit $u$pect, ie le d&eacute;nonceray &agrave;
ce $ainct Office, ou bien &agrave; l'Inqui$iteur,
ou &agrave; l'ordinaire du lieu o&ugrave; il $era. Ie iu-
re au$$i, &amp; promets d'accomplir, &amp; gat-
der entierement toutes les penitences
qui m'ont e$t&eacute;, ou me$eront impo$ees
par ce.S. Office. Et auant que ie con-
treuienne &agrave; aucune de me$dites pro-
me$$es &amp; iuremens (ce que Dieu ne
vueille) ie me $ou$mets &agrave; toutes les pei-
nes, &amp; les punitions, qui $ont impo$&eacute;es,
&amp; promulgu&eacute;es par les $acrez Canons,
&amp; autres Con$titutions generales, &amp;
particulieres contre $emblables delin-
quans. Ain$i Dieu m'a$$i$te, &amp; ce $ont
les $ainctes Euangiles que ie touche.
<p>Ie Galil&eacute;e Galilei $u$dit ay abjur&eacute;,
<pb n=228>
iur&eacute;, promis, &amp; me $uis oblig&eacute; comme
de$$us, &amp; en t&eacute;moignage de la verit&eacute;,
l'ay $ou$crit de ma propre main la pre-
$ente cedule de mon abiuration, &amp;
l'ay recit&eacute;e de mot &agrave; mot &agrave; Rome dans
le Conuent de la Mineure ce iourd'huy
22. de Iuin 1633.
<p>Ie Gahl&eacute;e Galilei ay abiur&eacute; comme
de$$us de ma propre main.
<HR>
<C>QVESTION XLVI.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir $i la Nature &amp; les $ens $e plai$ent
&agrave; la variet&eacute;, &amp; &agrave; la diuer$it&eacute; des ob-
iects, &amp; pour quelles rai$ons elle
y prend plai$ir.</I></C>
<p>BIen que cette que$tion $emble n'a-
uoir pas be$oin d'e$tre prouu&eacute;e c&otilde;-
me e$tant conced&eacute;e de tout le monde,
neantmoins elle e$t plus difficile que
plu$ieurs ne $e l'imaginent, car la rai$on
n'en e$t pas connue; c'e$t pourquoy le
temps qui $era employ&eacute; &agrave; l'expliquer,
ne $era pas perdu, pourueu que nous
pui$$ions produire les rai$ons, &amp; les cau-
$es de $a verit&eacute;, puis qu'elle e$t l'vn des
<pb n=229>
principaux fondemens de la compo$i-
tion de Mu$ique, &amp; de l'att que les
Grecs appellent Melopo&eacute;e. Or cette
propo$ition $ignifie pre$que vne me$me
cho$e que ce qui $e dit aux &eacute;coles, <I>Na-
tura diuer$o gaudet.</I> Mais on peut parler
de la nature en plu$ieurs manieres, car
elle $e pr&etilde;d quelquefois pour celuy qui
a fait la nature, c'e$t &agrave; dire pour l'Au-
theur de l'vniuers, &amp; e$t appell&eacute;e dans
les &eacute;coles <I>Nature Naturante,</I> c&otilde;me tout
ce qui a e$t&eacute; fait, e$t appell&eacute; <I>Nature Na-
tur&eacute;e:</I> D'autrefois elle $e prend pour
l'e$$ence de chaque cho$e, particuliere-
ment pour celle de l'homme qui e$t
l'abreg&eacute; du monde, &amp; qui contient la
nature intellectuelle, la $en$itiue, &amp; la
vegetante.
<p>Si nous parlons de la nature qui $igni-
$ie l'Autheur de l'vniuers, c'e$t cho$e
a$$eur&eacute;e qu'il $e plai$t &agrave; la diuer$it&eacute;, puis
qu'il a fait toutes les differances des
e$tres, &amp; des natures qui compo$ent les
cieux, &amp; les elemens, car il ne peut fai-
re que ce qu'il luy plai$t: De l&agrave; vient
que nous pouuons meriter la vie eter-
nelle par le plai$ir que nous prenons &agrave;
contempler toutes les riche$$es &amp; les
<pb n=230>
diuer$itez qui $ont au monde, $i toutes-
fois nous le rapportons &agrave; celuy de Dieu,
&amp; $i nous le conformons &agrave; celuy duquel
le no$tre e$t l'image.
<p>Si nous prenons la nature pour l'e$-
$ence, ou les facultez de chaque cho$e,
il n'y a que celles qui ont du $entiment,
ou la vie $en$itiue, qui pui$$ent recenoir
du plai$ir. Nous ne $&ccedil;auons pas me$me
$i les oy$eaux, &amp; les autres animaux qui
n'ont que l'ame $en$itiue, prennent du
plai$ir &agrave; ce qu'ils font &agrave; proprem&etilde;t par-
ler; caril $emble que le plai$ir con$i$te
en la reflexion que fait l'e$prit $ur les
operations des $ens, qui luy $ont agrea-
bles &amp; qu'il $oit be$oin de quelque li-
bert&eacute;, $i on veut que l'action ou la pa$-
$ion $oit plai$ante, car $i nous e$tions
contraints de m&atilde;ger, de flairer les bon-
nes odcurs, ou d'entendre la Mu$ique,
ces actions contraintes $e c&otilde;uertiroient
en d&eacute;plai$irs. Non que <*>e veuille icy
determiner $i les oy$eaux ont du plai$it
&agrave; chanter, &amp; les autres animaux &agrave; $e
jo&uuml;er en$emble, ou s'ils en ont, quel il
peut e$tre, dautant que cette difficult&eacute;
merite vn traict&eacute; particulier; il me $uf-
fit de dire $eulement qu'ils ne $ont pas
<pb n=231>
contraints &agrave; faire ce qu'ils font encore
qu ils le fa$$ent nece$$airement: car le
ro$$ignol, par exemple, ne peut quitter
$on chant, s'il n'arriue quelque cho$e
de nouueau qui le nece$$ite de ce$$er:
&amp; ne peut commencer, s'il ne re$$ant
quelque aiguillon, dont il e$t tellem&etilde;t
picqu&eacute;, qu'il ne peut y re$i$ter, $embla-
ble aux fleurs<*> qui s'ouurent nece$$aire-
ment &agrave; la pre$ence du Soleil, &amp; qui $e
ferment en $on ab$ence; autiement il
faudroit aduo&uuml;er que les be$tes $eroi&etilde;t
libres en leurs actions, ce qui n'appar-
rient qu'&agrave; la nature intelle ctuelle &amp; rai-
$onnable, qui porte la re$$emblance de
la libert&eacute; Diuine, &amp; qui par la preroga-
tiue de $a libert&eacute; e$t au$$i &eacute;loign&eacute;e de
l'imperfection des animaux, que le ciel
e$t &eacute;loign&eacute; de la terre. Par con$equent
on peut dire que le ro$$ignol, ou les au-
tres oy$eaux ne peuuent re$i$ter &agrave; la
douceur, &amp; au charme des voix &amp; des
luths, qu'ils $uiuent dans les bois, ou
ailleurs, d&otilde;t ils $ont au$$i pui$$amm&etilde;tou
du moins au$$inece $$airem&etilde;t attir&eacute;s que
les carro$$es le $ont par les cheuaux qui
les meinent: Ce qu'il faut encore con-
clurre des autres objects, au$quels $e
<pb n=232>
portent, ou plu$to$t $ont portez les ani-
maux, qui $uiuent ce qui leur e$t conue-
nable, comme le fer $uit l'aymant. Ce
qui n'e$t pas de me$me en la nature rai-
$onnable, qui a vn contentement plein
de libert&eacute;, &amp; &agrave; qui ie veux appliquer
cette propo$ition, car c'e$t pour les h&otilde;-
mes que i'&eacute;cris de la mu$ique, bi&etilde; qu'el-
le face de grands effects $ur les autres
cho$es anim&eacute;es, &amp; inanim&eacute;es, comme
i'av dit &amp; demon$tr&eacute; aux autres liures.
<p>Ce que nous cerchons donc, ce $ont
les rai$ons pourquoi nous nous plai$ons
&agrave; la diuer$it&eacute; des obiects, &amp; nomm&eacute;-
ment, pourquoy la $uite de differents
accords nous plai$t dauantage, que la
continuation d'vn me$me accord, en-
core que cettuy-cy $oit le plus agreable
de toute la Mu$ique: par ex&etilde;ple, pour-
quoy la continuation de l'octaue, ou de
la quinte, qui$ont les deux c&otilde;$onances
les plus excellentes, &amp; les plus agrea-
bles, ne nous contente autant ou da-
uantage que le m&eacute;l&amacr;ge des tierces, des
$extes, &amp;c. auec la quinte &amp; l'octaue.
Il en e$t de me$me des autres obiects,
car on remarque que le $ucre qui e$t $i
agreable nous d&eacute;plai$t $i nous en v$ons
<pb n=233>
$ouuent, &amp; le verd ne nous e$t pas $i
agreable, que nous n'aimions mieux le
quitter pour voir d'autres couleurs qui
ne nous $ont pas $i conformes.
<p>Certainement $i nous con$iderons le
plus parfait obiect de chaque $ens com-
me $a fin derniere, &amp; que, par exemple,
le doux $oit la felicit&eacute; du gou$t, le verd
des yeux, l'odeur de l'&oelig;illet du flairer,
le parfait poly du toucher, &amp; l'octaue
de l'o&uuml;ie, il $era, ce me $emble, a$$ez
difficile de dire pourquoy nos $ens $e
plai$ent &agrave; la diuer$it&eacute;, puis qu'ils doi-
uent $e repo$er dans la po$$e$$ion de ce
qui leur e$t le plus conforme, &amp; de ce
qui leur apporte la plus grande perfe-
ction qu'ils pui$$ent receuoir: $i ce n'e$t
qu'on die que le parfait obiect de cha-
que $ens doit contenir toutes les cho-
$es d&otilde;til e$t capable: Par exemple, que
l'obiect de l'oreille, ou de l'o&uuml;ie, doit
contenit toutes les con$onances, &amp;
me$me toutes les di$$onances formel-
lem&etilde;t, ou en &eacute;mmance: que l'obiect du
gou$t doit c&otilde;tenirtoutes les$aueurs, c&otilde;-
me on dit de la m&atilde;ne que Dien enuoya
aux enfans d'I$rael; que l'obiect de la
veu&euml; doit embra$$er toutes les couleurs
<pb n=234>
&amp; toute la lumiere, &amp;c. ce qui n'arriue-
ra qu'en Paradis, ou l'e$$ence Diuine
$era le parfait obiect de l'entendement
des bien-heureux, &amp; ou les $ens io&uuml;i-
ront de la perfection de leurs obiects,
dont il $era trait&eacute; plus amplement dans
le dernier liure, qui $era de la Mu$ique
des bien-heureux. Il $uffit de $&ccedil;auoir
&amp; d'experimenter que les obiects de
nos $ens n'ont pas icy leur perfection,
ou que les $ens s&otilde;t priuez de celle qu'ils
auront apres la re$urrection: Mais par-
lant $eulem&etilde;t des $ens dont nous nous
$eruons maintenant, nous pouu&otilde;s dire
qu'ils $e plai$ent &agrave; lavariet&eacute; de leurs ob-
iects, afin qu'ils pui$$ent trouuer $epa-
r&eacute;ment, ce qu'ils ne peuuent rencon-
trer en vne cho$e, &amp; qu'ils $e forment
quelque id&eacute;e de la perfection &agrave; laquelle
ils a$pirent. D'abondant les organes
des $ens $ont compo$ez des quatre ele-
mans, &amp; ont leurs quatre qualitez, &amp;
celles qui en nai$$ent qu'on appelle $e-
condes, de l&agrave; vient qu'ils ont be$oin de
toutes les $ortes d'obiects pour leur $a-
tisfaction, dont les vns $ont plus terre-
$tres, les autres ont plus d'eau, &amp;c. afin
qu'ils trouuent aux vns, ce qui n'e$t pas
aux autres.
<pb n=235>
<p>Mais il faut &agrave; mon aduis tirer la prin-
cipale rai$on de l'e$prit, puis que c'e$t
luy qui re&ccedil;oit le plai$ir par le moien des
$ens qui n'ont nulle connoi$$ance, &amp;
qui $eruent $eulement de matiere, &amp;
d'in$trum&etilde;t &agrave; l'ame. L'e$prit de l'hom-
me qui e$t capable de connoi$tre tout
ce qui e$t intelligible, de$ire tou$iours
d'appr&etilde;dre cho$es nouuelles, del&agrave; vient
que $i to$t qu'il a entendu la quinte ou
l'octaue, &amp; qu'il a io&uuml;y de tout le plai$ir
qui s'y rencontre, il de$ire incontinent
de s'appliquer &agrave; d'autres connoi$$ances,
&amp; de gou$ter le plai$ir qui e$t aux autres
con$onances, encore qu'il $oit plus im-
parfaict que celuy dont il io&uuml;i$$oit au-
parauant; afin que $a perfection $oit
augment&eacute;e, qui con$i$te dans vne con-
noi$$ance qui $oit plus grande en $on
e$tendu&euml; ou en $a perfecti&otilde;, qu'elle n'e-
$toit auparauant.
<p>A quoy il faut adiou$ter que l'e$prit
de l'homme luy a e$t&eacute; baill&egrave; en partage
en contre-&eacute;change de plu$ieurs autres
cho$es, qui $ont tomb&eacute;es au lot des au-
tres animaux, pour $uppl&eacute;er qua$i &agrave; tout
ce qui luy pourroit manquer; &amp; com-
me toute $orte de cho$es ne peuuent
<pb n=236>
pas e$tre employ&eacute;es &agrave; me$me v$age, il
ta$che &agrave; les connoi$tre toutes pour s'en
$eruir &agrave; l'occa$ion; que $i vne $eule cho-
$e luy $uffi$oit, il $eroit content de $a
$eule connoi$$ance, mais e$tant en la
nature comme vn Roy d&atilde;s vn Royau-
me, qui comme &eacute;leu&eacute; plus $plendide-
ment, &amp; nourry plus delieatement a
be$oin pour $a per$onne de beaucoup
de cho$es, dont $es $ujets, &amp; le re$te du
peuple $e pa$$ent, il a n&otilde;bre d'officiers,
de valets, &amp; de pouruoieurs; au$$i l'e$-
prit de l'homme employe tous les $ens,
&amp; les enuoye &agrave; la proui$ion de tout ce
que la nature a e$tably icy bas, pour s'en
$eruir, non $eulement en $es nece$$itez,
mais au$$i &agrave; $es plai$irs &amp; c&otilde;tentemens.
<p>Di$ons d'abondant que les hommes
ayment la diuer$it&eacute; comme infirmes, &amp;
peri$$ables, pui$que la vie des hommes
ne $e con$erue qu'en peri$$ant. Du pre-
mier iour qu'il commence, il court &agrave; $a
fin, &amp; quoy que toutes $es actions ten-
dent &agrave; $on augm&etilde;tation, c&otilde;me actions,
neantmoins elles c&otilde;$omment vne par-
tie de luy me$me. Tous les $ens $ub$i-
$tent par les e$prits, qui $ont portez par
les nerfs &agrave; l'organe du $ens, &amp; les e$prits
<pb n=237>
$e con$omment en l'action, de $orte
qu'il e$t be$oin de repos pour les repa-
rer. Or les vnes des actions $ont repos
&agrave; proportion des autres, le trop long re-
pos e$t oi$if, &amp; le trop long trauail e$t
de$trui$ant, il faut d&otilde;c qu'ils $uccedent
l'vn &agrave; l'autre, &amp; de cette $ucce$$ion nai$t
la diuer$it&eacute;, &amp; de cette diuer$it&eacute; le plai-
$ir, comme en la Mu$ique, l'octaue $e
peut dire le repos entier, la quinte vn
grand $oulagement, la quarte vn tra-
uail leger, la tierce vn plus court, la
$exte vn moindre, la $econde &amp;
$eptie$me des trauaux in$uppor-
tables, &amp; qui accablent. Or comme
celuy qui e$t charg&eacute; d'vn lourd far-
deau, &amp; qui luy fait ployer les reins, &amp;
flechir les genoux, s'e$time e$tre dans
le contentement parfait de $on corps,
lors qu'il en e$t d&eacute;charg&eacute; tout &agrave; coup,
au$$i celuy qui apres auoir o&uuml;y vne $e-
conde, ou vne $eptie$me, vient &agrave; enten-
dre promptement vne octaue, croit
e$tre dans le plus grand plai$ir que l'e$-
prit $e pui$$e imagmer pouuoir receuoir
par l'oreille.
<p>Or l'on peut conclurre plu$ieurs cho-
$es de ce di$cours, particulierem&etilde;t que
<pb n=238>
tout ce qui e$t trop $imple, &amp; tout ce
qui n'a point de diuer$it&eacute; ne plai$t pas
aux $ens, ny &agrave; l'imagination. De l&agrave;
vient que $i le $on le plus agreable du
monde, $oit de la voix ou des in$tru-
m&etilde;s, e$t long temps continu&eacute;, qu'il e$t
de$agreable, dautant qu'il n'a point de
variet&eacute;: s'il e$t interrompu, comme il
e$t quand l'on fait quclque po$e, qu'il
e$t plus agreable, encore qu'il $oit au$$i
bien &agrave; l'vni$$on, que quand il e$t conti-
nu&eacute;, parce que l'interruption apporte
quelque maniere de variet&eacute;: Si auec
ces po$es il e$t accompagn&eacute; de differen-
tes $yllabes, &amp; parolles, qu'il e$t plus
agreable que quand il e$t $eulement in
terrompu: Si le $on change de qua ntit&eacute;
$e fai$ant plus aigu, comme il a riue au
plain chant, qu'il e$t plus agreable que
le $on vni$$on qui a des $yllabes, com-
me e$t le chant de quelques Religieux;
&amp; finalement, $i auec l'interruption, &amp;
la difference des $yllabes, &amp; le change-
ment du graue &agrave; l'aigu, il a les differens
mouuemens de la Rythmique, ou de la
Metrique, qu'il e$t $ouuerainement
agreable, dautant qu'il a toutes les
beautez que l'on luy peut donner pour
le varier.
<pb n=239>
<p>Il ne faut pourtant pas que la diuer-
$it&eacute; $oit trop grande pour plaire, com-
me nous dirons au trait&eacute; des di$$onan-
ces, ou nous mon$trerons qu'elles ne
plai$ent pas, mais qu'elles $ont de$a-
greables &agrave; cau$e de leur trop grande di-
uer$it&eacute;: encore qu'il $oit tre$-difficile
de dire combien la diuer$it&eacute; doit e$tre
grande en toutes cho$es pour comm&etilde;-
cer &agrave; d&eacute;plaire, &amp; qu'il y ayt d'autres
cau$es du deplai$ir que l'imagination
con&ccedil;oit des objects.
<p>L'on peut encore conclurre de ce
di$cours, que ce que l'on appelle beau,
ou beaut&eacute;, ne doit pas e$tre indiui$ible,
ou trop $imple, mais qu'il doit auoir de
la diuer$it&eacute;: par exemple, $i toutes les
parties du vi$age e$toient $emblables, il
ne $eroit pas $i beau qu'il e$t: &amp; $i l'on
ne remar quoit l'ordre des differentes
parties d'vn ba$timent, &amp; qu'il fu$t tout
vniforme, l'&otilde; ne le trouueroit pas beau.
<p>Mais il e$t difficile de $&ccedil;auoir quelle
doit e$tre la diuer$it&eacute; de l'obiect: par
exemple, quels lineamens, quelle figu-
re, quelle grandeur, quelle couieur, &amp;
quel poly doit auoir le vi$age, pour e$tre
raui$$ant: &amp; ce ie ne $&ccedil;ay quoy qui nous
<pb n=240>
attire, &amp; qui s'empare de no$tre affe-
ction, quand nous regardons quelque
vi$age qui nous plai$t, ne peut e$tre ex-
pliqu&eacute;, ny entendu.
<p>La me$me difficult&eacute; $e rencontre en
plu$ieurs autres cho$es, c&otilde;me aux edi-
fices, aux colomnes, aux figures, &amp; en
tous les autres corps du monde, de $or-
te qu'il n'y a, ce$emble, que Dieu qui
$&ccedil;ache le vray point de la perfection, &amp;
de la beaut&eacute; de chaque cho$e, &amp; qui
connoi$$e parfaitem&etilde;t quelle doit e$tre
la diuer$it&eacute; de chaque object pour rauir
l'e$prit, ou les $ens: de $orte que la plus
grande e$t&etilde;du&euml; de l'e$prit humain con-
$i$te &agrave; remarquer les apparences de la
nature, &amp; particulierement celles qui
frappent, &amp; qui contentent les $ens;
quoy que l'e$prit e$t&atilde;t l'image de Dieu
$e doiue &eacute;leuer, tant qu'il peut par de$-
$us les $ens iu$ques &agrave; la Diuinit&eacute;, dans
laquelle il n'y a plus de variet&eacute;.
<C>FIN.</C>
<pb>
<C>LES
MECHANIQVES
DE G ALILE'E
MATHEM A TICIEN
&amp; Ingenieur du Duc de Florence.</C>
<C><I>AVEC PLVSIEVRS ADDITIONS
rares, &amp; nouuelles, vtiles aux Archite-
ctes, Ingenieurs, Fonteniers, Phi-
lo$ophes, &amp; Arti$ans.</I></C>
<C>Traduites de l'Italien par L.P.M.M.</C>
<FIG>
<C>A PARIS,
Chez HENRY GVENON, ru&euml; S. Iacques,
pr&eacute;s les Iacobins, &agrave; l'image S. Bernard.</C>
<HR>
<C>M. DC. XXXIV.
<I>AVEC PRIVILEGE ET APPROBATION.</I></C>
<pb>
<FIG>
<C>A MONSIEVR
MONSIEVR
DE REFFVGE,
CONSEILLER DV
Roy au Parlement.</C>
<p>MONSI&Euml;VR,
<p><I>Puis qu'il y a huict ans que ie vous
pre$entay les liures de Mechaniques en
lat<*>, &amp; que ie fais voir le iour &agrave; ce
nouueau traitt&eacute; de Galil&eacute;e, qui donne
de nouuelles lumieres &agrave; cette $cience, ile $t
rai$onnable que ie vous l'offre au$$i
bien que l'autre, affin que vous $oyez le
premier &agrave; receuoir le contentement que
l'on &agrave; cou$tume de re$$entir en li$ant
tout ce qui vient de la part de c&eacute;t excel-
lent homme, qui a l'vn des plus $ubtils</I>
<pb>
<I>e$prits de ce $iecle. Si la traduction
$emble quelque fois ob$cure, &agrave; rai$on des
fautes du <*>anu$crit Italien ie ne doute
nullem&etilde;t que la clairt&eacute; &amp; la viuacit&eacute; de
vu$tre e$prit n'en di$$ipe ay$ement tous
les n&uuml;ages, Quant aux additions que
i'y ay mi$es, ellesvous $eront au$$i agrea-
bles que lere$te, parce qu'elles contien-
nent de nouuelles $peculations, qui peu-
uent $eruir pour penetrer les $ecrets de
la Phyfique &amp; particulierement
tout <*> qui concerne les mouuemens t&atilde;t
naturels que violents. Mais i'estime
que l'ordre, &amp; le reglement admirable
que la nature ob$erue dans les forces
mouuantes, vous donnera encore plus
de plai$ir, parce que vousy verrez re-
luire vne &eacute;quit&eacute;, &amp; vne iustice perpe-
tuelle qui $e garde, &amp; que l'on remar-
que $i iu$tement entre la force, la re$i-
$tence, le t&etilde;ps, la vi$te$$e &amp;, le$pace, que
l'vn rec&otilde;pen$e tou$iours l'autre, car $i le
mouuem&etilde;t est viste, il faut beaucoup de</I>
<pb>
<I>force &amp; s'il e$t l&etilde;s, vnepetite force $uffit.
En effet il e$timpo$$ible de gaigner la for-
ce, &amp; le t&eacute;ps tout ens&etilde;ble, c&otilde;me il e$t im-
po$$ible qu'vn homme iouy$$e des plai-
$irs fola$tres du monde &amp; de ceux du
Ciel en me$me temps: de $orte que les
Mechaniques peuuent en $eigner &agrave; bien
viure, $oit en imitant les corps pe$ans
quicherchent tou$iours leur centre dans
celuy de la terre comme le $prit de l'hom.
me doit chercher le $ien dans l'e$$ence
diuine qui e$t la $ource de tous les e$prits
ou en $e tenantdans le perpetuel &egrave;quili-
bre moral, &amp; rai$onnable qui con$i$te &agrave;
rendre premierement &agrave; Dieu, &amp; puis
au prochain tout ce que luy appartient.
L'autheurde ce trait&eacute; a obmis beaucoup
de cho$es, par ex&etilde;ple il n'a point parl&eacute;du
coin qui e$t l'in$trum&etilde;t le plus fort de to<*>
car $a force en partie depend de l'incli-
nation du plan, comme Guid Vbalde
demon$tre dans le trait&eacute;, qu'il en a fait,
de $orte que le coin entre dautant plus</I>
<pb>
<I>ay$ement qu'il e$t plus e$troit, &amp; que
$es co$tez panchent dauantage $ur l'ho-
riz on, c'e$t &agrave; dire qu'ils font de moin-
dres angles. Or ce me $me principe e$t
cau$e de ce que les cousteaux coupent $i
ay$ement, &amp; de plu$ieurs autres effects
que l'on peut remarquer en mille cho$es,
dont on cognoi$tra les rai$ons $i on li$t
auec attention les traitez,</I> della Vite,
del Cuneo, della Taglia, della
Leua, della Bilancia, &amp; dell' A$$e
nella Rota, <I>que Guido Vbalde a com-
po$ez: d'o&ugrave; $e tire la nature des Ver-
rins, des Crics, des Pre$$es, &amp; de tout
ce qui $ert &agrave; augmenter, &agrave; con$eruer, ou
&agrave; diminuer la force, ou le temps.
La force du coin depend au$$i de la per-
cu$$ion, qui e$t $i admirable qu'il n'y a
point de fardeau $i lourd, que l'on ne
pui$$e faire rem&uuml;er &amp; cheminer auec
des coups de marteau, pour petits qu'ils
pui$$ent e$tre, ce que l'on tient que
Galil&eacute;e a experiment&eacute; en frappant $i</I>
<pb>
<I>$ouuent contre vn grand coffre auec vn
marteau d'&eacute;pinette, qu'il la fait chan-
ger de place &amp; la fait auancer d'vn
pied: ce que plu$ieurs ne croyront nulle-
ment encore qu'ils ne prennent pas la
peine d'en faire l'experience laquelle e$t
tres digne de con$ideration, car elle peut
$eruir d'vn principe pour entrer plus
auant dans les $ecrets de la nature. Ie
lai$$e plu$ieurs autres cho$e<*>, qui $em-
blent admirables, &amp; que vous pouuez,
experimenter quand il vous plaira;
ie vous en diray $eulement vne des plus
rares, laquelle vous verrez en iett&atilde;tvne
bale, ou vne boule en haut le plus droit
que vous pourrez, lors que vous estes
dans vostre carro$$e, ou a cheual, &amp;
lors qu'ils courent de telle vi$te$$e que
vous voudrez, car la boule vous $ui-
ura, tellement que vous la pourrez rece-
uoir dans la main encore que le carro$$e,
ou le cheual ayent fait cent pas tandis
que la boule aura e$t&eacute; dans l'air. Et $i</I>
<pb>
<I>vous la lai$$ez t&otilde;ber, elle vous $uiura
d'autant plus loing que le cheual ira
plus viste. Galil&egrave;e a encore lai$$&eacute; dau-
tres cho$es dans $on traict&eacute; comme il e$t
ay$&eacute; de voir dans les trois liures de
Mechaniques que ie vous ay pre$entez
&amp; qui peuuent $uppl&eacute;er &agrave; ce que l'on
pourroit icy de$irer; de $orte qu'il n'e$t
pas nece$$aire que ie m'e$tende plus au
long$ur ce $ubiect, qui d&eacute;pend entiere-
ment du centre de pe$anteur, que l'on
trouue dans toutes $ortes de corps par
les moyens, que Commandin &amp; Luc
Valere ont donn&eacute;, dont vous auez tou-
tes les propo$itions.</I>
<p><I>Ie croy que $i la Iu$tice pouuoit par-
ler qu'elle c&otilde;fe $$eroit ingenu&euml;ment qu'il
n'y a nulle $cience naturelle: qui luy
$oit $i $emblable que celles des Mecha-
niques, c'e$t pourquoyie vous l'offre a$$in
de te $moigner l'estat que ie fais de vos
vertus, qui me contraignent d'auoir
la me$me affection pour vous, que pour</I>
<pb>
<I>celuy qui e$t aym&eacute; de Dieu &amp; des
hommes, de prier la diuine Maie$t&egrave; de
vous donner vne tres bonne $ant&eacute;,
qui $oit au$$i longue que ie le de$ire: &amp;
de me dire auec toute $orte de re$pect.</I>
<p>Vo$tre tres-humble
$eruiteur F. M. Mer-
$enne Minime.
<pb>
<C>PREFACE AV LECTEVR.</C>
<p>IE $eray content $i ie $uis cau$e
que le $ieur Galil&eacute;e nous don-
ne toutes $es $peculations des
mouuemens, &amp; de tout ce qui ap-
partientaux Mechaniques, car ce
qui viendra de $a part $era excel-
lent: c'e$t pourquoy ie prie ceux
qui ont de la corre$pondance &agrave;
Flor&eacute;nce, de l'exhorter par lettres
&agrave; donner au public toutes $es re-
marques, comme i'e$pere qu'il
fera puis qu'il a maintenant le
temps, &amp; la commodit&eacute; tres libre
dans $a mai$on des champs, &amp;
qu'il a cncor a$$ez de force, quoy
qu'il $oit plus que $eptuagenaire
pour acheuer toutes $es ocuures,
comme il a$$eure dans vne lettre
de $a main que l'on m'a commu-
niqu&eacute;e. Or en attendant ces trai-
cez excellent, l'on peut voir les
<pb>
3 liures des Mechaniques, que le
feis imprimer l'ann&eacute;e 1626; &agrave; quoy
i'aioute maintenant la con$idera-
tion des deux cercles qu'Ari$tote
a propo$ez dans la 24 que$tion de
$es Mechaniques, parce que plu-
$ieurs la trouu&etilde;t admirable dau-
tant qu'ils ne l'entendent pas.
Et pour ce $ujet $oit le grand cer-
cle ACB, &amp; le moindre FGH, il
<FIG>
e$t certain
que quand
le quart du
grand cercle
BD s'e$t meu
iu$ques au
poinct O, de
$orte que le point D $erencontre
au point O, que le point E du
quart du moindre cercle FE $e r&etilde;-
c&otilde;tre au point N, &amp; c&otilde;$equ&etilde;ment
que le petit cercle fait autant de
chemin que le grand en me$me
<pb>
temps, pui$que le plan FN $ur le-
quel il $e meut e$t &eacute;gal au plan
DO, $ur lequel roule le grand.
<p>D'o&ugrave; quelques vns conclunt
qu'il n'y a point de $i petit cercle
que l'on ne le pui$$e dire &eacute;gal au
plus grand qui $e pui$$e imaginer,
puis qu'il re$p&otilde;d &agrave; vn e$pace &eacute;gal
Car plu$ieurs croyent que les par-
ties du petit ne trainent point,
qu'elles ne froi$$ent nullement le
plan, &amp; que chaque point, &amp; cha-
que partie de $a circonference
touche $eulem&etilde;t &agrave; chaque point,
&amp; &agrave; chaque partie du plan. Il faut
dire la me$me cho$e du grand
cercle &agrave; l'&eacute;gard du petit, lors que
le grand $e meut par le mouue-
ment du petit, car le grand dimi-
nu&euml; $on chemin $uiuant les traces
du petit, de $orte que $i le petit
ne fait qu'vn pied de Roy dans vn
tour, le grand quoy qu'&eacute;gal au
<pb>
Ciel des e$toiles, ne fait au$$i
qu'vn pied de Roy dans vn tour.
Ce que quelques vns expliquent
par le moyen de la rarefaction, &amp;
dela conden$ation, en compar&atilde;t
le mouuement du grand cercle &agrave;
celle-cy, &amp; le mouuement du
moindre &agrave; celle la, qu&atilde;d le moin-
dre e$t meu par le plus gr&atilde;d, &amp; au
contraire, lors que le moindre
meut le plus grand. Or il faut
aduo&uuml;er que la negligence des
hommes e$t &eacute;trange, qui $e trom-
pent $i $ouuent pour ne vouloir
pas faire la moindre experience
du monde &amp; qui $e trauaillent e&ngrave;
vain &agrave; la recherche des rai$ons
d'vne cho$e qui n'e$t point, com-
me il arriue en celle cy, car le
petitcercle ne meut iamais legr&atilde;d
que plu$ieurs parties du grand
ne touchent vne me$me partie
du plan, dont chaque partie e$t
<pb>
touch&eacute;e par cent parties dif-
ferentes du grand cercle quand
il e$t cent fois plus grand que l'au-
tre. Et lors que le petit e$t meu
parle grand, vne me$me partie
du petit, touche cent parties du
grand, comme l'experience fera
voir &agrave; tous ceux qui la feront en
a$$ez grand volume.
<p>Les me$mes erreurs arriuent en
plu$ieurs autres chofes, ce qui a
donn&eacute; $uiect &agrave; quelques vns d'e$-
crire <I>derebus fal$&ograve; creditis,</I> dont ie
donneray cncore icy vn exem-
ple. L'on croyt que $i on iette vne
pierre en haut le plus droit que
l'on peut: lors que l'on e$t dans
vn nauire qui $ingle &agrave; pleins voi-
les, ou dans vn carro$$e qui va en
po$te, que la pierre tombera de-
riere le licud'ou l'on la iette, quoy
que l'experience en$eigne qu'elle
retombe dans la main qui la iette
<pb>
en core que le nauire, ou le carro-
$$e fa$$e cent pas, tandis que la
pierre e$t dans l'air.
<p>Mais ie re$erue la rai$on de cecy
pour vn autre lieu, affin que ie ne
$ois pas containct de faire vne
preface, qui &eacute;gale le liure qui $uit
c'e$t pourquoy i'aio&ucirc;te $eulem&etilde;t
qu'auant que l'on entreprenne
les ouurages o&ugrave; les Machines
doiuent entrer, &amp; que l'on $e $er-
ue des ingenieurs &amp; arti$ans, qu'il
e$t &agrave; propos de leur faire expo$er
leurs de$$eins, &amp; leurs modelles en
public, &amp; particulierem&etilde;t &agrave; la ve&ucirc;e
des excellents Geometres qui $&ccedil;a-
uent les vrayes rai$ons de toutes
$ortes de Machines, &amp; qui peuu&etilde;t
preuoir les inconueniens, &amp; les
ob$tacles de l'air, de l'eau, &amp; des
autres circon$tances, &agrave; faute de-
quoy il arriue trop $ouuent que
plu$ieurs font des de$pen$es ex-
<pb>
ce$$iues dans leurs mai$ons o&ugrave; ils
veulent faire de grandes &eacute;leuati&otilde;s
d'eau, en $e $eruant de certains in-
genieurs, qui $e di$&etilde;t tres-experts,
&amp; qui neantmoins $ont contrains
de s'enfuir honteu$ement, lors
qu'ils n'ont peu venir &agrave; bout de
leurs de$$eins.
<p>Or pour &eacute;uiter ces de$pences
inutiles, il faudroit afficher par
les ru&euml;s, ou aduertir publiquem&etilde;t
de l'ouurage que l'on veut entre-
prendre, affin que tous les inge-
nieurs apporta$$ent leur modelle
en $ecret &agrave; iour nomm&eacute; &amp; qu'il
fu$t examin&eacute; par les plus habiles
Mathematiciens, par les inge-
nieurs, &amp; par les charpentiers de
moulins, qui choi$iroi&etilde;t le meil-
leur de$$ein. Car il faut ioindre la
pratique &agrave; la theorie non $eule-
ment dans l'execution, mais au$$i
dans l'&eacute;lection, des modelles, affin
<pb>
qu'il n'y ayt rien &agrave; redire ny &agrave; re-
faire dans les ouurages de grand
cou$t, comme $ont les pompes
du pont neuf, &amp; du nouueau que
l'on a fait au bas du Louure, &amp;
que nul ne $e ruine &agrave; faire accom-
moder les lieux de plai$ir, ou l'on
veut auoir des fonteines des grot-
tes, des arcs en Ciel, &amp;c. Mais la
con$ideration des pompes merite
vn di$cours plus particulier, &amp;
cette preface e$t de$ia trop lon-
gue, c'e$t pourquoy i'ajoute $eu-
lement la table des Chapitres du
liure.
<pb>
<FIG>
<C>TABLE DV LIVRE</C>
<C>des Mechaniques.</C>
<TABLE>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. I.</TD>
<TD><I>Dans lequel l'vtilit&eacute; des
Mechaniques e$t expliqu&eacute;e.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. II.</TD>
<TD><I>Des definitions nece$$ai-
res pour la $cience de la
Mechanique.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. III.</TD>
<TD><I>Des $uppo$itions de cette
$cience.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD>CHAP. IV.</TD>
<TD><I>D'vn principe general.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. V.</TD>
<TD><I>Aduerti$$ement $ur les di$-
cours precedens.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. VI.</TD>
<TD><I>Du Tremeau, ou de la
Romaine de la Balance &amp;
du Leuier.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. VII.</TD>
<TD><I>Du tour de la Roue, de la
Griie &amp; du Cabe$tan &amp;c.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. VIII.</TD>
<TD><I>De la nature &amp; de la force
des Poulies.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD>CHAP. IX.</TD>
<TD><I>De la viz.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD VALIGN="TOP">CHAP. X.</TD>
<TD><I>De la viz d'Archimcde qui
$ert &agrave; &eacute;leuer l'eau.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD>CHAP. XI.</TD>
<TD><I>De la force de la</I> P<I>ercu$<*>ion.</I></TD>
</TR>
<TR>
<TD COLSPAN="2"><I>Ei puis plu$ieurs Additions.</I></TD>
</TR>
</TABLE>
<pb>
<HR>
<C><I>Fautes de l'Impre$$ion corrig&eacute;es.</I></C>
<p>Page 13, l. 13. <I>inegaux.</I> p. 16. l. 2. o$tez <I>de</I>
ligne 7. &amp; 8. DS <I>&agrave;</I> C. <I>de</I> page 21. ligne 14.
au lieu de P. li$ez D. p. 24. l. 1. au lieu de <I>e$t
&eacute;gal</I> li$ez. <I>$ont chacune egales,</I> l. 4. au lieu de <*>
li$ez <I>&amp;</I> A<I>tout au contraire.</I> p. 25. l. 18 pour <I>$ap
prochant</I> li$ez <I>appr<*>ent.</I> p. 26. corrigez les
lettres de la 2 ligne &amp; pour A de l'antepenul.
li$ez E. p. 28. l 1. <I>ro&uuml;e</I> p. 30. l. 7. l'Organe. l
25. apres B li$ez F p. 33. ligne 6 <I>l'extremit &eacute;</I>
A. l. 8. poids l.13. au lieu de F. li$ez C. l. 25.
apres fardeau li$. E.l. 26 pour C. <I>li$ez</I> G. p.
34. l. 1 AG.l. 3. <I>poids.</I> l. 10. pour E. li$ez. C.
p. 37. l. 16. apres <I>immobile</I> li$ez A. p. 41 l. 8.
pour des li$.du l.24. pour E li$ez <I>&amp;.</I> p.45.l. 8
pour B li$. D. p. 51. l. antep. pour <I>parce,</I> li$.<I>par.</I>
p. 52.l. penul. BM. p. 53 adio&uacute;tez la lettre P
au bas de la figure. p. 57. l. 10. CA.p. 7<*>
l. derniere effacez par.
<p>S'il y a quel qu'autre faute, le lecteur iudi-
cicux la $uppleera.
<pb>
<HR>
<C><I>PRIVILEGE DV ROY.</I></C>
<p>PAr lettres du Roy donnces &agrave; Paris
le mois d'Aou$t de l'ann&eacute;e 1629.
$ignees Perrochel, &amp; $eelees du grand
$ceau de cire iaune, il e$t permis au
P. M. Mer$enne Religieux Minime
de faire imprimer par tel Libraire que
bon luy $emblera <I>Plu$ieurs Traittez de
Philo$ophie, de Theologie, &amp; de Mathema-
tique.</I> Et deffences $ont faites &agrave; toutes
per$onnes de quelque qualit&eacute; qu'ils
$oient de les faire imprimer, vendre &amp;
diftribuer pendantle temps de $ix ans &agrave;
compter du iour que le$dits liures $e-
ront acheuez d'imprimer, comme il
e$t plus amplement port&eacute; dans les let-
tres dudit Priuilege.
<p>Etledit P. M. Mer$enne &agrave; con$enty &amp; con-
$ent que Henry Guenon io&uuml;i$$e dudit Pri-
uilege, comme il e$t plus amplement decla-
r&eacute; par l'accord fait entr eux.
<C>Et le$dits liures ont e$t&eacute; achen&eacute;s d'imprimer le
30. Iuin 1634.</C>
<pb n=1>
<FIG>
<C>LES
MECHANIQVES
DE GALILEE FLOREN-
TIN, INGENIEVR ET
Mathematicien du Duc
de Florence.</C>
<HR>
<C>CHAPITRE PREMIER.</C>
<C><I>Dans lequelon void la Preface quimon$tre
l'vtilit&eacute; des Machines.</I></C>
<p>AVANT que d'entrepren-
dre la $peculation des in-
$trumens de la Mechani-
que, il faut remarquer en
general les commoditez, &amp; les profits
que l'on en peut tirer, afin que les arti-
$ans ne croyent pas qu'ils pui$$ent $eruir
aux operations, dontils ne $ont pas ca-
<pb n=2>
pables, &amp; que l'on pui$$e leuer de gr&atilde;ds
fardeaux auec peu de force: car la na-
ture ne peut e$tre tromp&eacute;e, ni ceder &agrave;
$es droits: &amp; nulle re$i$tence ne peut
e$tre $urmont&eacute;e que par vne plus gran-
de force, comme ie feray voir apres: &amp;
con$equemment les Machines ne peu-
uent $eruir &agrave; leuer de plus grands far-
deaux que ceux qu'vne force &eacute;gale
peut leuer $ans l'ayde d'aucun in$tru-
ment: c'e$t pourquoy il faut expliquer
les vrayes vtilitez des Machines, afin
que l'on ne trauaille pas en vain, &amp; que
l'e$tude que l'on fera, re&uuml;$$i$$e heureu-
$ement.
<p>Il faut doncicy con$iderer 4. cho$es,
&agrave; $&ccedil;auoir le fardeau que l'on veut tran$-
porter d'vn lieu &agrave; vn autre: la force qui
le doit mouuoir; la di$tance par laquel-
le $e fait le mouuement; &amp; le temps
dudit mouuement, parce qu'il $ert pour
en determiner la vi$te$$e, puis qu'elle
e$t d'autant plus grande que le corps
mobile, ou le fardeau pa$$e par vne plus
grande di$tance en me$me temps: de
$orte que $i l'on $uppo$etelle re$i$tence,
telle force, &amp; telle di$t&atilde;ce determin&eacute;e
que l'on voudra, il n'y anul doute que
<pb n=3>
la force requi$e conduira le fardeau &agrave;
la di$tance donn&eacute;e, quoy que ladite
force $oit tre$-petite, pourueu que l'on
diui$e le fardeau en tant de parties que
la force en pui$$e mouuoir vne, car elle
les tr&atilde;$portera toutes les vnes apres les
autres; d'o&ugrave; il $'en$uit que la moindre
force du monde peut tran$porter tel
poids que l'on voudra.
<p>Mais l'on ne peut dire &agrave; la fin du tr&atilde;$-
port, que l'on ayt remu&eacute; vn grand far-
deau auec peu de force, puis qu'elle a
tou$iours e$t&eacute; &eacute;gale &agrave; chaque partie du
fardeau: de maniere que l'on ne gaigne
rien auec les in$trumens, dautant que $i
l'on applique vne petite force &agrave; vn gr&atilde;d
fardeau, il faut beaucoup de temps, &amp;
que $i l'on veut le tran$porter en peu de
temps, il faut vne grande force. D'o&ugrave;
l'on peut conclurre qu'il e$t impo$$ible
qu'vne petite force tran$porte vn gr&atilde;d
poids dans moins de temps qu'vne plus
grande force.
<p>Neantmoins les Machines $ont vti-
les pour mouuoir de grands fardeaux
tout d'vn coup $ans les diui$er, parce
que l'on a $ouuent beaucoup de temps,
&amp; peu de force, c'e$t pourquoy la lon-
<pb n=4>
gueur du temps recompen$e le peu de
force: Mais celuy-l&agrave; $e tromperoit qui
voudroit abreger le temps en n'v$ant
que d'vne petite force, &amp; mon$treroit
qu'il n'entend pas la nature des Machi-
nes, ny la rai$on de leurs effets.
<p>La $econde vtilit&eacute; des in$trumens
con$i$te en ce qu'on les applique &agrave; des
lieux d&otilde;t on ne pourroit tirer, ou tran$-
porter les fardeaux, &amp; beaucoup de
cho$es $ans leur ay de, comme l'on ex-
perim&etilde;te aux puits, d&otilde;t on tire de l'eau
auec vne chorde attach&eacute;e aux poulies,
ou aux arbres des ro&uuml;es, par le moyen
de$quelles on en tire vne qu&atilde;tit&eacute;, dans
vncertain t&etilde;ps, auecvne force limit&eacute;e,
$ans qu'il $oit po$$ible d'&etilde; tirer vne plus
grande quantit&eacute; auec vne force &eacute;gale,
&amp; en me$me temps. Au$$i les pompes
qui vuident le font des Nauires, n'ont
elles pas e$t&eacute; inuent&eacute;es pour pui$er, &amp;
tirer vne plus grande quantit&eacute; d'eau
dans le me$me temps, &amp; par la me$me
force dont on v$e en pui$ant auec vn
$eau, mais parce qu'il e$t inutile &agrave; cet
effet, dautant qu'il ne peut pui$er l'eau
$ans $'enfoncer dedans, car il faudroit
le coucher au fond pour pui$er obli-
<pb n=5>
quement le peu d'eau qui re$te: ce qui
ne peut arriuer, quand on le de$cend
auec vne chorde, qui le porte perpen-
diculairem&etilde;t: mais la pompe tire l'eau
iu$ques &agrave; la derniere goute.
<p>La 3. vtilit&eacute; des Machines e$t tres-
grande, parce que l'on euite les grands
frais &amp; le cou$t en vs&atilde;t d'vne force ina-
nim&eacute;e, ou $ans rai$on, qui fait les me$-
mes cho$es que la force des hommes
anim&eacute;e, &amp; conduite par le iugement,
comme il arriue lors que l'on fait meu-
dre les moulins auec l'eau des e$tangs,
ou des fleuues, ou auec vn cheual, qui
$uppl&eacute;e la force de 5. ou 6. hommes. Et
parce que le cheual a vne grande for-
ce, &amp; qu'il manque de di$cours, l'on
$uppl&eacute;e le rai$onnement nece$$aire, par
le moyen des ro&uuml;es &amp; des autres Ma-
chines qui $ont &eacute;branl&eacute;es par la force
du cheual, &amp; qui rempli$$ent, &amp; tran$-
portent le vai$$eau d'vn lieu &agrave; l'autre &amp;
qui levuident $uiuant le de$$ein de l'In-
genieur. Or il faut conclurre de tout
ce di$cours que l'on ne peut ri&etilde; gaigner
en force que l'on ne le perde en temps,
&amp; que la plus grande vtilit&eacute; des Machi-
nes c&otilde;$i$te &agrave; &eacute;pargner la d&eacute;pence, com-
<pb n=6>
me i'ay mon$tr&eacute;, &amp; con$equemment
que ceux qui trauaillent &agrave; $uppl&eacute;er la
force, &amp; le temps tout en$emble, ne
meritent nullement d'auoir du temps,
puis qu'ils l'employent $i mal, comme
l'on verra &agrave; la $uitte de ce trait&eacute;.
<HR>
<C>CHAP. II.</C>
<C><I>Des definitions, nece$$aires pour la $cience
des Mechaniques.</I></C>
<p>NOus commen&ccedil;ons ce trait&eacute; par les
definiti&otilde;s, &amp; par les $uppo$iti&otilde;s qui
$ont propres &agrave; cet art, afin d'en tirer les
cau$es, &amp; les rai$ons de tout ce qui ar-
riue aux Machines, dont il faut expli-
quer les effects, car chaque $cience a $es
definitions &amp; $es principes, qui $ont c&otilde;-
me des $emences tre$-fecondes, de$-
quelles nai$$ent toutes les conclu$ions,
&amp; le fruict que l'on en pretend retirer,
Or puis que les Machines $eruent ordi-
nairement pour tran$porter les cho$es
pe$antes, nous commen&ccedil;ons par la de-
finition de la <I>pe$anteur,</I> que l'on peut
au$$i nommer <I>grauit&eacute;.</I>
<pb n=7>
<C><I>Premiere definition.</I></C>
<p>La <I>pe$anteur</I> d'vn corps e$t l'inclina-
tion naturelle qu'il a pour $e mouuoir,
&amp; $e porter en bas vers le centre de la
terre. Cette pe$anteur $e rencontre
dans les corps pe$ans &agrave; rai$on de la qu&atilde;-
tit&eacute; des parties materielles, dont ils s&otilde;t
compo$ez; de $orte qu'ils $ont dautant
plus pe$ans qu'ils ont vne plus grande
quantit&eacute; de$dites parties $ouz vn me$-
me volume.
<C><I>Deuxie$me definition.</I></C>
<p>Le <I>moment</I> e$t l'inclination du me$-
me corps, lors qu'elle n'e$t pas $eule-
ment con$ider&eacute;e dans ledit corps, mais
conioinctement auec la $ituation qu'il
a $ur le bras d'vn leuier, ou d'vne balan-
ce; &amp; cette $ituation fait qu'il contre-
pe$e $ouuent &agrave; vn plus grands poids, &agrave;
rai$on de $a plus gr&atilde;de di$tance d'auec
le centre de la balance. Car cet &eacute;loi-
gnement e$tantioint &agrave; la propre pe$an-
teur du corps pe$ant, luy d&otilde;ne vne plus
forte inclination &agrave; de$cendre: de $orte
<pb n=8>
que cette inclination e$t compo$&eacute;e de
la pe$anteur ab$olu&euml; du corps, &amp; de l'&eacute;-
loignement du centre de la balance, ou
de l'appuy du leuier. Nous appellerons
donc tou$iours cette inclination com-
po$&eacute;e, <I>moment,</I> qui r&eacute;pond au <G>r(owh\</G> des
Grecs.
<C><I>Troi$ie$me definition.</I></C>
<p>Le centre de pe$anteur de chaque
corps e$t le point autour duquel toutes
les parties dudit corps $ont &eacute;galement
balanc&eacute;es, ou &eacute;quiponderantes: de $or-
te que $i l'on $'imagine que le corps $oit
$ou$tenu, ou $u$pendu par ledit point,
les parties qui $ont &agrave; main droite, con-
trepe$eront &agrave; celles de la gauche, celles
de derriere &agrave; celles de deuant, &amp; celles
d'enhaut &agrave; celles d'en bas, &amp; $e tien-
dront tellement en &eacute;quilibre, que le
corps ne s'inclinera d'vn co$t&eacute; ni d'au-
tre, quelque $ituation qu'on luy pui$$e
donner, &amp; qu'il demeurera tou$iours
en cet e$tat. Or le centre de pe$anteur
e$t le point du corps qui s'vniroit au c&etilde;-
tre des cho$es pe$antes, c'e$t &agrave; dire au
centre de la terre, s'il y pouuoit de$cen-
dre.
<pb n=9>
<HR>
<C>CHAP. III.</C>
<C><I>Des $uppo$itions de cet art.</I></C>
<C>I. SVPPOSITION.</C>
<p>TOut corps pe$ant $e meut telle-
ment en bas que le centre de $a
pe$anteur ne $ort iamais hors de la ligne
droite, qui e$t d&eacute;crite, ou imagin&eacute;e de-
puis ledit centre de pe$anteur iu$ques
&agrave; celuy de la terre. Ce qui e$t $uppo$&eacute;
auec rai$on, car puis que le centre de
pe$anteur de chaque corps $e doit aller
vnir au centre commun des cho$es pe-
$antes, il e$t nece$$aire qu'il y aille par
le chemin le plus court, c'e$t &agrave; dire par
la ligne droite, s'il n'a point d'empe$-
chement.
<C>II. SVPPOSITION.</C>
<p>Chaque corps pe$e principalement
$ur le centre de $a pe$anteur, dans le-
quel il rama$$e, &amp; vnit toute $on impe-
tuo$it&eacute;, &amp; $a pe$anteur.
<pb n=10>
<C>III. SVPPOSITION.</C>
<p>Le centre de la pe$anteur de deux
corps &eacute;galement pe$ans e$t au milieu
de la ligne droite qui conioint les cen-
tres de pe$anteur de$dits corps; c'e$t &agrave;
dire que deux corps &eacute;galement pe$ans,
&amp; &eacute;galement &eacute;loignez de l'appuy de la
balance ont le point de leur &eacute;quilibre
au milieu de la commune conjonction
de leurs &eacute;loignemens &eacute;gaux: par exem-
ple, la di$tance CA, e$tant &eacute;gale &agrave; la
di$tance CB, &amp; les deux poids &eacute;gaux
G &amp; H, e$tant $u$pendus aux points A
&amp; B, il n'y a nulle rai$on pour laquelle
ils doiuent plu$to$t s'incliner d'vn co$t&eacute;
que de l'autre.
<p>Mais il faut remarquer que la di$tan-
ce des poids, ou des corps pe$ans d'auec
<FIG>
l'appuy
$e doit
me$urer
par les li-
gnes perp&etilde;diculaires, qui tombent des
points de la $u$pen$i&otilde;, ou des centres de
la pe$anteur de chaque corps iu$ques
au centre de la terre. De l&agrave; vient que
<pb n=11>
la di$tance BC, e$tant tran$port&eacute;e en
CD, le poids D ne contrepe$era plus au
poids A, parce que la ligne tir&eacute;e du
point de $u$pen$ion, ou du centre de
pe$anteur du poids D iu$ques au c&etilde;tro
de la terre, $era plus proche de l'appuy
C, que l'autre ligne tir&eacute;e du point de la
$u$p&etilde;$ion de B, ou du c&etilde;tre de pe$anteur
du poids H. Il e$t donc nece$$aire que
les poids &eacute;gaux $oient tellement $u$-
pendus de di$tances &eacute;gales, que les li-
gnes perp&etilde;diculaires tir&eacute;es par les cen-
tres de leurs pe$anteurs au centre de la
terre, $e trouuent &eacute;gallem&etilde;t &eacute;loign&eacute;es
de l'appuy C, lors qu'elles pa$$eront
vis &agrave; vis d'iceluy.
<C>PREMIERE ADDITION.</C>
<p>La figure qui $uit explique mieux le
di$cours precedent, car il e$t cuident
que le poids E qui pend au leuier AB
&eacute;leu&eacute; en E ne pe$e que c&otilde;me s'il e$toit
au point K; &amp; quand il e$t en G, il ne
pe$e que comme s'il e$toit au point I.
Or l'&otilde; peut s'in$truire de plu$ieurs cho-
$es par cette figure; dont nous parler&otilde;s
apres, ie diray $eulementicy que NO,
<pb n=12>
repre$ente au$$i vn leuier parallele &agrave;
<FIG>
BA, ou $i l'on
veut, vne balan-
ce, dont le c&etilde;tre
ou l'appuy e$t en
D, &amp; que ce le-
uier peut $eruir
pour abbai$$er
les corps legers,
comme il arriue-
roit $i l'air e$toit retenu dans l'eau: par
exemple, $i LM e$toient des ve$$ies
remplies d'air, car de n'ageantes qu'el-
les $eroient $ur l'eau, la force appliqu&eacute;e
&agrave; N hau$$ant N vers A feroit abbai$$er
ledit air; de $orte que la Mechanique
peut au$$i bien s'appliquer, &amp; $eruir
pour abbai$er les corps legers, comme
pour hau$$er les pe$ans.
<HR>
<C>CHAP. IV.</C>
<C><I>Dans lequel l'vn des principes generaux. <*>s
Mechaniques e$t expliqu&eacute;.</I></C>
<p>APres auoir expliqu&eacute; les $uppo$i-
tions, il faut e$tablir vn principe
<pb n=13>
general, qui $ert pour demon$trer ce
qui arriue &agrave; toutes $ortes de Machines,
&agrave; $&ccedil;auoir que les poids inegaux $u$pen-
dus &agrave; des di$tances in&eacute;gales pe$ent &eacute;ga-
lement, &amp; $ont en &eacute;quilibre, quand le$-
dites di$tances ont me$me proportion
entr'elles que les poids. Ce qu'il faut
demon$trer par la troi$ie$me $uppo$i-
tion, dans laquelle il e$t dit, que les
poids &eacute;gaux pe$ent &eacute;galem&etilde;t lors qu'ils
$ont &eacute;galement &eacute;loignez de l'appuy: car
c'e$t vne me$me cho$e que d'attacher
des poids &eacute;gaux &agrave; des di$t&amacr;ces in&eacute;gales.
<p>Ce qui $e demon$tre par cette figure,
<FIG>
d&atilde;s laquel-
le DECF
repre$ente
vn cylindre
homogene,
ou de me$-
me nature
en toutes $es parties, lequel e$t attach&eacute;
par $es deux bouts C &amp; D aux points
AB, de $orte que la ligne AB e$t &eacute;gale
&agrave; la hauteur du cylindre CF.
<p>Il e$t certain que $i on l'attache par le
milieu au point G, qu'il $era en &eacute;quili-
bie, parce que $i l'on tiroit vne ligne
<pb n=14>
droite du point G au centre de la terre,
elle pa$$eroit par le centre de la pe$an-
teur du $olide EF, &amp; par con$equent
toutes les parties qui $ont &agrave; l'entour de
ce centre $eroient en &eacute;quilibre, par la 3.
definition, car c'e$t me$me cho$e que $i
l'on attachoit les deux moitiez du cy-
lindre aux deux points A &amp; B.
<p>Suppo$ons maintenant que le cylin-
dre $oit coupp&eacute; en deux parties in&eacute;ga-
les par les points, ou par la ligne SI, il
e$t certain qu'elles ne $eront pas &eacute;qui-
libres, &amp; con$equemment qu'elles ne
demeureront pas en la $ituation prece-
dente, n'ayant point d'autre $ou$tien
qu'aux points A &amp; B. Mais $i l'on atta-
che vne chorde au point H, pour $ou-
$tenir le poids par le point I, G $era en-
core le centre de l'&eacute;quilibre, parce que
l'on n'a pas chang&eacute; la pe$anteur, ny la
$ituation des parties du cylindre.
<p>D'o&ugrave; il s'en$uit que n'y ayant point de
changement aux parties du poids, ny
dans leur $ituation &agrave; l'&eacute;gard de la ligne
AB, le me$me point G demeurera le
centre de l'&eacute;quilibre, comme il l'a e$t&eacute;
d&eacute;s le commencement. Car puis que
la partie ES retiendra tou$iours la me$-
<pb n=15>
me di$po$ition que la ligne AH, &agrave; la-
quelle elle $era parallele, $i l'on y ad-
iou$te le lien NL pour $ou$tenir SD
par $on centre de pe$anteur, &amp; $i l'on
adiou$te $emblablement le lien MK
pour $ou$tenir la partie du cylindre CS
di$iointe d'auec SD, il n'y a nul doute
que ces deux parties demeureront en-
core en &eacute;quilibre au point G. Par o&ugrave;
l'on void que ces 2. parties e$tant ain$i
$u$pendu&euml;s, &amp; attach&eacute;es ont vn mo-
ment &eacute;gal, lequel e$t l'origine, &amp; la
$ource de l'&eacute;quilibre du point G, en fai-
$ant que la di$tance GN $oit d'autant
plus gr&aelig;nde que la di$tance GM, que
la partie du cylindre ES e$t plus gran-
de que la partie SD. Ce qu'il e$t ay$&eacute;
de demon$trer: dautant que la ligne
MH e$tant la moiti&eacute; de la ligne HA,
&amp; la ligne NH e$tant la moiti&eacute; de la li-
gne HB, toute la ligne MN $era la
moiti&eacute; de toute la ligne AB, dont GB
e$t encore la moiti&eacute;, de $orte que MN
&amp; BG $ont &eacute;gales entr'elles: de$quel-
les $i l'on o$te la commune partie GH,
MH $era &eacute;gale &agrave; GN.
<p>Or nous auons de$ia fait voir que
MG e$t &eacute;gale &agrave; HN. D'o&ugrave; il s'en$uit
<pb n=16>
qu'il y a me$me rai$on de MN &agrave; HN,
que de KI &agrave; LI, &amp; de la double de EI
&agrave; la double de DI, &amp; finalem&etilde;t du $o-
lide CS au $olide SD, dont CI, &amp; DI
$ont les hauteurs.
<p>Il faut donc conclurre qu'il y a me$-
me rai$on de MG &agrave; GN, que de CI &agrave;
DS, &amp; par con$equent que ces deux
corps CI &amp; DS ne pe$ent pas $eule-
ment &eacute;galement, quand leurs di$t&atilde;ces
d'auec l'appuy, ou le point d'o&ugrave; ils $ont
$u$pendus, $ont en rai$on reciproque de
leurs pe$anteurs, mais au$$i que c'e$tvne
me$me cho$e que $i l'on attachoit des
poids &eacute;gaux &agrave; des di$tances &eacute;gales: de
$orte que la pe$anteur de CS s'e$tend
&amp; $e communique en quelque maniere
virtuell<*>ment par del&agrave; le $ou$tien G,
duquel la pe$anteur ID s'&eacute;loigne, &amp; $e
retire, comme l'on peut comprendre
par ce di$cours. Ce <*>rriuera $em-
blablement $i ces corps cylindriques
$ont reduits, &amp; changez aux $pheres X
&amp; Z, ou en telles figures que l'on vou-
dra, car l'on aura tou$iours le me$me
&eacute;quilibre, la figure n'e$tant qu'vne qua-
lit&eacute;, laquelle n'a pas la pui$s&atilde;ce de la pe-
$anteur, qui deriue de la $eule qu&atilde;tit&eacute;.
<pb n=17>
<p><I>Il faut donc conclurre que les poids in&eacute;gaux
pe$ent &eacute;galement, &amp; produi$ent l'&eacute;quilibre,
lors qu'ils $ont $u$pendus de di$tances in&eacute;-
gales qui $ont en rai$on reciproque de$dits
poids.</I>
<HR>
<C>CHAP. V.</C>
<C><I>O&ugrave; l'on void quelques aduerti$$emens $ur
le di$cours precedent.</I></C>
<p>APres auoir dem&otilde;$tr&eacute; que les mou-
uements des poids in&eacute;gaux $ont
&eacute;gaux, quand ils $ont attachez &agrave; des
points, dont les di$tances d'auec l'ap-
puy ont me$me proportion que les
<FIG>
poids,
il faut
enco-
re re-
marquer vne autre propriet&eacute; qui con-
firme la verit&eacute; precedente, car $i l'on
con$idere la balance BD diui$&eacute;e en
parties in&eacute;gales par le point C, &amp; que les
poids $u$p&etilde;dus aux points B &amp; D $oient
en rai$on reciproque des di$tances BC,
&amp; CD, c'e$t &agrave; dire que le poids atta-
<pb n=18>
ch&eacute; &agrave; B $oit d'autant plus grand que le
poids attach&eacute; &agrave; D, que la di$tance CD
e$t plus grande que la di$tance CB, il
e$t certain que l'vn contrepe$era l'au-
tre, &amp; qu'ils $eront en equilibre: &amp; que
$i l'on adiou$te quelque cho$e &agrave; l'vn, par
exemple, au poids D, qu'il de$cendra
en bas en I, &amp; con$equemment qu'il
&eacute;leuera les poids B en G. Mais $i l'on
con$idere le mouuement du poids D,
&amp; du poids B, l'&otilde; trouuera que le mou-
uement de D de$cendant en I $ur pa$$e
autant le mouuement de B en G, com-
me la diftance DC $urpa$$e la di$tance
CB, ou CG, car les deux angles GCB,
&amp; DC I $ont &eacute;gaux, &amp; con$equemm&etilde;t
les deux parties de cercle d&eacute;crites par
D &amp; par B $ont $emblables, &amp; ont me$-
me proportion entr'elles que leurs $e-
midiametres BC, &amp; CD, par le$quels
elles ont e$t&eacute; d&eacute;crites.
<p>D'o&ugrave; il $'en$uit que la vi$te$$e du poids
D, qui de$c&etilde;d en I $urpa$$e autant cel-
le du poids B qui monte en G, que la
pe$anteur de B e$t plus grande que cel-
le de D; &amp; que l'on ne peut &eacute;leuer B
que D ne $e meuue plus vi$te: parce
que la vi$te$$e de D recomp&etilde;$e la gran-
<pb n=19>
de re$i$tence de B, qui monte lentem&etilde;t
en G, tandis que D de$cend bien vi$te
en I, de $orte que G a autant de tardi-
uet&eacute; que de pe$anteur, comme D a au-
tant de vi$te$$e que de legeret&eacute;.
<p>Or il e$t ay$&eacute; de conclurre par tout ce
di$cours la grande force qu'apporte la
vi$te$$e du mouuement, pour accroi$tre
<FIG>
la pui$-
$ance du
mobile,
laquelle
e$t d'autant plus grande que le mouue-
ment e$t plus vi$te. Mais auant que de
pa$$er outre, il faut remarquer que les
di$tances qui $ont entre les bras de la
balance, &amp; l'appuy doiuent e$tre me-
$ur&eacute;es par la di$tance horizontale: par
exemple, les poids A &amp; B $ont &eacute;gale-
ment &eacute;loignez de l'appuy C: c'e$t pour-
quoy ils $ont en &eacute;quilibre, qu'ils per-
dent, lors que le poids B e$t &eacute;leu&eacute; en D,
dautant que la ligne tir&eacute;e perpendicu-
lairem&etilde;t de D $ur l'horizon BCA vers
le centre de la terre, s'approche plus
pres de l'appuy C, que ne fait le point
B: &amp; parcant D ne pe$e pas tant que B,
&agrave; rai$on de $a $ituation, &amp; par con$e-
<pb n=20>
quent D n'e$t plus &eacute;quilibre &agrave; rai$on
que la di$tance horizontale de D &agrave; C
e$t moindre que celle de B &agrave; C.
<HR>
<C>CHAP. VI.</C>
<C><I>De la Romaine, de la Balance, &amp; du Leuict,</I></C>
<p>LE me$me principe qui a e$t&eacute; expli-
qu&eacute; dans le 4. &amp; le 5. chap. $ert en-
core pour entendre la nature de ces 3.
in$trumens, dont le premier (que les
Latins appellent <I>Statera,</I> les Grecs
<G>fa/lagc</G> <I>Phalanx</I>; &amp; que nous appellons
vulgairement la <I>Romaine,</I> le <I>Crochet,</I> le
<I>Pezon,</I> ou le <I>Poids</I>) e$t vtile pour pe$er
toutes $ortes de fardeaux par le moyen
d'vn contrepoids mobile, que l'on n&otilde;-
me le <I>Pezon,</I> &amp; que les Grecs appellent
<G>antish/xwma, sfai/rwma, a)rth/ma</G>, &amp; les Latins
<I>&aelig;quipondium.</I>
<p>Soit donc la Romaine BD, dont le
$ou$tien $oit au point C, que les Grecs
appellent <G>swa/rtion, &amp; u(pomo/xlion</G>, &amp; les La-
tins <I>agina, $partum,</I> &amp; <I>an$a.</I> Que B $oit
le fardeau que l'on veut pe$er, &amp; D le
contrepoids. Ie dis que s'il y a me$me
<pb n=21>
rai$on de la di$tance DC &agrave; CB, que du
poids B au contrepoids D, qu'ils $eront
en &eacute;quilibre, parce que les di$tances des
bras, ou des branches de la Romaine
$ont en rai$on reciproque des poids qui
$e contrebalancent.
<p>Or cet in $trument n'e$t pas different
du leuier, qui $ert &agrave;remuer des fardeaux
tre$-lourds, &amp; tre$-pe$ans auec peu de
force, comme l'on void dans cette me$-
me figure, dans laquelle B repre$ente
le fardeau, qu'il faut leuer en G; &amp; C
repre$ente l'appuy $ur lequel le leuier
BP pre$$e, &amp; $e meut &amp; la main, ou
quelque autre force pre$$e le leuier au
point D, &amp; l abai$$e iu$ques &agrave; I pour fai-
re monter B en G.
<p>Cecy e$tant po$&eacute;, la force mi$e
en D leuera le poids B toutes &amp;
quantesfois qu'il y aura me$me rai$on
de la di$t&atilde;ce DC &agrave; la di$tance BC, que
du poids B &agrave; la force D, de $orte que
l'on peut tou$iours diminuer la force &agrave;
me$ure que l'on allonge la partie du le-
uier CD: par exemple, parce qu'il y a
5. fois plus loin de C &agrave; D que de C &agrave; B,
$i B pe$e 5. liures, la force d'vne liure le
tiendra en &eacute;quilibre au point D, parce
<pb n=22>
que CD e$t quintuple de CB.
<p>Mais l'auantage de ces 3. in$tru-
mens ne con$i$te pas &agrave; $urmonter, ou &agrave;
tromper la nature, en fai$ant qu'vne
petite force $urmonte vne grande re$i-
$tence, car on fera le me$me effet en
me$ine temps, &amp; auec me$me force s&atilde;s
la di$t&atilde;ce CD, laquelle e$t cau$e que la
force D a cinq fois plus de chemin &agrave; fai-
re de D en I, que le poids n'en fait de
B en G, &amp; con$equemment elle em-
<FIG>
ploye
5. fois
pl<SUP>9</SUP> de
temps
que $i elle e$toit en L, pour $e tran$por-
ter en M. Or la force D e$tant en L le-
uera la cinquie$me partie du poids B de
B en G, en me$me temps que D leue B,
de $orte qu'elle leuera tout le poids B
en G en repetant 5. fois le chemin LM;
ce qui e$t la me$me cho$e que de faire
vne fois le chemin DI: &amp; con$equem-
ment le tran$port de B en G ne requiert
pas moins de force, ou moins de t&etilde;ps,
ou vn chemin plus court, $oit que l'on
mette la force en D, ou en L.
<p>D'o&ugrave; il faut conclurre que le leuier
<pb n=23>
$ert $eulement pour mouuoir les far-
deaux tout d'vn coup, &amp; &agrave; vne $eule
fois, qu'il faudroit autrement mouuoit
par parties, &amp; &agrave; plu$ieurs fois.
<C>II. ADDITION.</C>
<p>L'on pourroit icy traiter des deux
autres $ortes de leuiers, d&otilde;t parle Guid-
Vbalde dans $es Mechaniques, mais il
$uffit de comprendre la rai$on de celuy
que propo$e c&eacute;t Autheur, car nous par-
lerons des autres ailleurs. I'adjou$te
$eulement cette figure, par laquelle
l'on comprendra mieux $on intention.
<FIG>
Soit d&otilde;c le
leuier AF,
par lequel
la force ap-
pliqu&eacute;e en F
leue le far-
deau A iu$-
ques &agrave; G,
encore que
elle $oit 4.
fois moindre qu'A, mais l'arc de $on
chemin FI e$t quatre fois plus grand
que l'arc AG, car FM, ML, LK,
<pb n=24>
&amp; K I'e$t &eacute;gal &agrave; AG, comme l'on void
par la con$truction, de $orte que F ne
gaigne rien en force qu'il ne le perde en
chemin, ou ne gaigne rien en chemin
qu'il ne le perde en force. Or la plus
grande difficult&eacute; des Mechaniques c&otilde;-
$i$te, ce me $emble, &agrave; $&ccedil;auoir pourquoy
la plus grande di$tance de la force, ou
du poids F d'auec l'appuy B augmente
ladite force, &amp; pourquoy le poids A ou
C e$tant tran$port&eacute; en F a quatre fois
plus de force que deuant. Ari$tote croit
que la rai$on en doit e$tre pri$e de ce
que le centre B empe$che plus les poids
prochains que les &eacute;loignez, dautant
qu'il les contraint dauantage, &amp; leur
communique t&atilde;t qu'il peut $on immo-
bilit&eacute;, de $orte que le poids e$tant en C
ne peut $e mouuoir que de C en H, au
lieu qu'e$tant en F il fait 4. fois autant
de chemin en me$me temps, &amp; e$tant
en D il en fait deux fois autant par le
quart de cercle commen&ccedil;ant en D. Ce
que l'on peut ay$&eacute;m&etilde;t appliquer &agrave; l'ap-
proche, ou &agrave; la di$tance des creatures
d'auec la perfection Diuine, laquelle
rend les creatures rai$onnables dautant
plus fixes &amp; immobiles dans $a grace, &amp;
<pb n=25>
dans la ferme re$olution du bien, qu'el-
les s'en approchent plus pr&eacute;s.
<p>Mais pour retourner &agrave; la rai$on pre-
cedente, ie dy que le poids qui e$t en F
veut tomber en droite ligne par FNP
vers le centre de la terre, &amp; qu'e$tant
contraint par l'appuy, ou le centre B de
tomber par le cercle FI, qu'il a plus de
libert&eacute;, &amp; qu'il s'approche 4. fois da-
uantage de la perpendiculaire FP, que
lors qu'il de$cend par l'arc CH, com-
me ie demon$tre par l'angle de contin-
gence PFN, qui e$t $ouzquadruple de
l'angle de contingence HCO, &amp; con-
$equ&etilde;ment la ligne de contrainte HO
e$t quadruple de la ligne PN: par o&ugrave;
l'on void clairement que B, &amp; F s'ap-
prochant &eacute;galement du centre de la
terre en me$me t&etilde;ps par les arcs CH,
&amp; FP, pui$que les lignes FN &amp; BH
$ont &eacute;gales, que F e$t moins contraint
que C.
<p>L'on peut dire la me$me cho$e de la
force de la main mi$e en F, dont l'int&etilde;-
tion e$t de $e mouuoir par la ligne droi-
te FP. Ie lai$$e maintenant plu$ieurs
autres con$iderations qui $e peuuent
expliquer par cette figure: par exem-
<pb n=26>
ple, que le poids F, ou B e$t&atilde;t en $a plei-
ne libert&eacute;, de$cend de F en P ou de B
en I en deux fois autant de temps qu'il
de$cend de F en N, comme i'ay mon-
$tr&eacute; ailleurs.
<HR>
<C>CHAP. VII.</C>
<C><I>Du Tour, de la Rou&euml;, de la Gru&euml;, du Guin-
dax, &amp; des autres in$trumens
$emblables.</I></C>
<p>LEs Latins appellent le Tour <I>axis in
peritrochio,</I> parce qu'il n'e$t autre
cho$e qu'vn axe, ouvn e$$ieu, d&otilde;t les ex-
tremitez $ont appuy&eacute;es $ur deux pieces
de bois, $ur le$quelles il $e tourne. Or la
nature de cet in$trument depend im-
mediatement du leuier, car il n'e$t au-
tre cho$e qu'vn leuier perpetuel, &amp; c&otilde;-
tinu&eacute;. Car $oit le leuier BAC, dont le
$ou$tien e$t en A; &amp; que le poids G $oit
attach&eacute; au point B, &amp; que la force $oit
au point C, $i l'on tran$porte le leuier
en AD, le poids G $e hau$$era vers D.
Mais $i l'on veut le faire monter plus
haut, il faut arre$ter le poids en D, afin
<pb n=27>
de le releuer en core vne autrefois de B
&agrave; D en remettant le leuier dans la me$-
me $ituation qu'il auoit deuant, &amp; de
leuer peu &agrave; peu le poids G, iu$ques &agrave; ce
qu'il $oit arriu&eacute; au point B, ou &agrave; tel au-
tre point que l'on voudra.
<p>Mais la repetition trop frequente de
<FIG>
cette action e$t&atilde;t
trop incommode,
ou trop ennuyeu-
$e, l'on a inuent&eacute;
le Tour, &amp; la
Rou&euml;, qui ioi-
gnent en$emble
vne infinit&eacute; de le-
uiers, afin de continuer l'operati&otilde; $ans
aucune interruption. C'e$t pour ce $u-
iet que la rou&euml; $e meut &agrave; l'entour du
centre A, dont le rayon e$t AC, &amp; le
$emidiametre de $on e$$ieu e$t AB; le-
quel doit e$tre d'vne matiere bien $o-
lide, &amp; bien forte, parce qu'il $upporte
toute la pe$anteur du fardeau.
<p>L'e$$ieu A trauer$e la rou&euml; par le mi-
lieu, &amp; doit e$tre $ou$tenu de deux
pieds tres-forts, &amp; e$tre enuironn&eacute; de
la chorde DBG, &agrave; laquelle on attache
le fardeau G. Il faut au$$i mettre vne
<pb n=28>
autre chorde &agrave;lentour de la gr&atilde;de rou&euml;,
afin d'y attacher l'autre fardeau I. Or
cecy e$tant po$&eacute;, il e$t euident que $i
CA e$t &agrave; BA comme le fardeau G au
fardeau I, que le poids I $ou$tiendra &amp;
contrebal&atilde;cera G, &amp; que $i l'on adiou-
$te quelque force, ou poids &agrave; I, qu'il
l'emportera.
<p>Et parce que les chordes qui $ou$ti&etilde;-
nent le poids touchent tou$iours la cir-
confer&etilde;ce de la rou&euml; auec laquelle l'e$-
$ieu tourne, &amp; con$equemment qu'el-
les $ont tou$iours en me$me $ituation &agrave;
l'&eacute;gard des di$tances BA, &amp; CA, le
mouuement $e continu&euml; perpetuelle-
ment, &amp; le poids I de$cendant fait m&otilde;-
ter le poids G. Mais il faut remarquer
qu'il e$t nece$$aire de mettre la chorde
&agrave; l'entour de la rou&euml;, afin que le poids
demeure $u$pendu du point de la cir-
conference que la chorde touche: Car
$i la chorde e$toit pendante du point F,
elle couperoit la rou&euml; par FN, &amp; par
con$equ&etilde;t elle ne pourroit $e mouuoir,
parce que le moment, ou la force du
poids N $eroit diminu&eacute;e, puis qu'elle
n'e$t pas plus grande que $i la chorde
e$toit attach&eacute;e au point N, dautant que
<pb n=29>
$a di$tance d'auec le centre A e$t deter-
min&eacute;e par la ligne AN, (comme l'on
demon$tre par la perpendiculaire FN)
&amp; non par le $emidiametre FA. Il faut
donc que la force inanim&eacute;e, qui n'a
point d'autre vertu que d'aller en bas,
$oit pendue &agrave; vne chorde qui touche la
rou&euml; &amp; qui ne la coupe pas.
<p>Mais $i la force e$t anim&eacute;e, elle peut
faire tourner la rou&euml; pour leuer le poids
en quelque endroit de la rou&euml; qu'elle $e
rencontre: par exemple en F, mais elle
tirera par la ligne trauer$ante FL qui
fera vn angle droit auec la ligne AF, &amp;
non par la perpendiculaire FN. L'on
peut neantmoins faire $eruir la force
inanim&eacute;e &agrave; tous les points de la circon-
ference par le moyen de la poulie L, car
le poids, ou la force K tirera par la ligne
droite LK, &amp; leuera le poids G en B,
&amp; con$equemm&etilde;t elle agit par la ligne
FL, &amp; par ce moyen elle $e con$erue
tou$iours en me$me di$tance d'auec le
centre de la rou&euml;, &amp; de l'e$$ieu A: de
$orte que le leuier BC $e rend perpe-
tuel par l'entremi$e de la rou&euml;.
<p>Il faut donc conclurre de tout ce di$-
cours que dans c&eacute;t in$trument la force
<pb n=30>
C ou F doit tou$iours auoir me$me pro-
porti&otilde; auec le poids, que le $emidiame
tre de l'axe BA a auec le $emidiametre
de la rou&euml; AC.
<p>Quant &agrave; la Gru&euml; elle e$t de me$me
nature que le Tour, mais le Cabe$tan,
le Guindax, ou l'orgene e$t vn peu dif-
rent, car $on axe $e meut perpendicu-
laire &agrave; l'orizon, &amp; $a rou&euml; $e meut hori-
zontalement, au lieu que l'axe du Tour
<FIG>
$e meut horizontale-
ment, &amp; $a rou&euml; per-
pendiculairem&etilde;t. Ce
qui e$t tres-ay$&eacute; &agrave; c&otilde;-
prendre par le moyen
de cette figure, dont
il faut s'imaginer que
l'axe DE $oit perp&etilde;-
diculaire &agrave; l'horizon, &amp; que la rou&euml; F
CG $oit parallele au me$me horizon.
Or la chorde DH tirera, ou trainera le
fardeau H iu$ques &agrave; l'axe B, ou iu$ques
o&ugrave; l'on voudra, par la force d'vn hom-
me, ou d'vn cheual qui conduira le le-
uier B &agrave; l'entour de la circonference F
GC, &amp; fera autant de tours comme il
e$t nece$$aire pour attirer le fardeau par
le moyen de la chorde DH, qui $'en-
<pb n=31>
tortille &agrave; l'entour de l'e$$ieu DEA:
d'o&ugrave; il e$t ay$&eacute; de conclurre la fabrique
du Guindax, ou du Cabe$tan.
<p>Cecy e$tant po$&eacute;, il e$t euident que
le point, ou le centre du $ou$tien e$t en
B, &amp; que l'&eacute;loignement de la force F $e
prend du point B, &amp; celuy du poids de
B &agrave; D, de $orte que FBD forme vn le-
uier, envertu duquel la force F acquiert
vne force &egrave;gale &agrave; la re$i$tance du poids,
lors que la di$tance FB a me$me pro-
portion &agrave; BD, que le fardeau H &agrave; la
force F.
<p>Mais la nature n'e$t point tromp&eacute;e ny
$urmont&eacute;e, &amp; l'on ne gaigne rien, par-
ce que $i le fardeau a dix fois plus de re-
$i$tence que la force F, la di$tance FB
doit nece$$airement e$tre decuple de
BD, &amp; la circonference FCG decuple
de la circ&otilde;ference EAD; de $orte que
le poids ne fera que la dixie$me partie
du chemin de la circonference GCF;
par c&otilde;$equent $i l'on diui$oit le fardeau
en 10. parties, chacune r&eacute;pondroit &agrave; la
dixie$me partie du mouuement &amp; de la
force F, c'e$t pourquoy $i l'on portoit
en dix voyages chaque dixie$me partie
autour de l'axe, l'on ne chemineroit
<pb n=32>
pas dau&atilde;tage que $i l'on fai$oit vne fois
le tour GCF, &amp; l'on c&otilde;duiroit le me$-
me fardeau en me$me temps &agrave; la me$-
me di$tance.
<p>Il faut donc conclurre que la com-
modit&eacute; de cette Machine con$i$te $eu-
lement &agrave; attirer le fardeau tout &agrave; la fois
$ans le diui$er; &amp; qu'elle ne $ert pas
pour l'attirer plus ay$&eacute;ment, ou plus
vi$te, ou plus loin que la me$me force
le c&otilde;duiroit en le diui$ant en 10.parties.
<HR>
<C>CHAP. VIII.</C>
<C><I>De la force, &amp; de l'v$age des Poulies.</I></C>
<p>APres auoir con$ider&eacute; les in$trum&etilde;s
qui $e redui$ent aux contrepoids,
&amp; &agrave; l'&eacute;quilibre, comme &agrave; leur principe,
<FIG>
&amp; &agrave; leur
fondem&etilde;t
il fautpar-
ler d'vne
autre $or-
te de le-
uier pour entendre la nature des pou-
lies, &amp; de beaucoup d'autres effets Me-
<pb n=33>
chaniques. Or le leuier, dont nous
auons parl&eacute;, $uppo$e que le poids $oit
&agrave; l'vne de $es extremitez, &amp; la force &agrave;
l'autre; de $orte que $on $ou$tien doit
e$tie entre $es deux extremitez. Mais
$i l'on met le $ou$tien &agrave; l'extremit&eacute; du
leuier, &amp; la force &agrave; l'autre extremit&eacute; C,
&amp; que le point D $oit attach&eacute; &agrave; quelque
point du milieu: par exemple, au point
B, il e$t certain que $i le poids e$t &eacute;gale-
ment &eacute;loign&eacute; des deux extremes, com-
me quand il e$t au point F, que la force
quile $ou$tient en F $era &eacute;galement di-
ui$&eacute;e: &amp; par con$equent la moiti&eacute; du
poids e$t $ou$tenu&euml; par C, &amp; l'autre
moiti&eacute; par A.
<p>S'il arriue que le fardeau $oit attach&eacute;
ailleurs, par exemple en B, la force C
$ou$tiendra le fardeau en B, quand il
aura me$me proportion auec la dite for-
ce, que la di$tance AC &agrave; la di$t&atilde;ce BA.
Mais pour comprendre cecy, il faut
s'imaginer que la ligne BA $oit prolon-
gee en G, &amp; que les di$tances BA, AG
$oient &eacute;gales, &amp; que le fardeau $oit at-
tach&eacute; au point C, &amp; qu'il $oit &eacute;gal au
poids D, il e$t certain qu'&agrave; cau$e de l'&eacute;-
galit&eacute; des poids E, D, &amp; des di$tances
<pb n=34>
AC, &amp; BA, le mouuement du poids
D $uffira pour le $ou$tenir, donc la for-
ce du moment &eacute;gal&agrave; celuy du point E,
lequelle pourra $ou$tenir, $uffira enco-
re pour $ou$tenir le poids D. Mais $i l'on
veut $ou$tenir E au point C, la force
doit e$tre &agrave; E, comme GA &agrave; CA, donc
la me$me force pourra $ou$tenir le
point D &eacute;gal &agrave; E. Or la proportion qui
e$t de GA &agrave; EA, e$t au$$i de BA &agrave; CA,
GA e$tant &eacute;gal &agrave; BA: Et parce que les
poids ED $ont &eacute;gaux, chacun d'eux
aura la me$me proporti&otilde; &agrave; la force mi$e
en C. D'o&ugrave; l'on conclud que la force C
e$t &eacute;gale au mom&etilde;t D, lors qu'il a me$-
me proportion que la di$tance AB &agrave;
CA.
<p>Or il e$t tres-ay$&eacute; de conclurre de
tout ce di$cours que l'on perd autant
de vi$te$$e comme l'on acquiert de for-
ce tant auec le leuier ordinaire qu'auec
celuy-cy: car quand la force C hau$$e
le leuier AC, pour le tr&atilde;$porter en AI,
le poids $e meut par l'interualle BH,
lequel e$t dautant moindre que l'e$pa-
ce IC, qu'a fait la force, qu'AB e$t
moindre qu'AC.
<p>Ces principes ayant e$t&eacute; declarez, il
<pb n=35>
faut expliquer la rai$on des poulies, d&otilde;t
nous declarerons la con$truction &amp; l'v-
$age. Et pour ce $uiet $uppo$ons que
l'on ayt la poulie ABC faite de metal,
ou d'vn bois fort dur, &amp; qu'elle pui$$e
tourner $ur $on e$$ieu, qui pa$$e par le
centre D: &amp; puis il faut mettre &agrave; l'en-
<FIG>
tour la chorde FCBAE,
&agrave; laquelle le poids E $oit at-
tach&eacute;. Quant &agrave; la force, el-
le e$t &agrave; l'autre bout de la
chorde au point F, o&ugrave; elle
$ou$tient le fardeau E. Car
$i l'&otilde; $'imagine deux lignes
&eacute;gales tir&eacute;es du centre D,
&agrave; $&ccedil;auoir DC, &amp; DA, l'on
aura l'&eacute;quilibre de deux
mom&etilde;ts, ou de deux poids
&eacute;gaux, &eacute;galement &eacute;loignez
de l'appuy D, qui e$t le
point du $ou$tien, lequel e$t
&eacute;galement &eacute;loign&eacute; de tous
les co$tez de la circ&otilde;ference du cercle,
ou de la poulie ABC. Or ces deux li-
gnes, qui $ont les bras du leuiet, ou de
la balance, determinent les di$tances
des deux $u$pen$ions d'auec le centre
D: C'e$t pourquoy le poids qui e$t $u$-
<pb n=36>
pendu du point A ne peut e$tre $ou$te-
nu au point C que par vne &eacute;gale force,
ou par vn poids &eacute;gal, $uiuant la nature
des poids &eacute;gaux qui pendent de di$tan-
ces &eacute;gales. Car encore que la force F
tourne &agrave; l'entour de la poulie ABC,
cela ne change nullement l'habitude,
&amp; le rapport que le poids, &amp; la force
ont &agrave; la di$tance AD, &amp; DC: dautant
que la poulie garde vn perpetuel &eacute;qui-
libre en $e tournant. D'o&ugrave; il faut con-
clurre qu'Ari$tote $e trompe lors qu'il
dit que l'on leue plus ay$&eacute;ment les far-
deaux auec les plus grandes poulies, car
encore que la di$tance, ou le demidia-
metre de la poulie DC $'augmente, ce-
la ne $ert de rien &agrave; rai$on que la di$tan-
ce DA $'augmente &eacute;galement. De $or-
te que l'on ne re&ccedil;oit nulle commodit&eacute;
de c&eacute;t in$trument en ce qui concerne
la diminuti&otilde; de la peine. Mais $a com-
modit&eacute; c&otilde;$i$te &agrave; tirer de l'eau des puits,
parce que l'on tire de haut en bas, &amp; c&otilde;-
$equemment le poids des bras, &amp; du
corps $eruent &agrave; cela, au lieu qu'en tir&atilde;t
&agrave; force de bras de bas en haut $ans l'ay-
de des poulies, le poids des bras, &amp; du
corps nui$ent, c'e$t pourquoy la poulie
<pb n=37>
apporte de la commodit&eacute; &agrave; l'applica-
tion de la force.
<p>Mais $i l'on v$e d'vne autre $orte de
poulie, dont on void icy la figure, l'on
pourra leuer vn fardeau auec moins de
<FIG>
force, car $i la poulie BDC,
qui $edoit mouuoir au tour
du centre E, e$t mi$e dans
$a quai$$e, ou dans $on ar-
meure D, que G $oit le far-
deau, &amp; que la chorde AB
CF pa$$ant &agrave; l'entour de la-
dite poulie $oit arre$t&eacute; par
le bout &agrave; quelque cheuille,
au point ferme, &amp; immobi-
le; &amp; finalem&etilde;t $i l'on applique la force
au point C, ou F, qui $e meuue en haut
vers H, &amp; con$equemment qui fa$$e
monter la quai$$e D, &amp; quant &amp; quant
le fardeau G, ie dy que la force mi$e en
C, ou en F, n'e$t que la moiti&oacute; du far-
deau qu'elle $ou$tient, &amp; par con$equ&etilde;t
que le mom&etilde;t en C e$t $ouz double du
moment en G; parce que G e$t $ou$te-
nu, &amp; port&eacute; par les deux parties de la
chorde AB, &amp; CD, de $orte qu'il e$t
diui$&eacute; en deux parties &eacute;gales, parce que
le diametre BC e$t $emblable au fleau
<pb n=38>
d'vne balance, &amp; le fardeau e$t $u$pen-
du du point E: &amp; puis le $ou$tien e$t
au point B, &amp; la force e$t au point C,
c'e$t pourquoy il y a me$me rai$on de
la force au fardeau, que de BE &agrave; BC,
donc elle e$t la moiti&eacute; du fardeau.
<p>Car encore que la poulie $e tourne,
tandis que la force $e meut vers H,
neantmoins la $u$dite proportion ne
change point, comme l'on void aux
points B, E, C, &amp; le leuier BC e$t rendu
perpetuel. Mais en recompen$e le che-
min que fait la force e$t double du che-
min que fait le fardeau, car quand il e$t
arriu&eacute; au point F, c'e$t &agrave; dire qu&atilde;d il e$t
mont&eacute; au$$i haut qu'A, la force &agrave; mon-
t&eacute; deux fois autant, c'e$t &agrave; dire de C en
H. Mais il arriue icy vne incommodi-
t&eacute; &agrave; la force, &agrave; rai$on de $a pe$anteur
qui la fait incliner en bas, c'e$t pour-
quoy l'&otilde; y a remedi&eacute; par l'ad diti&otilde; d'vne
autre poulie que l'&otilde; met en haut, c&otilde;me
l'on peut comprendre par cette figure,
quoy que renuer$&eacute;e, dans laquelle il
faut con$iderer la chorde IBAEF,
qui pa$$e &agrave; l'entour des poulies BA, &amp;
FE, &amp; e$t attach&eacute;e &agrave; l'armure du point
D de la quai$$e CD, qui e$t attach&eacute;e
<pb n=39>
en haut &agrave; la po&ucirc;tre, ou &agrave; la pierre H, de
<FIG>
$orte que la force tirant la
chorde du point B au point
I, ou du point I au point F,
fait monter le poids at-
tach&eacute; au mouffle, ou &agrave; la
quai$$e FE. Or cette force
ne doit pas e$tre moindre
qu'au point A, dautant
que les momens du poids,
&amp; de la force $ont &eacute;gale-
ment di$tans du centre G,
car BG e$t &eacute;gal &agrave; GA, c'e$t
pourquoy la poulie BA
n'augmente pas la force.
O&ugrave; il faut remarquer que
les Italiens appellent c&eacute;t in$trument <I>la
Taglia,</I> &amp; les Grecs, &amp; les Latins <I>Tro-
chlea</I>: mais nous le nommons en Fran-
ce <I>Mouffles</I>; ce qui com prend l'armeu-
re, ou la quai$$e, qui $ert de bo&euml;te aux
poulies, &amp; les poulies, &amp; tout ce qui
$ert pour la perfection de cette machi-
ne: on l'appelle au$$i <I>&eacute;charpes arm&eacute;e de
poulies.</I>
<p>Or apres auoir mon$tr&eacute; par les deux
figures precedentes que l'on peut dou-
bler la force par le moyen des poulies,
<pb n=40>
il faut maintenant faire voir que l'on
peut l'augmenter tant que l'on voudra,
comme ie demon$tre aux n&otilde;bre pairs,
&amp; impair des poulies: c'e$t pourquoy
ie mets le Lemme qui $uit, afin de de-
mon$trer la maniere de multiplier la
force en rai$on quadruple.
<C><I>LEMME.</I></C>
<p>Soient donc les deux lignes AB, &amp;
<FIG>
CD, qui repre-
$entent deux le-
uiers, qui ont
leurs appuis A &amp;
C &agrave; leurs extre-
mitez, &amp; que le
fardeau G $oit
$u$pendu au milieu E, &amp; F &amp; qu'il $oit
$ou$tenu par les deux forces B &amp; D ap-
pliqu&eacute;es aux autres extrem tez des le-
uiers, le$quelles ie $uppo$e auoir vn
moment &eacute;gal, ie dy que le moment de
chacune e$t &eacute;gal au moment de la qua-
trie$me partie du poids G, car les deux
forces B &amp; D $ou$tiennent &eacute;galement,
&amp; con$equemm&etilde;t la force D n'e$t con-
trari&eacute;e que par la moiti&eacute; du poids G qui
<pb n=41>
e$t attach&eacute; &agrave; F. Mais quand la force D
$ou$tient la moiti&eacute; du fardeau par le
moyen du leuier CD, elle a me$me
proportion &agrave; G que CD &agrave; CF, c'e$t &agrave;
dire $ouz double, donc le mom&etilde;t D e$t
double du moment de la moiti&eacute; du
poids G qu'il $ou$tient, donc il e$t le
quart du moment des poids entier.
<p>L'on demon$tre la me$me cho$e du
moment B, de $orte qu'il e$t rai$onna-
ble que le poids e$tant &eacute;galement $ou-
$tenu par les 4 poulies qui $e voyent
dans cette autre figure, chacune porte
la quatrie$me partie du fardeau: ce que
io mon$tre en cet<*> maniere.
<p>Que lo poids X $oit attach&eacute; au point
K par le moven du mouffle KX, ie dy
que la force &eacute;gale &agrave; la quatrie$me par-
tie du fardeau X, le $ou$tiendra, car $i
l'on s'imagine que les deux diametres
BA &amp; DE $oient deux leuiers $embla-
bles &agrave; ceux que nous auons expliquez
dans la figure precedente, &amp; que le far-
deau $oit $u$pendu aux points CEF, l'&otilde;
trouuera que les appuis, ou les $upports
de$dits leuiers r&eacute;pondent aux points D
&amp; A, con$equemment que la force ap-
pliqu&eacute;e en B ou en I<*> $ou$tiendra le
<pb n=42>
poids X, dont il $era $ousquadruple.
<FIG>
Et $i l'&otilde; adiou$tevne pou-
lie en haut, &amp; que lachor-
de pa$$e par OMB, la
force L, $ou$tiendra le
me$me poids. Mais il
faut accommoder les 4.
chordes, c&otilde;me elles $ont
dans ces mouffles, en $or-
te qu'elles ne $e me$lent
point lesvnes auec les au-
tres. Or il faut icy remar-
quer ce que nous auons
de$ia dit plu$ieurs fois, &agrave;
$&ccedil;auoir que l'&otilde; ne gaigne
rien auec ces in$trumens,
car $i l'on &eacute;pargne la for-
ce, l'on augmente le t&etilde;ps:
de l&agrave; vient qu'il faut tirer
quatre pieds de chorde
depuis O iu$ques &agrave; L pour faire monter
le poids X d'vn pied de X en C: &amp; l'on
trouuerra perpetuellement que l'on
perd autant de temps, ou que l'on e$t
contraint d'allonger autant le chemin,
que l'on gaigne de force.
<p>Si l'on veut que la force s'augmente
au $extuple, il faut adiou$ter vne autre
<pb n=43>
poulie en bas, comme ie mon$tre par la
<FIG>
figure precedente, d&atilde;s
laquelle on void les
trois leuiers AB, CD,
&amp; FE. Que le poids K
$oit attach&eacute; a G, H, &amp;
I, &amp; que les trois for-
ces B, D, F, $oient &eacute;ga-
les, &amp; qu'elles $ou$tien-
nent &eacute;galem&etilde;t le poids K, afin que cha-
cune en $ou$tienne le tiers, &amp; parce que
la force B $ou$tenant le poids p&etilde;du &agrave; G
e$t la moiti&eacute; du poids, &amp; que nous au&otilde;s
$uppo$&eacute; qu'il $ou$tient le tiers dudit
poids, il s'en$uit que la force B e$t &eacute;ga-
le &agrave; la moiti&eacute; du tiers de K, c'e$t &agrave; dire
&agrave; la $ixie$me partie de K. Car il $aut tou-
$iours s'imaginer que les appuys A, C, E
$ou$tiennent autant du poids que les
forces B, D, F. Par o&ugrave; il e$t ay$&egrave; de
comprendre que le mouffle inferieur
ayant trois poulies, &amp; le $uperieur deux,
ou 3. autres, que l'on peut multiplier la
force $elon le nombre $enaire: ce que
l'on peut ay$&eacute;ment s'imaginer en con-
$iderant vn mouffle compo$&eacute; de $ix
poulies.
<p>Or pour expliquer la maniere de
<pb n=44>
multiplier la force $elon vn n&otilde;bre im-
pair: il faut encore con$iderer le leuier
de la page 40. AB, dont l'appuy e$t en
A, &amp; le poids G e$t attach&eacute; &agrave; E, &amp; $ou-
$tenu par deux forces &eacute;gales, dont l'vne
e$t en D, &amp; l'autre en B, &amp; l'&otilde; trouuer-
ra que chaque force a vn moment &eacute;gal
au tiers du poids, G, parce que la force
mi$e en E $ou$tient vn poids qui luy e$t
&eacute;gal, dautant qu'elle e$t dans la ligne
de la $u$pen$ion dudit poids. Mais la
force e$t&atilde;t en B $ou$tient deux fois au-
tant que $on poids, parce que $a di$tan-
ce d'auec l'appuy A e$t double de EA.
Et parce que l'on $uppo$e que les 2. for-
ces B, &amp; E $ont egales, il s'en$uit que la
partie de G $ou$tenu&euml; par B e$t double
de la partie que $ou$tient E: donc$i l'on
fait deux parties du poids G, &amp; que l'v-
ne $oit double de l'autre, la plus grande
$era de 2/3, &amp; la moindre de 1/3 de G, done
le moment de la force E $era &eacute;gal au
tiers de G: &amp; parce que nous auons
$uppo$&eacute; B &eacute;gal &agrave; E, la force B e$t &eacute;gale
&agrave; la force E, &amp; con$equemment chacu-
ne e$t &eacute;gale au tiers du poids G.
<p>Cecy ayant e$t&eacute; demon$tr&eacute;, il faut
l'appliquer aux mouffles qui $uiuent,
<pb n=45>
dont la poulie ABC $e tourne au tour
<FIG>
du centre G, auquel le far-
deau H e$t attach&eacute;. L'au-
tre poulie $uperieure e$t
FE; outre le$quelles il
faut encore con$iderer la
chorde IBCAEFD, qui
e$t atta ch&eacute;e au point B, &amp;
puis la force qui e$t en I,
laquelle ne $upportera
que le tiers du fardeau H.
Par o&ugrave; il e$t euid&etilde;t qu' AB
e$t vn leuier, &amp; que la for-
ce I s'applique &agrave; $es extre-
mitez B, &amp; A. G e$t le
point du$ou$tien, auquel
H e$t $u$pendu. Vne autre force e$t en-
core appliqu&egrave;e en D, de $orte que le
poids e$t arre$t&eacute; par 3. chordes qui con-
tribuent &eacute;galement &agrave; $ou$tenir le poids
H: car la force D e$t appliqu&eacute;e au mi-
lieu du leuier, &amp; B &agrave; $on extremit&eacute;, c'e$t
pourquoy chaque force ne $upporte
que le tiers du poids H. D'o&ugrave; il s'en$uit
que la force I ayant $on moment &eacute;gal
audit tiers, peut $ou$tenir, &amp; leuer le
poids entier. Mais I fera trois fois au-
tant de chemin que le poids H, parce
<pb n=46>
qu'il $uit la longueur de trois chordes
IB, AE, &amp; FD, dont l'vne me$ure le
chemin du fardeau.
<HR>
<C>CHAP. IX.</C>
<C><I>De la Viz.</I></C>
<p>ENtre tous les in$trumens Mecha-
niques que l'on a inuentez pour la
vie humaine, la viz que les Grecs, &amp;
les Latins appellent <I>Cochlea,</I> tient le pre-
mier r&atilde;g tant pour $a $ubtilit&eacute; que pour
$on vtilit&eacute;, dautant qu'elle $ert pour
arre$ter, pour faire mouuoir, &amp; pour
pre$$er auec vne tre$-grande force, &amp;
qu'elle tient fort peu de place, quoy
qu'elle aye des effets tre$-$ignales que
les autres in $trumens ne peuuent auoir
s'ils ne $ont reduits en de tre$-grandes
Machines. C'e$t pourquoy il faut ex-
pliquer la nature, &amp; l'origine de la viz,
&amp; pour ce $uiet ie dem&otilde;$tre icy vn theo-
re$me, qui $emblera, peu$t-e$tre, fort
&eacute;loign&eacute; de ce di$cours, quoy qu'il en
$oit la ba$e, &amp; le fondement.
<p>Ie dy done que tous les corps pe$ans
<pb n=47>
ont vne inclination vers le centre de la
terre, non $eulement quand ils y peu-
uent de$cendre perpendiculairement,
mais au$$i quand ils y peuuent arriuer
par vne ligne oblique, ou par vn plan
inclin&eacute;: ce que l'on peut confirmer par
l'eau qui ne tombe $eulement pas &agrave;
plomb de quelque lieu &eacute;minent, mais
elle coule au$$i $ur la terre par vne li-
gne qui a fort peu d'inclination, com-
me l'on remarque aux cours des fleu-
ues, dont les eaux de$cendent libre-
ment, pourueu que leur lit ayt tant $oit
peu de pante.
<p>Or ce qui arriue aux corps fluides, $e
remarque, $emblablement aux corps
qui $ont durs, pourueu que les figures,
&amp; les autres empe$chemens acciden-
tels, &amp; exterieurs ne les diuerti$$ent
point: Car $i l'on prend vne bale par-
faitement ronde, &amp; polie, $oit de mar-
bre, de verre, ou d'autre matiere, qui
re&ccedil;oiue vn excellent poly, &amp; que l'on
la mette $ur vn pl&atilde; incline, qui $oit au$-
$i parfaitement vni, &amp; poly que la gla-
ce d'vn miroir, elle de$cendra $ur ledit
plan, $e mouuera perpetuellem&etilde;t tan-
dis qu'elle trouuera la moindre inclina-
<pb n=48>
tion que l'on $e pui$$e imaginer: de $or-
te qu'elle ne $arre$tera point iu$ques &agrave;
ce qu'elle rencontre vne $urface qui
$oit &agrave; niueau, ou &eacute;quidi$tante de l'ho-
rizon, comme e$t celle d'vn lac, ou d'vn
e$tang glac&eacute;, $ur laquelle la bale $e
tiendroit ferme, &amp; immobile, mais auec
telle condition que la moindre force
l'&eacute;branleroit, &amp; que le plan $inclinant
de la largeur d'vn cheueu, elle comm&etilde;-
ceroit incontinent &agrave; $e mouuoir &amp; &agrave;
de$cendre vers la partie inclin&eacute;e, &amp;
qu'au contraire elle ne pourroit e$tre
meu&euml; $ans viol&etilde;cevers la partie du plan
qui monte. Or il e$t nece$$aire que la
boule $arre$te $ur vne $urface parfaite-
ment &eacute;quilibre, &amp; qu'elle demeure c&otilde;-
me indifferente entre le mouuement &amp;
le repos: de $orte que la moindre force
du m&otilde;de $uffi$e pour la mouuoir, com-
me la moindre force que l'on peut $i-
maginer dans l'air, $u$fit pour la rete-
nir.
<p>D'o&ugrave; l'on peut tirer cette conclu$ion,
que tout corps pe$ant, tous les empe$-
chemens exterieurs e$tant o$tez, peut
e$tre meu $ur vn plan horizontal par la
moindre force que ce $oit, &amp; qu'il faut
<pb n=49>
d'autant plus de force pour le mouuoir
$ur vn plan inclin&eacute;, qu'il a plus d'incli-
nation au mouuement contraire.
<p>Ce qui $era plus intelligible par
<FIG>
cette figure, dans
laquelle AB $oit le
plan parallele &agrave; l'o-
rizon, $ur lequel la
boule e$t indif-
ferente au mouue-
ment, &amp; au repos, de $orte que le vent
ou la moindre force la peut faire mou-
uoir; mais il faut vne plus grande force
pour la faire mouuoit du point A au
point C $ur le plan inclin&eacute; AC, &amp; en-
core vne plus grande pour la mouuoir
$ur les plans AD, &amp; AE: &amp; finalement
l'on ne peut la leuer $ur le plan perpen-
diculaire AF, que par vne force &eacute;gale &agrave;
tout le poids G.
<p>Or l'on $&ccedil;aura c&otilde;bien il faut moins de
force pour leuer le fardeau $ur les plans
AE, AD, &amp;c, $i l'&otilde; tire les lignes perpen-
diculaires &agrave; l'orizon CH, DI &amp; KE, cat
il y aura me$me proportion des forces
nece$$aires pour &eacute;leuer le fardeau $ur
cha$que plan audit fardeau, que des
lignes perpendiculaires aux lignes de
<pb n=50>
leurs plans. Ce que Pappus Alex&atilde;drin
s'e$t efforc&eacute; de mon$trer dans le 8. liure
de $es Collections Mathematiques,
mais il s'e$t tromp&eacute;, &agrave; mon aduis, en ce
qu'il a $uppos&eacute; vne force donn&eacute;e pour
mouuoir le poids $ur le plan horiz&otilde;tal,
ce qui e$t faux, parce qu'il ne faut nulle
force $en$ible, $i l'on o$te les empe$che-
mens exterieurs. C'e$t pourquoy il e$t
plus &agrave; propos de chercher la force qui
meut le fardeau $ur le plan vertical ou
perpendiculaire AF, laquelle e$t tou-
$iours &eacute;gale &agrave; la pe$anteur du fardeau,
que de chercher la force qui le meut
$ur le plan horizontal.
<p>Soit done le cercle AIC, dontle dia-
<FIG>
mettre
e$t ABC,
&amp; le cen-
tre B; &amp;
qu'il y ait
deux for-
ces &eacute;ga-
les aux
points A
&amp; C, qui
repre$&etilde;t&etilde;t
vne bal&atilde;ce mobile autour du centre B,
<pb n=51>
il e$t certain que le poids C $era $ou$te-
nu par la force A. Mais $i l'on s'imagine
que le bras de la balance BC tombe en
BF, de $orte qu'il demeure tou$iours
continu&eacute; auec le bras AB, &amp; qu'ils ay&etilde;t
tous deux leur point fixe, ou leur appuy
en B, le moment F, ne $era pas &eacute;gal au
moment A, parce que la di$tance
du poinct, ou du poids F d'auec la ligne
de direction BI n'e$t pas egale &agrave; la di-
$tance de la force, ou du poids A d'auec
la me$me ligne de direction, comme
l'on demon$tre par la perpendiculaire
KF, qui determine la di$t&atilde;ce du poinct
F auec B, ou I, de $orte que le mom&etilde;t,
ou le poids, de C port&eacute; en F e$t dimi-
nu&eacute; de la di$tance de KC, &amp; qu'il n'a
plus que le mom&etilde;t BK: c'e$t pourquoy
il faut conclure que le moment d'A
$urpa$$e celuy de F de KC. Il faut dire
la me$me cho$e du poids C tran$port&eacute;
au point L, ou en tel autre point du cer-
cle que l'on voudra, car la force en A
$era d'autant plus grande que la force
L, que BA, e$t plus grand que BM.
<p>Parce o&ugrave; l'on void que le poids C
diminu&euml; $on moment, &amp; $on inclina-
tion d'aller en bas $elon les differentes
<pb n=52>
inclinati&otilde;s des pl&atilde;s FB, LB &amp;c. de $orte
que l'on peut s'imaginer la de$cente de
C par tous les points du quart de cercle
CI, lequel contient vn plan qui s'incli-
ne perpetuellement de plus en plus,
&amp; que la pe$anteur du poids en C e$t
totale &amp; entiere, &amp; con$equemment
qu'il $e porte de toute $on inclination &agrave;
de$cendre, parce qu'il n'e$t nullement
empe$ch&eacute; par la circonfer&etilde;ce, lors qu'il
$e rencontr&eacute; $ur la tangente DCE.
<p>Mais quand il e$t en F, il e$t en partie
$ou$tenu par le plan circulaire, &amp; $a
pente, ou l'inclination qu'il a vers le
centre de la terre e$t autant diminu&eacute;e
que BC $urpa$$e BK: de maniere qu'il
$e tient &eacute;leu&eacute; $ur ce plan de me$me que
s'il e$toit appuy&eacute; $ur la tangente GFH,
d'aut&atilde;t que le point d'inclination F de
la circonference CI ne differe point de
l'inclination de la tangente GFH, que
par l'angle in$en$ible du contact.
<p>Il faut dire la me$me cho$e du point
L, lequel e$t inclin&eacute; comme s'il e$toit
$ur le plan de la tangeule NLO, car il
diminu&euml; $a pente, &amp; $on inclinati&otilde; qu'il
a en C en me$me proportion que Bk e$t
&agrave; BC, puis qu'il e$t con$tant par la $imi-
<pb n=53>
litude des triangles KBF &amp; KFH, qu'il
y a me$me rai$on de FK &agrave; FH que de
KB &agrave; BF. D'o&ugrave; nous concl&uuml;ons que la
proportion du moment total &amp; ab$olu
du mobile dans la perpendiculaire de
l'orizon auec le moment qu'il a $ur le
plan inclin&eacute; HF e$t la me$me que la
proportion de FH &agrave; FK.
<p>Ce qui $e void plus di$tinctement
<FIG>
dans le triangle A
BC car le moment
du mobile $ur le
plan AC e$t d'au-
t&atilde;t moindre que le
moment qu'il a d&atilde;s
la perpendiculaire CB, que CB e$t
moindre que CA. Et parce qu'il $uffit
pour mouuoir le fardeau, que la force
$urpa$$e in$en$iblem&etilde;t celle qui le $ou-
$tient en quel que lieu que ce $oit, nous
fais&otilde;s icy cette propo$ition vniuer$elle.
<p><I>Que $ur le plan elcu&eacute; la force a la me$-
me proportion au poids que la perpen-
diculaire tir&eacute;e de l'extremit&eacute; du plan $ur
l'orizon &agrave; la longueur dudit plan, c'e$t &agrave; dire
que la tangente &agrave; la $ecante,</I> car FK e$t la
tangente du cercle de$crit $ur le dia-
mettre KH, &amp; FH e$t la $ecante.
<pb n=54>
<p>Cecy e$tant po$&eacute;, ie reuiens &agrave; mon
<FIG>
premier de$$ein, qui con-
$i$te &agrave; trouuer, &amp; &agrave; expli-
querla naturede laviz; c'e$t
pour ce $ubiet qu'il faut
con$iderer le triangle AB
C, dans lequel AB repre$ente la ligne
horizontale, BC la perpendiculaire &agrave;
l'orizon, &amp; AC le plan eleu&eacute;, &amp; enclin&eacute;
$ur l'orizon, $ur lequel le mobile E e$t
fir&eacute; &amp; emport&eacute; par vne force d'autant
moindre que le poids E, que la ligne
BC e$t moindre que CA. Or quand on
veut e$leuer E plus haut $ur le plan fer-
me AC, c'e$t me$me cho$e que $i le tri-
angle BCA e$toit pou$$&eacute; iu$ques au
<FIG>
point H, parce que s'il $e
trouuoit dans la me$me
a$$iette que le tri&atilde;gle HFG,
le mobile auroit mont&eacute; la
hauteur AI, &amp; $eroit en E.
<p>D'o&ugrave; il s'en$uit que la na-
ture de la viz n'e$t autre
cho$e que le triangle ACB,
le quel e$tant pou$$&eacute; en au&atilde;t
$ou$tient la pe$anteur &amp;
l'&eacute;leue: &amp; que c'e$t par $on
moyen qu'elle a e$t&eacute; inuen-
<pb n=55>
t&eacute;e. Mais l'on s'e$t auis&eacute; d'enuironner
le cylindre BD du me$me triangle,
affin de le reduire dans vne machine
beaucoup moindre, &amp; plus commode.
<p>Et pour ce $ubiet l'on adonn&eacute; la me$-
me hauteur du triangle au cylindre,
BE, &amp; l'inclination de l'hypotenu$e
CA &agrave; l'helice AE, &amp; &agrave; toutes les autres
qui $uiu&etilde;t de bas en haut, &amp; qui f&otilde;tl'he-
lice continu&euml; AEFGHID, laquelle on
appelle ordinairem&etilde;t le traict de la viz.
<p>C'e$t donc en cette maniere que l'in-
$trument appell&eacute; par les Grecs &amp; par
les Latins <I>cochlea</I> &amp; que nous appelli&otilde;s <I>la
viz,</I> &agrave; e$t&eacute; inu&etilde;t&eacute;e, affin qu'en la torn&atilde;t
on e$l&eacute;ue les fardeaux c&otilde;me l'on feroit
$ur le triangle precedent, car l'on trou-
uera tou$iours dans la viz, comme $ur
tel autre plan que ce $oit, que la force
e$t au poids po$&eacute; $ur vn plan inclin&eacute;
comme la hauteur dudit plan &agrave; $a lon-
gueur: &amp; con$equemment que la force
de la viz ABCD $era multipli&eacute;e $elon
que toute l'helice $era plus grande que
toute la hauteur du cylindre. Par o&ugrave; il
e$t ay$&eacute; d'entendre, &amp; de conclure que
la viz e$t d'autant plus forte que $es
helices $ont plus couch&eacute;es, &amp; plus in-
<pb n=56>
clin&eacute;es $ur l'orizon, par ce que la lon-
gueur des triangles $uiuant le$quels el-
les $ont form&eacute;es e$t en plus grande pro-
portion &agrave; leur hauteur. Neant moins il
n'e$t pas nece$$aire de me$urer la lon-
gueur de toute l'helice, ny la hauteur
totale du cylindre pour congnoi$tre la
force d'vne viz propo$&eacute;e, car il $uffit de
$&ccedil;auoir combien de fois l'vn des tours
de l'helice conti&etilde;t $a hauteur, par exem-
ple, combien de fois AF e$t contenu en
AE, &amp; en EF parce qu'il y &agrave; me$me
proportion de toute la hauteur CB &agrave;
toute l'helice, que de FA &agrave; A EF, que
les Italiens appellent <I>verme de la vite.</I>
<p>Or apres auoir expliqu&eacute; la nature de
la viz, l'on peut ay$em&etilde;t $&ccedil;auoir toutes
$es proptietez, par exemple que l'on fait
monter le poids par le moyen de $a ma-
trice auec les helices concaues dans
le$quelles entrele noyau de la viz auec
$es helices c&otilde;uexes c&otilde;me il e$t ay$&eacute; de
remarquer aux viz dos pre$$oirs, &amp; de
toutes $ortes de pre$$es &agrave; &eacute;croux, dont
le noyau e$tant tourn&eacute; fait monter la-
dite matrice, &amp; quant &amp; quant le poids
qui y e$t attach&eacute;.
<pb n=57>
<p>Mais il faut tou$iours $e $ouuenir que
l'&otilde; perd aut&atilde;t de vi$te$$e, &amp; de t&etilde;ps, que
l'on gaigne de force, car AB e$t le plan
horiz&otilde;tal, &amp; AC le plan inclin&eacute;, d&otilde;t la
hauteur e$t me$ur&eacute;e, &amp; determin&eacute;e par
la perpendiculaire CB; Or $i l'on po$e
vn mobile $ur le plan AC, &amp; que la
chorde EDF le tienne attach&eacute;, la force
qui e$t en F ayant me$me rai$on auec le
poids E que BC a&agrave; CB, $ou$tiendra le
poids en E, &amp; en luy aioutant la moin-
dre force du monde, il tombera en B, &amp;
emportera le poids E en le fai$ant mon-
ter vers D. Mais F ne fera pas moins
de chemin en de$cendant perpendicu-
lairement, que le poids E en montant
obliquement, c'e$t pourquoy il e$t ne-
ce$$aire que F de$cende plus bas qu'il
ne fait monter le poids E, dont l'exau-
cement $e me$ure par la ligne per-
pendiculaire BC: de maniere que la
ligne de la de$cente de F $era &eacute; gal&eacute; &agrave;
CA, quand il aura fait monter le poids
de B &agrave; C. Car le poids ne re$i$te point
au mouuement parallele &agrave; l'orizon,
parce que ce mouuement ne l'&eacute;loigne
point du centre de la terre. C'e$t pour-
quoy il importe grandement de con-
<pb n=58>
$iderer les lignes par le$quelles $e font
<FIG>
les mouuemens, &amp;
particulierement
lors qu'ils $e font
par des forces ina-
nim&eacute;es, dont les
momens, &amp; les re$i-
$tances $ont en leur $ouuerain degr&oacute;
dans la ligne perp&etilde;diculaire &agrave; l'orizon;
mais elles $e dimin&uuml;&etilde;t&agrave; proportion que
la ligne $e p&atilde;che $ur le plan horizontal.
<C>III. ADDITION.</C>
<p>Il y a plu$ieurs cho$es &agrave; remarquer
$ur ce $ubjet qui Peuuent $eruir pour
e$tablir quelque partie de la Phy$ique,
dont i'en mets icy quelques vnes, affin
d'exciter les bons e$prits qui ayment la
verit&eacute;, &agrave; pa$$er o&ucirc;tre. Premierement
<FIG>
c'e$t vne cho$e tres-
remarquable que la
boule FDCE $e
pui$$e mouuoir auec
la moindre force
imaginable $ur le
plan horizontal AB,
dont la rai$on e$t qu'elle ne touche le
<pb n=59>
plan qu'au point C, &amp; que $es deux
moitiez CFE, &amp; CFD $ont en vn par-
fait &eacute;quilibre, comme lon void au
leuier ED, dont le bras EG e$t &eacute;gal au
bras GD, de $orte que $i l'on applique
la moindre force du m&otilde;de &agrave; D la boule
roullera vers A. En $econd lieu l'on
peut c&otilde;parer le mouuement des deux
boules CDF, &amp; CHG, qui e$t huict fois
moindre &amp; mois pe$ante que l'autre,
car $on diametre CG e$t $ouz double
de CF, &amp; ie $uppo$e qu'elles $oient de
me$me matiere: l'on peut donc recher-
cher laquelle des deux $e meut plus ay-
$ement $ur le plan AB; car il y en a qui
croyent que la petite $era 8. fois plus
ay$&eacute;e &agrave; mouuoir $ur ce plan, quoy que
parfaictem&etilde;t dur &amp; poli, &agrave; rai$on qu'el-
le pe$e 8. fois moins, &amp; que toutes les
parties de chaque corps pe$ent $ur le
centre de leurs pe$anteurs, &amp; con$e-
quemment que toute la pe$anteur de
ces deux globes s'vnit au point C, &amp;
re$i$te tant qu'elle peut au mouuem&etilde;t.
Mais pui$que toutes $ortes de globes
tant grands que petits ont la rai$on du
leuier ou de la balance comme i'ay ex-
pliqu&eacute; cy-deuant, la moindre force ap-
<pb n=60>
pliqu&egrave;e aux points D, E, ou HI e$t ca-
pable de les o$ter de leur equilibre.
<p>En troi$ie$me lieu $i l'on $uppo$e que
le plan horizontal $oit rude, $cabreux, &amp;
mal poli, il s&etilde;ble que le moindre globe
roufera plus ay$ement parce qu'il fait
vn plus grand angle de conting once, &amp;
s'&ecirc;loigne d'auantage de la ligne droite
AB.
<C>IV ADDITION.</C>
<p>Sur ce que Galilee dit que Pappus $'e$t
tromp&eacute;, lo$s qu'il a voulu determiner la
force nece$$aire pour mouuoir vn poids
donn&eacute; $ur vn plan propo$&eacute;, ou $ur vn
plan inclin&eacute;, dont l'angle d'inclination
e$t c&otilde;nu l'on peut remarquer plu$ieurs
cho$es, mais particulierement qu'il la
$uppo$e be aucoup trop gr&atilde;de, car il dit
qu'il faut la force de 40. hommes pour
mouuoir le poids de 200. talents, dans
la 9. propo$ition de $on 8. liure, au lieu
que la moindre force e$t capable de le
mouuoir $ur ledit plan: c'e$t pourquoy
il a conclud qu'il failloit 260. hommes
pour le mouuoir $ur vn plan inclin&eacute; de
120 degrez. Mais l'on comprendra cecy
plus ay$ement par cette figure, dans la-
<pb n=61>
quelle RM repre$ente le plan horizon-
<FIG>
tal, $ur lequel ie
$uppo$e que le plan
PM e$t eleu&eacute; de 30.
degrez, &amp; con$e-
quemment qu'il
fait 60. degrez auec
le plan perpendi-
culaire BC. Or il e$t certain que la
force qui retient le poids, ou le globe
BSA $ur le plan inclin&eacute; e$t audit poids,
comme la perpendiculaire PR e$t &agrave;
l'hypotenu$e PM: &amp; parce que cette
hypothenu$e e$t double de la perp&etilde;di-
culaire, vne force vn peu plus gr&atilde;de que
$ouz double le leuera, de $orte que $i le
globe pe$e 2. liures le poids P, ou O pe$&atilde;e
vne liure, &amp; vn grain le pourra tirer.
<p>Il faut encore remarquer que la force
qui doit empe$cher que le poids ne
coule &amp; ne pe$e point $ur le plan PM
doit e$tre au poids, comme la ba$e RM
&agrave; l'hy potenu$e PM. Or quand on veut
tirer le poids $ur le plan inclin&eacute;, il faut
mettre vne poulie au haut du plan,
comme l'on void en D.
<p>O&ugrave; l'on doit con$iderer la force qui-
$ou$tient le poids dans la ligne perpen-
<pb n=62>
diculaire PR, pour trouuer celle qui le
$ou$tient $ur le plan inclin&eacute;, &amp; parce
que le globe BSA pe$e 2 liures dans
ladite ligne, il n'en pe$era qu'vne $ur ce
plan inclin&eacute; de 30 degrez. Neantmoins
quelquesvns croyent que l'on peut
trouuer la force qui tire le poids $ur le
plan inclin&eacute; par la connoi$$ance de la
force qui le meut $ur le plan horiz&otilde;tal;
$urquoy l'on peut veoir Cabee au 20.
Chapitre du 4. liure de l'aymant.
<C>V. ADDITION.</C>
<p>Cette $peculation des plans differens
e$t grandement vtile pour trouuer la
force requi$e pour mouuoir toutes $or-
tes de fardeaux $ur les montagnes, &amp;
dans les valees, &amp; pour plu$ieurs autres
cho$es: par exemple, $i l'on vouloit
tirer vn fardeau $ur le plan FB, il fau-
droit vne force, qui eu$t me$me pro-
portion au poids, que la perpendiculai-
re BE &agrave; l'hypotenu$e BF. Mais $i l'on
vouloit l'empe$cher de couler ou de
pe$er $ur le plan BF, il faudroit vne
force qui eu$t me$me proportion au
poids que FE &agrave; FB, $uiuant ce qui a
<pb n=63>
e$t&eacute; dit dans l'addition precedente, &amp;
con$equemment il faudroit que cette
force fu$t $ouztriple du poids, pui$que
EF e$t $ouztriple de BF.
<p>Quant &agrave; la proportion des mouue-
<FIG>
mens qui $e
font $ur les
plans, nous en
parler&otilde;s apres:
Ie remarque-
ray $eulement
icy que la for-
ce e$t tou-
$iours &agrave; la pe-
$anteur qu'il faut $ou$tenir $ur les plans
propo$ez, c&otilde;mele co$t&eacute; qui touche la
force e$t au co$t&eacute; $ur lequel le poids e$t
appuy&eacute;, $oit que le co$t&eacute; de la force $oit
per pendiculaire, ou in clin&eacute; $ur l'hori-
zon: par exemple, la force e$tant po$&eacute;e
$ur le co$t&eacute; DF e$t au poids D mis
$ur HD, comme FD e$t &agrave; DH.
<p>Et $i l'on $uppo$e que BE $oit vne
muraille impenetrable, qui$oit polie, &amp;
qui ne cede nullement aux coups, la
bale qui la frapera au point D $elon
l'inclination de l'angle CDI, qui e$t de
30. degrez, $e reflechira en H par la li-
<pb n=64>
gne DH, dautant que l'angle de refle-
xion LDK e$t egal &agrave; celuy de l'inci-
dence. Mais il e$t difficile de $&ccedil;auoir o&ugrave;
$e reflechira la bale. L'on peut encore
con$iderer de combien vn poids de$-
cend plus vi$te $ur vn plan inclin&eacute; que
$ur l'autre: par exemple, de combien
il de$c&etilde;d plus vi$te $ur BF, que $ur CF,
ou DF, &amp; s'il y a me$me rai$on de lavi-
$te$$e qui s'exerce $ur BF, &agrave; celle de
DF, que de la ligne BF &agrave; DF: mais il
faut re$eruer toutes ces con$iderations
pour la fin de ce trait&eacute;. Concluons ce-
pendant qu'il faut d'autant moins de
force pour leuer le poids donn&eacute;, que le
chemin de la force e$t plus long que
celuy du poids, affin que l'vn rec&otilde;pen$e
l'autre, &amp; que la nature ne perde rien
d'vn co$t&eacute; qu'elle ne le gaigne de l'au-
tre. Finalem&etilde;t $ivn coup de can&otilde; e$t tir&eacute;
du point H contre la muraille BE, il
aura $a force entiere dans la perpendi-
culaire HE; &amp; le boulet appuyera en-
rierement contre E. Mais s'il frappe
obliquement en D par la ligne HD,
il $era d'autant moins fort que DH e$t
plus long que HE.
<pb n=65>
<HR>
<C>CHAP. X.</C>
<C><I>De la Viz d'Archimede pour
e$ieuer les eaux.</I></C>
<p>IL faut icy adio&ucirc;ter la con$ideration
de cette viz, parce que $on effet e$t
<FIG>
d'autant plus
admirable
que la cau$e
$emble plus
&eacute;loign&eacute;e de
la fai$on, car
elle fait mon-
ter l'eau par-
ce qu'elle la
fait de$cen-
dre. Son v$a-
ge paroi$t d&atilde;s
la figure qui
$uit, dans la-
quelle ZY
XVTSR &amp;
Q $ignifient
vn canal qui
entoure le
cylindre NP.
Or le bout du can al N doit e$tre dans
<pb n=66>
l'eau, &amp; le canal doit e$tre inclin&eacute;; &amp;
puis il faut tourner le cylindre autour
des points QP, &amp; NO, iu$ques &agrave; ce que
l'eau $orte par Q, apres auoir mont&eacute;
tout au long du canal, ou de l'helice
NO YX &amp;c. bans la quelle l'eau mon-
te par ce qu'elle de$cend, comme ie fais
voir en cette maniere.
<p>Soit le tri&atilde;gle A KB, d'o&ugrave; la viz NP
prend $on origine, lors que l'helice &agrave;
me$me inclination que KA, dont la
$aillie, ou l'eleuation e$t determin&eacute;e par
l'angle BAK; &amp; $i cet angle e$t du
tiers, ou du quart d'vn angle droit, l'e-
leuation de l'helice NZ, ou ZY $era
$emblablem&etilde;t le tiers, ou le quart d'vn
angle droit. Cecy e$tant po$&eacute;, il e$t
euid&atilde;t que la $aillie du canal AK $era
abbai$$&eacute;e quand le point K viendra au
point B, &amp; qu'elle n'aura plus de pente
ou d'inclination, &amp; con$equemment $i
on l'abai$$e vn peu plus bas que B, l'eau
coulera, &amp; s'engorgera naturellement
dans le canal AK, ou XV, &amp; tombera
du point A au point K, qui $e trouuera
plus bas que B $ouz l'orizon. Or il faut
entourer le cylindre CA du triangle
AKB, affin de con$truire la viz AC
<pb n=67>
perp&etilde;diculaire $ur l'horizon EA: &amp; puis
il la faut mettre dans l'eau, &amp; la tour-
ner, affin que l'eau monte par le canal
AE, qui n'e$t pas plus inclin&eacute; que KA,
c'e$t &agrave; dire que le tiers d'vn angle droi-
te donc $i l'on abbai$$e le cylindre PN
du tiers d'vn angle droit, les helices
EF, FG &amp;c. $eront inclin&eacute;es, comme
l'on void au cylindre panchant PN, &amp;
&agrave; $es helices ZYXV &amp;c. par con$e-
quent l'eau de$cendra de N &agrave; Z, &amp; tou-
tes les autres helices receuront vne
me$me di$po$ition pour faire couler
l'eau iu$ques au bout de la viz, de $orte
que l'eau de$cendra tou$iours en mon-
tant de N &agrave; P. D'ou il faut conclure que
la viz doit auoir vne inclination vn peu
plus grande que le triangle $ur lequel
on la ba$tie.
<C>VI ADDITION.</C>
<p>Il y a plu$ieurs cho$es &agrave; remarquer
pour la pente, &amp; la de$cente, &amp; pour
l'exaltation des eaux, &amp; pour tout ce
qui appartient aux Siphons, &amp; aux
Pompes qui attirent l'eau, ou les autres
liqueurs par a$piration, mais l'vne des
<pb n=68>
principales con$i$te &agrave; $&ccedil;auoir que l'eau
ne $e meut point naturellement $i elle
n'a de la pente, c&otilde;me l'on experimente
aux rui$$eaux, aux riuieres, aux e$tangs
&amp;c. ce qui fait reconnoi$tre que le
mouuem&etilde;t de la mer $uppo$e de la vio-
lence, car $i le reflus luy e$t naturel, le
flus doit e$tre violent. Quant au Siphon
il peut $eruir pour faire pa$$er des fon-
taines depuis le pied d'vne montagne
ou d'vn rocher iu$ques &agrave; l'autre co$t&eacute;,
pour changer le vin, ou les autres li-
queurs d'vn tonneau en vn autre, pour
vuider les marais, &amp; pour plu$ieurs
autres commoditez dont nous parle-
rons ailleurs.
<p>Quant &agrave; l'v$age de l'eau dans les me-
chaniques, il e$t tres grand, comme l'on
experimente aux moulins &agrave; eau, &amp; aux
differentes manieres dont on $e $ert
pour $&ccedil;auoir la differ&etilde;ce des pe$anteurs
de toutes $ortes de corps plus pe$ans, ou
plus legers que l'eau, $oit qu'on les com-
pare en$emble, ou auec la me$me eau:
mais tout cecy merite vn traict&eacute; entier
de l'Hydraulique, comme les vtilitez
de l'air &amp; du vent requierent vn di$-
cours entier de la Pneumatique. Mais
<pb n=69>
par ce que Galil&eacute;e n'en a rien dit d&atilde;s ce
liure, ie vi&etilde;s &agrave; la derniere c&otilde;$ideration
qu'il a faite $ur la forcede la percu$$ion.
<C>CHAP. XI.</C>
<p>Il e$t nece$$aire pour plu$ieurs rai$ons
de rechercher la cau$e de la force de la
percu$$ion, parce qu'elle contient plus
de merueilles que tous les autresin $tru-
mens Mechaniques, car on experimen-
te qu'en frapp&atilde;t $ur vn clou, $ur vn pieu,
ou pilotis, &amp;c. ils entr&etilde;t dans des corps
fort durs, &amp; qu'ils n'entrent nullement
$i l'on ne frappe de$$us, encore que l'on
charge &amp; que l'on pre$$e les marteaux
auec des fardeaux mille fois plus pe$&atilde;s
qu'eux, car &agrave; peine feroit-on entrer vn
coin au$$i auant en le chargeant d'vne
mai$on entiere, comme on le fait entrer
&agrave; coup de marteau. Ce qui e$t d'autant
plus digne d'e$tre con$ider&eacute; que nul
n'en a donn&eacute; la rai$on iu$ques &agrave; pre$ent:
ce qui fait voir la difficult&eacute; de cette
$peculation: car les pen$&eacute;es d'Ari$tote
&amp; des autres qui ont voulu prendre
la rai$on de cet effet de la longueur de
la maniuelle ou du manche des mar-
teaux $ont trop foibles, &amp; mal fond&eacute;es,
<pb n=70>
attendu que les poids qui tombent, &amp;
qui font de $i grands effets, nont point
de manches. Il faut dire la me$me
cho$e des poids que l'on pou$$e ou que
l'on iette de trauers. C'e$t pourquoy
il faut auoir recours &agrave; vn autre principe
pour trouuer la verit&eacute; de c&eacute;t effet, le-
quel ie ta$cheray &agrave; expliquer &amp; &agrave; le
rendre $en$ible. Ie di d&otilde;c que cet effect
vient de la me$me $ource que les autres
effets Mechaniques, &agrave; $&ccedil;auoir que la
force, la re$i$tance, &amp; l'e$pace par le$-
quels $e f&otilde;r les mouuem&etilde;s ont vnetelle
corre$pondance &amp; proportion entr'eux
que la force re$p&otilde;d $eulement &agrave; vne re-
$i$tance qui luy e$t &eacute;gale. &amp; qu'elle la
meut $eulement par vn e$pace &eacute;gal, ou
d'vne &eacute;gale vi$te$$e, dont elle $e meut
elle me$me. Semblablement quand la
force e$t moindre de moiti&eacute; que la re-
$i$tence, elle la peut mouuoir, $i elle
me$me $e meut d'vne double impetuo-
$it&eacute;, &amp; $i elle fait deux fois autant de
chemin. Ce qui $e remarque en toutcs
$ortes d'in$trumens, par le moyen de$-
quels l'on peut mouuoir &amp; $urmonter
coute $orte de re$i$tence pour grande
quelle pui$$e e$tre auec vne force $i pe-
<pb n=71>
tite que l'on voudra, pourueu que l'e$-
pace que fait la force ayt me$me pro-
portion auec l'e$pace de la re$i$tance,
que la grande re$i$tance &agrave; la petite for-
ce; ce qui $uit entierement la con$titu-
tion &amp; les regles de la nature.
<p>Cen'e$t d&otilde;c pas merueille $i en argu-
mentant au contraire, la force qui meut
vne petite re$i$tance par vn grand in-
terualle, en pou$$e vne cent fois plus
grande par vn interualle cent fois
moindre, puis qu'il ne peut arriuer au-
trement, Cecy e$tant po$&egrave;, il faut con-
$iderer qu'elle doit e$tre la re$i$tence
pour e$tre me&uuml;e par le marteau, qui la
doit frapper &amp; pou$$er; &amp; pour ce $ub-
ject il faut remarquer combien la force
qui a e$t&eacute; imprim&eacute;e au marteau le por-
ter a loing, $i l'on $uppo$e qu'il ne frap-
pe point, c&otilde;me il arriueroit $i le marteau
$ortoit de la main auec la me$me impe-
tuo$it&eacute; d&otilde;t il doit frapper vne enclume,
vn coin, ou quelqu'autre cho$e, &amp; qu'il
ne renc&otilde;tra$t nul empe$chem&etilde;t en $on
chemin. Et puis il faut c&otilde;$iderer quelle
re$i$tance fait le corps qui e$t frapp&eacute;, &amp;
c&otilde;bien il e$t pou$$&eacute; parvne telle percu$-
$i&otilde;, &amp; ay&atilde;t remarqu&eacute; de c&otilde;bi&etilde; il $e meut
<pb n=72>
&agrave; chaque coup, &amp; que le coin entre
d'autant moins auant que le marteau
pou$$&eacute; de la me$me impetuo$it&eacute; iroit
moins loing l'&otilde; trouuera que ledit coin
entrera d'autant moins auant dans vne
b&ucirc;che, ou dans vn autre corps &agrave; cha-
que coup, que la re$i$tance $era plus
grande que la force du matteau: de $or-
te qu'il ne faut plus admirer les effects
de la percu$$ion, puis qu'ils ne $ort&etilde;t pas
horsdes bornes de la nature.
<p>A quoy i'aio&ucirc;te vn exemple pourvne
plus grande intelligence, en $uppo$ant
que le mart eau qui a 4. degrez de re$i-
$tance $oit pou$$&eacute; d'vne telle force que
ne treunant nulle re$i$t&atilde;ce qui l'arre$te,
il aille iu$ques &agrave; dix pas, &amp; qu'&agrave; ce
terme on luy oppo$e vne poutre qui
ayt 4000. degrez de re$i$t&atilde;ce &amp; qui $oit
mille fois plus grande que la force du
marteau, de $orte qu'elle $urpa$$e $ans
proportion ladite force, $i elle e$t frap-
p&eacute;e, elle ira $eulement en auant la
millie$me partie de dix pas, par le$quels
l'on auroit pou$$&eacute; le marteau.
<p>D'o&ugrave; l'on peut conclurre que la force
de la percu$$ion $uit les loix des autres
in$trumens mechaniques, &amp; qu'il e$t
<pb n=73>
au$$i ay$&eacute; de la determiner que les au-
tres forces.
<C>ADDITION VII.</C>
<p>Galil&eacute;e promettoit plu$ieurs proble$-
mes &agrave; la fin de $es mechaniques, mais
pui$que nous ne les au&otilde;s point veus, il
faut $eulement icy aio&ucirc;ter quelques
con$iderations touch&atilde;t les mouuem&etilde;s;
en attendant que nous en donnions
plu$ieurs ob$eruati&otilde;s tres-exactes. Soit
donc le plan BG inclin&eacute; de 30. degrez
$ur le plan horizontal BF: il e$t premie-
rement certain que le poids pe$e d'au-
tant moins $ur BG que dans la ligne
perpendiculaire GX, que BG e$t plus
grand que GX, c'e$t &agrave; dire deux fois
<FIG>
moins, daut&atilde;t que GX,
e$t $ouz double de BG,
par la con$truction.
<p>Secondement il e$t cer-
tain que la boule mi$e au
point G &amp; roulante $ur
GB de$cend plus lente-
ment que par la ligne G
X. Mais il e$t difficile de
$&ccedil;auoir combien elle de$cend plus vi$te
<pb n=74>
par GX. Galil&eacute;e croit dans vn autre
di$cours qu'en me$me t&etilde;ps que la boule
de$cend de G en H elle de$cendroit
de G en E, &amp; qu'au me$me temps qu'el-
le de$cend de G en B, elle de$cen-
dro&icirc;t de Gen D. Car le point de la li-
gne perpendiculaire, auquel $e rencon
treroit le poids tombant, $e determine
par les perpendiculaires de$crites $ur lo
plan inclin&eacute;, comme l'on void icy aux
perpendiculaires HE &amp; BD tir&eacute;es des
deux points H, B, au$quels on $uppo$e
que la boule e$t arriu&eacute;e en ro&ucirc;lant: ce
qu'il faut au$$i, ce $emble, conclurre des
autres corps qui gli$$ent $eulement.
En troi$ie$me lieu, l'on peut con$iderer
$i les poids qui $e meuuent $ur le plan
inclin&eacute; gardent la me$me proportion
en leur vi$te$$e que ceux qui $e meuu&etilde;t
perpendiculairement vers le centre de
la terre, c'e$t &agrave; dire s'ils ha$t&etilde;t leur cour-
$e en rai$on doubl&eacute;e des t&etilde;ps par exem-
ples $i G ayant de$c&etilde;du iu$que, au quart
de $on plan dans le premier temps,
de$cend les trois autres quarts dans le
$econd temps. En quatrie$me lieu, la
$peculation de Galil&eacute;e e$t excellente, $i
elle e$t veritable, &agrave; $&ccedil;auoir qu'vne bou-
<pb n=75>
le de$cend en me$me temps $ur tous les
plans qui $ont dans le me$me demi cer-
cle, ce que l'on comprendra par cette
figure dans laquelle AB e$t le diametre,
qui repre$ente la cheute perpendicu-
<FIG>
laire. EB, DB,
&amp; CB, ou FB,
GB, &amp; HB m&otilde;-
$tr&etilde;r les cheutes
obliques, qui$e
font toutes en
me$me temps
depuis le haut
iu$ques au bas
de chaque plan, de $orte que la boule
va au$$i to$t de G &agrave; B que d'E &agrave; B. Par
ou l'on void que le mouuement de la
boule e$t d'autant plus lent que le plan
obligue s'approche dau&atilde;tage de l'hori-
zontal IK, $ur lequel il n'a plus de mou-
uement par ce qu'il ne peur plus s'ap-
procher du centre de la terre. Cette
figure contient encore d'autres lignes, &agrave;
$&ccedil;auoir AF, FG, GH, AG, &amp; AH, $ur
$ur le$quelles on peut encore con$ide-
ter les mouuemens d'vne boule, affin
de les comparer auec ceux qui $e font
$ur les plans FG, GH, &amp;c.
<pb n=76>
<p>En cinquie$me lieu, il faudroit con$i-
derer quelle e$t la vite$$e des mouue-
mens qui $e font $ur les plans BE, CE:
<FIG>
&amp; D
E, qui
$ont
dans
le
quart
du
cer-
cle B
CE, &amp; quelle proportion elle a auec la
vite$$e du mouuement d'Aen E, dont la
partie AH $e fai$ant dans vn t&etilde;ps don-
n&eacute;, tout le re$te depuis H iu$ques &agrave; E $e
fait dans vn autre temps egal. O&ugrave; il faut
encore remarquer que $i l'on pend l<*>
poids E &agrave; la chorde AE, &amp; qu'on tire le
poids iu$ques &agrave; B, que B de$c&etilde;dra qua$i
en me$me temps de B &agrave; E par le quart
du cercle BCE qu'il de$cendra de C,
ou de D au me$me E. Or les lignes Bk,
KL, &amp; LM font veoir combien les
poids de$cend&etilde;t $urles plans CE &amp; DE,
&amp; con$equemment de combien il $ont
retardez, &amp; empe$chez par chaque plan
inclin&eacute;: par ex&etilde;ple, le poids B roulant
<pb n=77>
de B &agrave; C $ur le plan BC de$cend autant
que quand il roulle de C en E, car la li-
gne BK e$t &eacute;gale &agrave; KM; &amp; le poids
roullant de C &agrave; D de$cend plus de deux
fois dauantage que celuy qui va de D &agrave;
E car LK e$t plus que double de LM.
D'o&ugrave; il e$t ay$&eacute; de c&otilde;clure que le poids
B qui de$cend par le quart de cercle
BCE iroit d'aut&atilde;t plus lentement qu'il
approche dauantage du point E, s'il n'a-
querroit nulle impetuo$it&eacute;.
<p>En $ixie$me lieu, la chorde AB con-
duira le poids B iu$ques au diamettre
AE dans vn temps donn&eacute;, $i elle e$t en
rai$on doublee dudit temps, lors qu'elle
doit $e mouuoir dans vn plus grand
temps; ou en rai$on $ouzdoubl&eacute;e, $i el-
le $e doit mouuoir dans vn moindre
temps: par exemple, $i la chorde AB
porte B dans 4. moments iu$ques &agrave; E,
la chorde $ouzquadruple AI portera'I
iu$ques &agrave; H dans vn moment.
<p>En $eptie$me lieu, le poids qui de$c&etilde;d
de B en M, ou d'A en Eva non $eulem&etilde;t
plus lentement en commen&ccedil;ant $on
mouuement, mai, au$$i il pa$$e par tous
les degrez po$$iblesde tardiuet&eacute;, de $or-
te que s'il n'augmentoit point la vi$te$$e
<pb n=78>
qu'il a vers le milieu de la premiere $ep-
tie$me minute, il $eroit deux ans &amp;
20 iours &agrave; de$cendre l'e$pace d'vn
pied de Roy, comme ie demon$treray
dans vn trait&eacute; particulier.
<C>ADDITION VIII.</C>
<p>Il e$t certain que les poids qui de$-
cendent vers le centre augmentent
tou$iours leur impetuo$it&eacute;, &amp; que $i on
lai$$e cheoir vne boule $ur le plan CA,
elle aura autant d'impetuo$it&eacute; lors
qu'elle $era arriu&eacute;e au point A, comme
quand elle $era tomb&eacute;e en B du point
C parce qu'elle $era au$$i proche du
centre en A qu'en B: &amp; cette impetuo-
$it&eacute; $era a$$ez grande pour faire remon-
<FIG>
ter le me$me
poids iu$ques &agrave;
C $oit par la li-
gne oblique
AC, ou par la
perpendiculai-
re BC, pour-
ueu qu'il n'y ayt nul empe$chement ex-
terieur. Mais tandis que le poids tom-
be de C en T, il tombe de C en B, &amp; par
<pb n=79>
con$equemment il acquier beaucoup
plus d'impetuo$it&eacute; en me$me temps
par le plan horizontal que par l'in-
clin&eacute;. Semblablement tandis que le
poids tombe par le plan AD de D en I,
il tombe de D en B, car la ligne IB e$t
perpendiculaire $ur la ligne AD; &amp; $i le
poids tombe iu$ques en A, il $era tomb&eacute;
par la perpendiculaire DB prolong&eacute;e
iu$ques au poinct, auquel elle $era cou-
p&eacute;e par la ligne tir&eacute;e du point A paral-
lele &agrave; IB, laquelle $era perpendiculaire
au plan IA. Or il y a grande apparence
que le temps auquel le poids tombe
de C en B e$t au temps auquel il tombe
de C en A, comme la ligne CB e$t &agrave; la
ligne CA. Ce que l'on peut exami-
ner en cette maniere. Suppo$ons donc
que le temps de la cheute d'A en B $ur
leplan AB $oit &eacute;gal au temps de la
cheute qui $e fait d'A en D: &amp;
<FIG>
pour ce $ubiect qu'au tri-
angle rectangle ABD le
co$t&eacute; D $oit de 4. parties, &amp;
le co$t&eacute; BA de deux, $i A
D e$t 1000. AB $era 500,
&amp; partant l'angle BDA
$era de 30 degrez, car DA e$t&atilde;t, le rayon
<pb n=80>
AB $era le Sinus de 30 degrez, &amp; l'an-
gle BDA $era de 60. degrez, &amp; con$e-
quemment le co$t&eacute; BD $era 866, c'e$t
&agrave; dire le Sinus de 60. Au triangle ABC
rectangle, en C l'angle BCA e$t connu
de 60 degrez, donc l'angle ABC e$t de
30. degrez, dont le $inus AC e$t 250, &agrave;
$&ccedil;auoir la moiti&eacute; du rayon BA, &amp; BC
$inus de BAC 60. e$t 433. de telles parties
dont AD e$t 1000: donc $i AC e$t 250.
AB $era 500. &amp; AD 1000, de $orte qu'A
B e$t moyenne proportionnelle en-
tre DA, &amp; CA; donc AD e$t quadru-
ple de CA, &amp; con$equemment AB e$t
double de CA. De plus $i l'on $up-
po$e qu'AC $oit de 3. pieds, le poids
tombe de cet e$pace dans vne $econde,
&amp; AD e$tant quadruple d'AC, le poids
tombera par AD en deux $econdes, &amp;
parce que nous au&otilde;s $uppo$&eacute; qu'il chet
par la ligne AB en me$me temps que
par la perpendiculaire AD, il fera au$$i
l'e$pace AB en 2. $econdes. De $orte
qu'il y aura me$me rai$on du temps de
la cheute AC &agrave; celuy de la cheute de 3
pieds AB que de la ligne BA &agrave; la ligne
CA, qui a $ix pieds.
<p>Il faut encore remarquer que comme
<pb n=81>
AC e$t $ouz quadruple de DA, que
CE e$t au$$i $ouzquadruple de BD, &amp;
AE de BA, &amp; que de me$me que CD
e$t triple de CA, que BE e$t triple d'E
A, &amp; que comme la tacine de CA e$t &agrave;
la racine de DA, que le temps de la
cheute CA e$t &agrave; celuy de la cheute
DA. Et parce que le poids qui tombe
d'Aen B e$t deux fois autant de temps
que celuy qui tombe d'A en C, l'on
peut dire qu'il va au$$i vi$te par AB que
par AC, puis qu'il faitvn chemin dou-
ble dans vn temps double.
<p>D'o&ugrave; ie conclus que le plan peut telle-
ment e$tre inclin&eacute; $ur l'horizon BC,
que la boule mi$e de$$us $era plus
d'vn an &agrave; rouler iu$ques &agrave; B, &amp; qu'vn
temps infini ne $uffiroit pas pour $on
roulement $ur le plan horizontal de C
en B, parce que $a tardiuet&eacute; deuient in-
finie quand le plan inclin&eacute; e$t reduit au
plan horizontal, $ur lequei<*>la boule ne
$e peut mouuoir que circulairement,
$uppo$&eacute; que la terre $oit parfaitement
ronde, ce qui n'arriue point $i le mou-
uement droit ne precede, &amp; n'en e$t
cau$e: mais le poids n'aquierra point de
plus grande vi$te$$e $ur le plan horizon-
<pb n=82>
tal, $ur lequel il ira tou$iours vniforme-
m&etilde;t s'il ne trouue nulle empe$chem&etilde;t,
d'autant qu'il e$t tou$iours &eacute;galement
&eacute;loign&eacute; de $on centre.
<C>ADDITION. IX.</C>
<p>Galil&eacute;e n'a point trait&eacute; des in$trum&etilde;s
qui $e $eruent de ro&uuml;es dentelees, com-
<FIG>
me $&otilde;t celles cy B &amp; A, qui tournent par
le moyen de la maniuelle E, &agrave; laquelle
la moindre ro&uuml;e A, que l'on appelle or-
dinairement le Pignon, e$t attach&eacute;e,
affin d'accommoder $es dents &agrave; celles
de la grande ro&uuml;e B, qui tourne $ur $on
e$$ieu C, &agrave; l'entour duquel l'on met la
chorde qui tient le poids D. Or on
<pb n=83>
multiplie ces ro&uuml;es tant que l'on veut
iu$ques &agrave; l'infini: mais plus il y en a d&atilde;s
vn in$trument &amp; plus on e$t long temps
<FIG>
&agrave; leuer
le poids
attach&eacute;
&agrave; celle
qui
tourne
le plus
lente-
ment,
c&otilde;me
l'&otilde; expe
rim&etilde;te
aux hor
loges &agrave;
ro&uuml;es,
&amp; &agrave; re$-
$ors. Ie
mets
$eule-
ment
icy la fi-
gure de
l'in$tru-
ment
que l'on appelle Cry, qui $ert pour
<pb n=84>
releuer les caro$$es, &amp; les charrettesqui
$ont ver$&eacute;es. La moindre figure IGH
faitvoir $a forme exterieure, &amp; les cr&atilde;s,
ou les dents H, qui ont la four chette G
en haut pour leuer les fardeaux. CB
fait veoir la maniuelle &amp; le Pignon B
qui fait tourner la grande ro&uuml;e AB, la-
quelle fait hau$$er le cry FE par le
moyen du pignon &agrave; trois dents D qui,
$'aiu$te dans les dents de FE. Si l'on
multiplie les ro&uuml;es de cry on le rendra$i
fort qu'il pourra leuer vne mai$&otilde; toute
entiere, mais $on effet $era plustardif en
<FIG>
recompen$e. Mais l'on ne peut enten
<pb n=85>
dre la nature &amp; les proprietcz de ces
in$trumens, $i l'on ne comprend les pro-
prietez du cercle, dont ie parle dans
vn autre lieu. Il y a encore d'au-
tres ro&uuml;es qui ont vne grande force,
comme $ont celles de la viz $ans fin,
dontie donne $eulementicy la figure,
dans laquelle EFG e$t la plus grande
ro&uuml;e. AD e$t l'arbre entour&eacute; des fi-
lets E qui entrent dans les dents de la
dite ro&uuml;e: mais $i l'on adioute la ro&uuml;e
CB, elle redoublera la force, &amp; la mani-
nelle L fera tourner l'arbre K, dont les
filets B entrent dans les dents de la $e-
conde ro&uuml;e BC. Le poids I e$t attach&eacute;
&agrave; la chorde H, &amp; $e tient en chaque
degr&eacute; de hauteur o&ugrave; l'on veut, $ans
qu'il $oit be$oin d'arre$ter l'in$trument
par aucune force: mais les filets des ar-
bres s'v$ent bien to$t.
<p>Finalement ie veux adiouter vn
mou$$le &agrave; $ix poulies qui n'a pas e$t&eacute;
mis en $on lieu, dans le chapitre des
poulies, affin que ceux qui s'en vou-
dront $eruir, voyent comme il faut
con$truire cet in$trument, que Pappus
appelle Poly$pa$te dans la 24 propo$i-
tion du 8. liure de $es Recueils Mathe-
<pb n=86>
<FIG>
matiques, o&ugrave;il nomme
l'armeure HF, ou AG
<I>manganum.</I>
<p>L'on voit donc en ce
mouffle $ix ro&uuml;es, &agrave;$&ccedil;a-
uoir 3 en bas F, D, B, &amp;
3 en haut G, E, C, mais
la derniere d'enhaut
Gne multiplie point la
force, dautant qu'elle
ne $ert que comme la
$imple poulie d'vn
puys. Or cet in$tru-
ment e$t plai$ant en ce
que $i 4 ou 5 hommes
employent toute leur
force &agrave;tirer la chorde
IK, celuy qui tire le
bout de la chorde L
d'vne $eule main les
fait venir &agrave; luy malgr&eacute;
qu'ils en a yent. Et l'on
peut y mettre tant de
poulies que l'on mene-
ra les Egli$es, les tours,
&amp; les autres edifices
o&ugrave; l'on vou dra, pour-
ueuqu'&otilde; les pui$$e cein-
<pb n=87>
dre de chordes a$$ezfortes pour ce $uiet,
&amp; que les murailles ne $e $eparent point
les vnes des autres. Ceux qui veulent
$erieu$ement e$tudicr aux Mechani-
ques doiuent lire tout le 8 liure de
Pappus, d&atilde;s lequel il explique plu$ieurs
$ortes d'in$trumens; &amp; les liure de Gui-
don Vbalde, qui a le mieux de tous trai-
t&eacute; de la nature de ces in$trumens.
<C>ADDITION. X.</C>
<p>Ie mets encore icy vne figure du plan
inclin&eacute;, affin que l'on con$idere l'utilit&eacute;
du triangle rectangle dans les mecha-
niques. Soit donc le triangle BAC, d&otilde;t
la $ou$tendante ou l'hypotenu$e BC
<FIG>
e$t double du co-
$t&eacute; BA, &amp; la ba$e
AC e$t parallele
&agrave; l'horizonil: e$t
con$tant que le
poids F doit e$tre 2. fois au$$i pe$ant que
le poids D pour e$tre &eacute;quilibre, daut&atilde;t
qu'ils doiuent garder entr'eux la me$me
rai$on que le co$t&eacute; CB au co$t&eacute; AB.
Mais lors que l'on veut $&ccedil;auoir la force
dont le poids F pre$$e le plan BF, il faut
prendre la ba$e du triangle AC &amp; la
<pb n=88>
comparer auec l'hypotenu$e BC, d'au-
tant que la pe$anteur entiere du
poids F e$t &agrave; celle par. laquelle il
pre$$e le plan BC, comme CB e$t &agrave;
CA, de $orte que $i BC e$t 5, &amp; CA 4.
la rai$on de la pe$&atilde;teur totale e$t $e$qui-
quarte de la pe$anteur relatiue, &amp; con-
$equ&atilde;ment la force F ne pourroit rom-
pre vnere$i$tance de 5. Par o&ugrave; lon voit
que la con$ideration du rayon AC, de la
tangente BA, &amp; de la $ec&atilde;te BC e$t en-
tierement nece$$aire pour les mechani-
ques, dont i'ay parl&eacute; fort amplement
dans le dix &amp; l'onzie$me theor&ecirc;me du
$econd liure de l'harmonie vniuer$elle.
<p>Or pui$que l'on demon$tre que la vi-
$te$$e des poids qui de$cendent $ur les
plans inclinez s'augmentent en rai$on
doubl&eacute;e des temps, il e$t ay$&eacute; de deter-
miner vn lieu $ur vn plan inclin&eacute; telque
l'on voudra, auquel le poids ira au$$i
vi$te qu'en vn autre lieu donn&eacute; de $a
de$cente perpendiculaire, comme l'on
peut conclure de ce qui a e$t&eacute;dit dans la
<*> Addition.
<C>FIN.</C>
<pb>
<FIG>
<C>A MONSIEVR,
MONSIEVR</C>
<p>DE BOVRGES
CONSEILLER DV ROY,
&amp; Thre$orier Payeur de Me$-
$ieurs les Thre$oriers de Fran-
ce &agrave; Orleans.
<p><I>MONSIEVR;</I>
<p><I>Ie ne doute pas que vous ne receuiez
ce Trait&eacute; auec contentement, puis qu'il
contient le principe des plai$irs les
plus purs, &amp; les plus innocens de ce
monde, &amp; qu'il e$t capable de de$abu-
$er tous ceux qui s'imaginent que l'on</I>
<pb>
<C>LES
PRELVDES
DE L'HARMONIE
VNIVERSELLE,
<I>OV</I>
QVESTIONS CVRIEVSES.</C>
<C><I>Vtiles aux Predicateurs, aux Theologiens,
aux A$trologues, aux Medecins
&amp; aux Philo$ophes.</I></C>
<C>Compo$ees par le L.P.M.M.</C>
<FIG>
<C>A PARIS,
Chez HENRY GVENON, ru&euml; S. Iacques,
pr&eacute;s les Iacobins, &agrave; l'image S. Bernard.</C>
<HR>
<C>M. DC. XXXIV.
<I>AVEC PRIVILEGE ET APPROBATION;</I></C>
<pb>
<p><I>peut predire des cho$es certaines par la
connoi$$ance que l'on a de la r&etilde;contre,
&amp; des a$pects des planettes, &amp; des
e$toilles. Vous y trouuerez $embla-
blement plu$ieurs cho$es qui appar-
ti&etilde;nent aux my$teres des nombres, dont
vous faites vn e$tat particulier, car la
neu$i&eacute;me Que$ti&otilde;vous fournira d'id&eacute;es
pour examiner les plus $&ccedil;auans Analy-
$tes, qui $e vantent de pouuoir re $oudre
toutes $ortes de proble $mes numeri-
ques, &amp; vous donnera $uiet de leur
demander vn nombre, dont les parties
aliquotes e$tant a$$emblees fa$$ent le
triple, &amp; le quadruple ou vn autre
nombre qui $oit en rai$on donn&eacute;e auec
le nombre, dont elles $ont parties ali-
quotes; &amp; de $&ccedil;auoir s'il y a vn autre
nombre que</I> 120, <I>dont les parties $u$-
dites fa$$ent le double, &amp; par quelle
regle, ou par quelleanaly$e l'&otilde; peut trou-
uer tant de nombres $emblables que
l'on voudra. Il e$t certain qu'il y a des</I>
<pb>
<I>rencontres dans les nombres, qui raui$-
$ent les plus excell&etilde;ts e$prits, lors qu'on
les a trouu&eacute;s; &amp; que leur e$tand&uuml;e
e$t $i va$te, qu'elle arre$te &amp; $urpa$-
$e l'entendement des hommes, lequel
neantmoins en peut v$er pour e$tablir
vne nouuelle Philo$ophie. En effet la
puret&eacute; des nombres e$t tre$-propre pour
ce $uiet, car elle n'e$t nullement me$l&eacute;e
auec la matiere, &amp; con$i$te dans vne
$implicit&eacute;, &amp; dans vne ab$traction
beaucoup plus grande que celle de la
Geometrie qui $uppo$e des poinsts, des
lignes, des $urfaces, &amp; des corps, c'e$t
&agrave; dire trois e$peces de dimen$ions. Mais
le nombre est $i pur &amp; $i $imple que $on
principe $e trouue me$me en Dieu, le-
quel'est vn, &amp; qui est accompagn&eacute;
du $acr&eacute; Ternaire des trois Per$onnes
diuines. Et peut-e$tre qu'il $eroit ay$&eacute;
de comparer chaque cho$e &agrave; chaque
nombre, $i l'on connoi$$oit la nature
de tous les indiuidus; ce qui $eruiroit</I>
<pb>
<I>pour vne Philo$ophie que l'on ne pour-
roit oublier, &agrave; rai$on du bel ordre que
l'on garderoit dans les rai$onnemens,
dans les conclu$ions &amp; dans les demon-
$trations. C'est, MONSIEVR,
ce que vous pouuez con$iderer auec
plai$ir, $i vous en voulez prendre la
peine, laquelle vous $era d'autant
plus agreable, que vous trouuerez vne
plus grande multitude de $pecula-
tions tre$ rares, &amp; neantmoins tres-
fecondes dans l'infinit&eacute; de l'Algebre,
&amp; dans les aby$mes tres profonds des
nombres. Ie vous offre cependants les
Preludes de la $cience, qui $e $ert des
nombres, comme de tres $olides fonde-
mens, $ur le$quels elle e$tablit $es prin-
cipes, &amp; dont elle v$e perpetuellement
dans $a maniere de rai$onner, &amp; de
conclurre, af$in que $on harmonie $e
ioigne &agrave; celle de vo$tre e $prit, &amp; vous
fa$$e re$$ouuenir de la Vocale, dans la-
quelle vous reu$$i$$ez $i he ureu$ement</I>
<pb>
<I>que les Organi$tes font gloire de io&uuml;er,
&amp; de faire entendre vos compo$itions
$ur leurs orgues quand il vous plai$t
de les leur donner. Ce qui fait que i'o-
$e me promettre que la lecture de ce li-
ure ne vous $era pas de$agreable,
puis que vous prenez tant de plai$ir
&agrave; la $cience, qui donne le nom aux plus
belles cho$es, &amp; qui a $erui d'idee &agrave;
Pythagore, &amp; &agrave; Platon, lors qu'ils
ont voulu e$tablir leur Philo$ophie.
Vous verrez quand il plaira &agrave; Dieu, la
piece entiere, qui contiendra peut e$tre
quelqu'vne de vos compo$itions, &amp; la
pre$entera &agrave; toute l'Europe, &amp; qui
me $eruira de caution &amp; d'argument
pour demon$trer que i'ay eu rai$on de
vous deder ces Preludes, &amp; de me
dire,</I>
<p>MONSIEVR,
<p>Vo$tre tres humble &amp; tres-
affectionn&eacute; $eruiteur.
F.M.Mer$ene M.
<pb>
<FIG>
<C><I>PREFACE AV LECTEVR.</I></C>
<p>I'Ay donn&eacute; le nom de Preludes
&agrave; ce Liure, parce qu'il a qua$i le
me$me rapport aux traitez de
toutes les autres parties de la Mu-
$ique, que ie donneray bien to$t
auec l'ay de de Dieu, que les Pre-
ludes du Luth, de l'Orgue, ou des
autres In$trumens ont auec les
differentes pieces, &amp; compo$i-
tions qui $uiuent apres. Et com-
me ils plai$ent dauantage &agrave; plu-
$ieurs que ce qui les $uit, il $e
pourra faire que ce Liure ag-
greera dauantage &agrave; quelques vns,
que ceux qui parleront de ce qui
concerne les differentes parties
de l'harmonie. Quoy qu'il en $oit,
l'on trouuera dans les vns &amp; dans
les autres dequoy $e contenter, $i
<pb>
on les lit de la me$me affection,
&amp; pour la me$me rai$on que ie les
donne. Mais il n'e$t pas be$oin
d'vne plus longue Preface, pui$-
que la Table des Que$tions $up-
pleera &agrave; ce que l'on pourroit
adiouter.
<pb>
<FIG>
<C>TABLE.</C>
<C>DES QVESTIONS
de ce Liure.</C>
<p>I. Qu. <I>Qvelle doite$tre la con$titution
du ciel, on l'Horo$cope d'vn
parfait <*>ien.</I>
<p>II. Que$t. <I>Dans laquelle les principes
de l'A$trologie iudiciaire $ont examin&eacute;s dans
cinq propo$itions.</I>
<p>III Que$t. <I>Pourquoy les $&ccedil;auans reiesent
l'A$trologie iudiciaire comme vne fable: o&ugrave;
il e$t mon$tr&eacute; fort amplement qu'elle ne peut
rien predire de probable de la nai$$ance des
hommes, &amp; qu'elle n'a nul fondement a$-
$eur&eacute;.</I>
<p>IV. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir $i le temperament
du parfait Mu$icien doit e$tre $anguin, phlig-
matique, bilicux, ou melancholique pour pou-
uoir chanter, ou compo$er les plus beaux
airs qui $oient po&szlig;ibles.</I>
<p>V. Que$t. <I>Quel doit e$tre la $&ccedil;ience, &amp; la
capacit&eacute; d'vn parfait Mu$icien.</I>
<p>VI. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir $i le $ens de l'o&uuml;ye
doit e$tre le iuge de la douceur des $ons, &amp;</I>
<pb>
<I>des concerts, ou $i ce$t office appartient &agrave;
l'entendement.</I>
<p>VII. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir s'il e$t nece$$aire,
ou expedient d'v$er du genre chromatic, &amp; de
l'Enarmonic, ou $i l'on doit $e tenir au $eul
Diatonic, &amp; $i l'on $epeut reduire ces trois
genres en Pratique.</I>
<p>VIII. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir $i les chordes par-
faitement &eacute;gales e$tant tir&eacute;es d'vn mouue-
ment &eacute;gal, u d'vne force &eacute;gale $e romproient,
&amp; en quel lieu elles $e romproient.</I>
<p>IX. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir pourquoy les Grecs
ont plu$to$t v$&eacute; de Tetrachordes pour e$ta-
blir la Mu$ique, que du Pentacherde, &amp;c.
o&ugrave; l'on void plu$ieurs belles remarques $ur le
nombre de</I> 4. <I>&amp; o&ugrave; le</I> 3. <I>Proble$me de la</I>
15. <I>$ection d'Ari$tote est expliqu&eacute;.</I>
<p>X. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir $i les $ons forment
les m&oelig;urs, comme dit Ari$tote, &amp; pourquoy
ils $ont plus propre &agrave; exciter les pa$sions, que
les couleurs, les $aucurs &amp;c.</I>
<p>XI. Que$t. <I>A $&ccedil;auoir comme il faut
compo$er les chan$ons pour e$tre les plus excel-
lentes de toutes les po$sibles.</I>
<p>Mais il fout remarquer que cette Que-
$tion a e$t&eacute; tronqu&eacute;e, &amp; que nous la
donnerons toute entiere dans le Liure
des beaux chants. S'il ya quelque cho-
<pb>
$e &agrave; de$irer dans ce Liure, c'e$t particu-
lierement que l'on donne le temps des
trois natiuitez, qui $ont d&atilde;s la premiere
Que$tion, &amp; de determiner $i elles $ont
de$ia pa$$&eacute;es, ouquand elles arriueront:
&amp;c' e$t vn excellent proble$me que ie
propo$e &agrave; tous les A$tronomes, &amp;
A$trologues du monde.
<pb>
<HR>
<C><I>APPROEATION.</I></C>
<p>NOvs auons veu &amp; approuu&eacute; les traitez
$uiuans du R. P. M. Mer$enne Reli-
gieux de no$tre Ordre, &agrave; $&ccedil;auoir <I>les Que$tions
Thcologiques, Phy$iques, &amp; tradution des Mecbani-
ques de Galil&eacute;e, &amp; les Preludes de l'Harmonie</I> &amp;c.
&amp; n'y auons rien trouu&eacute; qui ne $oit conforme
&agrave; la vraye Theologie, &amp; aux bonnes m&oelig;urs.
En foy dequoy nous auons icy mis nos $eings
Fait en no$tre Conuent de la place Royalle
ce 20. Iuin 1634.
<p>F. FRAN&Ccedil;OIS DE LA NO&Uuml;E Minime.
<p>E. MARTIN HERISSE Minime.
<HR>
<C><I>Quelques fautes de l'impre$$ion des
Preludes</I></C>
<p>Page 14 li$ez rai$on. p. 33 li$e z eu$t &amp; non il
fu$t p. 98. l. 18 o$tez <I>a</I> p. 70 l 9 li$ez Almu-
ten. p. 71 l 1. au lieu <I>&agrave; auec</I> li$ez <I>dans.</I> p. 84 l.
penultie$me on a obmis <FIG> p. 86. l. 8.
li$. <I>laquelle.</I> p. 107. l. 3. dans <I>les.</I> p. 197. l.
14. <I>$oigneux.</I> l. 26. <I>le</I>
<p>Le lecteur iudicieux peut coriger tout le re$te<*>
<pb>
<HR>
<C><I>PRIVILEGE DV ROY.</I></C>
<p>PAr lettres du Rov donnees &agrave; Paris
le mois d'Aou$t de l'ann&eacute;e 1634.
$ignees Perrochel, &amp; $eellees du grand
$ceau de cire iaune, il e$t permis au
P. M. Mer$enne Religieux Minime
de faire imprimer par tel Libraire que
bon luy $emblera <I>Flu$ieurs Traittez de
Philo$ophie, de Theologie, &amp; de Mathema-
tique.</I> Et deffences $ont faites &agrave; toutes
per$onnes de quelque qualit&eacute; qu'ils
$oient de les faire imprimer, vendre &amp;
di$tribuer pendantle temps de $ix ans &agrave;
compter du iour que le$dits liures $e-
ront acheuez d'imprimer, comme il
e$t plus amplement port&eacute; dans les let-
tres dudit Priuilege.
<p>Et ledit P. M. Mer$enne &agrave; con$enty &amp; con-
$ent que Henry Guenon io&uuml;i$$e dudit Pri-
uilege, comme il e$t plus amplement decla-
r&eacute; par l'accord fait entr'eux.
<pb n=1>
<FIG>
<C>PRELVDES
DE
L'HARMONIE</C>
<HR>
<C>QVESTION PREMIERE.</C>
<C><I>Quelle doit e$tre la con$titution du Ciel, ou
l'horo$cope d'vn parfait Mu$icien.</I></C>
<p>PLVSIEVRS e$timent que
l'on peut predire ce qui doit
arriuer aux hommes par la
connoi$$ance des A$tres: par-
ce qu'ils di$ent que les differentes con-
$titutions de nos corps, &amp; de nos tem-
peramens dependent des planettes, &amp;
des e$toiles qui $e rencontrent &agrave; nos
nai$$ances. Or ie veux icy examiner ce
que l'on peut dire de la nai$$ance d'vn
parfaict Mu$icien, qui $oit capable de
<pb n=2>
plaire par $es harmonies &agrave; toutes $ortes
de per$onnes $elon les plus excellentes
regles de l'A$trologie. C'e$t pourquoy
ie mets icy la Natiuit&eacute; que les plus $&ccedil;a-
uans A$trologues de ce $iecle ont iu-
g&eacute;e capable de nous donner vn parfait
Mu$icien. Et puis i'examineray les fon-
demens, &amp; les regles de l'A$trologie.
<C><I>Natiuit&eacute; du parfaict Mu$icien.</I></C>
<FIG>
<C><I>De la vie, du temperament, &amp; de la propor-
tion du corps du plus excellent Mu-
$icien qui pui$$e e$tre.</I></C>
<p>IL faut premierem&etilde;t remarquer dans
cette figure, que les malefiques ne
<pb n=3>
$ont ny trop pui$$ans, ny trop &eacute;leuez
$ur les luminaires, ou $ur les autres pla-
nettes, &amp; qu'ils ne $e trounent point
dans les angles. Secondement, que
les $ignificateurs de la vie $ont exempts
de leurs mauuais rayons: En troi$ie$me
lieu, que l'a$cendant rend le Mu$icien
fortun&eacute;, car il e$t ioint &agrave; la Lune, qui e$t
heureu$e en la premiere mai$on, &amp; qui
re&ccedil;oit le Soleil d'vn quadrat ioint &agrave;
<FIG>, &amp; <FIG> au $extil de <FIG>, &amp; au trin de
<FIG>, qui tous donnent vne vie forte, &amp;
vn temperament chaud, &amp; humide,
qui e$t le meilleur, &amp; le plus viuifiant
de tous, dont d&eacute;pend le teint excellent
du vi$age, &amp; des autres parties du corps
m&eacute;l&eacute;es de blanc, &amp; de rouge: A quoy
ils adiou$tent qu'il ne faut pas craindre
que $a vie $uruiue &agrave; $a gloire; &amp; qu'elle
$era $uiuie d'vn honneur eternel, dau-
tant qu'il appliquera $a Mu$ique &agrave; l'h&otilde;-
neur de la Religion Catholique, qui
$eule nous acquiert vn h&otilde;neur immor-
tel, &amp; vne gloire immen$e dans le Ciel.
<p>Et $i quelqu'vn obiecte que le Soleil
vient au quadrat de <FIG>, que la Lune luy
e$t oppo$ee vers la $ixie$me ann&eacute;e de
$on &acirc;ge: Que le Soleil rem&otilde;te par l'op-
<pb n=4>
po$&eacute; de <FIG>, &amp; que l'a$cendant e$t ble$$&eacute;
par l'opo$ition de <FIG>. Il e$t facile de r&eacute;-
p&otilde;dre &agrave; ces inc&otilde;ueni&etilde;s, qui ne $ont que
cheutes, &amp; ruptures de membres, car
ils $ont empe$chez &amp; $urmontez par la
rencontre de <FIG>, &amp; par le trin, &amp; le $ex-
til de <FIG> &amp; de <FIG>: c'e$t pourquoy il faut
attendre que le Soleil, ou l'a$cendant
vi&etilde;nent &agrave; leur propre quadrat, qui pro-
mettent plus de c&etilde;t ans &agrave; ce Mu$icien.
<p>Deplus <FIG>, &amp; <FIG> le fortifient d'v-
ne rare prudence, piet&eacute;, &amp; iu$tice pour
re$i$ter &agrave; tous ces mouuemens, &amp; ne
peut y auoir aucune con$tellation $i
heureu$e, dans laquelle il ne $e pui$$e
rencontrer quelque inconueni&etilde;t, Dieu
ayant voulu bal&atilde;cer toutes cho$es pour
no$tre bi&etilde;, pour la beaut&eacute; de l'vniuers,
&amp; pour $a plus grande gloire.
<HR>
<C><I>De la profe&szlig;ion, des m&oelig;urs, de l'e$prit, &amp;
de l'excellence du me$me Mu$icien.</I></C>
<p>DEs l'entr&eacute;e de cette natiuit&eacute; on
voit que <FIG> &amp; <FIG> Orientaux e$tant
ioints en$emble luy promettent vne
grande inclination &agrave; la Mu$ique, &amp; &agrave;
<pb n=5>
tout ce qu'elle requiert: $es inclinati&otilde;s
$ont particulierement $ignifi&eacute;es par la
conionction de <FIG> de la <FIG> &amp; de l'&eacute;py de
la <FIG> par leur a$pect auec le Soleil, &amp; par
la conionction de <FIG>, &amp; de <FIG>, qui $ont
au trin partil de <FIG> &amp; au $extil de <FIG>, qui
tous le rendront courtois, gay, affable,
&amp; d'vn vi$age $erein, &amp; ouuert &agrave; tout
le monde, &amp; particulierement grand
amateur de la verit&eacute;, &amp; de la Religion
Catholique; car <FIG> auec l'&eacute;pi de la <FIG>
donnent vne particuliere inclination &agrave;
la piet&eacute;, &amp; la me$me &eacute;toile le rend apte
&agrave; coniecturer, &amp; &agrave; preuoir: Car cette
aptitude vient de <FIG>, &amp; des e$toiles de
$a nature: Il $era au$$i fort &eacute;loquent &amp;
di$ert, &amp; aura vne merueilleu$e facilit&eacute;
pour inuenter, &agrave; cau$e du $extil de <FIG> &agrave;
<FIG>, &amp; &agrave; <FIG> venant d'vn $igne mobile: car
les $ignes mobiles donnent l'inuention,
qui nai$t de la promptitude de l'e$prit.
<p>Il aura vne gr&atilde;de facilit&eacute; &agrave; compren-
dre les $ciences, daut&atilde;t que <FIG> &amp; <FIG> $ont
ioints partilement $ur le point du mi-
lieu du Ciel, &amp; $ont auec les e$toiles
des pieds des Gemeaux, qui donnent
de nouuelles inuentions pour tout ce
que l'on entreprend, comme l'on voin
<pb n=6>
aux natiuitez d'Alciat, de Petrarque,
&amp; des autres.
<p>En fin, $a memoire $era grandement
heureu$e, &amp; a$$eur&eacute;e, &agrave; cau$e du trin
partil de <FIG>, qui e$t en vn $igne fixe, en
$es dignitez, &amp; auec l'&eacute;toile lumineu$e
d'Aquarius. L'&eacute;toile vendangeu$e, &amp;
le bouuier en l'a$cendant, dont la pre-
miere e$t de la nature de <FIG>, de <FIG>, &amp; de
<FIG>, augmenteront beaucoup $on e$prit,
&amp; $a memoire: Et le <FIG> auec Hercule
le rendront $tudieux, parce qu'il e$t au
quadrat re&ccedil;eu de la <FIG>, laquelle e$tant
mai$tre$$e de la neufie$me, &amp; en la pre-
miere mai$on, &amp; <FIG> e$tant $eigneur de
la troi$ie$me en vn $igne mobile, en a$-
pect partil du $eigneur de la geniture,
&amp; autrin de la fortune, il fera plu$ieurs
voyages, beaucoup de d&eacute;pence pour
conuer$er auec les plus excellents Mu-
$iciens qu'il pourra rencontrer, &amp; n'ou-
bliera rien de tout ce qui peut rendre la
Mu$ique recommandable parmi les
hommes.
<p><FIG> luy apportera vne grande per$eue-
rance, &amp; vne diligence nompareille
pour la lecture de tous les anciens, qui
ont&eacute;crit de la Mu$ique, afin d'enrichir,
<pb n=7>
&amp; de perfectionner cette $cience: $a
voix $era $i douce, $i roulante, $i accor-
dante &amp; $i agreable, qu'il rauira les e$-
prits auec $es chan$ons; car il la rendra
aigu&euml;, quand il voudra par le $extil de
<FIG>, graue par le trin de <FIG>, &amp; mediocre
par <FIG>, de maniere qu'il pourra chanter
la Ba$$e, la Taille, &amp; le De$$us quand il
luy plaira.
<p><FIG> luy donnera la force d'animer des
airs propres pour exciter &agrave; la guerre, &amp;
pour repre$enter le cliquetis des armes,
&amp; les fanfares de la trompette: le trin
de <FIG> le rendra propre pour repre$enter
les cho$es langui$$antes, &amp; funebres, &amp;
pour $ai$ir les c&oelig;urs des auditeurs d'v-
ne grande tri$te$$e, qu'il pourra telle-
ment amolir, que leur plus violante fu-
reur, &amp; leur plus ardente colere $era
chang&eacute;e dans les tendres &eacute;lans d'vne
douce piti&eacute;.
<p>Il $era $&ccedil;auant en toutes les parties de
Mathematique, qui $eruiront pour en-
richir la Mu$ique, &amp; fera des vers fort
excellents, qui n'auront rien de l'a$cif,
&amp; qui $eront remplis de piet&eacute;: Car la
<FIG>, &amp; l'&eacute;pi de la <FIG> $ont conjoincts. Il
aura vn grand credit parmi toutes $or-
<pb n=8>
tes de per$onnes; car la <FIG> auec <FIG>, &amp;
l'&eacute;pi de la <FIG> receuant le <FIG> d'vn quadrat
luy acquiereront l'amiti&eacute; &amp; la faueut
des Princes, &agrave; cau$e du Soleil; des Pre-
lats, &agrave; cau$e de <FIG>, &amp; du peuple, &agrave; cau-
$e de la Lune: Il $era riche, &amp; pui$$ant
en benefices, &amp; en dignitez Eccle$ia-
$tiques, qu'il obti&etilde;dra par $on indu$trie;
il $era connu des Rois, dautant que
le <FIG> e$t au milieu du Ciel auec vne
belle &eacute;toile, &amp; au quadrat receu de la
Lune.
<p>Et parce qu'il e$t hors de $es dignitez,
&amp; <FIG> au$$i, il $era chery, &amp; admir&eacute;, hors
de $on pa&iuml;s, &amp; $era honor&eacute; des $iens,
dautant que <FIG> e$t en $a mai$on: <FIG> fera
voller $a gloire par tout le monde: <FIG>
auec fomahand, qui $ignifie l'immorta-
lit&eacute; du nom, fera durer $a memoire, &amp;
la fera pa$$er &agrave; la po$terit&eacute;, &amp; $es &eacute;crits,
&amp; compo$itions $eront dignes d'e$tre
grau&eacute;es dans le marbre, ou dans le ce-
dre, &amp; lai$$eront vn regret &agrave; tous les
Mu$iciens de ne pouuoir faire mieux,
&amp; vn de$e$poir de le pouuoir imiter.
Par con$equent ce Mu$icien aura les
trois cho$es qu'vn ancien de$iroit
pour deuenir $&ccedil;auant, &agrave; $&ccedil;auoir <I>O&uuml;ir,</I>
<pb n=9>
<I>voir, &amp; auoir,</I> &amp; $urmontera tous ceux
qui l'auront deuanc&eacute;, &amp; tous ceux qui
viendront apres luy.
<p>Or parce qu'il n'y a per$onne pour
grand, &amp; pour excellent per$onnage
qu'il pui$$e e$tre, qui ne $oit $ujet &agrave; l'en-
uie des m&eacute;dis&atilde;s, &amp; des e$prits mal faits,
$i quelqu'vn luy reproche qu'il e$t en-
clin aux $ales voluptez, &agrave; rai$on des a$-
pects partils de <FIG>, &amp; de <FIG>. Ie r&eacute;pons
qu'encore que chacun ait $es imperfe-
ctions, &amp; qu'il n'y ait per$onne qui $oit
parfaitement heureux pendant que
nous viuons icy: Neantmoins il pour-
ra facilement re$i$ter &agrave; cette inclinati&otilde;,
&agrave; cau$e de <FIG>, de la <FIG>, &amp; du <FIG>, qui le
fortifient, &amp; qui luy d&otilde;nent vne gran-
de prudence, piet&eacute;, &amp; iu$tice.
<p>Voila ce qu'on peut dire de cette na-
tiuit&eacute; $uiu&atilde;t l'A$trologie, qui a e$t&eacute; pra-
tiqu&eacute;e, ou qui $e pratique maintenant:
d'o&ugrave; l'on peut tirer beaucoup d'autres
iugemens, &amp; conclu$ions: Carie me
$uis content&eacute; de marquer tout ce qui
s'y voit de principal pour rendre vn
homme parfaitement $&ccedil;auant en Mu-
$ique,
<pb n=10>
<HR>
<C><I>Rai$ons contre la figure, &amp; la natiuit&eacute;
precedente.</I></C>
<p>L'On trouue premierement que ce-
luy qui nai$troit $ouz cette figure
cele$te, ne $eroit pas de longue vie, &amp;
qu'il mourroit de mort violante, car la
Lune e$t en l'oppo$&eacute; de <FIG> a$$ez partil,
puis qu'elle s'y peutioindre dans l'e$pa-
ce de 24. heures, &amp; que le Soleil e$t
proche de la te$te d'Hercule, qui e$t
d'vne nature violente: D'abondant,
Mars e$t log&eacute; dans la huictie$me, dans
laquelle il $ignifie le genre de mort,
quant l'oppo$&eacute; de <FIG>, qui e$t anarete,
ble$$era la Lune, ou l'a$cendant, dont
l'vn vient plu$to$t que l'autre. Et bien
que <FIG> s'y oppo$e, ne&atilde;tmoins $on corps
ne $uccede pas &agrave; ce rayon malefique, &amp;
c'e$t $e promettre le retour du iour pa$-
$&eacute; que d'att&etilde;dre l'effect d'vne direction
pa$$&eacute;e de neuf ans, pour en empe$cher
vne qui la $uit: Quant au trine de Ve-
nus, qui l'accompagne, elle ne le peut
empe$cher: <FIG> e$t e$trangere, &amp; n'a
qu'vne force accidentelle, bien qu'elle
<pb n=11>
$oit dans l'angle du midy: de plus elle
n'e$t pas $i pui$$ante que <FIG> en $a propre
mai$on.
<p>Or ce Mu$icien n'auroit pas entiere-
ment $on temperament chaud &amp; hu-
mide; car le $igne qui monte e$t celuy
qui donne la meilleure condition au
temperament, lors qu'il e$t $ans planet-
tes: Quand il s'y en trouue quelqu'vn
elle communique $a nature, de manie-
re que le $igne a$cendant de cette nati-
uit&eacute; e$tant froid &amp; $ec, e$t icy nomm&eacute;
la ba$e du temperament, qui $emble
corriger $on $ignificateur e$tant ioint &agrave;
vn planette chaud &amp; humide dans vn
$igne de $emblable nature: ce qui n'y
apporte pas neantmoins grande cho$e,
car il e$t en l'a$pect $extil de <FIG> chaud
&amp; $ec, &amp; au $igne de me$me qualit&eacute;, &amp;
e$t trin de Saturne retrograde, qui e$t
froid &amp; $ec, &amp; qui diminu&euml; l'humide
pour augmenter la $eichere$$e; ioint
que la Lune, qui gouuerne les humeurs
e$tant ble$$&eacute;e par <FIG>, affoiblit grande-
ment $a temperature.
<p>Quant &agrave; la profe$$ion du Mu$icien,
<FIG>, &amp; <FIG> $ont $ignificateurs (auecle
milieu du Ciel) de la vacation, <FIG> $igni-
<pb n=12>
fie les Mu$iciens: &amp; <FIG> les Po&euml;tes: Or
<FIG> e$t icy iointe &agrave; <FIG>, mais elle n'e$t pas
$ignificatrice du c&oelig;ur du Ciel, par con-
$equent elle n'e$t pas la principale di$-
po$itrice de la vacation, &amp; ne la peut
e$tre qu'en tant qu elle e$t en la ligne
meridionale. Or <FIG> y a plus de force car
le $igne qui occupe cet e$pace, e$t $on
domicile: $&ccedil;auoir s'il prend la nature
de <FIG>, ou $i e$tant le plus fort il prend
$eulement la $ienne, c'e$t la difficult&eacute;.
Toutefois cela ne peut re$oudre le dou-
te: par exemple, il y a deux per$onnes
qui ont <FIG>, &amp; <FIG> ioints partilement, l'vn
aux poi$$ons en l'a$c&etilde;dant, qui e$t con-
$eiller, &amp; ayme grandement la po&euml;$ie,
&amp; $ur tout la Latine mais il n'ay me nul-
lement la Mu$ique: l'autre a cette con-
jonction dans le 20. degr&eacute; de <FIG>, qui e$t
gentil-homme de bon e$prit, mais $ans
lettres, &amp; ne $&ccedil;ait point la Mu$ique, par
con$equant il faut dire, quoy que <FIG> $oit
le plus fort, ou le plus foible, qu'il ne
fait pas tou$iours des Mu$iciens, ny <FIG>
auec luy, &amp; qu'il e$t be$oin d'autres c&otilde;-
$tellations. Or le $extil de Mars e$t log&eacute;
en la huictie$me, &amp; le trin de <FIG> retro-
grade, quile feroient plu$to$t A$trolo-
<pb n=13>
gue, &amp; Necromantien, que Mu$icien;
En fin la te$te, &amp; la queu&euml; du Dragon
ne <*>ont point en cette natiuit&eacute;, &amp; par
con$equent elle e$t imparfaite.
<HR>
<C><I>Re$ponce &agrave; l'obiection precedente, &amp; confir-
mation du me$me Horo$cope.</I></C>
<p>LA premiere partie de l'objection
con$i$te en ce que la Lune e$t en
l'oppo$&eacute; de <FIG> a$$ez partil: A laquelle
on peut r&eacute;pondre que la Lune n'ay ant
que douze degrez &amp; demy d'orbe, &amp;
<FIG> huict degrez: &amp; e$tant &eacute;loignez l'vn
de l'autre de 13. degrez, &amp; demy, il ne
$e peut faire qu'il y ait a$pect: $i l'on ne
vouloit par vne nouuelle A$trologie
o$ter aux a$tres la propriet&eacute; des cau$es
$econdes &agrave; $&ccedil;auoir d'e$tre bornez d'vne
certaine $phere d'actiuit&eacute;, outre laquel-
le ils n'agi$$ent plus, &amp; qu'on di$t que
leur force e$t infinie, ou qu'il faille pour
leur d&otilde;ner force d'a$pect, qu'ils $e pui$-
$e ioindre en 24. heures: ce qui n'a ia-
mais e$t&eacute; allegu&eacute;, ny experiment&eacute; par
aucun autheur digne de foy mais pour-
quoy plu$to$t en 24. heures, qu'en dou-
<pb n=14>
ze, &amp; plu$to$t en douze qu'en vn autre
nombre: E$t-ce de me$me pour toutes
les autres, comme pour <FIG>.
<p>De plus, encore qu'ils fu$$ent entre-
lacez, ou m&eacute;lez en leur orbe, comme
par exemple, la Lune au vingt-vnie$me
de <FIG>, &amp; <FIG> commeil e$t, &amp; que <FIG> fu$t
entre deux: par exemple, au vingt-
deuxie$me de <FIG>, il n'y auroit point
d'a$pect entre <FIG> &amp; la <FIG> $elon Cardan,
Peucer, Leonitius, Schonner, Magin
&amp; tous les autres, quand ils parlent de
l'empe$chement, ou prohibition de lu-
miere, dont la mai$on e$t euidente, &amp;
facile &agrave; deduire. Par c&otilde;$equ&atilde;t la <FIG> n'e$t
pas en l'oppo$&eacute; de <FIG>, &amp; n'y a point de
mort viol&etilde;te: &amp; l'oppo$iti&otilde; du <FIG> &agrave; Her-
cule n'en peut e$tre cau$e e$tant $eule,
mais $eulem&etilde;t de quelques hazards de
voleurs, ou autres fort legers, qui $ont
tous adoucis, ou o$tez parl'oppo$iti&otilde; de
la <FIG>, &amp; de <FIG> &agrave; leur <FIG> receptif. Il faut di-
re la me$me cho$e de <FIG> d&atilde;s la huitie$-
me; car les malefiques doiuent e$tre
dans les angles, ou bien les luminaires
doinent e$tre ble$$ez par eux. A quoy
on peut adioufter que les morts violen-
tes ne $e font qu'aux $ignes de c&otilde;traire
<pb n=15>
nature, comme a remarqu&eacute; Ptolom&eacute;e,
&amp; que les planettes ne menacent point
de mort en leur mai$on quand ils $ont
empe$chez le moins du monde; &agrave; quoy
l'on ne $&ccedil;auroit contredire, puis que
l'experience en e$t confirm&eacute;e par Pto-
lom&eacute;e, &amp; par tous les autheurs de la Iu-
diciaire: Par con$equ&atilde;t il ne faut point
aller &agrave; l'encontre des lieux $uccedents,
comme quand <FIG> $uccede &agrave; vne dire-
ction: ce que l'on peut voir dans Ptolo-
m&eacute;e, au traitt&eacute; des directions Apheti-
ques: Autrement on ne $&ccedil;auroit dire
pourquoy l'on ne meurt pas d'vne ma-
ladie, ou d'vn autre accident.
<p>Secondement le <FIG> de <FIG> peut empe$-
cher cet accident, puis qu'elle n'e$t pas
e$trangere en <FIG>, o&ugrave; elle obtient plu-
$ieurs dignitez, &amp; le <FIG> de <FIG> e$t au$$i bon
que celuy de <FIG>, parce que <FIG> prend la
nature des a$tres, au$quels il $e ioint:
Or vne force doubl&eacute;e e$t plus grande
qu'vne $imple, comme celle de <FIG> &amp; de
<FIG> e$t plus forte e$tant dans le centre
d'vn angle, Ori&etilde;tale, iointe &agrave; <FIG>, &amp; &eacute;le-
u&eacute;e par de$$us <FIG>, comme dit Cardan,
au liure 3. texte 10. du Quadupartit.
<p>La $econde partie de l'objection trai-
<pb n=16>
te du temperament, &agrave; laquelle on r&eacute;-
pond qu'il ne faut pas iuger du tempe-
rament par le $igne qui e$t &agrave; l'a$cend&atilde;t,
encore qu'il n'ait qu'vn degr&eacute;, dautant
que les $ignes n &otilde;t point de force d'eux-
me$mes: Quant &agrave; la Lune, elle n'e$t
point empe$ch&eacute;e de <FIG>, &amp; <FIG> e$t plus for-
te: D'auantage, il faut remarquer que
<FIG> de$truit ce que <FIG> pourroit faire e$tant
nocturne, &amp; dans l'Aquarius.
<p>De plus, il faut con$iderer le <FIG>, &amp; la
Lune auec $es a$pects, &amp; $es e$toiles;
Et pour bien iuger du temperament, il
faut $&ccedil;auoir l'aplication des cinquante
deux combinations, toutes par degrez
des quatre premieres qualitez, $uiuant
l'opinion de Ptolom&eacute;e, &amp; de Cardan.
<p>Quant &agrave; la profe$$ion du Mu$icien,
il n'y faut pas mettre <FIG>, mais $eulem&etilde;t
<FIG>, &amp; <FIG>, $uiuant les regles de l'art: car
il ne faut pas douter que <FIG> ne prenne la
qualit&eacute; de <FIG>, qui e$t comme la forme,
&amp; <FIG> e$t comme la matiere, dont on
peut voir la nature d&atilde;s Cardan, au trai-
t&eacute; de la nature des planettes.
<p>De plus, <FIG> ne $ignifie pas la profe$-
$ion, parce qu'elle e$t en la ligne meri-
dienne; mais $eulement &agrave; cau$e qu'elle
<pb n=17>
e$t Orientale, comme dit Ptolom&eacute;e.
Or la con$equence de l'objection tir&eacute;e
de cette natiuit&eacute;, dans laquelle on voit
les deux con<*>&otilde;ctions de <FIG>, &amp; de <FIG>, e$t
nulle: car elle e$t tir&eacute;e de deux propo-
$itions particulieres, differentes, &amp; $e-
par&eacute;es: A quoy l&otilde; peut adiou$ter qu'el-
les ne $ont pas partiles, ny dans les II,
ny dans le milieu du Ciel, ny dans la
partie Orientale.
<p>Il faut re$pondre &agrave; la troi$ie$me par-
tie de l'obiection, que la te$te &amp; la
queu&euml; du Dragon $ont comme les ze-
ro en chifre, qui ne font qu'augmen-
ter la valeur des autres planettes, ou
la diminuer bien peu: Car l'on ne $&ccedil;au-
roit montrer dans aucune Natiuit&eacute;
depuis la creation du monde iu$ques &agrave;
pre$ent, qu'elles ayent fait quelque
cho$e, quand elles ont e$t&eacute; toutes $eu-
les: Et neantmoins qui voudroit ren-
contrer le temps de cette con$titution
cele$te, il $eroit contrainct, apres auoir
trouu&eacute; tout le re$te, de ch&atilde;ger de deux,
ou de trois mil ans pour la queu&euml; &amp; la
te$te du Dragon.
<pb n=18>
<HR>
<C><I>Autre Horo$cope capable de nous donner vn
tres-parfaict Mu$icien.</I></C>
<FIG>
<p>LA premiere cho$e qu'il faut con$i-
derer d&atilde;s cette figure e$t, que tou-
tes les planettes $ont $ur terre, &amp; dire-
ctes, &amp; les benefiques aux angles auec
des e$toiles fixes, &agrave; $&ccedil;auoir <FIG>, &amp; <FIG> auec
l'&eacute;py de la <FIG>; &amp; <FIG> e$t ioinct &agrave; la Lune
auec vne nouuelle e$toile de la premie-
re grandeur, qui e$t de la nature de <FIG>,
&amp; de <FIG>, elle e$t au Serpentaire, comme
<pb n=19>
celle qui parut en l'ann&eacute;e 1604. au pied
du me$me Serpentaire: Car nous la
pouuons au$$i bien $uppo$er que tout le
re$te. Or cette con$titution cele$te
promet vn tres - excellent Mu$icien
d'inclination, de profe$$ion, &amp; d'in$ti-
tution, de maniere qu'il n'en n&acirc;quit
iamais vn s&etilde;blable en beaut&eacute; de corps;
ou en excellence d'e$prit, ny qui eu$t
t&atilde;t de probit&eacute; en $es m&oelig;urs, &amp; de dou-
ceur en $a conuer$ation, car il $eroit
remply de toutes $ortes de vertus.
<p>Or auant que de faire le iugement de
cette con$titution cele$te, il faut re-
marquer qu'elle e$t dre$$ee $uiuant l'o-
pinion de Stadius: Et bien que Gauric
die que quand tous les planettes $ont
$ur la terre, que la vie n'e$t pas longue,
neantmoins Garceus, &amp; Iunctin rapor-
tent vn grand nombre de Natiuitez, o&ugrave;
tous les planettes $ont $ur la terre,
pour des per$onnes qui ont ve$cu long-
temps; &amp; remarquent que ceux qui les
ont ain$i plac&eacute;s, ont quelque cho$e de
tres-excellent par de$$us le commun.
<p>Le Sagitaire e$t en l'a$cendant, qui
donneroit vn temperament chaud &amp;
$ec, s'il montoit tout $eul e$tant de la
<pb n=20>
triplicit&eacute; ign&eacute;e: Mais <FIG> chaud &amp; hu-
mide, &amp; la <FIG> froide &amp; humide (quit&etilde;-
pere grandementla chaleur exce$$iue)
aydez des $extils de <FIG>, &amp; de <FIG> logez
dans vn $igne a&euml;rien, &amp; l'&eacute;toile nouuel-
le a$cendante, qui e$t de la nature de
<FIG>, &amp; de <FIG>, donnent vn temperament
chaud &amp; humide, &amp; par con$equent
$anguin, qui e$t le plus parfait de tous
les temperaments. L'&eacute;toile nouuelle
e$t au Sagitaire, pr&eacute;s du lieu o&ugrave; telles
&eacute;toiles paroi$$ent, &agrave; $&ccedil;auoir dans la voie
lait&eacute;e: car celle de la Ca$$iop&eacute;e, &amp; du
Croi$et, &amp; celle qui parut en 1604. $e
voient en cette ceinture, &amp; ne s'aper-
&ccedil;oiuent en nulle autre partie du Ciel
qu'en celle cy, qui e$t comme le Zo-
diaque des Cometes. Elle e$t en l'a$c&etilde;-
dant iointe &agrave; <FIG>, &amp; a la Lune pour vne
plus grande $ignification, dautant que
les &eacute;toiles fixes $ans les planetes, &amp;
hors des angles ne produi$ent pas de
grands effets.
<p>Et neantmoins s'il fu$t n&eacute; quel qu'vn,
quand l'&eacute;toile nouuelle parut dans la
Ca$$iop&eacute;e, il n'eu$t pas e$t&eacute; Mu$icien,
dautant que les autres rencontres qui
$ont en cetheme, $ont nece$$aires, dans
<pb n=21>
lequel la nouuelle &eacute;toile n'a pas e$t&eacute;
mi$e pour $ignifier vn Mu$icien, mais
pour le $ignifier incomparable, $uppo$&eacute;
qu'il le fu$t, &amp; pour faire que $es com-
po$itions durent beaucoup de $iecles:
Car les &eacute;toiles nouuelles bien plac&eacute;es
produi$ent d'admirables effets: C'e$t
pour vne $emblable rai$on que Cardan
voulant imaginer vne figure cele$te
pour la nai$$ance de no$tre Sauueur,
met l'&eacute;toile aparu&euml; aux Mages en l'a$-
cendant, quoy que mal &agrave; propos, puis
qu'il fait monter la Balance.
<p>Or <FIG> en l'a$cendant fait ordinaire-
ment le premier n&eacute; d'entre les freres, &amp;
donne la grandeur &amp; la beaut&eacute;: &agrave; quoy
$ert au$$i le $extil de <FIG>, qui precede le
point orizontal: Car l'a$pect prece-
dent de quelque planette donne la fi-
gure. <FIG> la donne belle, e$tant icy bien
plac&eacute;e, &amp; la r&etilde;d parfaite &amp; tres-agrea-
ble: &agrave; laquelle <FIG> adiou$te vne douce
maie$t&eacute;: &amp; ain$i m&eacute;lez ils donnent la
bien veillance de chacun, de $orte qu'il
ne re$te rien &agrave; de$irer: car tous les pla-
nettes ayment Venus, except&eacute; <FIG>: Mais
il e$t dans $a pui$$ance, e$tant log&eacute; dans
le Taureau, ioint qu'il a $on exaltation
<pb n=22>
au lieu de <FIG>: Et puis <FIG>, qui e$t aym&eacute;
des planettes, except&eacute; de <FIG>, gouuerne
le Ciel coniointement auec <FIG>, de ma-
niere que m&eacute;l&atilde;s leurs pui$$ances ils r&etilde;-
dent l'enfant agreable &agrave; tout le monde.
<p>Cette Natiuit&eacute; promet au$$i les bon-
nes m&oelig;urs: car Iupiter e$t ioint &agrave; la Lu-
ne, qui e$t mere de la facult&eacute; naturelle,
&amp; e$t regard&eacute; de bon &oelig;il par <FIG>, qui $i-
gnifie la facult&eacute; animale, quand il e$t
bien plac&eacute; auec la te$te du Dragon.
<p>L'&eacute;py de la Vierge, &amp; Venus don-
nent vn tres - bon e$prit &amp; tres - ver-
tueux, &amp; la debonnairet&eacute;, &amp; probi-
t&eacute;, auec vne affection &agrave; la Religion, la-
quelle e$tant $ignifi&eacute;e par le Soleil en la
neufie$me, &amp; par <FIG> en l'Orient, doit
e$tre la Chre$tienne, $uiuant les regles
des A$trologues: Et parce que le <FIG> e$t
dans la mai$on de Religion, ce Mu$i-
cien, dont nous parlons, en doit profe$-
$er la puret&eacute;, &amp; me$me auoir des vi-
$ions, &amp; des reuelations bien nettes.
<p>Il doit encore e$tre tres-heureux, car
Iupiter e$tant en l'a$cendant luy pro-
met de grandes riche$$es, qui luy vien-
dront de $on art, &amp; de $on trauail. Ce
que confirment les a$pects de <FIG>, &amp; de
<pb n=23>
<FIG> $ignificateurs de l'art, neantmoins
$es riche$$es c&otilde;$i$teront plus en argent,
&amp; en beaux meubles, qu'en autres po$-
$e$$ions.
<p>Quant &agrave; $on art, <FIG>, &amp; <FIG> en $ont
les $ignificateurs: <FIG>, e$t la plus pui$$an-
te, &amp; la principale; car elle e$t dame
du milieu du Ciel, &amp; gouuerne entie-
rement la mai$on de la vacati&otilde;; Et bi&etilde;
que iointe &agrave; <FIG> elle pui$$e $ignifier vn
Peintre, vn Po&euml;te, vn Parfumeur, vn
Confiturier, &amp; vn Mu$icien: Neant-
moins elle $ignifie $eulem&etilde;t icy vn par-
fait Po&euml;te, &amp; vn parfait Mu$icien, car
e$tant iointe &agrave; l'&eacute;py de la <FIG>, &amp; $e trou-
uant en l'angle du Midy, elle e$t $i no-
ble qu'elle fait les arts Mechaniques,
c&otilde;me $ont la peinture, la parfumerie,
&amp;c. C'e$t pourquoy elle ne peut faire
qu'vn Mu$icien. A quoy contribu&euml; la
queu&euml; du Dragon, &amp; les planettes en
l'a$c&etilde;dant, qui regardent Venus d'vn&oelig;il
gracieux, auecvne nouuelle &eacute;toile de la
nature de Venus qui y donne au$$i $on
$ecours: car elle e$t iointe au c&oelig;ur du
Scorpion. Or Garceus remarque que
<FIG> e$t&atilde;t ain$i plac&eacute; fait d'excell&etilde;ts Mu-
$iciens, qui $ont particulierement $i-
<pb n=24>
gnifiez par Venus, dautant qu'elle e$t
bien plac&eacute;e, &amp; que tout le Ciel coniu-
re &agrave; leur faueur, $oit pour chanter, $oit
pour compo$er, &amp; pour inuenter: car
Venus e$tant log&eacute;e d&atilde;s vn $igne a&euml;rien
donne vne douceur de voix incompa-
rable: Ce que confirme l'&eacute;toile nou-
uelle en l'a$cendent, qui e$t de la natu-
re de Venus par participation de Iupi-
ter. C'e$t pour quoi la plu$part des ch&atilde;ts
que fera ce Mu$icien, $eront doux, &amp;
graues: Et l'on peut croire qu Orf&eacute;e
deuoit auoir vne $emblable Natiuit&eacute;,
s'il e$t vray ce qu'on rapporte de luy,
encore qu'vn tel Mu$icien ne doiue vi-
ure que cinquante $ix ans, parce que
quand l'oppo$&eacute; de <FIG> viendra au c&oelig;ur
du Ciel, &amp; au quarr&eacute; de l'a$cendant,
il le menace de mort.
<pb n=25>
<HR>
<C><I>Troi$ie$me Horo$cope ou Natiuit&eacute; du
Mu$icien parfait.</I></C>
<FIG>
<p>CEtte figure a e$t&eacute; expre$$&eacute;ment
di$po$&eacute;e en cette maniere pour
e$tre forte en $a $ignification, &amp; pour
&eacute;uiter les a$pects parfaits, afin de les
mettre tous dans leurs aplications, ou
defluxions. Or $i l'on de$iroit plu$to$t le
chant actuel de la voix, que la $cience
de bien chanter, Il faudro tmettre la
Lune au 3. du Belier, mais elle ne $eroit
<pb n=26>
pas $i propre &agrave; la $peculati&otilde;, que quand
elle e$t au 3. de la <FIG>, d'o&ugrave; il apert qu'il
y a des manquemens par tout: Carla
figure qui e$t bonne pour vne cho$e, e$t
mauuai$e pour l'autre. Quelques-vns
tiennent qu'il eu$t fallu rendre Venus
plus pui$$ante que Mercure au milieu
du Ciel, &amp; mettre la Lune dans vn $i-
gne plus Saturnien, &amp; fixe pour faire
l'e$prit de Mu$icien plus contempla-
tif.
<p>Voila, &agrave; mon aduis, tout ce qui $e
peut apporter de meilleur de la part des
A$tres en faueur du parfait Mu$icien:
Mais parce que ie fais profe$$ion de n'&etilde;-
bra$$er autre cho$e que la verit&eacute;, &amp; que
ie me $uis $erui de la doctrine, &amp; de l'o-
pinion des plus excellents mai$tres en
cet art, $ans en dire mon $entiment, ie
veux faire voir dans le di$cours qui $uit
le parti qu'il faut tenir, &amp; ce qu'il faut
croire de ces Natiuitez, &amp; de tous les
Horo$copes qui $e peuu&etilde;t dre$$er, apres
auoir apport&eacute; ce qu'en croit la Sorbo-
ne, dont l'on void l'Arre$t, &amp; la Cen-
$ure qui $uit.
<pb n=27>
<HR>
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p><I>L'ON DEMANDE SI LA PRO-
fe&szlig;ion de ceux quis'cmployent &agrave; faire des
Horo$copes &amp; Natiuitez, &amp; croient
neantmoins que les A$tres &amp; influences
cele$tes nous inclinent $eulement, $ans ap-
porter aucune nece&szlig;it&eacute;, e$t bonne &amp; licite,
ou bien me$chante ou illicite.</I>
<p>NOVS $oubs-$ignez Docteurs en
Theologie de la facult&eacute; de Paris,
Apres auoir meurement con$ider&eacute; cet-
te que$tion. Auons e$t&eacute; d'auis que la-
dite profe$$ion e$t du tout illicite &amp; d&atilde;-
nable, &amp; qui ne doit e$tre aucunement
toleree en vne Republique. Car pre-
mierement outre la vanit&eacute;, incertitu-
de, &amp; faul$et&eacute; d'icelle, que l'experien-
ce journaliere nous apprend, elle e$t
expre$$&eacute;ment condamn&eacute;e en l'E$critu-
re $aincte, en Ieremie Chapitre 10. <I>A
$ignis c&oelig;li nolite metuere, que timent gen-
tes: quia leges populorum van&aelig; $unt.</I> Sec&otilde;-
dem&etilde;t pource qu'elle s'arroge vne cho-
$e qui ne conuient qu'&agrave; Dieu $eul: qui
<pb n=28>
e$t de cognoi$tre les futurs accidens des
hommes auant qu'ils arriuent, en I$aie
Chap. 41. <I>annunciate qu&aelig; ventura $unt in
futurum, &amp; $ciemus quod dij e$tis vos.</I> C&otilde;-
$ider&eacute; d'ailleurs que le$dits accid&etilde;s hu-
mains d&eacute;pendent d'or dinaire de la rai-
$on &amp; libert&eacute; des hommes, laquelle,
comme en$eignent tous les Theologi&etilde;s,
e$t de $a conditi&otilde; naturelle releu&eacute;e par
de$$us toutes $ortes de cau$es $econdes,
me$me les Cieux: n'e$tant icelles faites
&amp; cr&eacute;es que pour le $eruice &amp; v$age de
l'homme. <I>Creauit Deus omnia propter ho-
minem, hominem vero propter $e.</I> De $or-
te que le$dites, con$tellations &amp; influ&etilde;-
ces n'ont &amp; ne peuuent auoir aucune
force $ur le$dits euenemens qui depen-
dent d'icelle libert&eacute;: &amp; quand elles en
auroient (ce qui toutes fois e$t tres-
faux) il ne s'&etilde;$uiuroit pas que les A$tro-
logues les peu$$ent recognoi$tre &amp;
moins en porter des iugemens ou en
donner a$$eurance. C'a e$t&eacute; vn erreur
remarqu&eacute; par les Peres anciens &eacute;s Pri<*>
cilliani$tes, comme dit $ainct Gregoire
en l'Homelie 10. $ur les Euangiles, le$-
quels ayans tou$iours e$t&eacute; tenus pour
heretiques, ceux qui font aujourd'huy
<pb n=29>
pareille profe$$ion doiuent e$tre tenuz
en me$merang. A quoy nous adiou$t&otilde;s
la Cen$ure de no$tre Facult&eacute;, donn&eacute;e
&agrave; l'in$tance de Me$$ieurs du Parlement
de Paris, contre vn nomm&eacute; Mai$tre Si-
mon Phares, promeu &agrave; l'ordre de Dia-
cre, qui $e qualifioit Medecin &amp; A$tro-
logue, les liures du quel furent $olem-
nellem&etilde;t condamnez par Arre$t &agrave; e$tre
bru$lez, en laquelle cen$ure, $e retrou-
uent notamment ces mots.
<p><I>S&aelig;pe his decem men$ibus libros i$tos rele-
gimus</I> (il y auoit vnze Liures, $i bien
qu'il y fallut employer beaucoup de
temps) <I>S&aelig;pe vniuer$i conuenientes de con-
tentis di$putaumus; po$t multam tandem
variamque doctorum $acrorum, &amp; aliorum
doct orum, eorumdemque graui&szlig;imorum au-
ctorum lectionem: po$t multos labores, in h&atilde;c
vnanimiter $ententiam deuenimus, vt pr&aelig;-
dictam artem, nempe genethliacam, vt in his
&amp; $imilibus libris continetur ($i mod&ograve; artis
nomine digna e$t) qua qui vtuntur, $&aelig;pe
Mathematici, quandoque genethliaci, nou&uuml;-
quam Chald&aelig;i, interdum A$trologi &agrave; $cripto-
ribus dicuntur: pror$us vanam, imo nullam
e$$e nulla probabili ratione fulcitam, menda-
cem, fallaci&szlig;imam, $uper$titio$am, diuini</I>
<pb n=30>
<I>honoris v$urpatiuam, bonorum morum cor-
ruptiuam, &agrave; D&aelig;mone patre mendacij, humani
generis implacabili ho$te, cui etiam vera di-
centi a$$entire nefas $it inuentam iudicaui-
mus. Quam cum Diuino Iuri, Canonico at-
que Ciuili $ub graui&szlig;imarum p&aelig;narum <*>-
terminatione prohibitam &agrave; $ummis Sacre
Theologi&aelig; iuriumque humanorum doctori-
bus &amp; &agrave; maximis Philo$ophis, efficaci&szlig;imis
te$timonijs improbatam, imo &amp; quandoque
ab hoc collegio no$tro damnatam viderimus.
Nos etiam ip$i eorum ve$tigia $equuti, dam-
nauimus atque damnamus, dicentes &amp; do-
ctrinaliter declarantes neminem Chri$tian&utilde;
ab$que mortalis peccati periculo ea arte vti
po$$e. Datum &amp; actum in no$tra congrega-
tione generali, apud Sanctum Mathurinum,
Pari$ius de mane, $uper hoc $pecialiter per iu-
ramentum congregata, anno Domini</I> 1493.
<I>die decimanona Februarij.</I>
<p>Sur laquelle cen$ure ledit Mai$tre
Simon Phares fut debout&eacute; de $on ap-
pel &amp; r'enuoy&eacute; pardeuant l'Official de
Lion, pour luy e$tre $on proc&eacute;s faict &amp;
parfaict.
<p>Et quand e$t de ce qu'alleguent cou-
$tumierement ceux qui $e me$lent de
ladicte profe$$ion, qu'ils n'entendent
<pb n=31>
pas que le$dites influences &amp; con$tella-
tions ayent pouuoir de forcer &amp; con-
traindre les h&otilde;mes au$dits euenemens,
mais que $eulem&etilde;t elles les y en clinent
&amp; indui$ent. Nous r&eacute;pondons premie-
rement que c'e$t vn erreur de pen$er
que les A$tres ayent en $oy la force d'&etilde;-
cliner directement la volont&eacute; des hom-
mes, de laquelle, comme nous auons
dit, dep&etilde;dent le$dits euenemens: pour-
ce qu'il ny a que Dieu $eul qui le pui$$e:
&amp; de faict il n'agit point autrement $ur
la volont&eacute; que par induction ou incli-
nation, $oit efficiente, $oit objectiue, ne
la for&ccedil;ant aucunement, ains la lai$$ant
comme dit le Sage, <I>in manu con$ilij $ui.</I>
Secondement, encore qu'on pourroit
dire que les A$tres nous indui$ent &amp;
enclinent par accid&etilde;t, &amp; indirectem&etilde;t,
cau$ans par leurs influences diuer$es
di$po$itions en nos corps, le$quelles in-
dui$ent la volont&eacute; &agrave; certaines cho$es,
ne&atilde;tmoins c'e$t vn abus du tout in$up-
portable, de donner pour cela a$$euran-
ce de$dits euenemens: comme par ex&etilde;-
ple, de predire aux vns qu'ils $eront ri-
ches, aux autres qu'ils paruiendront &agrave;
de grands honneurs, ou qu'ils mouront
<pb n=32>
d'vne telle maniere, ou &eacute;pou$eront vne
telle femme, pource que ces cho$es &amp;
autres $emblables dependent de bien
d'autres cau$es que de$dites con$tella-
tions, comme il e$t a$$ez notoire. De
$orte, que $i l'on peut par le$dits Horo$-
copes &amp; con$tellations, porter quelque
iugement (lequel e$t tou$iours fort mal
a$$eur&eacute;) ce n'e$t $in&otilde; que des humeurs
&amp; complexions corporelles: que $i l'on
veut pa$$er plus outre, &amp; en donner a$-
$eurance, c'e$t cho$e $uper$ticieu$e, dia-
bolique, &amp; qui doit e$tre $euerement
punie par les Magi$trats, &amp; ce d'autant
plus qu'aujourd'huy nous voyons ce
mal en grande vogue: te$moin qu'il ne
$e publie &agrave; pre$ent aucun Almanach,
qu'il n'y aye &agrave; la fin de tous les quartiers
de Lune, de ces $ortes de progno$tics,
qui $ont cho$es abominables, &amp; d'o&ugrave; il
peut arriuer de grands maux en la Re-
publique. Pour les peines de ceux qui
exercent ladite profe$$ion, elles $ont de
deux $ortes, canoniques, &amp; ciuiles: les
canoniques $ont $pecifiees, 26. <I>qu&aelig;st.</I> 5.
<I>per totam.</I> ou l'excommunication e$t de-
cern&eacute;e contre telles per$onnes, &amp; de
fait Sainct Epiphane au liure de <I>ponde-</I>
<pb n=33>
<I>ribus &amp; men$uris,</I> rapporte qu'en la pri-
mitiue Egli$e, Aquila Ponticus, enco-
re que d'ailleurs il fut bien merit&eacute; des
Chre$tiens, fut neantmoins excom-
muni&eacute;, &amp; mis hors l'Egli$e. Pour les
ciuiles elles $ont in$er&egrave;es <I>l.</I> 2. <I>C. de ma-
leficis &amp; mathematicis, l. mathematicos, C.
de Epi$copali audientia,</I> o&ugrave; il e$t dit not&atilde;-
m&etilde;t que telles per$onnes doiuent e$tre
bannis, &amp; de plus <I>l. 5. C. de malef. &amp; ma-
themat.</I> elles $ont puni$$ables de mort.
FAICT &agrave; Paris, ce 22. de May, 1619.
<p>Ain$i $ign&eacute;, A. DV VAL.
<p>PH. DE GAMACHES.
N. YSAMBERT.
<C>COROLLAIRE. II.</C>
<p>Pui$que i'ay entrepris de parler de
toutes les principales difficultez de la
Mu$ique par rai$on, plu$to$t que par
l'authorit&eacute; des h&otilde;mes, quoi que ie la re-
&ccedil;oiue, lors qu'elle e$t accompagn&eacute;e de
demon$tration il faut examiner les fon-
demens, &amp; les maximes de la Iudiciai-
re, &amp; mon$trer euidemment qu'elles
<pb n=34>
n'ont nulle appar&etilde;ce de verit&eacute;, ny me$-
me de vraye $emblance: ce que ie fais
dans les 8. Propo$itions qui $uiuent,
par le$quelles l'on verra que l'Egli$e, &amp;
$es Docteurs ont droit de la condam-
ner, &amp; d'en deffendre les liures, &amp; l'v-
$age.
<HR>
<C>QVESTION II.</C>
<C><I>Dans laquelle tous les principes de l'A$trolo-
gie Iudiciaire $ont examinez.</I></C>
<p>CEtte que$tion contient cinq pro-
po$itions, dans le$quelles on ver-
ra clairement l'incertitude de l'A$tro-
logie Iudiciaire, &amp; tout ce qui luy ap-
partient, c'e$t pourquoy ie ne fais point
icy de preambule, afin que l'on ne li$e
rien qui ne $oit vtile.
<HR>
<C>PROPOSITION I.</C>
<p><I>Qu'il ny a point de certitude dans les Horo$-
copes precedents, &amp; que l'on ne peut rien
predire de la perfection d'vn Mu$icien par
la con$titution des cieux.</I>
<p>IL y a $i peu de cho$es certaines dans
l'A$trologie Iudiciaire, qu'il n'e$t pas
<pb n=35>
po$$ible d'a$$oir $on iugement $ur ce
que l'on en peut coniecturer $uiuant les
regles, &amp; les preceptes que les Arabes,
les Grecs, &amp; les Latins ont donn&eacute;: Car
$i nous o$tons les principes qu'elle pr&etilde;d
de l'A$tronomie, &agrave; peine pourra t'elle
e$tablir aucune maxime particuliere:
ce que ie feray voir clairement, apres
auoir $uppo$&eacute; ce qu'elle emprunte des
ob$eruations &amp; des Phenomenes de
l'A$tronomie.
<p>Premierement, elle $uppo$e que le
Ciel e$t diui$&eacute; en 12. parties, qu'elle ap-
pelle mais&otilde;s, ou domiciles, &amp; que l'ho-
rizon coupe le Ciel en deux Hemi$phe-
res &eacute;gaux, au$$i bien que le Meridien,
qui le diui$e en la partie Orientale qui
monte, &amp; en l'Occidentale qui de$c&etilde;t:
de maniere que ces deux cercles diui-
$ent le Ciel en 4. parties &eacute;gales.
<p>Secondement, qu'il y a 48. con$tella-
tions, &agrave; $&ccedil;auoir, douze dans le Zodia-
que, qui $e diui$ent en $ix $ignes Sept&etilde;-
trionaux, &agrave; $&ccedil;auoir le Belier, le Taureau,
les II, l'Ecreui$$e, le Lion, &amp; la <FIG>, qui
$ont vers le pole Arctique: &amp; en $ix
Meridionaux, &agrave; $&ccedil;auoir, <FIG>, le Scor-
pi&otilde;, le Sagittaire, le Capricorne, le Ver-
<pb n=36>
$eau, &amp; les Poi$$ons; qu'il y en a $ix auec
le$quels la plus grande partie de l'&eacute;-
quateur monte $ur no$tre horizon, &amp;
qui ont leur a$cen$ion droite, &agrave; $&ccedil;auoir,
l'Ecreui$$e, le Lion, <FIG>, le Scorpi&otilde;,
le Sagittaire, &amp; $ix autres qui montent
obliquement, &agrave; $&ccedil;auoir, le Capricorne,
le Ver$eau, les Poi$s&otilde;s, le Belier, le Tau-
reau, &amp; les II, auec le$quels la moindre
partie de l'&eacute;quinoctial monte $ur l'hori-
zon. Mais les autres diui$ions n'ont que
l'imagination pour leur fondement, c&otilde;-
me celles des $ignes en <I>m&acirc;les</I> &amp; <I>femelles,</I>
ou en <I>ma$culins</I> &amp; <I>feminins,</I> qu'ils appel-
lent <I>diurnes,</I> &amp; <I>nocturnes</I>: en $ignes <I>com-
mendans,</I> ou <I>Scptentrionaux,</I> &amp; <I>obei$$ans,</I>
ou <I>Meridionaux</I>: en <I>beaux,</I> &amp; <I>laids, fec&otilde;s,</I>
&amp; <I>$teriles, rai$onnables, parlants,</I> &amp; <I>muets,
gras,</I> &amp; <I>maigres, philo$ophes,</I> &amp; <I>Mu$iciens,
vicieux,</I> &amp; <I>vertueux, &amp;c.</I> qu'ils font pre-
$ider &agrave; chaque partie du corps: Car
l'experience fait voir qu'vn homme
$tupide &amp; lourd nai$t $ouuent $ouz vn
$igne de bon e$prit, &amp; il ny a pas plus de
rai$on pourquoy le Belier pre$ide &agrave; la
te$te, qu'aux mains, ou aux pieds: ny
pourquoy Capricorne pre$ide plu$to$t
aux iarets, qu'aux bras: pourquoy <FIG> $e
<pb n=37>
r&eacute;jo&uuml;i$t plu$to$t dans le Ver$eau, <FIG> en
Capricorne, <FIG> dans la queu&euml; du Dra-
gon, <FIG> dans le Taureau, <FIG> dans <FIG>, &amp;
<FIG> dans l'Ecreui$$e, qu'en quelqu'autre
$igne. Il ny a point au$$i de rai$on
en ce qu'ils di$ent de la cheute, &amp;
de l'exaltation des mai$ons, &amp; de
toutes les autres cho$es, qui $ont $em-
blables aux fables, &amp; qui ont e$t&eacute; in-
uent&eacute;es par les Cald&eacute;es, les Arabes, les
Grecs, &amp; plu$ieurs autres, $ans aucune
demon$tration: C'e$t pourquoy nous
ne rencontrons point d'excellent Ma-
thematicien, qui ne $e mocque de tout
ce que les A$trologues di$ent des dou-
ze mai$ons du Ciel.
<p>Ie ne veux pas nier que les alterati&otilde;s,
&amp; les generations $ublunaires ne d&eacute;-
pendent en quelque fa&ccedil;on de l'influen-
ce des A$tres; mais ils ne $&ccedil;auroient
demon$trer que telle, ou telle partie du
Ciel donne la vie, vn autre l'accroi$$an-
ce, la perfection, la domination, &amp; puis
la mort: Car pourquoy la partie Orien-
tale pre$ide-t'elle plu$to$t &agrave; la nai$$an-
ce, qu'&agrave; la vigueur: pourquoy la Meri-
dionale pre$ide-t'elle aux honneurs, &amp;
l'Occidentale &agrave; la mort? Il faudroit
<pb n=38>
qu'ils montra$$ent que per$onne ne
meurt, quand la me$me partie Orien-
tale qui s'e$t trouu&eacute;e &agrave; la nai$$ance, m&otilde;-
te $ur l'horizon: Et que chacun meurt,
quand la partie nocturne de minuit,
qu'ils appellent <I>Imum c&oelig;li,</I> $e trouue au
me$me lieu, o&ugrave; elle e$toit lors de la na-
tiuit&eacute;; ce qu'ils ne feront iamais: Or ie
veux faire voir que tout ce que di$ent
les plus $&ccedil;auans d'&etilde;tr'eux pour e$tablir
les 12. mai$ons de l'Horo$cope, n'a nul
fondement a$$eur&eacute;, afin que le parfaict
Mu$icien connoi$$e les erreurs de l'A-
$trologie, &amp; les pui$$e combatre quand
il luy plaira: Mais afin que l'on entende
les di$cours qui $uiuent, ie mets icy la
figure de ces douze mai$ons, dont l'or-
dre e$t marqu&eacute; par nombres.
<HR>
<C>PROPOSITION II.</C>
<p><I>Les trois mai$ons de la premiere triplicit&eacute; ne
$ont e$tablies par aucune demon$tration,
ou rai, on qui pui$$e per$uader la verit&eacute; de
ce que les A$trologues di$ent de ces trois
domiciles.</I>
<p>IL faut premierement $uppo$er quo
le Ciel e$t diui$&eacute; en douze parties,
<pb n=39>
qu'ils appellent mai$ons, par l'inter$e-
ction de l'horizon, &amp; du Meridien, qui
eoupent l'&eacute;quinoctial en douze parties
&eacute;gales, dont celle qui e$t du co$t&eacute; d'O-
rient e$t appell&eacute;e premiere mai$on, ou
<I>l'Horo$cope,</I> par excellence: parce que,
di$ent ils, cette partie e$t la plus pui$-
$ante pour agir $ur ceux qui nai$$ent:
Ce qui ne peut pas e$tre; car cette
partie bat l'horizon trop obliquement;
Et il $eroit plus &agrave; propos de dire que la
partie culminante du Ciel e$t la plus
pui$$ante, puis qu'elle enuove $es in-
fluences, &amp; $es rayons plus perpendi-
culairement, &amp; qu'elle e$t plus pro-
che de celuy qui nai$t, que n'e$t la par-
tie Orientale: autrement il faut nier
que les cau$es naturelles agi$s&etilde;t mieux,
&amp; plus fort par vne ligne plus courte, &amp;
plus perpendiculaire, que par vne plus
longue, &amp; plus oblique, &amp; d&eacute;mentir
toutes les experiences du Ciel &amp; de la
terre: D'o&ugrave; il s'en$uit que cette premie-
re mai$on e$t la plus foible des $ix qui
$ont $ur l'horizon, car outre ce que i'ay
dit, elle e$t tou$iours empe$ch&eacute;e par les
vapeurs qui $e leuent vers l'Orient, &amp;
qui $ont $i fortes, &amp; $i gro$$ieres, qu'el-
<pb n=40>
les empe$chent la lumiere du Soleil:
Del&agrave; vient que l'on ne peut allumer du
feu auec vn miroir concaue au matin,
lequel neantmoins bru$le, &amp; allume,
ou fond ce que l'on met deuant, non
$eulement &agrave; midy, mais au$$i $ur le $oir,
encore que le Soleil ne $oit pas plus
haut $ur l'horizon, qu'il e$toit au matin,
parce que les vapeurs ne s&otilde;t pas $i gro$-
$ieres. Or $i le Soleil, qui e$t le Prince
des A$tres, &amp; la plus excellente, &amp; plus
pui$$ante partie du Ciel, a $i peu de for-
ce a $on leuer, qu'il n'agit iamais plus
foiblement e$t&atilde;t $ur l'horizon, ne faut-
il pas conclure la me$me cho$e des au-
tres planettes, des A$tres, &amp; des parties
des cieux qui $ont &agrave; l'Orient. Car les
A$trologues ne peuuent dire auec rai-
$on que telles parties agi$$ent plus pui$-
$amment, ou plus $ubtilement que le
Soleil, ny ayant rien plus $ubtil, ny plus
pui$$ant que $a lumiere dans toute l'e-
$tendu&euml; de la nature corporelle.
<pb n=41>
<FIG>
<p>Les deux autres mai$ons de cette pre-
miere triplicit&eacute; ne $ont pas mieux e$ta-
blies que la premiere, puis qu'elles en
dependent, &amp; qu'elles font vn triangle
&eacute;quilateral auec elle: Mais pour mieux
entendre cecy il faut remarquer qu'ils
mettent quatre angles, ou principales
parties au Ciel, &amp; qu'ils donnent vne
triplicit&eacute; &agrave; chacune, afin que le Ternai-
re, qui repre$ente la Trinit&eacute;, multipli&atilde;t
le quaternaire, qui repre$ente les crea-
tures, produi$e douze, pour les douze
mai$ons, qui ont cinq a$pects influants,
<pb n=42>
&agrave; $&ccedil;auoir, la conionction, le $extil, le
trin, le quadrat &amp; l'oppo$ition, qui $ont
marquez par ces characteres <FIG>,
<FIG>, ou par 1. 2. 3. 4. 5. l'vnit&eacute;
repre$entant l'vnion, ou la c&otilde;ionction:
le binaire, le $extil, ou l'hexagone, qui
comprend deux $ignes, ou la $ixie$me
partie du Ciel: le ternaire, l'a$pect trin,
ou le trigone, qui contient la quatrie$-
me partie du Ciel, ou trois $ignes: le
quaternaire, le quadrat, ou le tetrago-
ne, qui c&otilde;prent quatre $ignes. &amp; la troi-
$ie$me partie du Ciel; &amp; le $enaire, l'a$-
pect oppo$&eacute;, qui contient $ix $ignes, ou
la moiti&eacute; du Ciel.
<p>Or ils di$tingu&etilde;t quatre points prin-
cipaux, qu'ils appellent angles, afin que
les quatre points, ou parties de la vie, &agrave;
$&ccedil;auoir l'enfance, la ieune$$e, l'&acirc;ge vi-
ril, &amp; la vieille$$e, qui r&eacute;pondent au
commencement, au progrez, &agrave; la force,
&amp; au declin des autres corps $uiets &agrave;
corruption, $oient gouuernez par les
A$tres, &amp; par les domiciles de l'Horo$-
cope.
<p>C'e$t pourquoy ils donnent trois mai-
$ons &agrave; la premiere triplicit&eacute; pour les
trois genres de vie que l'homme peut
<pb n=43>
auoir en ce monde, dont la premiere
e$t la vie <I>naturelle,</I> qui e$t gouuern&eacute;e pat
l Horo$cope, c'e$t &agrave; dire, par la premie-
re mai$on, qui e$tablit le premier angle
de l'Orient: la $econde vie e$t la <I>$piri-
tuelle,</I> qui regarde Dieu, &amp; la Religion,
dont ils iugent par la neufie$me mais&otilde;:
&amp; la troi$ie$me vie e$t la <I>repre$entatiue,</I>
qui fait reuiure les parens en leurs en-
fans, &amp; en leurs heritiers, dans le$quels
il $emble que leur vie e$t con$eru&eacute;e,
puis que le fils repre$ente le pere apres
$a mort: Or ils iugent de cette vie par
la cinquie$me mai$on, car ces trois mai-
$ons, &agrave; $&ccedil;auoir, la premiere, la neufie$-
me, &amp; la cinquie$me, font vn triangle
equilateral pour la premiere triplicit&eacute;
de l'Horo$cope. Ils appellent cet a$-
pect <I>trin,</I> l'a$pect de parfaite amiti&eacute;.
<p>Ils veulent au$$i que l'on entre de la
neufie$me mai$on en la 8. qui repre$en-
te la mort naturelle, dautant que la vie
$pirituelle, qui nous donne l'e$perance
d'vne meilleure vie, nous doit $eruir de
preparation pour attendre la mort cor-
porelle: Mais ie ne voy nulle rai$on qui
per$uade que cette premiere triplicit&eacute;
$oit bi&etilde; e$tablie, car il $eroit plus &agrave; pro-
<pb n=44>
pos de faire que les trois $ignes d'vne
me$me triplicit&eacute; peu$s&etilde;t enuoyer leurs
rayons, &amp; leurs influences $ur vn me$-
me corps en me$me moment: Ce qui
ne peut arriuer, dautant que la terre
empe$chera tou$iours les rayons de la
cinquie$me mai$on, quand la premie-
re, &amp; la neufie$me $eront $ur l'horizon,
car il n'y a pas moien de voir ces trois
mai$ons en me$me moment, encore
qu'on fu$t mont&eacute; $ur le Cauca$e, $ur le
Liban, ou $ur la plus haute montagne
de la terre.
<p>Ils pourroient r&eacute;pondre qu'il $e peut
faire quelque reflexion premiere, ou $e-
conde de ces trois points, ou de ces trois
mai$ons les vnes aux autres; mais cette
re$ponce e$t $i foible qu'elle $e renuer$e
a$$ez de $oy me$me: C'e$t pourquoy ie
pa$$e outre iu$ques &agrave; ce qu'ils ayent
trouu&eacute; quelques meilleures rai$ons
pour deffendre cette triplicit&eacute;.
<pb n=45>
<HR>
<C>PROPOSITION III.</C>
<C><I>La $econde, la troi$ie$me, &amp; la quatrie$me tri-
plicit&eacute; ne $ont pas mieux e$tablies
que la premiere.</I></C>
<p>IL e$t facile d'appliquer aux trois au-
tres triplicitez, ce que nous auons
dit de la premiere, car l'angle du milieu
du Ciel, qu'ils attribuent au lucre, &amp;
aux autres e$peces de biens, &agrave; la jeune$-
$e, &amp; &agrave; l'action, n'a pas plus de corre$-
pondance auec la $econde, &amp; la $ixie$-
me mai$on, qui font la $econde tripli-
cit&eacute;, que la premiere mai$on auec la
cinquie$me, &amp; la neufie$me. Or il fau-
droit premierem&etilde;t demon$trer que les
honneurs &amp; les dignitez apparti&etilde;nent
&agrave; la dixie$me mai$on, les be$tes &amp; les
$eruiteurs &agrave; la $ixie$me, &amp; l'or &amp; l'ar-
gent &agrave; la deuxie$me, qui $ont les trois
$ortes de biens qu'ils e$tabli$$ent, com-
me ils auoient fait trois $ortes de vies,
auant que de nous obliger &agrave; croire ce
qu'ils di$ent de cette $econde triplicit&eacute;.
Mais ie ne me peux per$uader que Dieu
<pb n=46>
ait eu ce de$$ein, quand il a cre&eacute; les
A$tres; &amp; croy que plus on s'effor&ccedil;era
d'&eacute;tablir les douze mai$ons, &amp; leurs
proprietez, &amp; plus on fera paroi$tre
qu'elles n'ont point d'autre fondement
que l'imagination: Car nous deman-
der&otilde;s tou$iours pourquoy l'angle d'Oc-
cident, qui e$t la $eptie$me mai$on, e$t
donn&eacute; &agrave; l'&acirc;ge viril, &agrave; l'amour, &amp; au ma-
riage: pourquoy la troi$ie$me mai$on
aux freres, &amp; aux parens: Et l'onzie$-
me aux amis: car il faudroit mon$trer
pourquoy cette triple conjonction de
corps, de $ang, &amp; d'e$prit, ou d'affe-
ction, e$t plu$to$t gouuern&eacute;e par cette
troi$ie$me triplicit&eacute; de la $ept 3. &amp; 11.
mai$on, que par vne autre triplicit&eacute;.
<p>Si cela e$toit veritable, les enfans ge-
meaux, &amp; tous ceux qui s&otilde;t naiz &agrave; me$-
me heure, $ouz vn me$me climat, en
me$me longitude, &amp; latitude, comme
ceux qui nai$$ent &agrave; me$me heure &agrave; Pa-
ris, &agrave; Con$tantinople, &agrave; Am$terdan, ou
en quel qu'autreville, ou prouince, n'au-
roient-ils pas me$me femme, me$mes
enfans, me$mes amis, ou du moins en
me$me nombre, &amp; de me$mes qua-
litez?
<pb n=47>
<p>Ie $&ccedil;ay qu'il ne $e peut faire naturel-
lement que deux per$onnes nai$$ent en
vn me$me in$tant, $ur vne me$me par-
tie de la terre, qui e$t determin&eacute;e par
les cercles de longitude, ou de latitude:
Mais il arriue des nai$s&atilde;ces en des lieux,
&amp; en des temps $i voi$ins, que la di$tan-
ce n'e$t pas con$iderable, comme ils c&otilde;-
fe$$ent eux-me$mes: Et neantmoins la
vie, les actions, &amp; la fortune de ceux
qui nai$$ent ain$i, $ont $i differentes
qu'elles mon$trent que toutes les regles
des A$trologues n'ont nulle verit&eacute;, c&otilde;-
me l'on verra $i l'on prent la peine de
l'experimenter.
<p>Quant &agrave; la quatrie$me, ou derniere
triplicit&eacute;, elle a l'angle tenebreux de
minuit, qu'ils appellent <I>la fo$$e des planet-
tes,</I> &agrave; laquelle ils donnent la vieille$$e,
les afflictions, &amp; la mort des parents: la
$econde mai$on de cette triplicit&eacute;, c'e$t
&agrave; dire, la douzie$me de l'Horo$cope, e$t
pour les ennemis, &amp; pour le mal qu'ils
font, c'e$t pourquoy ils l'appellent <I>val&eacute;e
de mi$ere.</I> Et la troi$ie$me mai$on de cet-
te triplicit&eacute;, c'e$t &agrave; dire la huictie$me
de l'Horo$cope, termine les biens, &amp;
les maux de cette vie par la mort, $i ce
<pb n=48>
qu'ils a$$eurent e$t au$$i veritable, com-
me ie l'e$time tres-faux: Car ils n'ont
ny rai$on, ny experience qui nous con-
traigne de $uiure leur opinion, encore
qu'ils $e vantent de mille experiences
qu'ils pui$ent dans les liures, ou qu'ils
di$ent auoir faites: mais ils ne $&ccedil;auroi&etilde;t
en faire paroi$tre aucune qui $oit telle-
ment regl&eacute;e que l'on y pui$$e e$tablir
quelque cho$e de certain.
<p>Or $i ces mai$ons ne $ont pas bi&etilde; e$ta-
blies, il s'en$uit que toutes leurs predi-
ctions, &amp; toutes les conjectures qu'ils
tirent des douze mai$ons, $ont tre$ in-
certaines, &amp; qu'ils ne $&ccedil;auroient rien
dire d'a$$eur&eacute; de la religion de l'enfant
par la neufie$me, non plus que par la
premiere mai$on: Que la $eptie$me ne
$&ccedil;auroit en$eigner $i l'&etilde;fant $era mari&eacute;,
ny la 5. s'il aura des enfans, &amp;c.
<p>Quand ils auront prouu&eacute; que les troi-
$ie$mes parties du Ciel, qui appartien-
nent a l'vne, ou l'autre des triplicitez,
$ont plu$to$t de me$me nature, que cel-
les qui $e trouuent en diuer$es triplici-
tez: Que le degr&eacute; d'Orient influe plus
pui$$amm&etilde;t $ur la terre, &amp; $ur l'enfant,
que le poinct vertical du Midy, &amp; plu-
<pb n=49>
$ieurs autres cho$es, qu'ils mettent en
auant, le Mu$icien pourra $uiure leurs
predictions.
<p>Ce qui n'empe$chera pourtant pas
que nous ne tirions quelque profit $pi-
rituel de l'ordre qu'ils e$tabli$$ent entre
leurs douze mai$ons, afin que nous imi-
tions la $ouueraine Bont&eacute;, qui tire le
bien du mal, &amp; la verit&eacute; du men$onge.
le dis donc que l'ordre des mai$ons,
$uiu&atilde;t le cours naturel du premier mo-
bile, qui va de l'Orient &agrave; l'Occident,
peut repre$enter les mouuemens natu-
rels de la partie $en$itiue, ou animale:
Mais quand les mai$ons $ont di$po$&eacute;es
$elon le mouuement des planettes, qui
$e fait d'Occident en Orient, com-
me elles $ont ordinairement, elles
peuuent repre$enter le mouuement de
la rai$on, qui s'oppo$e &agrave; celuy du $ens,
comme i'expliqueray, apres auoir con-
clu qu'on ne $&ccedil;auroit donner le temps
auquel doit nai$tre vn parfait Mu$icien,
par l'ob$eruation des A$tres, puis qu'il
ny a point de certitude dans les regles
de l'A$trologie.
<pb n=50>
<HR>
<C>PROPOSITION IV.</C>
<C><I>Determiner quelle vtilit&eacute; l'on peut tirer des
douze mai$ons de l'Horo$cope pour
les cho$es $pirituelles.</I></C>
<p>IL faudroit faire vn liure entier, $i l'on
vouloit rapporter tout ce qui peut
$eruir aux cho$es $pirituelles dans l'A-
$trologie Iudiciaire; ie me contenteray
d'en toucher icy quelque cho$e, afin
que chacun y pui$$e adiou$ter tout ce
qui luy plaira. Les deux manieres que
i'ay rapport&eacute;es pour la di$po$ition des
douze mai$ons, mon$trent que l'enfant
a deux voyes qu'il peut $uiure, &agrave; $&ccedil;auoir
celle de l'appetit animal, s'il $uit le
mouuement du premier mobile, qui
commence par la douzie$me mai$on
$uiette &agrave; toutes $ortes de mi$eres, &amp;
d'ennemis, car il faut combatre le m&otilde;-
de, la chair, &amp; le diable: puis il monte
vers l'angle du milieu, ce qui repre$en-
te l'ambition de l'h&otilde;me, qui court apres
les honneurs. Or cette douzie$me mai-
$on e$t de la me$me triplicit&eacute; que celle
de la mort des parens, des pri$ons, &amp; de
<pb n=51>
la fo$$e, qui e$t la quatrie$me mai$on:
c'e$t donc l&agrave; le chemin de l'appetit bru-
tal.
<p>L'autre chemin appartient &agrave; la rai-
$on, &amp; r&eacute;pond &agrave; l'ordre des mai$ons, qui
$uit la $ucce$$ion des $ignes du Zodia-
que, $elon le propre mouuement que
les planertes ont de l'Occident &agrave; l'O-
rient: Car il de$c&etilde;d par la mai$on d'hu-
milit&eacute; aux riche$$es de la $econde mai-
$on, qui appartient &agrave; la me$me triplicit&eacute;
de la dixie$me mai$on. Hiero$me Co-
lombe a fait vn trait&eacute; entier de la nati-
uit&eacute; de no$tre Seigneur, dans lequel il
mon$tre $es vertus, &amp; $es qualitez par
les douze mai$ons de l'Horo$cope, &amp;
par les $ignes qui $e rencontrerent dans
cha$que mai$on &agrave; l'heure de $a natiuit&eacute;:
dans laquelle il a mis la Balance, &amp; <FIG>
pour l'angle d'Orient, afin de $ignifier
$a ju$tice, &amp; la bont&eacute; de $on tempera-
ment. Ie lai$$e le Scorpion de la $econ-
de mai$on, le Sagittaire, &amp; le <FIG> de la
troi$ie$me, le Capricorne, &amp; le <FIG> de la
quatrie$me, &amp; les $ignes des autres mai-
$ons, dont il parle, dautant que ces ap-
plications ne $ont pas dignes d'vn bon
e$prit.
<pb n=52>
<HR>
<C>PROPOSITION V.</C>
<p><I>L'on ne $&ccedil;auroit predire a$$eur&eacute;ment les ma-
ladies, ni les inclinations que quelqu'vn
aura vices, aux vertus, &amp; aux $ciences,
ni quel $era $on temperament, par les re-
gles ordinaires de l'A$trologie Iudiciaire.</I>
<p>CEtte propo$ition e$t contre l'opi-
ni&otilde; de plu$ieurs, qui croyent qu'on
peut predire par les a$pects des A$tres
quand la c&otilde;tagion arriuera, &amp; en quel-
le ville elle $era, dautant, di$ent ils, que
les Elements $ont parfaitement $uiects
au Ciel, &amp; qu'il faut chercher dans les
cieux la rai$on de tout ce qui $e fait $ur
la terre. Secondement, parce que cer-
tains planettes, &amp; a$pects des A$tres
pre$ident, &amp; influent plus particuliere-
ment $ur quelques villes, &amp; prouinces,
qui peuuent par apres communiquer
leurs mauuai$es influenc &agrave;vn autre lieu,
bien que tels a$pects ayent ce$$&eacute;, &amp; que
toutes les $ai$ons ayent gard&eacute; leur tem-
perament, comme il e$t $ouuent remar-
marqu&eacute; dans les Ephemerides.
<pb n=53>
<p>Troi$ie$mement, parce que l'expe-
rience fait voir que la France, l'Angle-
terre, l'Allemagne, l'E$pagne, &amp; plu-
$ieurs aurtes Prouinces de l<*>urope$ont
$uiettes au premier trigone du feu, &agrave;
$&ccedil;auoir au Belier, au Lion, &amp; au
Sagittaire, dont le Soleil, &amp; <FIG> $ont
$eigneurs. Que le $econd Trigone
terre$tre, le Taureau, <FIG> &amp; le Capricor-
ne auec <FIG> &amp; <FIG> influent particulierem&etilde;t
$ur l'Inde, $ur les Parthes, &amp; $ur les par-
ties plus Meridionales de l'A$ie. Que
le troi$ie$me Trigone a&euml;rien, II, <FIG> &amp;
le Ver$eau auec <FIG>, &amp; <FIG> domment $ur
l'Armenie, la Sarmatie, &amp;c. Finalem&etilde;t,
que le Trigone de l'eau, l'Ecreui$$e, lo
Scorpion, &amp; les Poi$$ons, auec <FIG> gou-
uern&etilde;t la Numidie, Chartage, les Mau-
res, &amp; les autres Prouinces de l'Afri-
que. A quoy ils adjou$tent que <FIG> en-
gendre la pe$te, quand il domine $ur les
Eclip$es de la Lune, ou du Soleil, ou
qu'il les regarde d'vn a$pect oppo$&eacute;, ou
quadrat, e$tant dans les $ignes de II, <FIG>
&amp; le Sagittaire: De maniere que la c&otilde;-
tagion arriue aux lieux qui $ont $uiets
aux $ignes, dans le$quels l'Eclip$e $e
fait, &amp; &agrave; la ville qu'on a commenc&eacute;e
<pb n=54>
de ba$tir, lors que le Soleil e$toit en ce
$igne. Ce qu'ils e$timent $i veritable,
qu'ils croi&etilde;t pouuoir trouuer le temps
precis, auquel la maladie doit arriuer,
pourueu qu'ils $&ccedil;achent de combien le
Soleil, ou la Lune e$toient &eacute;loignez de
l'Horo$cope $elon la $ucce$$ion des $i-
gnes lors de l'Eclip$e, dautant qu'il
faut conter deux mois pour chaque $i-
gne, &amp; que la maladie doit durer aut&atilde;t
de mois, ou d'ann&eacute;es, comme l'Eclip$e
de la Lune, ou du Soleil durera d'heu-
res: Mais cette maladie arriuera bien-
to$t, $i la conjonction de <FIG>, &amp; de <FIG>
$e fait aux &eacute;toiles Saturniennes, &amp; $i <FIG>
$e trouue dans le Belier, dans le Lion,
ou dans le Sagittaire.
<p>Quant &agrave; l'inclination des hommes,
S. Thomas me$me aduoue dans le 3.
liure c&otilde;tre les Gentils chap. 86. &amp; 92.
que les A$tres nous donnent de diffe-
rentes inclinations, &amp; produi$ent en
nous de certaines di$po$itions, comple-
xions, &amp; habitudes, de maniere que <FIG>
e$tant d&atilde;s l'vne des mai$ons de <FIG> don-
ne vn excellent e$prit: &amp; en$eigne en la
premiere partie de $a Somme, que$ti&otilde;
115. article 4. que les A$trologues ren-
<pb n=55>
contrent le plus $ouuent la verit&eacute;, dau-
tant que la volont&eacute; $e porte facilement
&agrave; faire vne mauuai$e &eacute;lection, quand
elle $uit l'inclination de l'appetit $en-
$uel, qui d&eacute;pend de l'influence des
A$tres. Il a$$eure au$$i dans $es com-
mentaires $ur le $econd liure qu'a fait
Ari$tote de la generation, que l'enfant
viura plus, ou moins, &agrave; proportion de
la force que les planettes auront dans
$on Horo$cope; de l&agrave; vient que quel-
ques-vns croyent que l'&otilde; pourroit pre-
dire tout ce qui arriuera &agrave; l'enfant en
toute $a vie, $i l'on connoi$$oit parfaite-
ment la force, &amp; la nature des A$tres.
<p>Or ie ne peux $uiure cette opinion,
car bien que les A$tres agi$$ent $ur nous
par leur lumiere, &amp;, peut e$tre, par
quelque particuliere influence, ie no
crois pas qu'on pui$$e predire le iour, ny
l'ann&eacute;e, dans laquelle la maladie arri-
uera, dautant que nous ne $&ccedil;auons pas
iu$ques &agrave; quel point doit venir l'altera-
tion de l'air, &amp; des autres Elemens, la-
quelle e$t nece$$aire pour engendrer la
contagion. D'abondant les Trigones
dufeu, de l'air, de l'eau, &amp; de la terre,
ne me $emblent pas e$tre bien e$tablis;
<pb n=56>
car pourquoy le Belier, le Lion
&amp; le Sagittaire gouuernent ils plu-
$to$t la France, l'Angleterre, l'E$pa-
gne, l'Allemagne, &amp;c. que la Numi-
die, &amp; les autres prouinces de l'Afrique?
ils deuroient plu$to$t regir celles-cy,
puis qu'ils montent plus haut, &amp; dar-
dent leurs rayons, &amp; leurs influences
plus perpendiculairement $ur leur ho-
rizon que $ur le no$tre: Car le Belier
n'a que quarante &amp; vn degr&eacute; d'&eacute;leua-
tion &agrave; Paris, quand il e$t en $on Midy,
le Lion en a 63. &amp; le Sagit-
taire 24. Mais le Lion a 90. de-
grez d'&eacute;leuation &eacute;s Prouinces Me-
ridionales, &amp; le Belier en a autant
$ouz la ligne &eacute;quinoctiale: C'e$t pour-
quoy ils deuroient plu$to$t pre$ider &agrave;
ces parties de la terre, qu'&agrave; no$tre Eu-
rope, puis qu'ils ont plus de force dans
les Prouinces Meridionales, que dans
les Septentrionales.
<p>Tout ce qu'ils di$ent de la grande
conjonction de <FIG>, &amp; de <FIG>, &agrave; la quelle
ils donnent 794. ou 800. ans, afin que
chaque Trigone ait <*>00. ans, ne me
$emble pas plus veritable quant aux
predictions qu'ils en tirent.
<pb n=57>
<p>Il faut au$$i remarquer qu'ils mettent
dix moindres conjonctions en chaque
Trigone, auant que la grande conjon-
ction arriue: &amp; qu'ils di$ent que l'vne
de ces moindres conjonctions $e fift l'an
1623. dans le trigone du feu, le dix-hui-
ctie$me iour de Iuillet, &amp; que l'autre
arriuera l'an 1643. le $econd iour de
Mars, dans le vingt-cinquie$me degr&eacute;
des Poi$$ons, qui appartiennent au tri-
gone de l'eau, comme le Lion au
$ixie$me degr&eacute; dans lequel $e fit l'au-
tre conionction. Il e$t tres-facile de
trouuer les autres conionctions, puis
qu'elles $e font de vingt en vingtans,
afin que dix moindres c&otilde;jonctions, qui
$e font en chaque Trigone, e$tant mul-
tipli&eacute;es par quatre, qui e$t le nombre
de$dits Trigones, donnent 800. ans
pour le temps qu'il y a d'vne gr&atilde;de con-
jonction &agrave; l'autre.
<p>Ce que i'ay voulu remarquer, parce
que quelques-vns veulent e$tablir la
Chronologie par le moyen de ces Tri-
gones, &amp; $uppo$ent que le monde &agrave;
commenc&eacute; $ouz la premiere grande
conjonction, au commencement du
Trigone du feu; que la $econde s'e$t
<pb n=58>
faite lors qu'Enoch viuoit $ainctem&etilde;t,
&amp; que les fils de Cain inuentoient les
Arts, &amp; les Sciences: Que la troi$ie$-
me e$t arriu&eacute;e au deluge: la quatrie$me
&agrave; la $ortie des Hebreux hors de l'Egy-
pte: la cinquie$me, quand ils furent
menez captifs $ouz I$a&iuml;e, &amp; que les
Olvmpiades, l'an de Nabona$$ar, &amp;
Rome commencerent; &amp; la $ixie$me,
vers la Natiuit&eacute; de no$tre Seigneur,
l'an du monde 3970. Cecy e$tant po$&eacute;,
il faut que la $eptie$me $e $oit faite vers
le temps de Charlemagne: la huictie$-
me, quand la nouuelle e$toile parut
l'an 1588. &amp; par con$equent la neufie$-
me de ces grandes conjonctions arriue-
ra l'an de grace 2382.
<p>Mais il faudroit prouuer que le m&otilde;de
a e$t&eacute; cre&eacute; au c&otilde;mencem&etilde;t du Trigone
du feu, au&atilde;t que de pouuoir &eacute;rablir cete
Chronologie, ce qu'on ne fera iamais.
<p>Quant &agrave; la natiuit&eacute; des villes, elle n'a
pointde fondem&etilde;t d&atilde;s les Horo$copes
qu'ils en dre$$ent, $ur quoy l'on peut li-
re Gauric, &amp; les autres qui ont erige
les figures, ou les natiuitez de Rome,
de Milan, de Con$tantinople, &amp; de
plu$ieurs autres villes. Ils n'eu$$ent pas
<pb n=59>
employ&eacute; leur temps plus mal s'ils eu$-
$ent dre$$&eacute; les Horo$copes de la terre,
&amp; des autres Flements, ou de la Lune,
de <FIG>, &amp; des autres planettes, car on ne
$&ccedil;auroit rien predire d'a$$eur&eacute; ny des
vns ny desautres.
<p>Parlons maintenant des differentes
inclinations des hommes, dont traite
$ainct Thomas depuis le 82. chap. du
troi$ie$me liure contre les Gentils iu$-
ques au 87. &amp; d&atilde;s la premiere partie de
$a Somme, que$tion 115. art. 4. dont
voicy les paroles, <I>Il e$t plus probable que
l'on peut predire l'inclination des hommes par
les A$tres, dautant que la plus grande partie
des hommes $uit les pa&szlig;ions, &amp; les mouue-
mens de l'appetit $en$itif, $urqui les cieux
ont quelque pouuoir, carily a peu de $ages qui
re$i$tent &agrave; leurs pa&szlig;ions, &amp; qui $uiuent les
mouuemens, &amp; la loy de l'e$prit.</I> Del&agrave; vient
que ce grand Docteur de l'&eacute;cole a dit
que les corps cele$tes peuu&etilde;t e$tre cau-
$es indirectes, &amp; accid&etilde;telles des acti&otilde;s
humaines, parce qu'ils agi$$ent $ur nos
corps, dont l'entendement, &amp; la vo-
lont&eacute; ont be$oin pour faire leurs fon-
ctions; &amp; qu'il e$t nece$$aire que les
actions de oes facultez $oient empe$-
<pb n=60>
ch&eacute;es quand les organes corporels $ont
mal di$po$ez, comme il arriue &agrave; l'&oelig;il,
qui a la iauni$$e, ou &agrave; l'imagination qui
e$t troubl&eacute;e: Car il faut que l'entende-
ment $e $erue de l'imagination, qui c&otilde;-
munique $on indi$po$ition, &amp; $on im-
perfection aux operations intellectuel-
les, comme le verre color&eacute; communi-
que la $ienne &agrave; la lumiere du Soleil.
<p>Quant &agrave; la volont&eacute;, elle ne $uit pas $i
nece$$airement les &eacute;motions de l'appe-
tit concupi$cible, &amp; de l'ira$cible; car
elle peut les corriger, &amp; soppo$er &agrave; leur
violence par des mouuem&etilde;s contraires:
ce que $ainct Paul &agrave; remarqu&eacute; quand il
a dit que l'e$prit re$i$te &agrave; la chair: d'o&ugrave;
il appert que les influences cele$tes ont
moins de force $ur la volont&eacute; que $ur
l'entendement, qui ne peut corriger
l'imperfection, &amp; la perturbation de
l'imagination, &amp; des autres facultez
qui luy $ont nece$$aires.
<p>Nous pouuons done conclurre que
les Horo$copes, par le$quels nous au&otilde;s
mon$tr&eacute; quelle natiuit&eacute; doit auoir le
parfaict Mu$icien, ne doiuent pas e$tre
entierement rejettez, puis que le Do-
cteur Angelique, &amp; pre$que tous les
<pb n=61>
doctes auec luy confe$$ent qu'on peut
predire les inclinations, &amp; la perfecti&otilde;
du corps, &amp; de l'e$prit par les regles que
Ptolom&eacute;e &amp; les autres ont donn&eacute;es:
car ie ne veux pas m'oppo$er &agrave; vne opi-
nion receu&euml; par de $i gr&atilde;dsper$onnages,
&amp; qui $emble e$tre confirm&eacute;e par plu-
$ieurs experiences. Ie diray ne&atilde;tmoins
qu'il $emble qu'on ne peut rien predire
d'a$$eur&eacute; des inclinations, ou de la per-
fection de l'enfant, &agrave; rai$on de la matie-
re, dont $on corps e$t form&eacute;: du laict,
&amp; des autres viandes, dont il e$t nourry;
de l'air qu'il in$pire, des diuer$es com-
pagnies parmy le$quelles il e$t &eacute;leu&eacute;,
&amp; de mille autres circon$tances, qui
$ont grandement con$iderables, &amp; trop
$uffi$antes pour empe$cher toutes les
predicti&otilde;s des A $trologues, encore qu'ils
eu$$ent vne parfaite connoi$$ance de la
nature, &amp; des effects de tous les A$tres,
laquelle ils n'auront iamais. A quoy
l'on peut adjou$ter qu'il faudroit voir $i
les planettes e$tant dans les me$mes $i-
gnes vers le Midy, vers la ligne Equino-
ctiale, &amp; vers l'Orient, comme en la
Chine, &amp; au Iapon, ont me$me force,
&amp; produi$ent les me$mes effects que
<pb n=62>
dans l'Europe; Et $i les me$mes cho$es
arriuent par tout le monde, $ouz me$-
mes a$pects, &amp; me$mes con$tellations:
car $i cela n'e$t vniforme, il n'y a nulle
certitude dans l'A$trologie Iudiciaire.
<p>Ie veux acheuer ce di$cours par vne
rai$on qui toute $eule peut mon$trer
l'in certitude de l'A$trologie, laquelle
n'e$tant fond&eacute;e que $ur les experiences
dont $e vantent les A$trologues, elle
$era entierement renuer$ee, $i iamais
l'on n'a p&ucirc; faire deux $emblables expe-
riences.
<p>Or il e$t tres-certain que les A$tres,
ce$t &agrave; dire les &eacute;toiles, &amp; les planettes,
dont les Horo$copes, &amp; toute l'A$tro-
logie tirent leurs vertus, leurs $ignifica-
tions, &amp; leurs di$cours, n'ont eu iamais
deux fois vne me$me di$po$ition entre-
elles, &amp; n'ont iamais regard&eacute; deux fois
la terre d'vn me$me a$pect, &amp; par con-
$equ&etilde;t ne nous ont point enuoy&eacute; deux
fois leurs influences d'vne me$me fa&ccedil;&otilde;:
d&otilde;c les A$trologues n'ont p&ucirc; faire deux
experi&etilde;ces $emblables de l'in flu&etilde;ce des
cieux depuis la creation du monde iu$-
ques &agrave; pre$ent: &amp; con$equemment ils
ne peuuent rien predire d'a$$eur&eacute; par
<pb n=63>
les Horo$copes, iu$ques &agrave; ce que les
A$tres ayent la me$me di$po$iti&otilde;, qu'ils
ont remarqu&eacute;evne $eule fois, afin qu'ils
$e $eruent pour le moins de deux $em-
blables experiences pour e$tablir la ve-
rit&eacute; de leurs predictions. Que $i l'on de-
mande combien il faut de temps pour
faire d'eux $emblables ob$eruations, ie
r&eacute;p&otilde;s qu'il faut pour le moins 6336000.
ann&eacute;es; car les $imples periodes, ou
cours de Mars, de lupiter, de Saturne,
&amp; des &eacute;toiles, c'e$t &agrave; dire les 2, les 12,
les 30, &amp; les 28800. ann&eacute;es du cours de
<FIG>, de <FIG>, de <FIG>, &amp; du firmam&etilde;t $e multi-
pliant font $ix milions trois cent trente
$ix mille ann&eacute;es. I'ay dit <I>pour le moins;</I>
car le n&otilde;bre des ann&eacute;es $era beaucoup
plus grand, $i l'on multiplie le temps
des autres planettes, &amp; de tous leurs
excentriques, epicycles, &amp; autres mou-
uemens particuliers, par le nombre des
ann&eacute;es $u$dites.
<p>Et &agrave; vray dire ie croy que S. Thomas
n'eu$t iamais donn&eacute; de $i grands auan-
tages aux A$trologues, comme il a fait
aux lieux que i'ay rapportez, s'il eu$t
plus e$tudi&eacute; &agrave; cet art, &amp; s'il eu$t con$i-
der&eacute; cette rai$on: Mais il s'e$t conten-
<pb n=64>
t&eacute; de con$eruer la libert&eacute; des hommes,
&amp; la prouidence de Dieu; Et a lai$$&eacute; la
libert&eacute; aux Iudiciaires de predire ce
qui d&eacute;pend des pa$$ions, &amp; du tempe-
rament, $ans examiner plus particulie-
rement $i cela $e pouuoit faire par l'A-
$trologie, ou s'il $urpa$$oit l'indu$trie, &amp;
la connoi$$ance des hommes.
<p>Et s'il eu$t interrog&eacute; les plus $&ccedil;auans
A$trologues du m&otilde;de, &amp; $i leur eu$t de-
mand&eacute; quelque maxime certaine, &amp;
infaillible de leur art, il eu$$ent confe$-
$&eacute; ingenu&euml;ment qu'il ny en a point. Et
s'ils eu$$ent eu honte de le confe$$er, il
eu$t e$t&eacute; facile de les contraindre par
l'experience me$me d'aduo&uuml;er cette
verit&eacute;.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>L'on verra encore plus clairement
dans la propo$ition qui $uit qu'il n'y a
nulle rai$on qui per$uade la verit&eacute; do
l'A$trologie, que l'on appelle la Iudi-
ciaire, &amp; con$equemment qu'il la faut
o$ter du nombre des Sciences &amp; des
Arts liberaux, car elle fait voir $i eui-
demment la vanit&eacute; des fondemens, &amp;
<pb n=65>
des regles dont v$ent les A$trologues,
qu'il e$t mal-ai$&eacute; de la lire attentiue-
ment que l'on ne $e departe incontin&etilde;t
de leurs maximes pretendu&euml;s.
<C>COROLLAIRE II.</C>
<p>Si l'on con$idere la grande diuer$it&eacute;
des macules, ou taches du Soleil, &amp; les
differents effets qui peuuent e$tre pro-
duits par leur pre$ence, ou par leur ab-
$ence, &agrave; rai $on que le Soleil perd beau-
coup de $a lumiere lors qu'il en e$t cou-
uert, &amp; qu'il e$t beaucoup plus clair, &amp;
plus re$plendi$$ant, quand il n'en a
point, &amp; qu'il a plu$ieurs flambeaux
qui l'accompagnent, dont les vns $ont
au$$i grands que toute la terre, &amp; ne&atilde;t-
moins que l'on ne peut predire la nai$-
$ance, ou l'appat&etilde;ce de ces fl&atilde;beaux, ny
de ces macules, quoy qu'elles $oi&etilde;t $ou-
uent plus gr&atilde;des que le corps de la Lu-
ne, l'on $era c&otilde;traint d'auo&uuml;erqu'il n'e$t
pas po$$ible de predire aucune cho$e
par les regles de ceux qui n'ont pas $eu-
lement conneu qu'il y eu$t des taches
dans le Soleil, dont Schener a &eacute;crit vn
gros volume qui merite d'e$tre leu.
<pb n=66>
<C>COROLLAIRE III.</C>
<p>I'adjou$te la propo$ition qui $uit, d&otilde;t
i'ay pris le di$cours dans l'Apologie que
Mon$ieur Ga$$endi Theologal de Di-
gne m'a fait voir en faueur des atomes
d'Epicure, laquelle contient la Phy$i-
que beaucoup plus parfaitement que
nul autre liure que i'aye iamais veu; car
elle comprend tout ce que l'on peut s'i-
maginer de plus $ubtil, &amp; de plus excel-
lent dans toutes les Hypothe$es des an-
ciens, &amp; des Modernes, dont elle peut
ay$&eacute;ment $uppl&eacute;er tous les liures: i'e$-
pere qu'il la donnera bien-to$t au pu-
blic, &amp; que l'on ne $era pas $i ignorant
qu'auparauant, apres qu'on l'aura leu&euml;,
&amp; entendu&euml;.
<pb n=67>
<HR>
<C>QVESTION III.</C>
<p><I>Que les hommes $&ccedil;auans, &amp; iudicieux re-
iettent l'A$trologie Iudiciaire, parce qu'el-
le n'a nul fondement, ou principe $olide; &amp;
que toutes les maximes des A$trologues
$ont dignes de ri$&eacute;e: &amp; con$equemment
que l'on ne peut rien predire d'a$$eur&eacute;, ni
de probable de la nai$$ance des hommes
par le moyen des A$tres.</I>
<p>ENcore que ce que i'ay dit cy de$$us
$oit $uffi$ant pour faire paroi$tre la
vanit&eacute; de l'A$trologie, ne&atilde;tmoins i'ad-
jou$te ce di$cours, afin que nul ne s'y
amu$e, &amp; que ceux qui $ont $tudieux,
emploi&etilde;t leur t&etilde;ps &agrave; de meilleures cho-
$es. Or pui$que l'on ne peut $&ccedil;auoir le
vray point de l'Ecliptique, qui $e leue
$ur l'horizon &agrave; l'in$tant que l'enfantvi&etilde;t
au monde, il n'e$t pas po$$ible de faire
$on Horo$cope, puis que l'on ignore le
point qu'il faut diriger, &amp; dont il faut
v$er pour determiner le t&etilde;ps de la vie,
car $i l'on manque de demie heure, le
progno$tic des ann&eacute;es manquera de 7.
<pb n=68>
ou huict ans, que l'enfant doit viure.
<p>D'ailleurs l'enfant $ort par parties du
ventre de la mere, &amp; lors que les pieds
$ortent, la te$te e$t de$ia frapp&eacute;e par les
A$tres, &amp; $uiette au de$tin, auant que
l'on pui$le faire l'Horo$cope des pieds.
A quoy Cardan r&eacute;pond au 2. Chap. du
3. liure du Quadripartit, qu'il faut con-
$iderer le temps, auquel commence la
re$piration; mais il dit $eulement cela
pour euiter la difficult&eacute;, car vn peu d'air
re$pir&eacute; ne peut ch&atilde;ger le de$tin: &amp; puis
l'on remarque qu'il y en a qui re$pirent
dans le ventre de la mere.
<p>Mais $ans penetrer $i auant, c'e$t cho-
$e a$$eur&eacute;e que nul A$trologue ne $&ccedil;au-
roit remarquer le peu de temps qui e$t
a entre la nai$$ance de deux enfans iu-
meaux, &amp; qu'ils manquent le plus $ou-
uent &agrave; prendre le vray temps de la nai$-
$ance, des iours entiers.
<p>Quant &agrave; ceux qui $e $eruent des hor-
loges ordinaires, l'experience mon$tre
qu'elles $ont $i differentes que l'on en
prend la comparai$on pour $ignifier le
di$cord, &amp; le de$ordre. Et $i l'on v$e de
l'A$trolable, $uiuant le con$eil de Pto-
lom&eacute;e, l'&otilde; $&ccedil;ait premierement que ceux
<pb n=69>
qui dre$$ent la figure de la natiuit&eacute;, n'&otilde;t
pas l'A$trolabe en main tandis que la
femme e$t en trauail: &amp; le Ciel e$t $ou-
uent $i couuert, t&atilde;t de iour que de nuit,
que l'on ne voit point le Soleil, ny les
&eacute;toiles, dont on n'auoit pas connu les
vrays lieux que iu$ques &agrave; pre$ent; &amp;
puis la vraye hauteur du Pole, &amp; la lon-
gitude n'e$t connu&euml; qu en fort peu de
lieux. A quoy l'on peut adiou$ter le
m&eacute;conte qui vient des refractions, la
mauuai$e fabrique, ou la petite$$e des
in$trumens, &amp; mille autres circon$tan-
ces des ob$eruations, qui empe$chent
que l'on pui$$e remarquer levray temps
de la natiuit&eacute;.
<p>Car quant aux 3. manieres qui leur
$eruent pour iu$tifier le temps, dont la
premiere s'appelle <I>Trutina Hermetis, la
Balance, ou le Trebuchet d'Hermes,</I> qu'ils
tirent de la 51. $entence du Centiloque
de Ptolom&eacute;e, o&ugrave; il e$t dit que l'Horo$-
cope $e rencontre au me$me $igne, au-
quel e$toit la Lune au temps de la con-
cepti&otilde;, ou au $igne oppo$&eacute;, ils n'en peu-
uent tirer de certitude, ny ayant nullo
appar&etilde;ce de croire qu'ils pui$$ent trou-
uer le temps de la nai$$ance par celuy
<pb n=70>
de la conception, qu'ils ne $&ccedil;auent pas.
Et Ptolom&eacute;e parle $eulement du $igne,
&amp; non du degr&eacute;, ou de la minute, &amp;
con$equemment ils peuuent s'abu$er
de deux heures, puis qu'vn $igne, qui &agrave;
30. degrez, employe deux heures &agrave; $e
leuer.
<p>La 2. maniere qu'ils appellent, <I>Ani-
modar,</I> ou Almute &amp; Almu$teli, n'e$t
pas meilleure, quoy que Ptolom&eacute;e l'&etilde;-
$eigne au chap. 2. du 3. liure, o&ugrave; il dit
qu'il faut ob$eruer la Lune pleine, ou
nouuelle, qui precede immediatement
la nai$$ance, &amp; voir quel planette &agrave; la
principale authotit&eacute; dans le 6. lieu du
Ciel, dans lequel la conjonction, ou
l'oppo$ition e$t arriu&eacute;e, afin de remar-
qu&eacute; le degr&eacute; du $igne, que tient le me$-
me planette au temps de la nai$$ance,
&amp; con$equemment dans l'Horo$copt,
&amp; de comparer le nombre de ce degr&eacute;
auec celuy du degr&eacute; de l'Orient, &amp; du
milieu du Ciel, car ils veulent que le
nombre de $es degrez $oit &eacute;gal &agrave; celuy
dont il e$t plus proche.
<p>Mais outre que l'experience mon$tre
le contraire, &amp; que cette methode n'a
point d'autre fondement que l'imagi-
<pb n=71>
nation, elle ne peut e$tre iu$te d'auec
les climats differents, o&ugrave; plu$ieurs peu-
uent nai$tre &agrave; me$me heure, en apres, lo
temps que l'on prend, peut tromper en
mille fa&ccedil;ons, cemme $&ccedil;auent tres-bien
ceux qui font les ob$eruations du Ciel.
<p>La troi$ie$me maniere $e prend des
accidens de la vie de celuy, dont on
dre$$e la figure, dautant que Cardan dit
au 158. du 6. des Aphori$mes, que les
Sages ne iugent pas $eulement de l'en-
fant par la nai$$ance, mais au$$i de la
nai$$ance par l'enfant; car comme l'on
$e $ert de la nai$$ance pour trouuer le
temps des accidens, qui doiuent arriuer
&agrave; l'enfant par le moyen des directions,
des tran$itions, &amp; des profections an-
nuelles, de me$me l'on trouue le temps
de la nai$$ance par le$dits accidens.
Mais cette methode ne peut $eruir pour
l'enfant, auquelil n'e$t point arriu&eacute; do
notable accident, &amp; tout ce qu'ils di-
$ent de ces accidens, n'a nulle preuue.
Et bien qu'ils eu$$ent trouu&eacute; le vray
point de la natiuit&eacute;, il ne s'en$uit nul-
lement qu'ils pui$$ent predire aucune
cho$e, dautant qu'ils diui$ent le Ciel en
12. parties par le moyen des $ix cercles,
<pb n=72>
qui le couppent en deux points oppo-
$ez, afin qu'ils diui$ent le Zodia que en
12. parties, dont celle qui e$t $ouz l'ho-
rizon, &amp; qui commence &agrave; $e leuer, e$t
appell&eacute;e premiere mai$on, &amp; celle qui
$uit $ouz l'horizon, e$t la $econde, &amp;
ain$i con$equemment des autres en al-
lant de la main droitc &agrave; la gauche. Mais
ils $ont $i differents dans leurs opinions
en ce qui c&otilde;cerne la que$ti&otilde; des points
de l'inter$ection, qu'il n'e$t pas po$$ible
de les accorder: car les vnes couppent
les cercles du Ciel au pole du Zodia-
que, les autres au pole du monde, &amp; les
autres aux points, au$quels les Meri-
diens couppent l'horizon. Or ceux qui
couppent les cercles aux poles du Zo-
diaque, les diui$ent en 12. parties &eacute;ga-
les, ou $eulem&etilde;t les arcs oppo$ez, qu'ils
appellent demidiurnes, &amp; deminoctur-
nes, en 3. parties &eacute;gales. Les Chaldeans
ont $uiuy la premiere maniere, comme
remarque Sexte Empirique, quoy que
Ptolom&eacute;e la reiette au chap. 11. du 3.
liure, &amp; apres luy plu$ieurs autres, com-
me Firmic, Schonner, &amp; Cardan, qui
la nomment <I>&eacute;gale.</I>
<p>Gauric $uit la 2. maniere, laquelle
<pb n=73>
Scaliger attribu&euml; aux Indiens, $ur le 3.
liure de Manile; mais ils diminu&euml;nt 8.
degrez au commencement de chaque
mai$on, &amp; de chaque lieu des planet-
tes.
<p>Ceux qui couppent les cercles au po-
le du monde, accommodent les ares
deminocturnes, &amp; demidiurnes &agrave; l'E-
quateur par le moyen des deux princi-
paux cercles des declinai$ons, qui $ub-
diui$ent les quarts de l'Equateur par
d'autres cercles en 3. parties &eacute;gales;
d'o&ugrave; il arriue qu'ils. diui$ent le Zodia-
que d'vne autre fa&ccedil;on en 12. parties &eacute;-
gales. Or Acabicius, &amp; $on commenta-
teur Iean de Saxe $uiuent cette ma-
niere.
<p>Finalement ceux qui $e $eruent des
$ections de l'horizon, &amp; du Meridien,
diui$ent l'Equateur en 12. parties &eacute;ga-
les, &amp; con$equemment le Zodiaque
en 12. parties inegales, dont les parties
diurnes, &amp; nocturnes oppo$&eacute;es $ont $eu-
lement &eacute;gales.
<p>Il arriue la me$me cho$e &agrave; ceux qui $e
$eruent du premier vertical au lieu de
l'Equateur; &amp; Iean du Mont Royal
auec Aben Ezra $uit cette maniere, qu'il
<pb n=74>
appelle <I>Rationelle,</I> laquelle e$t mainte-
nant $uiuie d'vn gr&atilde;d nombre d'A$tro-
logues, quoy que Campan &amp; Gazule
$uiuent l'autre.
<p>Quant aux 12. mai$ons, ils nomment
la premiere <I>l'Horo$cope,</I> la-mai$on de la
vie, du temperamment, &amp; des acci-
dents. La 2. <I>la porte inferieure,</I> &amp; la mai-
$on des riche$$es, que l'on acquiert par
indu$trie, la 3. <I>Dee$$e,</I> &amp; la mai$on des
freres, &amp; des petits voyages. La 4. <I>le
profond du Ciel.</I> La 5. <I>bonne fortune,</I> &amp;
mai$on des enfans. La 6. <I>mauuai$e for-
tune,</I> &amp; mai$on de la $ant&eacute;, des mala-
dies, &amp; des $eruiteurs. La 7. <I>le couchant,</I>
la mai$on du mariage, &amp; des achapts,
&amp;c. La 8. <I>le principe de la mort,</I> &amp; la mai-
$on des thre$ors cachez. La 9. <I>Dieu,</I> &amp;
la mai$on de la Religion, des $onges,
&amp; des longs voyages. La 10. <I>le milieu du
Ciel,</I> &amp; la mai$on des dignitez, &amp; des
conditions de la vie. L'onzie$me, <I>le
bon demon,</I> &amp; la mai$on des amis. La 12.
<I>le mauuais demon,</I> &amp; la mai$on des enne-
mis, &amp; des pri$ons.
<p>Ils adjou$tent que la 1, 4, 7, &amp; 10. $ont
les angles d'ou dependent les autres en
qualit&eacute; de $uccedentes, &amp; de cheutes:
<pb n=75>
que la 1, 2, &amp; 3, qui $uiuent, font le
quart de l'Occid&etilde;t, de l'Autonne, &amp; de
la melancholie: que les 3. autres $ont
pour le Midy, pour l'E$t&eacute;, &amp; pour la
cholere, &amp; les 3. dernieres pour l'Ori&etilde;t,
&amp; pour les $anguins.
<p>Ie lai$$e mille autres cho$es qui $ont $i
ridicules que ie n'o$e les rapporter: par
exemple, que la premiere mai$on pre$i-
de au blanc, la 2. au verd, &amp;c. Car
pourquoy le Ciel e$t-il plu$to$t diui$&eacute;
en 12. parties, qu'en 8, 10, 16, 20, ou 60,
parties? En apres cette diui$ion ne $e-
roit-elle pas au$$i bonne, ou meilleure,
$i elle $e fai$oit par 12. cercles paralleles
&agrave; l'horizon? ou en 12. qui $e coupa$$ent
au vertical, &amp; au point oppo$&eacute;? Ets'ils
veulent que le Zodiaque $oit diui$&eacute; en
12. parties &eacute;gales, que ne le diui$ent-ils
tous d'vne me$me diui$ion, afin que ce
qui e$t la premiere mai$on &agrave; l'vn, ne $er-
ue pas d'vne autre mai$on &agrave; l'autre?
<p>A quoy l'on peut adjou$ter que la
mai$on qui e$t toute $ur l'hori$on, doit
plu$to$t e$tre la premiere mai$on que la
12. ou du moins ils deuroient attendre
que la moiti&eacute; de cette mai$on fu$t le-
u&eacute;e; &amp; la 10. mai$on, qui e$t celle du
<pb n=76>
milieu du Ciel, deuroit e$tre moiti&eacute;
vers le couchant, &amp; moiti&eacute; vers le le-
uant, &amp; meriteroit mieux le nom de
premiere que l'autre; ou bien ils de-
uroient donner cette prerogatiue &agrave; la
mai$on, dans laquelle le Soleil $e ren-
contre, puis qu'il e$t le Roy des A$tres.
<p>D'ailleurs, $i la mai$on, qui commen-
ce &agrave; $e leuer, e$t pour la vie, que celle
qui $e couche, n'e$t elle pour la mert?
pourquoy la 8. mai$on fait elle plu$to$t
mourir? d'o&ugrave; contracte elle vne $i gr&atilde;-
de malice? Les mai$ons ont elles cette
force, ou cette $ignification du premier
mobile? Comment la me$me partie de
ce Ciel e$t-elle heureu$e, &amp; puis mal-
heureu$e $elon les differentes mai$ons?
Pourquoy vne partie de ce Ciel e$t elle
plus mal-heureu$e dans l'vne des mai-
$ons que dans les autres.
<p>Ce$t cho$e e$trange que <FIG> donne de
grands biens dans la premiere, &amp; de
grands maux dans la 12. &amp; qu'il donne
des fols &amp; des roturiers d&atilde;s la 8. au lieu
des dignitez qu'il donne dans la 10. &amp;
des dignitez Eccle$ia$tiques qu'il don-
nent dans la cinquie$me.
<p>Lors que quelqu'vn vient au monde
<pb n=77>
pourquoy le de$tin de $es freres e$t-il
&eacute;crit dans la troi$ie$me mai$on, celuy
des parens dans la 4. celuy des fils dans
la 5. celuy de la femme dans la 7. &amp; ce-
luy des amis dans l'onzie$me? Qui &agrave;
marqu&eacute; le logis aux grands animaux
dans la 12. e$tans petits dans la 6. quel
Mercure &agrave; mis les longs voyages dans
la 9. &amp; les courts dans la troi$ie$me?
<p>Mais c&otilde;me peut on e$perer de trou-
uer quelque verit&eacute; dans l'A$trologie,
pui$que les principaux Autheurs ne
s'accordent pas en ces mai$ons, qui $er-
uent de fondement &agrave; la $cience? Car
Ptolom&eacute;e iuge autrement que les au-
tres: &amp; Manile les commence par la
Fortune, &amp; non par l'Horo$cope, dont
elle e$t tou$iours au$$i &eacute;loign&eacute;e, que le
Soleil de la Lune.
<p>Ie lai$$e plu$ieurs diui$ions des $ignes
en chauds, humides, ma$culins, femi-
nins, beaux, laids, muets, parlants, &amp;c.
qui $eruent plu$to$t pour faire rire, que
pour in$truire, &amp; qui n'ont $eulement
pas l'ombre de la rai$on, ni de la vraye-
$emblance pour leur fondement. Et $i
l'on con$idere les nouueaux de$tins
qu'ils donnent &agrave; chaque degr&eacute; pour
<pb n=78>
e$tablir leur <I>Monomerie</I> &amp; <I>Myriogene$e,</I>
l'on s'e$tonnera que l'ame rai$onnable
d'vn homme pui$$e t&otilde;ber en de $i e$tr&atilde;-
ges manies: Car, di$ent-ils, $i l'Ho-
ro$cope e$t au premier degr&eacute; d'Aries, il
$ignifie la nai$$ance des Roys; s'il e$t en
la 2. il $ignifie les larrons; il $ignifie les
borgnes d&atilde;s la 3. &amp;c. Et afin qu'ils trou-
uent leur conte, ils diui$ent encore les
degrez en minutes, &amp; di$ent que le Be-
lier pre$ide &agrave; la te$te, le Taureau au col,
&amp;c. que le Li&otilde; domine &agrave; l'Italie, le Be-
lier &agrave; la France, &amp; particulierement &agrave; la
ville de Mar$eille: que la Vierge gou-
uerne Paris, le Sagittaire Auignon, &amp;c.
<p>Quant aux mai$ons des planettes, ils
logent la Lune dans l'E$creui$$e, &amp; le
Soleil au Lion, car ils ne leur donnent
qu'vne mai$on, quoy qu'ils en donnent
2. aux autres: par ex&etilde;ple, les Iumeaux,
&amp; la Vierge &agrave; Mercure, dont l'vne e$t
pour leiour, &amp; l'autre pour la nuict: &amp;
afin que les planettes ayent quelque re-
fuge dans leurs banni$$ements, les lieux
du Ciel oppo$ez &agrave; leurs mai$ons leur
$eruent d'exil, comme les lieux oppo-
$ez &agrave; leurs exaltations leurs $eruent de
cheutes: Car ils exaltent le <FIG> au Be-
<pb n=79>
lier, &amp; <FIG> au Scorpion. Or ils ne veu-
lent pas que le Lion, &amp; l'A quarius $er-
uent d'exaltati&otilde;, ou de cheute &agrave; aucun
planette.
<p>Et comme s'ils e$toient les fourriers
de l'arm&eacute;e Cele$te, ils marquent les
logis &agrave; chaque planette qu'ils exaltent,
ou depriment comme ils veulent, $ans
oublier la te$te &amp; la queu&euml; du Dragon,
qu'ils exaltent dans les Iumeaux, &amp; d&atilde;s
le Ver$eau, de $orte que l'on croiroit &agrave;
les ou&iuml;r parler qu'ils $ont les Roys, &amp; les
$ouuerains mai$tres du Ciel.
<p>Ils di$po$ent encore les degrez des
$ignes par dizaines, qu'ils appell&etilde;t <I>faces,</I>
afin que les planettes ayent leurs faces:
par exemple, que <FIG> ayt les 10. premiers
degrez d'Aries: que le Soleil ayt les 10.
qui $uiuent, &amp; <FIG> les 10. derniers: <FIG> &agrave; les
10. premiers du Taureau, &amp; ain$i des
autres.
<p>A quoy ils adiou$t&etilde;t les <I>Termes,</I> qu'ils
appelient <I>fins,</I> afin de les donner aux 5.
moindres planettes: Car <FIG> &agrave; les 6. pre-
miers degrez d'Aries: <FIG> &agrave; les 6. ou 8.
$uiuans: <FIG> les 6. ou 8. qui $uiuent, &amp;
ain$i des autres. Ie lai$$e maintenant
les Trigones, dont ils departent celuy
<pb n=80>
du feu, qu'ils appellent <I>ign&eacute;e,</I> au <FIG>, &amp; &agrave;
<FIG>, &amp; mille autres re$ueries, qui n'ont
nul fondement.
<p>Or ils ont $i peu de iugement qu'ils ne
d&otilde;nent qua$i nulle vertu aux $ignes, &amp;
aux A$teri$mes qui $ont hors du Zodia-
que, quoy qu'ils $oient en plus grand
nombre que les autres, &amp; qu'ils ayent
des &eacute;toiles tres-grandes, &amp; tres-nota-
bles, comme l'on void dans l'horion,
auquel ils attribuent fort peu, en com-
parai$on de ce qu'ils donnent au petit
A$ne de l E$creui$$e: car encore qu'il
$oit pre$que inui$ible, ils di$ent neant-
moins qu'il e$t tres-pui$$ant pour exci-
ter les tempe$tes.
<p>D'ailleurs ils donuent la pui$$ance
d'agir $ur nous aux $ignes du premier
mobile, &amp; non &agrave; ceux du firmament,
qui retrogradent peu &agrave; peu, &amp; vont au
contraire du mouuement des $ignes du
premier mobile. De l&agrave; vient que le Be-
lier du firmament e$t maintenant dans
les poi$$ons du premier mobile, &amp; qu'il
entrera apres dans l'Aquarius, dans le
Capricorne, &amp;c.
<p>C'e$t dans ce premier mobile qu'ils
e$tabli$$ent leurs Dodecatemories que
<pb n=81>
quelqu'vns di$ent e$tre la partie du Zo-
diaque, &agrave; laquelle $init le nombre des
degrez, o&ugrave; $e rencontre le planette,
apres qu'il &agrave; e$t&eacute; multipli&eacute; par 12: par
exemple, $i le planette e$t au 5. degr&eacute;,
&amp; 5&prime; du Belier, le dodecatemorie finit
au premier degr&eacute; des Gemeaux, d&atilde;s le-
quel ils mettent le dodecatemorie du
planette, parce que 5. 5&prime;. multipliez par
12. donnent 61. le$quels e$tant contez
d&eacute;s le commencement du Belier don-
nent le premier degr&eacute; des II.
<p>Quant &agrave; la force des planettes, ils di-
$ent que le <FIG> &eacute;chauffe en $eichant, que
<FIG> bru$le, que <FIG> ameine le froid, que <FIG>
&amp; <FIG> $ont les bonnes fortunes, que le <FIG>,
<FIG>, &amp; <FIG> $ont ma$les, la <FIG>, &amp; <FIG> femel-
les; &amp; que <FIG> e$t androgyne; qu'ils $ont
plus ma$les, lors qu'ils ont plus de lu-
miere, &amp; qu'ils $ont Orientaux, &amp; di-
rects: que le <FIG>, &amp; <FIG> $ont <I>diurnes,</I> &amp;
les autres <I>nocturnes.</I>
<p>Or ils leur departent plu$ieurs de-
grez de force, &amp; de dignitez $uiuant les
lieux du Zodiaque o&ugrave; ils $e renc&otilde;trent:
Car ils leur donnent 5. degrez de force,
s'ils $ont dans leur mai$on, ils leur on
donnent 4. pour leur exaltati&otilde;, 3. pour
<pb n=82>
leur triplicit&eacute;, deux pour leur fin, &amp; vn
pour leur <I>dizainier,</I> qu'ils appell&etilde;t <I>deca-
nus:</I> &amp; lors que le planette n'a nulle di-
gnit&eacute;, ils di$ent qu'il e$t <I>fatal,</I> car ils luy
donnent diuers degrez de debilit&eacute;, &agrave;
$&ccedil;auoir 5. qu&atilde;d il e$t hors de $a mai$on,
5. dans $on exil, &amp; 4. dans $a cheute.
<p>Ils appellent l'amas de toures, ou de
plu$ieurs de ces dignitez <I>le Chariot,</I> &amp; <I>le
Thro$ne royal</I>; &amp; quand le planette e$t
au$$i &eacute;loign&eacute; du <FIG>, ou de la <FIG>, comme
$a mai$on e$t &eacute;loign&eacute;e de leur mai$on,
ils appellent cette dignit&eacute; <I>Almug&eacute;e,</I> ou
<I>Per$one,</I> laquelle n'a qu'vn degr&eacute; de for-
ce. Chaque planette &agrave; au$$i vne vertu
particuliere dans chaque $igne; car <FIG>
apporte plu$ieurs maux dans le Belier,
dans le <FIG>, il priue de l'heritage pater-
nel, &amp;c. dans $a mai$on il depart la fa-
ueur, dans celle de <FIG> il fait mourir le
pere: de $orte que s'il e$t direct, il acc&otilde;-
plit ce qu'il promettoit: s'il e$t retro-
grade, il le reuoque, &amp; s'il e$t $tation-
naire, il le retarde.
<p>Ils comparent encore les planettes
les vns aux autres, afin d'e$tablir leurs
a$pects, dont le <I>Sextil</I> &amp; le <I>Trin</I> $ont be-
nefiques, le <I>Quadrat,</I> &amp; <I>L'oppo$ition</I> $ont
<pb n=83>
malefiques, &amp; la <I>Conionction</I> e$t entre-
deux: &amp; prennent leurs dignitez, &amp;
leurs debilitez accidentelles de ces a$-
pects, comme ils ont pris leurs dignitez
e$$ent elles des autres con$iderations,
dont nous auons parl&eacute; deu&atilde;t: Car l'a$-
pect <FIG> des planettes bene$iques &agrave; 4. de-
grez de force; auec le <FIG>, &amp; <FIG>, 3.auccla
Lune 2. &amp; auec les malefiques, c'e$t &agrave;
dire auec <FIG>, &amp; <FIG>, 1. &amp; l'a$pect <FIG> en a
tou$iours vne moins que le <FIG>: le <FIG>, des
malefiques a 4. debilitez, &amp; 3. auec le
Soleil: mais les a$pects malefiques des
planettes benefiques n'ont nulle di-
gnit&eacute;.
<p>Or les a$pects ne $ont pas tou$iours
<I>partils,</I> c'e$t &agrave; dire exacts, &amp; iu$tes, car
ils $ont $ouuent <I>platiques,</I> &amp; l'e$pace qui
precede le vray a$pect, s'appelle <I>applica-
tion,</I> comme celuy qui $uit, &amp; qui $e fait
par le planette le plus vi$te, $e nomme
<I>$eparation.</I> Ils prennent encore d'autres
dignitez, ou debilitez des planettes,
lors qu'ils $ont dans le <I>camizi,</I> ou dans lo
c&oelig;ur du Soleil, c'e$t &agrave; dire qu'ils luy
$ont conjoints, &amp; qu'ils $ont <I>bru$lez,</I> ce
qui arriue tandis qu'ils ne $ont pas &eacute;loi-
gnez de plus de 6. degrez du Soleil, ou
<pb n=84>
qu'ils $ont <I>hypauges,</I> c'e$t &agrave; dire entre le
16. degr&eacute;.
<p>Ie lai$$e plu$ieurs autres diui$ions des
planettes en <I>Orientaux,</I> ou dextres, &amp;
<I>Occidentaux,</I> ou gauches, &amp; en <I>dirrcts,
retrogrades, legers, tardifs,</I> &amp;c. afin d'a-
jou$ter ce qu'ils e$timent dauantage, &agrave;
$&ccedil;auoir que chaque planette $e re$io&uuml;it
dans $a mai$on, dans laquelle il e$t le
principal $ignificateur, comme e$t <FIG>
dans la 12; <FIG> dans l'onzie$me, <FIG> dans
la 10. le Soleil dans la 9. <FIG> dans la 5. <FIG>
dans la 1. &amp; la <FIG> dans la 3.
<p>En apres ils ont des forces differentes
dans les differentes mai$ons, dans le$-
quelles ils $e rencontrent: Car <FIG> &amp; <FIG>,
font la vie courte dans la 1. <FIG> &amp; <FIG> la
donnent longue: le <FIG> donne les com-
mendements; <FIG> la $cience, &amp; la Lune
les voyages; <FIG> &amp; <FIG> donnent la pauure-
t&eacute; dans la 2. dans laquelle <FIG> &amp; <FIG> don-
nent les riche$$es: le <FIG> la beaut&eacute;, &amp; <FIG>
la faueur, &amp;c.
<p>A quoy ils adiou$tent la te$te, &amp; la
queu&euml; du Drag&otilde; qu'ils marqu&etilde;t de ces
caracteres, la partie de la fortune, qu'ils
marquent ain$i <FIG>, &amp; qui e$t la partie
<pb n=85>
du Zodiaque, dans laquelle (en con-
tant depuis le Belier) tombe le nombre
compo$&eacute; du degr&eacute; qui s'&eacute;leue, c'e$t &agrave; di-
re de l'Horo$cope, &amp; de la di$tance du
Soleil &agrave; la Lune: car la te$te du Dragon
donne l'honneur dans la 1. la queu&euml; y
ble$$e l'&oelig;il, &amp; <FIG> fait que l'on e$t heu-
reux aux ieux, &amp; aux contracts.
<p>Or le planette qui &agrave; le plus grand n&otilde;-
bre de dignitez, e$t le $eigneur de la fi-
gure, &amp; de l'ann&eacute;e, lors qu'elle e$t dre$-
$&eacute;e au commencement du printemps:
&amp; lors qu'il &agrave; plus de dignitez dans le
commencement d'vn $igne, il e$t $ei-
gneur de la mai$on: &amp; s'il e$t dans le
premier degr&eacute;, ils le nomment <I>Almu-
ten,</I> c'e$t &agrave; dire di$po$iteur de la mai$on:
&amp; c'e$t $uiuant cette doctrine, qu'ils di-
$ent <I>le Seigneur de l'a$cendant,</I> de l'Ho-
ro$cope, &amp;c. Ie lai$$e la domination &amp;
l'empire, qu'ils leur d&otilde;nent $ur les heu-
res, $ur les &acirc;ges, &amp; $ur les e$tats, &amp;c.
comme lors qu'ils di$ent que <FIG> pre$ide
&agrave; l'agriculture, <FIG> &agrave; la politique, <FIG> &agrave; la
guerre, le Soleil aux honneurs, <FIG> &agrave; l'a-
mour, <FIG> &agrave; la marchandi$e, &amp; la <FIG> aux
voyages.
<p>Parce que ie croy que les fondemens
<pb n=86>
de leur doctrine, que i'ay rapportez iu$-
ques &agrave; pre$ent, $ont a$$ez ridicules pour
faire voir leur vanit&eacute;, &amp; la fau$$et&eacute; de
toute l'A$trologie Iudiciaire. Car qu'el-
le apparence y &agrave; il que le Belier $oit de
la nature du feu, puis qu'il donne tant
de pluyes, &amp; que l'Ecreui$$e $oit de la
nature de l'cau, $ouz lequel nous endu-
rons de $i grandes chaleurs?
<p>Peut-on de$irer vn plus gr&atilde;d te$moi-
gnage de la folie des A$trologues, que
quand on con$idere les be$tes qu'il met-
tent au Ciel pour nous rendre gras, ou
maigres: pourquoy le Belier e$t il plu-
$to$t ma$le que le <FIG>, qui e$t plus chaud?
&amp; pourquoy le Belier pre$ide-il plu$to$t
&agrave; la te$te que le Lion, ou l'Ecreui$$e?
pourquoy les Poi$$ons pre$id&etilde;t ils aux
pieds, veu qu'ils n'en ont point, &amp; qu'ils
$ontioints au Belier?
<p>La preference qu'ils leur donnent $ur
la $uitte des ann&eacute;es, &amp; $urles villes n'e$t
pas mieux e$tablie, car le Ciel, ou la ter-
re e$tant mobiles, vn $igne n'influ&euml; pas
dau&atilde;tage $ur vne Prouince, ou $ur vne
ville, que $ur l'autre, qui &agrave; me$me lati-
tude, &amp; neantmoins ils a$$uietti$$ent
vne Prouince entiere &agrave; vn $igne, &amp; les
<pb n=87>
villes de cette me$me Prouince &agrave; d'au-
tres $ignes.
<p>Certainement il n'y &agrave; nulle rai$on
pourquoy vn planette a plu$to$t vne
mai$on de la figure, que toutes les mai-
$ons, puis qu'il n'y &agrave; nul iour dans le-
quel chaque planette ne $e rencon-
tre dans toutes le$dites mai$ons. En
apres $i le Lion e$t la mai$on du Soleil,
pourquoy le $igne prochain n'e$t-il cel-
le de <FIG>, puis qu'il e$t le plus chaud?
pourquoy le Soleil, &amp; la Lune n'ont-ils
chacun qu'vne mai$on, puis que les au-
tres planettes en ont chacun d'eux?
pourquoy la mai$on de la Lune humi-
de n'e$t elle pas dans le Ver$eau oppo$&eacute;
au Lion? &amp; qu'elle a, peut-e$tre, e$t&eacute;
cr&eacute;e &agrave; l'oppo$ite du <FIG>? quoy que Firmi-
cus croye que le Soleil a e$t&eacute; cr&eacute;e au 15.
du Lion, &amp; <FIG> au 15. du Ver$eau; ce qui
ne peut e$tre, puis que <FIG> ne $e peut &eacute;-
loigner du Soleil que de deux $ignes.
<p>Les exaltations $ont $emblablement
mal e$tablies, puis que les <I>ab$ides</I> $e ch&atilde;-
gent, &amp; qu'elles deuroient plu$to$t e$tre
d&atilde;s la mai$on des planettes qu'ailleurs:
car il n'y &agrave; nulle apparence d'exalter <FIG>
dans la mai$on de <FIG>, ni <FIG> dans celle de
<pb n=88>
<FIG>; &amp; <FIG> n'a rien de commun auec le
Taureau, $igne terre$tre, dans lequel
<FIG> a $a mai$on, &amp; <FIG> $on exaltation.
<p>Quant aux <I>decanats,</I> ils $ont tres-mal
fondez, car $i le Belier e$t la mai$on de
<FIG>, pourquoy luy o$tent-ils les deux
tiers pour les decanats de deux autres
planettes; &amp; pourquoy banni$$ent-ils
<FIG> des II, c'e$t &agrave; dire de $a mai$on, pour
en donner la premiere partie &agrave; <FIG>, la 2. &agrave;
<FIG>, &amp; la 3. au Soleil? le lai$$e les fins, ou
les termes, puis qu'ils $ont encore plus
ridicules.
<p>Mais il n'e$t pas nece$$aire de refuter
les po$itions des A$trologues, d'autant
qu'elles $e de$trui$ent elles - me$mes:
Car $i <FIG> bru$le, parce qu'il e$t rouge, &amp;
&amp; que <FIG> refroidi$$e, parce qu'il e$t pa$-
le, il faut dire que l'&eacute;carboucle bru$le,
&amp; que la chaurefroidit: $i <FIG> bru$le, d'o&ugrave;
vient quel on ne $enr point $a chaleur
&agrave; l'Hyuer, lors qu il e$t a <I>croniche</I> &amp; que
l'on n'experimente point le froid de <FIG>
&agrave; l'E$t&eacute;?
<p>Or il faut remarquer que <FIG> n'e$t pas
pa$le, comme croyent les ignorans, qui
ne parlent que par liure, &amp; par preoc-
cupation, dont ils ne $eront plus trom-
<pb n=89>
pez, lors que le Ciel leur aura mon$tr&eacute;
qu'il e$t tres-lui$ant. Certainement il
ny &agrave; nulle rai$on pour laquelle l'&otilde; pui$-
$e dire qu'il y a des planettes malefi-
ques, &amp; d'autres benefiques, ny me$u-
re aucune, dont ils pui$$ent me$urer la
quantit&eacute;, ou la qualit&eacute; de leurs digni-
tez, ou de leurs foible$$es; &amp; ce qu'ils
di$ent des a$pects a e$t&eacute; pris $ur les dif-
ferentes figures de la Lune, qu'elle fait
paroi$tre $uiuant les differents rapports
qu'elle a auec le <FIG>, &amp; puis il ny &agrave; pas
plu$to$t 5 a$pects que 7. que 9. que 13.
ou 15 &amp; Kepler adiou$te le <I>Biquintil,</I> le
<I>Tredecil,</I> &amp;c.
<p>Voyons maintenant comme ils trou-
uent le temps, auquel les accidens doi-
uent arriuer &agrave; l'enfant, ils $e $eruent de
la <I>direction,</I> de la <I>reuolution,</I> des <I>profecti&otilde;s
annuelles,</I> &amp; des <I>tran$itions.</I> Or la dire-
ction $e fait entre-deux points du Zo-
diaque de la figure, dont l'vn e$t le <I>$i-
gnificateur,</I> &amp; l'autre le <I>prometteur.</I> Ils
font le $ignificateur mobile, afin qu'il
approche peu &agrave; peu du pro metteur im-
mobile, &amp; que l'effect arriue lors qu'il
l'aura atteint, parce qu'il e$t promis. Or
ils dirigent, &amp; content le progrez du
<pb n=90>
$ignificateur, &amp; du prometteur $ur l'&eacute;-
quateur, $ur lequel les deux points $u$-
dits $e r'encontrent par le moyen des
cercles de declinai$on: car diriger n'e$t
autre cho$e que chercher l'arc de l'&eacute;-
quateur, qui e$t entre le $ignificateur,
&amp; le prometteur.
<p>Quant au progrez, il fait vn degr&eacute;
dans vne ann&eacute;e, 5. minutes dans vn
mois, &amp; 10 $econdes dans vn iour, afin
que cet arc en$eigne combi&etilde; de temps
apres la nai$$ance c'e$t &agrave; dire &agrave; qu'el an-
n&eacute;e de l'enfant, l'effect doit arriuer.
<p>Mais il faut diriger des points diffe-
rents $elon les differ&etilde;ts effects que l'on
cerche: par exemple, le <FIG> pour l'e$tat
de la vie, &amp; pour les dignitez: la Lune
pour les affections de l'e$prit; l'Horo$-
cope pour la $ant&eacute;, &amp; pour les voyages,
le milieu du Ciel pour les amis, la <FIG>
pour les riche$$es; &amp; pour $&ccedil;auoir com-
bien l'enfant doit viure, l'on prend vn
point, que l'on appelle <I>prorogateur, emi$-
$eur, Setgneur de la vie, Hylech, Alchocoden,
Aphete, &amp;c.</I> c'e$t &agrave; dire le planette qui &agrave;
plus grand nombre de dignitez, &amp; vn
moindre nombre de debilitez dans les
lieux <I>hylegiels,</I> &agrave; $&ccedil;auoir dans la 1. 10.11.
7. ou 9. mai$on.
<pb n=91>
<p>Or l'on prend ordinairement le Soleil
pour les nai$$ances qui $e font de iour,
&amp; la Lune pour celles de la nuict; &amp;
lors qu'il ne $e rencontre nul planette
dans le$dits lieux, l'on $e $ert principa-
lement de l'Horo$cope: &amp; pour trou-
uer la mort, l'on dre$$e <I>l'Aphete</I> &agrave; <I>l'Ana-
rete,</I> c'e$t &agrave; dire le dit point &agrave; <I>l'interfecteur</I>:
par exemple &agrave; <FIG>, &agrave; <FIG>, ou &agrave; leurs ray&otilde;s
malefiques, ou au di$po$iteur de la 8.
mai$on. Ce$te direction e$t appell&eacute;e
<I>directe,</I> lors qu'elle $e fait $elon la $uitte
des $ignes, comme il arriue quand on
v$e de l'Horo$cope, ou du milieu du
Ciel, &amp;c. &amp; <I>Conuer$e,</I> l'ors qu'elle $e fait
contre l'ordre des $ignes, c&otilde;me il arri-
ue &agrave; la <FIG>, &amp; aux planettes retrogrades.
<p>La <I>Reuolution</I> e$t l'erection d'vne fi-
gure que l'on fait, lors que le Soleil $e
rencontre au me$me point du Zodia-
que o&ugrave; il e$toit &agrave; la nai$$ance. Car $i
l'Horo$cope de cette figure regarde
celle de la nai$$ance d'vn bon a$-
pect, l'enfant $e portera bien toute
l'ann&eacute;e; &amp; $i l'a$pect e$t mauuais, il $e
portera mal: $i les planettes ont vne
contraife di$po$iti&otilde; &agrave; celle qu'elles ont
&agrave; la natiuit&eacute;, l'enfant court vn grand
peril; &amp; $i la Lune $e trouue au lieu, o&ugrave;
<pb n=92>
e$toit <FIG> &agrave; la natiuit&eacute;, il &eacute;pou$era vne
vieille.
<p>La <I>Profection annuelle</I> e$t le progrez
que fait la pointe, ou l'angle de chaque
mai$on, &amp; chaque point de la natiuit&eacute;
par le Zodiaque: or ces points font cha-
que ann&eacute;e 30. degrez, afin que la pro-
fection recommeuce de 12. en 12. ans,
dans le$quels ils iugent bien, ou mal de
l'enfant $elon les bons, ou mauuais a$-
pects, qui-$e renc&otilde;trent dans ce temps,
&amp; qu'ils predi$ent tous les ans, dont le
4. e$t dangereux, parce que l'Horo$co-
pe arriue &agrave; la 4. mai$on, qu'il regarde
d'vn a$pect <FIG>, &amp; le milieu de Ciel d'vn
a$pect oppo$&eacute;. En apres il paruient &agrave; la
7. qu'il regarde d'vn a$pectoppo$&eacute;, &amp;
le milieu du Ciel d'vn a$pect quadrat.
<p>Ie lai$$e tout ce qu'ils di$ent des an-
n&eacute;es <I>Climateriques,</I> &amp; des Seigneurs des
Septenaires ou <I>Affridaires,</I> qu'ils appel-
lent <I>Chronocratcurs,</I> puis qu'il n'y a nul-
le rai$on pourquoy la Lune pre$ide &agrave; la
premiere ann&eacute;e, <FIG> &agrave; la 12. <FIG> &agrave; la 3. &amp;c.
<p>Or ils font recommencer la Lune au
8. Septenaire, qu'ils appellent dange-
reuy, parce que <I>l'Affridaire</I> ch&atilde;ge l'em-
pire de chaque planette.
<pb n=93>
<p>La <I>Tran$ition</I> $e faict, lors qu'vn pla-
nette: par exemple la Lune, pa$$e par
les lieux de la figure, o&ugrave; e$toit <FIG>, &amp;c.
ou l'Horo$cope, ou par le lieu, qui e$toit
Trin, ou quadrat &agrave; <FIG>, &amp;c. ou Trin
&agrave; l'vn, &amp; quadrat &agrave; l'autre, daut&atilde;t qu'ils
croyent qu'il arriue de notables chan-
gemens dans ces pa$$ages, d&otilde;t ils v$ent
pour determiner le temps, &amp; particu-
lierement le iour, &amp; l'heure. Car l'effect
e$t plus grand $elon les differens pa$$a-
ges, &amp; rapports, qui $e rencontrent en-
tre tous ces points.
<p>Ce $ont l&agrave; les principaux fondem&etilde;ts
de l'A$trologie Iudiciaire, dont la va-
nit&eacute; e$t $i euidente, qu'il $uffit de les
auoir expliquez pour les refuter. Car
pourquoy la direction $e fait-elle plu-
$to$t $ur l'Equateur que $ur l'&eacute;cliptique,
qui e$t le lieu principal des planettes?
pourquoy plu$to$t contre la $uitte, que
$elon la $uitte, &amp; l'ordre des $ignes?
pourquoy donnent-ils $eulement vn
degr&eacute; &agrave; chaque. ann&eacute;e? $i l'homme vi-
uoit 360. ans, ils auroient quelque con-
jecture, dont ils $ont entierement de$ti-
tuez: car qu'elle apparence y &agrave; il que ce
point de la natiuit&eacute; retienne $a force,
<pb n=94>
iu$ques &agrave; 30. &amp; 40. ans? quelle propor-
ti&otilde;, ou rapport y &agrave;-il du milieu du Ciel
de la 60. ann&eacute;e auec celuy de la natiui-
t&eacute;; &amp; quelle apparence y a-il que le de-
$tin de cette ann&eacute;e depende du rapport
de ces a$pects? ces points $e conoi$$ent-
ils l'vn l'autre? pourquoy la reuolution
ne $e fait-elle au$$i bien des autres pla-
nettes, &amp; particulierement des fortu-
nes, ou infortunes au$quelles ils attri-
buent de $i grandes vertus, comme elle
$e fait du Soleil? pourquoy d&otilde;nent ils
30. degrez &agrave; chaque ann&eacute;e, &amp; pour-
quoy ne redui$ent - ils le Zodiaque &agrave;
l'Equateur dans la profection?
<p>Les <I>Alfridaires</I> $ont encore plus ridi-
cules, puis qu'ils font regir chaque pla-
nette &agrave; chaque Septenaire, ou $epmai-
ne d'ann&eacute;es, &amp; qu'ils ne s'accor dent pas
eux-me$mes $ur ce $uiect. Car Ptolo-
m&eacute;e donne 4. ans d'empire &agrave; la Lune,
10. &agrave; <FIG>, 8. &agrave; Venus, 19. au <FIG>, 15. &agrave; <FIG>,
12. &agrave; <FIG>, &amp; ce qui re$te iu$ques &agrave; la mort,
&agrave; Saturne.
<p>Quant aux que$ti&otilde;s, &amp; aux elections,
les A$trologues promettent les $oluti&otilde;s
de toutes cho$es: par exemple, s'il $'a-
git du mariage, Venus &amp; la Lune $ont
<pb n=95>
feminins, &amp; la 7. mai$on auec $on $i-
gnificateur parlent tou$iours des fem-
mes; &amp; lors qu'ils ont con$ider&eacute; les au-
tres mais&otilde;s, les planettes, les decanats,
les fins, &amp;c. ils di$ent $i l'enfant $era
veuf, s'il &eacute;pou$era vne femme riche, ou
pauure, &amp; $i elle doit viure peu, ou l&otilde;g-
temps.
<p>Ie lai$$e les autres mai$ons, par le$-
quelles ils predi$ent $i l'&etilde;fant $era Chat-
pentier, Ma&ccedil;on, Aduocat, &amp;c. afin de
dire vn mot des elections, par le$quel-
les ils tiennent qu'ils ne faut pas pren-
dre medecine, lors que la <FIG> e$t au Be-
lier, <FIG>, &amp; au Capricorne, de peur de la
rejetter, &agrave; rai$on que ces $ignes rumi-
nent: que les Nauires ne doiuent pas
partir, lors que <FIG> e$t au milieu du Ciel,
parce qu'il pre$ide aux Pyrates. Ils veu-
lent au$$i que l'on con$idere $i le $igne
qui monte, s'il e$t fixe, ou mobile, auant
que de planter les arbres, de peur qu'ils
$e d&eacute;racinent; que l'on o$te l'enfant de
la mammelle, lors qu'vn $igne humain
monte, quand on le veut rendre deli-
cat, &amp; $i on veut qu'il ayme la chair,
lors que le Lion monte: que $ouz l'E-
creui$$e il aymera le poi$$on, ce qui ar-
<pb n=96>
riuera $emblablem&etilde;t $ouz les Poi$$ons:
mais il aymera les legumes $ouz la pre-
miere partie du Capricorne, du Belier,
&amp; du Taureau.
<p>Lors qu'on luy donne vn mai$tre, ils
veulent que <FIG> regarde benignement la
Lune en $on croi$$ant; que la Lune $oit
en a$pect $extil auec le <FIG>, ou auec le
Seigneur de la 10. mai$on, lors qu'on
va $al&uuml;er vn Prince, ou vn Roy: que
l'on aille &agrave; la cha$$e $ouz vn $igne mobi-
le, dans lequel il n'y ait point de planet-
te retrograde: que l'on e$$aye les habits
$ouz vn $igne mobile, dans lequel la <FIG>
$e rencontre, de peur que les ve$temens
durent plus long-temps que le corps.
<p>Ie lai$$e la natiuit&eacute; des Villes, &amp; les
pre$ages qu'ils en tirent, car ils $ont $i
ignor&atilde;ts qu'ils mettent <FIG> dans le Scor-
pion, &amp; le <FIG> dans <FIG> &agrave; la nai$$ance de
Rome, comme l'on peut voir dans So-
lin; &amp; ne&atilde;tmoins <FIG> ne peut $&eacute;loigner
du Soleil, que de 28. degrez. Ie lai$$e
$emblablement les elections de l'heu-
re pour grauer les cachets, &amp; les Tali$-
mans, &amp; mille autres re$ueries, quin&ccedil;
peuuent entrer dans vn bon e$prit.
<p>Certainement les excellens per$on-
<pb n=97>
nages n'ont iamais faict d'e$tat de l'A-
$trologie, comme l'on peut voir dans
Ciceron au 2. liure de la diuination; &amp;
plu$ieurs croyent que Ptolom&eacute;e n'e$t
pas l'Autheur du Quadripartir, ou qu'il
a $eulement fait vn abreg&eacute; des re$ue-
ries des &AElig;gyptiens, afin de $atisfaire &agrave;
la curio$it&eacute; de quelques vns de$esamis:
Car quelle apparence y a-il qu'il n'ayt
o$&eacute; traiter de la Phy$ique, &agrave; rai$on de
$on incertitude, comme il t&eacute;moigne
dans la preface de $on Almage$te, &amp;
qu'il ayt traict&eacute; de l'A$trologie qui n'a
pas $eulement de la probabilit&eacute; pour
e$tablir $es fondements?
<p>Del&agrave; vient que Cardan a$$eure dans
$on Epi$tre $ur le Quadripartit, que les
Autheurs, dont Ptolom&eacute;e a pui$e $on
liure, ont e$t&eacute; des impo$teurs, qui ont
tout corrompu; ce que l'on peut $em-
blablement dire de Cardan, d'Origan,
&amp; de tous les autres, puis qu'ils n'ont
pas plus de rai$on qu'eux.
<p>Or il y a gran de apparence que les
hommes, qui ont voulu paroi$tre plus
$&ccedil;au&atilde;ts que les autres, ont inuent&eacute; tou-
tes ces fables, afin de gaigner de l'ar-
gent, ou d'acquerir l'amiti&eacute;, &amp; la fa-
<pb n=98>
ueur des grands; &amp; parce qu'ils n'auoi&etilde;t
nulle rai$on, ils ont eu recours aux ex-
periences: par exemple, que Nigidius
ayant veu la natiuit&eacute; d'Augu$te, il luy
predit qu'il $eroit $eigneurde l'Vniuers?
qu'A$cleri&otilde; predit de $oy-me$me qu'il
$eroit mang&eacute; des chiens; que Pic de la
Mirandole e$t mort l'an 32. de $on &acirc;ge,
&agrave; rai$on de la direction de l'Horo$cope
au corps de Mars, comme remarque
Gauric.
<p>Ie lai$$e plu$ieurs autres experiences,
dont ils $e vant&etilde;t pour abu$er les igno-
rans, puis que iamais nul A$trologuen'a
fait les ob$eruations nece$$aires pour
e$tablir des regles $ur ce$ujet, car il fau-
droit pour le moins auoir 2. experien-
ces de 2. enfans, qui fu$$ent nez $ouz vn
me$me a$pect du Ciel, ce qui n'e$t en-
core iamais arriu&eacute;: par exemple, les
Chaldeans n'&otilde;t peu voir deux fois vne
natiuit&eacute;, dans laquelle l'Horo$cope ayt
e$t&eacute; le premier degr&eacute; du Belier, le So-
leil e$tant au commencement de l'E-
creui$$e, la Lune au 20. du Ver$eau, &amp;
<FIG> &agrave; la fin du Taureau: Et iamais l'on n'a
veu 2. fois les planettes en me$me a$-
pect, en me$me latitude, &amp; aux me$-
<pb n=99>
mes lieux de leurs Epicycles. En apres,
ils n'ont point connu les planettes, qui
$ont &agrave; l'entour de <FIG>, ni les 2. de <FIG>, ny
les taches du Soleil, qui peuuent varier
les effects qu'ils promettent.
<p>D'ailleurs, encore que ce$t art eu$t
e$t&eacute; veritable en &AElig;gypte, il ne $eroit
pas veritable en ce climat, ny dans la
$phere parallele, o&ugrave; nul degr&eacute; de l'&eacute;-
clyptique ne $e leue, ny ne $e couche,
&amp; o&ugrave; con$equemm&etilde;t nul $igne ne peut
$eruir d'Horo$cope, de milieu du Ciel,
ou d'autre mai$on. En apres, il y a tou-
$iours quelque partie de l'&eacute;clyptique
dans la Zone froide, quine $e leue ia-
mais, &amp; qui e$t tou$iours ca ch&eacute;e $ouz
l'horizon, &amp; quel que partie qui e$t tou-
$iours $ur l'horizon, &amp; qui ne $e couche
iamais: de $orte que cet art ne peut $er-
uir qu'entre les Tropiques, c'e$t &agrave; dire
dans la Zone torride, &amp; dans les tem-
per&eacute;es.
<p>A quoy l'on peut adiou$ter que tout
ce que l'on diticy des A$tres, $e trouue
autrement au dela de l'E quateur, o&ugrave; le
Belier e$t le commencement de l'Au-
tomne, &amp; o&ugrave; le Lion gele, au lieu qu'il
nous bru$le: Car $'ils r&eacute;pondent que la
<pb n=100>
Balance doit e$tre pri$e en l'autre par-
tie du monde pour le Belier, &amp; le Ca-
pricorne pour l Ecreui$$e, &amp;c. il faut
qu'ils confe$$ent que les exaltations, &amp;
les cheutes des planettes, &amp; toutes
leurs autres fantai$ies $'en v&otilde;t parterre.
<p>Mais il n'e$t pas nece$$aire d'aller par
dela la ligne pour c&otilde;uaincre leurs fon-
demens de nullit&eacute; &amp; d'erreur, pui$-
que nous experimentons que le me$me
climat produit des cho$es $i differentes
en me$me temps.
<p>En apres que peuuent-ils r&eacute;pondre
aux Topinamboux, qui viu&etilde;t 200.ans,
&amp; dont les femmes engendrent par de-
l&agrave; 90.ans: &amp; o&ugrave; tout ce qu'ils di$ent des
riche$$es, des femmes, &amp;c. e$t tres-faux,
puis qu'ils ont toutes cho$es en com-
mun, &amp; qu'ils n'ont point d'Arts, ni de
me$tiers $emblables aux no$tres?
<p>Certainement $i l'on con$idere la di-
uer$it&eacute; des manieres de viure qui $ont
au monde, &amp; la confu$ion des accid&etilde;s,
qui arriuent durant la guerre, &amp; qui
n'arriueroient pas durant la paix, l'on
confe$$era que toute l'A$trologie e$t ri-
dicule, &amp; qu'elle ne contient autre
cho$e que des fables.
<pb n=101>
<p>Quant aux experiences, dont ils $e
vantent, Ciceron au liure 2. de la Di-
uination, &amp; Sextus ab Heminga auec
plu$ieurs autres s'en mocquent, &amp; ce-
luy-cy mon$tre par 30. natiuitez d'h&otilde;-
mes Illu$tres, qu'elles $ont fau$$es: Car
Henry II. mourut &agrave; 40. ans accomplis,
d'vne ble$$eure qu'il receut dans l'&oelig;il,
c&otilde;tre ce qui luy deuoit arriuer, $uiuant
la 4. figure de Sextus, quoy que Gauric,
&amp; Cardan luy promi$$ent l'Empire, &agrave;
rai$on du Soleil, de la Lune, &amp; de <FIG> d&atilde;s
l'Horo$cope.
<p>Rodolphe Camerarius s'e$t au$$i trom-
p&eacute; &agrave; la mort d'Henry IV. qu'il auoit
predite deuoir arriuer l'&atilde; 1603. au mois
d'Octobre, comme l'on peut voir dans
$a 76. natiuit&eacute;, car il le menace du dan-
ger de $a vie l'an 59. 4. mois, &amp; 21.iour:
cr il e$toit n&eacute; l'an 1553. le 24. Decem-
bre, deux heures apres minuit; &amp; la rai-
$on qu'il en apporte e$t que le Soleil ar-
riuoit par la direction au corps de <FIG>,
l'Horo$cope au <FIG> du me$me <FIG> &amp; le mi-
lieu du Ciel au <FIG> du Soleil.
<p>Ie lai$$e plu$ieurs autres cho$es qui
$ont $i fau$$es dans leurs experiences,
qu'ils ne $&ccedil;auroient les lire $ans rougir
<pb n=102>
de honte, &amp; $ans aduo&uuml;er qu'il n'y a
nulleregle dans toute l'A$trologie, qui
n'ayt e$t&eacute; inuent&eacute;e fortuitem&etilde;t, &amp; $ans
aucune rai$on. Et les erreurs que Car-
dan a fait dans $a propre natiuit&eacute;, font
a$$ez voir leur ignorance: car il met <FIG>
au 21. des II, qui e$toit dans le 18. &amp; <FIG>
dans le 23. de la Balance, qui e$toit d&atilde;s
le vingt $ixie$me.
<p>Il $e trompe d'vn $igne entier dans la
figure de Iean Checi, lors qu'il place <FIG>,
&amp; Tycho remarque dans la 777. page
de la nouuelle &eacute;toile, que Cardan fait
nai$tre Lurher l'an 1483. &agrave; 10. heures du
matin, &amp; que Gauric le fait nai$tre l'an
$uiuant &agrave; vne heure, encore qu'il $oit
nay &agrave; onze heures, &amp; que l'vn &amp; l'autre
$e $oient trompez de 12. iours: Car il
n&acirc;quit le 10. de Nouembre, &amp; non le
22 comme ils di$ent, &amp; neantmoins ils
trouuent leur conte, &amp; accommodent
les accidents de $a vie &agrave; leur natiuit&eacute;
feinte, &amp; fau$$e: de $orte qu'il faut e$tre
plus $tupide que la plus lourde be$te du
monde pour croire, &amp; pour s'amu$er &agrave;
leurs regles.
<p>Ce qu'il $emble que Cardan ayt rec&otilde;-
neu, lors qu'il a dit au chap. 6. du liuze
<pb n=103>
des lugemens, qu'&agrave; peine $e rencontre-
il 10. cho$es veritables de 40. que l'on
predit; il pouuoit dire qu'a peine s'en
rencontre-il vne vraye de 4000.
<p>Or il aduou&euml; pour le moins que le
men$onge e$t 4. fois plus grand que la
verit&eacute;, &amp; luy me$me $e trompe gran-
dement dans la natiuit&eacute; d'Edoard VI.
Roy d'Angleterre, qu'il met la premie-
re des 12. qu'il fait: car il luy predit des
maladies &agrave; l'an 23. 34. &amp; 55. &amp; neant-
moins il mourut &agrave; 16. ans, quoy que
Cardan eu$t employ&eacute; cent heures &agrave;
dre$$er cette natiuit&eacute;.
<p>Il faut encore remarquer qu'ils de-
mandent tou$iours $i l'enfant, dont on
leur parle, e$t vn ma$le, ou vne femelle,
$i les parens $ont riches, ou pauures, &amp;
qu'ils r&eacute;pondent ambigu&euml;ment, &amp; en
general, afin que $i ce qu'ils di$ent n'ar-
riue pas, ils pui$$ent expliquer chaque
cho$e &agrave; leur adu&atilde;ta&gacute;e; &amp; lors que leurs
menteries $ont $i &eacute;uidentes qu'ils ne
peuuent les pallier, ils di$ent qu'on &agrave;
failly &agrave; prendre la vraye heure de la na-
tiuit&eacute;, qu'il la faut corriger, &amp; qu'il faut
v$er d'vne autre maniere de directi&otilde;s.
<p>Ie lai$fe plu$ieurs autres &eacute;chapatoi-
<pb n=104>
res qui $ont indignes d'vn honne$te h&otilde;-
me, par ce que la principale faute de
cette fable vient de la $tupidit&eacute; de ceux
qui $e lai$$ent abu$er trop ay$&eacute;ment:
Ce qui arriue lors qu'ils $ont portez d'a-
mour, de haine, de de$e$poir, ou d'au-
tres pa$$ions, qui leur font croire que
$il arriue quelque cho$e de ce que l'A-
$trologue a predit, que $on arre$t e$t
diuin.
<p>Mais lors qu'ils con$idereront que le
Soleil, &amp; les autres A$tres ne lui$ent
pas dauantage pour les Roys que pour
les bergers, &amp; qu'ils roulent au$$i bien
pour tous les animaux que pour eux,
quoy que le de$tin des be$tes $oit bien
&eacute;loign&eacute; du leur, ils auront honte d'a-
uoir e$t&eacute; de $i legere croyance, &amp; ne $'a-
mu$eront pas &agrave; ce que di$ent les Hi$to-
riens tant anciens que modernes, qui
ont e$t&eacute; curieux de rama$$er les bruits
qui courent, &amp; qui donnent $ouuent
des contes pour des hi$toires, parce
qu'ils $&ccedil;auent que ces cho$es l&agrave; $ont
bi&etilde; receu&euml;s du peuple, &amp; que ces bour-
des $ont leu&euml;s auec plai$ir, &amp; attention.
<p>L'on peut voir dans Plutarque qu'O-
ctaue &amp; Marius $'e$tant fiez aux A$tro-
<pb n=105>
logues, celuy-la fut tromp&eacute;: qu'ils pre-
di$ent mille cho$es aux Princes pour les
$later, c&otilde;me lors qu'ils predirent l'Em-
pire &agrave; Augu$te, quoy que cela ne peu$t
arriuer que par la mort de Ce$ar, &amp; de
Pomp&eacute;e, &agrave; qui ils auoient promis vne
longue vie, au rapport de Ciceron dans
le 2. de la diuination.
<p>O&ugrave; il faut remarquer, que Scaliger
maintient dans $a preface $ur Manile,
qu'Augu$te n'e$t pas nay $ouz le Capri-
corne Horo$copant, mais plu$to$t $ouz
le $igne oppo$&eacute;; Quoy que s'en $oit,
combien en voit-on qui nai$$ent $ouz
l'vn, &amp; l'autre $igne, &amp; qui neantmoins
ne $ont ny Princes ny Roys, mais de
pauures vignerons? del&agrave; vient que Car-
dan n'a pas promis vn Empire &agrave; Co$me
de Medicis dans $a 4. figure, encore
qu'il ayt vne natiuit&eacute; $emblable &agrave; celle
d'Augu$te, mais $culement la pruden-
ce; &amp; bien qu'il $e $oit luy-me$me fait
mourir de faim, afin de n'e$tre pas con-
uaincu de men$onge dans le iugement
de $a natiuit&eacute;, comme remarque Scali-
ger dans ladite preface, il n'a pourtant
peu predire la mort de Iean Bapti$te $on
fils, qui receut vn coup d'arquebu$e
<pb n=106>
e$tant &acirc;g&eacute; de 24. ans pour auoir empoi-
$onn&eacute; $a femme, comme a remarqu&eacute;
Sixtus ab Heminga dans $a derniere
natiuit&eacute;. Quant &agrave; Pic de la Mirando-
le, il e$t mort e$tant &acirc;g&eacute; de 31. an: Et
neantmoins Gauric confe$$e qu'il luy
auoit $eulement predit la mort auant
36. ans.
<p>Mais ie ne croy pas que l'on pui$$e
parler plus amplement de cetart pre-
tendu $ans abu$er dela patience des le-
cteurs. C'e$t pour quoy il faut pa$$er &agrave;
des di$cours plus vtiles, &amp; imiter les Me-
decins, qui tirent les alexipharmaques
du poi$on, &amp; la Theriaque de la Vi-
pere.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>Ie de$ire que tout le di$cours que i'ay
fait de l'A $trologie $entende $eulem&etilde;t
de celle que l'on nous a donn&eacute;e iu$ques
&agrave;pre$ent, $ans des principes qui pui$$ent
contenter l'e$prir, car ie ne veux pas
nier que l'&otilde; ne pui$$e $&ccedil;auoir beaucoup
de cho$es par la contemplation, &amp; le
rapport que les corps cele$tes ont auec
la terre, lors que Dieu en aura donn&eacute; la
<pb n=107>
veritable connoi$$ance &agrave; ceux qu'il luy
plaira. Et peut-e$tre qu'il ne $e fait ri&etilde;
dans les Elem&etilde;s, ni d&atilde;s mixtes de la na-
ture qui ne dep&etilde;de de la differ&etilde;te con-
$tituti&otilde; des A$tres, ou qui ne $oit $ignifi&eacute;
par leurs rencontres, &amp; a$pects, $oit de-
uant, $oit &agrave; l'heure que les cho$es arri-
uent; mais parce que cela n'e$t pas cer-
tain, &amp; que nous n'auons nul moyen
de le $&ccedil;auoir, c'e$t perdre le temps que
de faire des Horo$copes pour trouuer
la qualit&eacute; du temperament, de l'e$prit,
ou des autres cho$es que l'on de$ire $&ccedil;a-
uoir.
<C>COROLLAIRE II.</C>
<p>Tous les di$cours preced&etilde;s n'e$toient
pas nece$$aires pour les Geometres, qui
ne doutent pas qu'vne centaine de ch&atilde;-
delles d'vn denier di$per$&eacute;es &agrave; l'entour
d'vne gr&atilde;de $ale, ou d'vne chambre de
cent pieds en quarr&eacute;, ont plus de force
$ur celui qui e$t au milieu de ladite ch&atilde;-
bre, que n'ont toutes les e$toiles du Fir-
mament $ur les hommes, puis que les
chandelles l'&eacute;clairent, &amp; l'&eacute;chauffent
dauantage, &amp; con$equemm&etilde;t produi-
<pb n=108>
$ent de plus grandes influences $ur luy
que le$dites &eacute;toiles, ou que Saturne,
Iupiter, Mars, Venus, &amp; Mercure. Ce
qu'il faut $emblablement conclurre de
la Lune, qui n'a pas plus de force $ur
nous qu'vn flambeau de cire qui nous
&eacute;claire au$$i fort, &amp; au$$i long-temps,
Mais parce que tout le monde ne $e c&otilde;-
tente pas d'vn rai$onnement $i $imple
que celuy-cy, il a fallu l'e$tend<*> plus
au long.
<p>Si les A$trologues con$iderent que
$ouz l'Equateur, ils n'ont nulle rai$on
qui les fauori$e pour mettre l'exaltati&otilde;
du <FIG> plu$to$t dans le Lion, que dans le
Ver$eau, ou dans la Balance, que dans le
Belier, &amp; que toutes leurs hypothe$es,
&amp;, leurs diui$ions manqu&etilde;t $ouz l'&eacute;qui-
noctial, ou $ouz les poles, &amp; qu'ils n'&otilde;t
iamais fait aucune ob$eruation $i exa-
cte qu'ils en voulu$$ent, ou qu'ils en
peu$$ent r&eacute;pondre au$$i a$$eur&eacute;ment
que d'vn principe de Geometrie, ou de
quelqu'autre $cience, i'e$pere qu'ils
quitteront cet art, lequel e$t capable
de rendre les hommes les plus $ages du
monde les plus infames de la terre.
<pb n=109>
<C>COROLLAIRE III.</C>
<p>I'e$pere faire voir dans vn autre lieu
que la terre enuoye plus d'in$luences
$ur la Lune, &amp; $ur les autres planettes
qu'elie n'en re&ccedil;oit de toutes les &eacute;toiles,
&amp; qu'elle n'e$t tout au plus redeuable
qu'au Soleil: d'o&ugrave; l'on conclurra par de
nouuelles rai$ons, que la Iudiciaire n'a
point encore de principes qui nous
$oient connus: &amp; que $i ce qui arriue
$ur la terre, depend des A$tres, la con-
noi$$ance en e$t tellement re$eru&eacute;c &agrave;
Dieu, que les hommes ne peuuent rai-
$onnablement la de$irer, ny l'e$perer
iu$ques &agrave; ce qu'il luy plai$e de la leur
reueler.
<HR>
<C>QVESTION IV.</C>
<p><I>A $&ccedil;auoir $i le temperament duparfait Mu$i-
cien doit e$tre $anguin, phlegmatique, bi-
lieux, ou melancholique, pour e$tre capable
de chanter, ou de compo$er les plus beaux
airs qui $oient po&szlig;ibles.</I>
<p>IL e$t tres-difficile de pouuoir tolle-
ment rencontrer $ur ce $ujet que l'on
<pb n=110>
$atisface &agrave; tout le monde, car quel que
cho$e que l'on en pui$$e dire, l'on ne
peut produire de demon$trations ceo-
metriques pour prouuer quel doit e$tre
le temperament d'vn parfait Mu$icien:
car encore que ce temperament fu$t
po$$ible, neantmoins la difficult&eacute; de-
meure tou$iours, qui con$i$te &agrave; $&ccedil;auoir
quel il doit e$tre pour compo$er les plus
beaux chants qui $e pui$$ent faire, ou
pour les chanter auec toute la perfecti&otilde;
qui $e peut imaginer.
<p>Quelques-vns croyent que le melan-
cholique e$t le plus propre de tous pour
la Theorie de la Mu$ique, dautant qu'il
fait ordinairement de $erieu$es refle-
xions, qui $ont nece$$aires pour acque-
rir la connoi$$ance de la parfaite Com-
po$ition, laquelle $uppo$e de profondes
meditations $ur toutes les parties de la
Philo$ophie, &amp; des Mathematiques.
<p>A quoy ils adio&ucirc;tent que la terre pre-
domine dans le melancholique, qui $e
porte auec vne plus grande inclination
&agrave; la compo$ition, &amp; &agrave; l'ordonnance des
tons, que le cholere, le $anguin, ou le
phlegmatique. Ie lai$$e maintenant le
temperament parfaitement naturel,
<pb n=111>
qu'ils preferent &agrave; tous les autres.
<p>Or le cholerique tenant des qualitez
du feu, e$t plus propre pour la de$tru-
ction, &agrave; cau$e de $on actiuit&eacute;, qu'il n'e$t
pour la compo$ition: Le $anguin e$t
$emblable &agrave; l'air, lequel ayant vn corps
fort, rare, &amp; $ubtil, ne peut contribuer
que bien peu de cho$e &agrave; la compo$iti&otilde;:
&amp; le phlegmatique, qui e$t rapport&eacute; &agrave;
l'eau, n'a pas le corps a$$ez $olide, &amp; ne
peut pas beaucoup ayder &agrave; la compo$i-
tion, &agrave; rai$on de $on flus or dinaire, qui
ne permet pas que l'e$prit s'arre$te aux
hautes pen$ees, &amp; aux $peculations qui
$ont nece$$aires pour ce $ujet.
<p>Mais la terre ayant $on corps ferme,
&amp; $olide, e$t plus propre que les autres
elemens pour la compo$ition des cho-
$es, c'e$t pour quoy elle e$t preferable &agrave;
la lumiere vacillante du feu, &agrave; la tran$-
parance de l'air, &amp; &agrave; la blancheur cou-
lante de l'eau; car la con$titution cor-
porelle, qui e$t cau$e de $a noirceur, luy
donnevne inclination naturelle &agrave; la c&otilde;-
po$ition, &amp; r&etilde;d le melancholique pro-
pre pour l'inuention, &amp; pour la compo-
$ition de la Mu$ique.
<p>Au contraire le cholerique e$t trop
<pb n=112>
pr&otilde;pt &amp; trop actif, &amp; n'a pas les organes
bien di$po$&eacute;es pour arranger les $ons, &amp;
pour faire de beaux airs. Le $anguin e$t
$emblablement trop leger, &amp; trop in-
con$tant; &amp; le phlegmatique n'a pas l'i-
magination bien temper&eacute;e &agrave; cau$e de
$es froides humeurs, &amp; des $uperfluitez
qui incommodent $es organes, c'e$t
pourquoy ils concluent que le tempe-
rament melancholique e$t le plus pro-
pre pour la Mu$ique; ce qu'ils confir-
ment par les voyelles de l'alphabet,
qu'ils appliquent aux quatre tempera-
mens; car, di$ent-ils, la voyelle, E, e$t
la plus propre de toutes pour la compo-
fition des con$ones; dautant qu'elle les
fait pre$que toutes, &agrave; rai$on de la matie-
re, qui r&eacute;pond &agrave; la terre, n'y ayant que
H, &amp; K, qui $ont formees par la voyel-
le A, (laquelle a fort peu de matiere &agrave;
l'&eacute;gard de l'E,) &amp; Q, qui e$t form&eacute;
par V; car I &amp; O e$tans trop $ubtiles &amp;
deli&eacute;s, ne compo$ent aucune con$one.
<p>Ils attribuent V, au $anguin, parce
qu'elle a le corps $i rarefi&eacute;, qu'elle n'a
peu compo$er qu'vne con$one. Ils don-
nent l'I, au cholerique, &amp; l'A, au phleg-
matique, qui ne peut paruenir &agrave; la par-
<pb n=113>
faicte compo$ition de la Mu$ique, n'a-
yant pas $a matiere a$$ez $olide pour
per$i$ter dans le trauail de la Theorie,
&amp; dans la $peculation de la Mu$ique,
comme fait le melancholique, qui a vn
particulier rapport &agrave; la voyelle E, qui
compo$e B, C, D, G, M, N, P, R, S,
T &amp; Z, c'e$t pourquoy il medite perpe-
tuellement, &amp; fait des reflexions qui
$ont propres pour paruenir &agrave; la parfai-
cte compo$iti&otilde; de la Mu$ique, &agrave; la quel-
le les autres temperamens ne peuuent
arriuer $i ai$&eacute;ment.
<p>Et $i nous pa$$ons de la Theorie, &amp;
de la compo$ition des beaux airs &agrave; la
Pratique, ils di$ent que le temperam&etilde;t
cholerique, &amp; le $anguin y $ont plus
propres que les deux autres, daut&atilde;t que
la Mu$ique n'e$t qu'vn jeu diuer$ement
me$ur&eacute;, qui $ert pour $oulager, &amp; pour
de$ennuyer l'e$prit: or les $anguins &amp;
les choleriques $e portent plus facile-
ment &agrave; l'exercice des chants, &amp; &agrave; tou-
tes $ortes de recreations, que les phleg-
matiques, ou les melan choliques, qui
ont leurs organes, &amp; particulierement
leurs voix beaucoup plus gro$$ieres, &amp;
plus charg&eacute;es d'impuretez, &agrave; raifon de
<pb n=114>
l'humidit&eacute;, &amp; de la $echere$$e, qui em-
pe$chent le roulement desvoix harmo-
nieu$es.
<p>De l&agrave; vient que le melancholique,
&amp; le phlegmatique chantent rarement
en comparai$on des $anguins &amp; des
choletes, qui $ont plus d&eacute;chargez d'im-
puretez, &agrave; cau$e de l'humidit&eacute; &amp; de la
chaleur qui predominent en eux, &amp; qui
par con$equent ont plus d'inclination
&agrave; chanter pour $e re$io&uuml;ir dans les di-
uer$es rencontres: car chacun $uit le
mouuement de $on temperament, c&otilde;-
me il arriue au melancholique, qui
$uit le mouuement des ennuis, &amp; de la
tri$te$$e, qui luy $ont ordinaires, &amp; qui
$ont fort e$loignez des chants &amp; de la
joye.
<p>C'e$t pourquoy les Hebrieux qui
rapportent quatre de leurs e$prits, ou
de leurs lettres aux quatre $u$dits tem-
pram ens, approprientleur <FIG> <I>hain</I> tres-
apre, &amp; tres-rude au melancholique,
car il $e prononce des narines, &amp; du go-
$ier, comme $i l'on pronon&ccedil;oit <I>gnhain.</I>
<p>Le phlegmatique a vne grande quan-
tit&eacute; d'eau corporifi&eacute;e, &amp; par con$e-
quent il approche de la gro$$ieret&eacute; du
<pb n=115>
melancholique, &amp; $uit les mouuemens
froids &amp; tardifs de l'eau, ce que les He-
brieux ont repre$ent&eacute; par leur e$prit,
ou par leur lettre <FIG>, qui a la prolation
beaucoup plus dure &amp; plus rude que la
lettre <FIG>, ou <FIG>.
<p>Le $anguin $uit les mouuemens $ub-
tils de l'air, qui le font chanter plus $ou-
uent, c'e$t pourquoy les Hebrieux luy
attribu&euml;nt la lettre <FIG>, qui $e prononce
plus doucement &amp; plus mollement que
les deux autres <FIG> <I>ha&iuml;n,</I> &amp; <FIG> <I>chet</I>; mais
tout ce que l'on rapporte de ces lettres,
ou des e$prits des lettres &amp; des accents,
e$t fabuleux, &amp; n'a point d'autre fonde-
ment que la fantai$ie de quelques igno-
rans, qui veulent que l'on croye qu'ils
$ont $&ccedil;auans dans vn certain genre de
Cabale, qui n'e$t que dans leur imagi-
nation.
<p>Finalement le cholerique e$t plus
propre pour bien chanter que tous les
autres, &agrave; rai$on des qualitez du feu qui
$e trouuent dans le temperament bi-
lieux, &amp; qui font que le cholere roule
plus nettement les chan$ons, dautant
qu'il n'a point d'empe$chement du co-
$t&eacute; de la matiete melancholique, ny de
<pb n=116>
l'humidit&eacute; phlegmatique, trop cru&euml;, &amp;
propre pour les rheumes, &amp; pour les ca-
therres. C'e$t pour quoy les Hebrieux
ont donn&eacute; leur doux <FIG> <I>alcph</I> au tempe-
rament cholerique, car cette lettre $e
prononce $i facilement, &amp; $i doucem&etilde;t
qu'elle e$t pre$que imperceptible.
<p>Il e$t donc euident qu'ils donnent le
premier rang au bilieux, le $econd au
$anguin, le troi$ie$meau phleg matique,
&amp; le quatrie$me au melancholique,
quand il e$t que$tion de chanter: mais
ils en exceptent le cinquie$me tempe-
rament, qu'ils comparent &agrave; la quinte-
e$$ence, ou au Ciel: auquel les He-
brieux attribuent leur <I>iod,,,</I> &amp; les La-
tins la voyelle O, dautant que ce tem-
perament contient les quatre autres en
eminence, comme le <I>iod,</I> contient tou-
tes les lettres de l'alphabet, &amp; c&otilde;me le
principe contient $es effects La voyelle
O e$tant ronde contient toutes $ortes
de figures, &amp; les $urpa$$e, comme le
cinquie$me temperament, (auquel le
parfait temperam&etilde;t peut e$tre rappor-
t&eacute;, que les Medecins appellent <I>ad pon-
dus</I>) contient &amp; $urpa$$e tous les au-
tres.
<pb n=117>
<p>Quelques autres croyent que le tem-
pera ment $anguin e$t le plus propre
pour faire &amp; pour chanter les airs, dau-
tant qu'il e$t le plus ioyeux, &amp; qu'il a
vne plus grande re$$embl&atilde;ce auec l'air,
qui re&ccedil;oit &amp; qui porte les chants iu$-
ques &agrave; l'oreille: mais puis que le chant,
dont nous parlons icy, doit e$tre agrea-
ble &agrave; tout le monde, $i le $anguin e$toit
propre pour le faire, ou pour le chan-
ter, pourquoy les viandes, qui $ont
agreables, &amp; propres aux $anguins, ne
$ont elle pas au$$i propres, &amp; agreables
&agrave; toutes $ortes de temperam&etilde;s, en quel-
que &acirc;ge, $ai$on, ou Prouince qu'ils pui$-
$ent $e rencontrer; ce qui e$t contraire
aux loix, &amp; aux preceptes des Mede-
cins: car on donne vne autre viande
aux vieillards, qu'aux enfans, &amp; vne
autre aux pituiteux, qu'aux bilieux.
<p>D'ailleurs, la Mu$ique e$tant vn ou-
urage de l'imagination rempli de cha-
leur, &amp; de $echere$$e, il ne $e peut faire
que le $anguin $oit propre pour compo-
$er le chant dont nous parlons. A quoy
l'on peut adiou$ter que le temperam&etilde;t
$anguin n'e$t pas le plus port&eacute; &agrave; l'excez
du plai$ir que la Mu$ique apporte, car
<pb n=118>
il n'y a point de temperament plus pro-
pre &agrave; la Metriopatie, $i l'on excepte la
pa$$ion d'amour: par con$equent enco-
re que le temperament $anguin $oit le
meilleur de tous les autres, pour ce qui
appartient aux actions animales, il
n'e$t pas le meilleur pour les actions de
l'e$prit.
<p>De l&agrave; vient que les Naturali$tes di-
$ent que les h&otilde;mes $anguins $ont doux,
benins, gracieux, raillards, &amp; de longue
vie, mais $tupides &amp; d'vn e$prit pe$ant,
&amp; qu'ils ont moins de viuacit&eacute; que les
bilieux, &amp; $ont moins adui$ez, &amp; indu-
$tricux que les melancholiques; il ne
$'en$uit donc pas que le temperament
$anguin $oit le plus propre pour com-
po$er les airs de Mu$ique, bien qu'il $oit
le meilleur, &amp; le plus propre pour les
actions de la vie.
<p>Or cette contrariet&eacute; d'opinions fait
voir qu'il e$t trop difficile de trouuer le
temperament de l'excellent Mu$icien,
dont nous parlons: neantmoins puis
qu'Apollon a e$t&eacute; tenu des Anci&etilde;s pour
le Dieu de la Medecine, voyons $i elle
nous pourra donner ce temperament,
pui$que la complexion n'e$t autre cho-
<pb n=119>
$e qu'vne harmonie, ou vn accord des
quatre $imples qualitez elementaires,
&agrave; $&ccedil;auoir de la chaleur, de la froideut,
de l'humidit&eacute;, &amp; de la $iccit&eacute;; ou pour
mieux dire, vn m&eacute;lange du chaud, du
froid, du $ec, &amp; de l'humide.
<p>Il faut donc premierement remar-
quer que tous les temperamens peu-
uent e$tre reduits &agrave; deux chefs: car tou-
te $orte de temperament e$t temper&eacute;,
ou int&etilde;per&eacute;, t&eacute;moin Galien au liure des
temperamens: <I>l'intemper&eacute;,</I> e$t celuy qui
e$t vicieux, car il empe$che les actions
en trois manieres, dautant qu'elles $ont
ou deprau&eacute;es, ou diminu&eacute;es, ou abo-
lies. Le <I>temper&eacute;</I> e$t <I>&agrave; poids,</I> &amp; <I>&eacute;galit&eacute;,</I> ou
<I>&agrave; iu$tice;</I> le premier e$t appell&eacute; par les
Grecs, <G>ei)s sa/q<*>s</G>, &amp; par les Latins <I>adpon-
dus,</I> dantant qu'il a portions &eacute;gales des
elemens, de maniere qu'vne qualit&eacute; ne
$urmonte point l'autre. Le $econd e$t
appell&eacute; <G>ei)s th\n <*>ikaios<*>hn</G> ou <I>ad iu$titiam,</I> qui
n'a pas vne &eacute;galle portion des elemens;
mais c'e$t luy qui rend tous les corps
propres, &amp; habiles pour exercer leurs
operations, &amp; $e trouue en toutes $ortes
de per$onnes plus ou moins temper&eacute;es,
$elon leur &acirc;ge, leur habitude, leur pays,
<pb n=120>
ou leur maniere de viure.
<p>Quant au premier temperament,
Auicenne, Auerro&euml;s, &amp; les auttes Ara-
bes, di$ent qu'il ne $e peutrencontrer,
daut&atilde;t qu'vn corps mixte qui doit agit,
ne peut e$tre compo$&eacute; de qualitez qui
$oient &eacute;gaies, &amp; contraires; ne&atilde;tmoins
Galien e$t de contraire aduis dans le li-
ure <I>de Sanitate tuenda,</I> chap. 1.2. &amp; 3. Car
il maintient que cette &eacute;galit&eacute; $e renc&otilde;-
tre en la peau interieure de l'extremit&eacute;
des doigts d'vn homme temper&eacute; &agrave; iu-
$tice, ce$te peau n'e$tant chaude &amp; hu-
mide comme la chair, ny froide &amp; $eche
comme le nerf, mais comme vn nerf
charneux; car puis qu'elle e$t l'organe
du toucher, elle doit e$tre exempte de
toutes qualitez e$trangeres, afin qu'elle
iuge parfaitement des qualitez qui $e
peuu&etilde;t toucher, ou plu$to$t que le $ens
commun ayant receu les images des
qualitez par le moyen de la peau, que
les Grecs appellent <I>Derme,</I> en $oit le Iu-
ge, car les $ens exterieurs ne iugent pas
de leurs objets, cette action e$tant trop
$ubtile, &amp; trop releu&eacute;e pour eux: mais
il e$t nece$$aire que les organes des $ens
$oient bien di$po$ez; autrement le $ens
<pb n=121>
commun e$t $ouuent de&ccedil;eu, comme il
arriue &agrave; ceux quiont la jauni$$e, &amp; qui
voyent les objets $emblables &agrave; la tein-
ture de la corn&eacute;e; c'e$t pourquoy $i le
$ens du toucher n'e$toit parfaitement
temper&eacute;, il ne pourroit faire vn fidelle
rapport au $ens commun du froid, du
chaud, &amp; des autres qualitez.
<p>Or pour mieux entendre cecy, il faut
remarquer qu'il y a deux $ortes de tem-
peramens &agrave; poids, l'vn <I>admolem,</I> qui a
vne &eacute;galit&eacute; de portions elementaires;
c'e$t &agrave; dire, qu'vn homme temper&eacute; en
cette fa&ccedil;on, auroit vn pied cube de feu,
&amp; autant d'air, &amp; d'eau, $uppo$&eacute; qu'il
cu$t vn pied cube de terre en $a compo-
$ition, ou dans $a ma$$e $anguinaire, qui
contient les quatre premieres qualitez;
ou bien chaque partie pe$eroit autant
l'vne que l'autre, encore que leurs gr&atilde;-
deurs fu$$ent inegales; c'e$t &agrave; dire que
s'il y auoit vne liure de $ang, il y auroit
vne liure de phlegme, de bile, &amp; de
melancholie, qui feroient quatre liures
pour toute la ma$$e du $ang.
<p>Tous les Medecins a$$eurent que ce
temperament ne $e peut trouuer, dau-
t&atilde;t que le feu de$truiroit les autres ele-
<pb n=122>
mens, ce que ie ne voudrois pas leur ac-
corder, qu'ils ne m'en eu$$ent donn&eacute; de
bonnes rai$ons: car il ne $e faut pas ima-
giner que la qualit&eacute;, qui r&eacute;pond au feu
dans le $ang, ou dans le temperament
de l'homme, $oit vn feu di$$ipant &amp;
de$trui$ant, $emblable &agrave; no$tre feu arti-
ficiel, mais il e$t pur &amp; cele$te, tel que
nous l'imaginons dans l'&eacute;ther, ou dans
les Cieux.
<p>L'autre temperament <I>ad pondus,</I> e$t
appell&eacute; <I>ad vires,</I> &amp; e$t fait des vertus ou
qualitez des elements temperez, tel
qu'il $e reneontre dans la peau de la
main, comme i'ay dit, &amp; au changem&etilde;t
qui $e fait d'vne complexion chaude &amp;
humide, dans vne froide &amp; $eiche, e$t&atilde;t
nece$$aire de pa$$er par le milieu bien
temper&eacute; pour arriuer &agrave; l'autre extremi-
t&eacute;; ce que ie ne leur accorde pas au$$i,
car il $e trouue quantit&eacute; de cho$es qui
peuuent pa$$er d'vne extremit&eacute; &agrave; l'au-
tre, $ans pa$$er par le milieu: Par exem-
ple, on pa$$e d'vn $on donn&eacute; &agrave; l'Octaue,
&agrave; la Quinte, &agrave; la Tierce, &amp; la Douzie$-
me, auecles flu$tes, les trompettes, les
Orgues &amp; les voix, $ans pa$$er par les
$ons du milieu, comme i'ay remarqu&eacute;
<pb n=123>
ailleurs; ce qui arriue au$$i aux angles
qui $e font par le cercle, &amp; par $a tan-
gente, comparez aux angles faits par la
me$me tangente, &amp; par le diametre, ou
par le diametre auec le cercle. Mais ie
ne veux pas m'&eacute;tendre plus amplem&etilde;t
$ur ce $ujet, afin de venir &agrave; la conclu$i&otilde;,
qu'ils tirent de ce qui a e$t&eacute; dit, &agrave; $&ccedil;a-
uoir que le parfait Mu$icien doit auoir
le temperament <I>advires,</I> dautant que
Galien en$eigne au $econd liure des
Temperamens, &amp; au premier liure <I>de
$anitate tuenda,</I> chap. 6. que celuy qui e$t
tres-temper&eacute;, e$t tres-prudent, tel que
doit e$tre le parfait Mu$icien.
<p>De plus, celuy qui a acquis le degr&eacute;
de perfection, e$t courtois, amiable &amp;
affable; il n'e$t trop cholere, ny trop
gay, ny trop tri$te: il e$t doux, humble,
patient au trauail, ayant vne modera-
tion dans $es m&oelig;urs, &amp; en $es actions,
qui e$t proportionn&eacute;e &agrave; la beaut&eacute; de
$on corps, ou &agrave; la perfecti&otilde; de $on tem-
perament.
<p>Les autres complexions ont leurs
vices, &amp; leurs imperfections: car le $an-
guin e$t trop gay, &amp; ne demande qu'&agrave;
tire &amp; &agrave; $auter, comme Galien a remar-
<pb n=124>
qu&eacute; dans $on Commentaire $ur le liure
qu'Hipocrate a fait des humeurs: le
bilieux e$t trop courageux, trop fa$-
cheux, &amp; trop cholere: le melancho-
lique e$t $oup&ccedil;onneux, difficile &agrave; appai-
$er, &amp; &agrave; corriger, &amp; trop tri$te &amp; crain-
tif, comme dit Hipocrate en $es Apho-
ri$mes: le pituiteux e$t pare$$eux, a$-
$oupy, &amp; oublieux, le phlegme n'e$t&atilde;t
pas propre pour rendre vn h&otilde;me inge-
nieur, &agrave; rai$on de $a froideur, &amp; de $on
humidit&eacute;; c'e$t pourquoy toutes ces
quatre complexions e$tans vicieu$es,
comme t&eacute;moignent les &acirc;ges, les $ais&otilde;s,
&amp; les pays au$quels les humeurs domi-
nent, il faut choi$ir le temperament <I>ad
pondus,</I> expliqu&eacute; comme nous au&otilde;s fait,
$i nous voulons trouuer vn parfait Mu-
$icien; car encore que chaque humeur
ait quelque cho$e qui pui$$e $eruir &agrave; la
perfection du Mu$icien, neantmoins
chacune a s&otilde; vice, &amp; nulle ne peut e$tre
compar&eacute;e &agrave; la perfection du tempera-
ment <I>advires,</I> qui contient en vertu &amp;
en &eacute;minence tout ce qui peut y auoir
de perfection dans les autres.
<p>Or apres auoir parl&eacute; du temperament
qui e$t requis pour faire vn parfait Mu-
<pb n=125>
$icien, il faut dire quelque cho$e de la
proporti&otilde; que les humeurs ont en$em-
ble; &amp; partant $uppo$er qu'il $e rencon-
tre trois $ortes d'humeurs dans le corps
humain, dont les vnes $ont alimentai-
res, comme celles qui $ont contenu&euml;s
dansles veines, &amp; qui font la ma$$e du
$ang; les autres $ont des excremens
vtiles, n&otilde; pour la nourriture, mais pour
d'autres v$ages de$tinez par la nature;
car la bile e$t contenu&euml; dans la ve$icu-
le, qui e$t attach&eacute;e au foye, pour $eruir
&agrave; faire vuider les excrements; &amp; la me-
lancholie e$t dans la rate pour y e$tre &eacute;-
labour&eacute;e, &amp; de l&agrave; port&eacute;e dans l'e$to-
mach par le conduit que l'on appelle,
<I>vas breue,</I> afin d'exciter l'appetit.
<p>Il y a vn autre humeur $ereux, qui e$t
inutile pour la nourriture, mais il e$t
tres-nece$$aire pour d&eacute;tremper le $ang
trop &eacute;pais, qui ne pourroit autrement
e$tre port&eacute; dans les veines capillaires.
<p>Les autres humeurs $ont contre na-
ture, &amp; cau$ent les maladies, dont l'vne
e$t la melancholie, qui prouient d'vne
chaleur pourri$$ante, &amp; tourn&eacute;e en
cendre; l'autre e$t engendr&eacute;e de la cho-
lere vitelline, &amp; la 3. du phlegme pour-
<*>y dans les veines.
<pb n=126>
<p>Le phlegme contre nature e$t celuy
qui e$t aigre, ou $al&eacute; dans les veines, le-
quel e$tant hors des veines, e$t $ubtil,
ou vi$queux, ou vitreux, ou gyp$eux.
<p>La cholere qui $'engendre &eacute;s veines
$'appelle <I>vitelline,</I> &amp; dans le ventricule
<I>porrac&eacute;e</I>: l'&eacute;rugineu$e e$t de couleur de
pa$tel, &amp; e$t appell&eacute;e <I>i$atodes</I>: il y en a
encore vn autre qui e$t rouge. Cecy
e$tant po$&eacute;, voyons la perfection des
humeurs alimentaires qui font la ma$$e
du $ang, qui e$t compo$&eacute;e de quatre
parties, comme nous mon$tre le laict
compo$&eacute; de quatre $ub$tances, &agrave; $&ccedil;a-
uoir du beurre, qui retient deux $ub-
$t&atilde;ces qui r&eacute;p&otilde;dent &agrave; la bile &amp; au $ang;
du fromage, &amp; du petit laict: &amp; l'exem-
ple du vin rapport&eacute; par Galien, car la
fleur repre$ente la cholere, qui e$t la
plus $ubtile des humeurs, &amp; qui paroi$t
tou$iours au de$$us de couleur d'or, &amp;
lui$ante.
<p>La lie repre$ente l'humeur mel&atilde;cho-
lique, qui e$t tou$iours au de$$ous, &agrave;
cau$e de $a pe$anteur, car elle e$t la lie
du $ang. La verdeur, ou aquo$it&eacute; du vin
e$t $emblable au phlegme: &amp; la pure li-
queur du vin repre$ente le $ang: par o&ugrave;
<pb n=127>
il e$t ai$&eacute; d'entendre la di$tinction des
humeurs, qui con$i$te dans leur cou-
leur, $aueur, v$age &amp; autres $emblables
proprietez. Or leur proportion peut
e$tre connu&euml; par la $aueur, qui e$t dou-
ce au s&atilde;g, amere &agrave; la bile, fade au phleg-
me, &amp; aigre &amp; picqu&atilde;te dans l'humeur
melancholique: Car l'experience fait
voir que $i $ur vne chopine, ou $ur vne
liure de quelque liqueur douce, l'&otilde; ad-
iou$te huict onces de liqueur fade, qua-
tre de liqueur aigre, &amp; vne d'amere, &amp;
qu'on fa$$e bo&uuml;illir le tout auec vn feu
moder&eacute; corre$pondant &agrave;no$tre chaleur
naturelle, douce, &amp; benigne, &amp; plu-
$to$t $emblable &agrave; l'elixation, qu'&agrave; l'a$-
$ation, qu'il $e fera vne liqueur douce
de ces liqueurs me$l&eacute;es en$emble; par
con$equent il $e doit trouuer vne telle
proportion dans la ma$$e du $ang com-
po$&eacute;e de doux, d'in$ipide ou fade, &amp;
d'amer ou d'aigre.
<p>Cecy e$tant po$&eacute;, toutes les Con$o-
nances des Pythagoriciens, qui $e trou-
uent dans le nombre quaternaire, $e r&etilde;-
contrent au$$i dans le temperament
d'vn parfait Mu$icien, car la double
Octaue e$t d'vn &agrave; quatre, la Douzie$me
<pb n=128>
d'vn &agrave; trois, &amp; l'Octaue d'vn &agrave; deux, la
Quinte de deux &agrave; trois, &amp; la Quarte de
trois &agrave; quatre, de maniere que ce tem-
perament e$t Harmonique.
<p>Or ceux qui trouuent que le tempe-
rament $anguin e$t le plus excellent &amp;
le pl<SUP>9</SUP> propre pour faire de beaux ch&atilde;ts,
$oit que les chan$ons doiuent e$tre $an-
guines &amp; jouiales, ou bilieu$es &amp; cho-
leriques, ou melancholiques, tri$tes &amp;
phlegmatiques, di$ent que le tempera-
ment $anguin e$t fait d'vne &eacute;gale tem-
perature des quatre humeurs $ur le$-
quelles le $ang domine; de maniere que
celuy qui aura ce temperament, $era
comme neutre &amp; $urnageant, &amp; con$e-
quemment capable de faire de beaux
chants $ur toutes $ortes de $uiets: Mais
le bilieux $e plai$t &agrave; vne Mu$ique bru$-
que, $oudaine &amp; aigu&euml;, le melancholi-
que &agrave; la graue &amp; &agrave; la tri$te; ce qu'on re-
marque &agrave; la Mu$ique du Caurroy, qui
e$toit d'vn temperament melancholi-
que. Ie $&ccedil;ay qu'il y a des Mu$iciens qui
font &amp; qui chantent toutes $ortes de
chan$ons, bien qu'ils ne $oient pas $an-
guins: Mais on peut dire qu'ils ont cet-
te perfection, &amp; ce$te inclination de
<pb n=129>
leurs ance$tres qui $e fait $ouuent voir
&agrave; la troi$ie$me &amp; quatrie$me generati&otilde;,
ou que les influences des Cieux ont c&otilde;-
tribu&eacute; &agrave; ce$te generation, &amp; qu'elles f&otilde;t
d'excellens Mu$iciens, Po&euml;tes, Ora-
teurs, Iuri$con$ultes, &amp;c. de toutes $or-
tes de temperamens. Nous pouuons
neantmoins rapporter ce$te grande dif-
ference d'e$prits au principe metaphy-
$ique de l'indiuiduation, dont nous ne
$&ccedil;auons point d'autre rai$on, ou d'autre
cau$e efficiente que la vol&otilde;t&eacute; de Dieu.
Mais $i nous nous tenons dans les bor-
nes &amp; dans les regles des temperam&etilde;s,
nous pouuons dire que chaque Mu$i-
que a $a perfection; par exemple, que
la bilieu$e a la $ienne, fans faire com-
parai$on des vnes aux autres; car tel e$t
rauy par vn chant melancholique, qui
ne $e plai$t point aux chants gays, &amp;
ioyeux.
<p>L'on peut au$$i parler dutempera-
ment d'vn Mu$icien, $uiuant les prin-
cipes de l'Alchymie (encore que ie ne
veuille pas icy di$puter de la verit&eacute; de
$es principes) car le fel r&eacute;pond &agrave; la ter-
re, &amp; &agrave; la melancholie: c'e$t pourquoy
l'A$ne e$tant melancholique au qua-
<pb n=130>
trie$me degr&eacute;, a plus de $el, de froid,<*>
de $ec, qu'il n'a des autres principe<*>
Au c&otilde;traire le Lion e$t bilieux au m<*>
me degr&eacute;: car il a plus de feu, &amp; de $o<*>
phre: le Loir e$tant d'vn temperame<*>
humide, &amp; froid, a plus d'eau &amp; de me<*>
cure, &amp; la Perdrix e$tant $anguine,<*>
vn temperament chaud &amp; humid<*>
dautant qu'elle a plus d'air, &amp; de $ou<*>
phre.
<p>Mais pour parler des hommes &agrave; pr<*>
portion, il faut remarquer que comn<*>
il y a quatre $ortes d'humeurs &amp; de t<*>
peramens dans les hommes, que ch<*>
que temperament peut e$tre encore d<*>
ui$&eacute; en trois degrez: par exemple le b<*>
lieux peut auoir vn, deux, ou trois d<*>
grez de bile, dont l'vn tient plus de<*>
nature du feu en $on excez: le $econ<*>
en $a mediocrit&eacute;, &amp; le troi$ie$me en<*>
remi$$ion, ou en $on affoibli$$ement, l<*>
quel aproche du temperam&etilde;t $angui<*>
comme le troi$ie$me degr&eacute; du $angu<*>
e$t proche du premier degr&eacute; du phle<*>
matique, &amp; le troi$ie$me du phlegm<*>
tique e$t qua$i le premier du mel&atilde;ch<*>
lique.
<p>Cecy e$tant po$&eacute;, nous pouuons di<*>
<pb n=131>
que le temperam&etilde;t le plus propre pour
la Mu$ique e$t le $ulphureux temper&eacute;
de parties &eacute;gales de Mercure, &amp; de Sel,
pourueu que le $oulphre $oit en plus
grande quantit&eacute;, ou du moins qu'il ayt
vne plus grande vertu, afin que le tem-
perament de celuy qui doit auoir vne
tres-excellente voix, $oit analogue, &amp;
proportionn&eacute; aux chordes des in$tru-
m&etilde;s qui $onnent mieux, &amp; dont on v$e
$ouu&etilde;t, &agrave; $&ccedil;auoir aux chordes de let&otilde;, &amp;
d'acier: c'e$t pourquoy les trompettes
$ont d'airain, afin de rendre vn $on plus
clair, plus &eacute;clattant, &amp; plus agreable.
Quant au Mercure, &amp; au phlegme, il
rend la voix ca$$e, $ourde &amp; foible, c&otilde;-
me l'on void en ceux qui ne viuent que
de poi$$on, lequel e$t froid, &amp; humide:
&amp; le $el, ou la terre la rend trop $eiche,
&amp; trop rude, comme il arriue aux la-
boureux, &amp; aux autres ouuriers qui $e
nourri$$ent d'aliments fort gro$$iers.
Voila vne bonne partie de ce que l'on
peut dire du temperament du Mu$i-
cien, par les principes de la Medeci-
ne, &amp; de l'Alchymie: mais l'experi&etilde;-
ce nous fai$ant voir d'excellents Mu$i-
ciens de toutes $ortes de temperam&etilde;ts,
<pb n=132>
ic ne croy pas que toutes ces rai$ons
preuuent autre cho$e que la foible$$e,
&amp; les tenebres de l'e$prit humain.
<p>Les A$trologues $e promettent de
pouuoir trouuer ce temperament en
e$tabli$$ant le theme, ou la po$ition du
Ciel, $ouz laquelle doit nai$trc le Mu-
$icien pour e$tre parfait en $on art: mais
nous auons mon$tr&eacute; cy-deuant qu'ils
$e trompent, au$$i bien que les Phy$io-
nomes, &amp; les Chiromanciens, qui di-
$ent que ce Mu$icien auroit vne certai-
ne configuration de vi$age, &amp; certaines
lignes dans les mains, qui $ignifiroient
$a perfection en l'art de Mu$ique.
<p>Neantmoins i'ay voulu rapporter ce
que l'on peut dire $ur ce $uiet, afin que
l'on voye iu$ques o&ugrave; $e porte l'imagina-
tion des hommes, &amp; que l'on rec&otilde;noi$-
$e le men$onge, &amp; l'erreur.
<C>COROLLAIRE I.</C>
<p>L'on peut adiou$ter 4. autres hu-
meurs, dont parle Auicenne, aux pre-
cedentes, &agrave; $&ccedil;auoir celle qui n'a point
de nom, laquelle n'e$t autre cho$e que
le $ang, qui $'approche de la partie du
<pb n=133>
corps, qui doit e$tre nourrie. La 2. e$t
appell&eacute;e <I>ro$ee,</I> qui n'e$t autre cho$e que
la precedente, qui $ort des veines ca-
pillaires pour arro$er ladite partie; &amp;
lors que cette ro$ee commence &agrave; $atta-
cher &agrave; la partie, qui $e nourrit, elle e$t
nomm&eacute;e <I>glus,</I> ou <I>colle;</I> &amp; finalement
elle $'appelle <I>cambium,</I> quand elle $e
change en la partie: de $orte que les
Medecins appellent ces 4. humeurs,
<I>innominatus, ros, gluten &amp; cambium,</I> qui
$uiuent les 4. premieres, dont $e fait la
ma$$e du $ang.
<p>Or ils tiennent que toutes les e$peces
de fi&eacute;ure hectiques s'attachent &agrave; ces 4.
dernieres humeurs, &amp; que la 4. e$pece,
qu'ils appellent <I>mara$me<*>,</I> c&otilde;$omme en-
tierement la chaleur naturelle, &amp; l'hu-
mide radical, qui $e rencontre particu-
lierement d&atilde;s la derniere de ces 4. $e-
condes humeurs.
<p>Quant aux 4. premieres, il e$t euid&etilde;t
que chacune a $a fi&eacute;ure particuliere,
qui e$t c&otilde;tinue $ans rela$che, lors qu'el-
le e$t dans le $ang, comme elle e$t quo-
tidienne dans le phlegme, tierce dans
la bile, &amp; quarte dans la melancholie.
Ie lai$$e vne infinit&eacute; de differentes fi&eacute;-
<pb n=134>
ures, qui $ont engendr&eacute;es par le m&eacute;lan-
g&eacute; de ces 4. humeurs, &amp; tout ce que
l'on peut dire de l'idio$yncra$ie des Mu-
$iciens, parce que ie ne voy pas que par
cette voye l'on pui$$e determiner aucu-
ne ch&ograve;$e du temperament qu'ils doi-
uent auoir pour e$tre parfaits en leur
art, qui d&eacute;pend le plus $ouuent de l'&eacute;-
ducation, de la longue habitude, &amp; du
grand trauail. Neantmoins l'on peut
lire ce qui e$t dit de cette idio$yncra$ie,
dans la 559. page des Comm&etilde;taires $ur
le texte de la Gene$e.
<C>COROLLAIRE. II.</C>
<p>Il e$t tre$-ay$&eacute; de conclurre de tour
le di$cours precedent, que le tempera-
ment, &amp; les humeurs ne dominent pas
tellement &agrave; la rai$on, qu'elle ne demeu-
re dans $a libert&eacute;, &amp; qu'elle n'en pui$$e
$urmonter les vices, &amp; les imperfecti&otilde;s,
car il e$t au$$i ay$&eacute; de corriger le tempe-
rament, ou l'inclination, qui porte au
larrecin, ou &agrave; quelqu'autre mauuai$e
action, comme il e$t ay$&eacute; au Mu$icien
melancholique de compo$er des ch&atilde;ts,
&amp; des airs gays; ce qu'il fait par les ra-
<pb n=135>
gles de l'art, qui arment la rai$on con-
tre le $ens, &amp; l'e$prit contre le tempe-
rament. Or l'art de bien viure a des
regles qui $ont du moins au$$i bien e$ta-
blies que celles des compo$itions de
Mu$ique, &amp; qui donnent vne $i grande
lumiere &agrave; la rai$on, qu'elle peut $urm&otilde;-
ter toutes les mauuai$es habitudes des
humeurs, dautant que les regles dont
elle v$e, viennent de Dieu, qui adjou$te
la force de $a grace, &amp; de $on a$$i$tance
&agrave; la clart&eacute; de $es loix; dont on peut ex-
pliquer ce ver$et du P$alme 4. <I>Signatum
e$t $uper nos lumen vultus tui domine, dedi-
$ti l&aelig;titiam in corde meo.</I>
<HR>
<C>QVESTION V.</C>
<C><I>Quelle doit e$tre la capacit&eacute;, &amp; la $cience
d'vn parfaict Mu$icien.</I></C>
<p>LEs $ciences ont iur&eacute; entr'elles vne
inuiolable $ociet&eacute;, il e$t qua$i im-
po$$ible de les $eparer, car elles $ouf-
frent plu$to$t que l'on les d&eacute;chire; &amp; $i
quelqu'vn s'y opinia$tre, $on trauail ne
luy en arrache que des lambeaux im-
<pb n=136>
parfaicts &amp; confus. Elles ne viennent
pourtant pas toutes en$emble, mais el-
les $e tiennent tellement par la main,
qu'elles $e $uiuent d'vn ordre naturel
qu'il e$t dangereux de changer, parce
qu'elles refu$ent d'entrer autrem&etilde;t o&ugrave;
elles $ont appellees. Et l'experi&etilde;ce fait
voir que quand on en veut retenir vne
par force, qu'elle demeure tou$iours
tourn&eacute;e du co$t&eacute; des autres, &amp; qu'elle
les appelle au $ecours, en m&eacute;pri$ant tel-
lement celuy qui luy fait viol&etilde;ce, qu'el-
le ne daigne pas $eulement luy donner
vne &oelig;illade agreable. De l&agrave; vient que
plu$ieurs $e $ont tourmentez en vain,
qui ne $&ccedil;achans &agrave; qui s'en prendre, $e
$ont accu$ez eux me$mes, plu$to$t que
le de$ordre qui les a reduits aux termes
de n'auoir iamais peu obtenir les bon-
nes graces de Minerue. Neantmoins il
n'e$t pas nece$$aire de les affectionner
toutes &eacute;gallement, car peu de gens y
re&uuml;$$i$$ent, d'autant que la vie des hom-
mes e$t trop courte pour vne telle en-
trepti$e; de l&agrave; vient que la plu$part de
ceux qui s'y $ont engagez, ne les ont
qua$i peu reconnoi$tre, tant s'en faut
qu'ils ay ent eu loi$ir de penetrer leurs
<pb n=137>
my$teres, &amp; les $ecrets de leur plus $ou-
ueraine beaut&eacute;. Ce qui a fait iuger aux
plus adui$ez, qu'il e$toit plus &agrave; propos
d'en choi$ir vne particuliere $elon $on
inclination, en faueur de laquelle l'on
peu$t inuiter toutes les autres, comme
compagnes in$eparables.
<p>Et veritablement il $eroit &agrave; de$irer
que chacun en v$a$t de la $orte, c'e$t &agrave;
dire qu'apres les teintures vniuer$elles
des $ciences, l'on s'appliqua$t &agrave; la partie
que l'on affectionne le plus. Il y a l&otilde;g-
temps que la Philo$ophie $eroit en vn
degr&eacute; bien haut, $i nos deuanciers, &amp;
nos peres eu$$ent mis cecy en pratique;
&amp; nous ne perdrions pas le temps aux
premieres difficultez, qui $e pre$entent
mainten&atilde;t au$$i rigoureu$es qu'aux pre-
miers $iecles qui les ont remarqu&eacute;es.
Nous aurions l'experience des Pheno-
menes a$$eurez, qui $eruiroient de prin-
cipes &agrave; vn $olide rai$onnement: la ve-
rit&eacute; ne $eroit pas $i profond&eacute;m&etilde;t aby$-
m&eacute;e; la nature auroit quitt&eacute; la plu$part
de $es enuelopes, l'on verroit les mer-
ueilles qu'elle c&otilde;tient dans tous $es in-
diuidus: la lumiere $eroit au$$i claire &agrave;
l'ent&etilde;dement, qu'aux yeux: les o deurs,
<pb n=138>
odeurs les $aueurs, &amp; toutes les quali-
tez $en$ibles $eroient au$$i familieres &agrave;
l'e$prit, qu'aux pui$$ances qui en $ont
capables: &amp; nous aurions vn comman-
dem&etilde;t $i ab$olu $ur les $ens, &amp; $ur l'har-
monie, qu'ils $eroient flexibles &agrave; toutes
nos pen$&eacute;es.
<p>Or ie ne $uis pas le premier Autheur
de ces plaintes, il y a long-temps qu'el-
les $e font o&uuml;ir, &amp; qu'elles re$onnent
dans la bouche de tout le monde, quoy
que per$onne n'y remedie, car encore
que l'on en reconnoi$$e bien la faute,
nul ne la veut reparer: &amp; l'entendem&etilde;t
de l'homme preuenu du de$ir, &amp; de l'&atilde;-
biti&otilde; de tout $&ccedil;auoir, $e de$tourne d'vn
attachement particulier pour &eacute;cumer
le general au$$i vi$te que les autres, dau-
tant que l'vnique appas de $on e$tude
e$t l'eclat, qu'il ne trouue pas dans la re-
cherche des principes, qu'il inge diffi-
cile, &amp; trop vetillarde: Et bien qu'ils
$oient la retraitte de la verit&eacute;, la de$-
cente en e$t trop $eabreu$e: la plu$part
des hommes $ont bien ai$es de trouuer
&oelig;uure faite, mais peu $y veulent appli-
quer, &amp; plu$ieurs croyent que cette re-
cherche e$t inutile, ou ridicule: au$$i
<pb n=139>
toute l'antiquit&eacute; en a-elle &agrave; peine trois
ou quatre, qui n'ayent eu ces con$ide-
rations, &amp; qui n'ay&etilde;t m&eacute;pris&eacute; ces plain-
tes. Pour moy ie ne veux pas les faire
en vain, c'e$t pourquoy ie me joints
volontiers au moindre nombre que i'e-
$time le meilleur, &amp; le plus vtile: ceux
qui ne manqueront pas tout &agrave; fait de
rai$on, iugeront $i i'en ay eu, &amp; $i mes
$peculati&otilde;s ont adiou$t&eacute; quelque cho-
$e &agrave; la perfection de la Mu$ique, que
i'ay particulierement embra$$&eacute;e, enco-
re que ie l'aye rencontr&eacute;e fort impar-
faicte. S&iacute; quelqu'vn a la me$me affe-
ction, il en pourra tirer plus de profit
que moy: car il la trouuera d&atilde;s vn meil-
leur ordre, &amp; auec plus de grace, pour-
ueu qu'il la con$idere dans l'idee que
i'en trace icy gro$$ierem&etilde;t, laquelle luy
apprendra les cho$es qui $ont nece$$ai-
res &agrave; cette $cience, que nos peres ont re-
ueree, comme diuine. De l&agrave; vi&etilde;t qu'ils
ont accu$&eacute; de $acrilege ceux qui la pro-
fanoient: il y reconnoi$tra $es ornem&etilde;s
&amp; $a beaut&eacute;, laquelle empe$chera de-
$ormais qu'elle $oit m&eacute;pri$&eacute;e: il $&ccedil;aura
les lieux d'o&ugrave; elle les emprunte, &amp; les
moyens qu'elle tient pour s'en parer,
<pb n=140>
afin que la po$$edant auec toutes $es
circon$tances, il la rende digne des
lo&uuml;anges de Dieu.
<p>I'entends donc par la Mu$ique, <I>la
$cience des $ons &amp; de l'harmonie,</I> pour la-
quelle ie de$ire premierement que le
Mu$icien ait de l'inclination, car on ne
re&uuml;$$it guere aux cho$es qui ne plai$ent
pas. Il faut au$$i qu'il ait vn e$prit $ub-
til, &amp; docile, parce que les difficultez y
$ont ab$tru$es, &amp; qu'il faut apprendre
de plu$ieurs. Il doit e$tre pa$$ablement
ver$&eacute; aux lettres humaines, c&otilde;me $ont
la Grammaire, la Rhetorique, l'Hi-
$toire, &amp; la Chronologie, &amp; particu-
lierement en la Po&euml;$ie, car les vers $ont
principalement faits pour chanter: la
Grammaire polit les paroles, la Rheto-
rique leur pre$te $es figures &amp; $es mou-
uemens; les fables l'enrichi$$ent, &amp;
l'hi$toire leur donne de l'authorit&eacute;: &amp;
puis il e$t bien $eant &agrave; vn homme d'ho-
norable profe$$ion, de $&ccedil;auoir quels ont
e$t&eacute; les inuenteurs de la Mu$ique, les
beaux effects que l'Antiquit&eacute; en a ad-
mirez, &amp; la di$tinction des temps au$-
quels ces cho$es $ont auenu&euml;s, ce qu'il
apptendra de la Chronologie: car ou-
<pb n=141>
tre que cela e$t ab$olu&euml;ment nece$$aire
&agrave; tout homme qui embra$$e les lettres &agrave;
quelque de$$ein que ce $oit, elles rele-
ueront la Mu$ique, &amp; mettront le Mu-
$icien d'autant plus en credit, que l'on
verra $a $cience mieux appuy&eacute;e de tou-
tes les connoi$$ances, dont les hommes
ont tou$iours fait vn particulier e$tat:
au lieu qu'ayant e$t&eacute;, comme on la void
encore &agrave; pre$ent, reduite &agrave; la routine
de trois ou quatre mi$erables accords,
accompagnez $ouuent d'vne voix de-
$agreable, &amp; mercenaire, elle e$toit de-
uenu&euml; c&otilde;me vne abiecte Mene$triere,
n'ayant point $ouuent d'autre retraite
que parmy les cho$es qui $eruent aux
infames plai$irs.
<p>Ie de$ire encore qu'il $oit con$omm&eacute;
en toutes les parties de la Philo$ophie,
&agrave; $&ccedil;auoir dans la Dialectique, dans la
Phy$ique, dans la Morale, &amp; dans la
Theologie, car $ans l'intelligence des
principes, des di$tinctions, &amp; des analy-
$es, le bon rai$onnement luy manque,
$ans lequel il ne peut auoir la connoi$-
$ance des cho$es naturelles, qui luy e$t
tellement nece$$aire, que $ans elle il
n'entendra iamais la nature du $on, veu
<pb n=142>
qu'il $e tire au$$i differemment de tou-
tes $ortesde corps, qu'eux me$mes $ont
differents, comme du bois, des metaux,
des pierres, &amp; des autres matieres dont
on fait les in$truments; &agrave; quoy $eruent
au$$i les diuers temperam&etilde;s, &amp; les qua-
litez de l'air, &amp; des autres cho$es liqui-
des, qui $ont le vehicule du $on &amp; de la
voix. D'o&ugrave; l'on peut ai$&eacute;ment conclu-
re, qu'il e$t oblig&eacute; &agrave; la $peculation de
toutes les cho$es naturelles, &agrave; $&ccedil;auoir
des corps $en$ibles, &amp; des in$en$ibles en
toutes leurs differences, non $eulem&etilde;t
$el&otilde; la Phy$ique, mais au$$i$elon la Me-
decine, dont il doit apprendre quelles
$ont les organes de la voix, quelles en
$ont les maladies, &amp; comme il la faut
con$eruer, &amp; la guerir.
<p>Et parce que $on principal de$$ein
con$i$te &agrave; adoucir les pa$$ions, &agrave; rame-
ner les e$prits &agrave; la droice rai$on, &amp; &agrave; ex-
citer les affections de $es auditeurs &agrave; la
piet&eacute;, &amp; au $eruice diuin, comment en
viendra-il &agrave; bout $ans la Morale, &amp; $ans
la Theologie, dont la premiere luy ap-
prend les diuers mouuemens de l'e$prit
$en$itif, &amp; du rai$onnable, &amp; l'autre luy
<pb n=143>
en$eigne les cho$es qui $eru&etilde;t &agrave; la lou&atilde;-
ge de Dieu, qui par commandement
expres l'a voulu receuoir des hommes
en ce$te maniere.
<p>La nece$$it&eacute; qu'a la Mu$ique des $up-
putations, &amp; des rai$ons qui la con$ti-
tuent, l'attachent in$eparablement aux
Mathematiques, qui outre cela luy
fourni$$ent la nature des reflexi&otilde;s pour
le redoublement des $ons, &amp; pour le re-
renti$$ement des voix, c'e$t pourquoy
elle a droit d'ordonner des ba$timens
propres aux concerts: ce qui l'oblige
encore &agrave; l'Architecture, &amp; par con$e-
quent &agrave; la Pourtraicture, tant pour ce-
la, que pour de$$eigner les nouueaux
in$trum&etilde;s que le Mu$icien peut inuen-
ter en corrigeant les vns, &amp; adiou$tant
aux autres, &amp; pour ord&otilde;ner des grot-
tes, &amp; des machines hydrauliques, &amp;
pncumatiques, qu'il rendra capables de
toute $orte d'harmonie.
<p>Il e$t donc ecrtain que pour acquerir
la perfection de la Mu$ique, il n'y a rien
que l'e$prit ne doiue mettre en be$on-
gne de toutes les cho$es qui $e peuuent
$&ccedil;auoir &amp; pratiquer: &amp; bien qu'il $oit
tres-difficile que ce$te perfecti&otilde; $e ren-
<pb n=144>
contre dans vne me$me per$onne, il e$t
neantmoins &agrave; propos que l'on connoi$-
$e par ce de$$ein, en quoy elle con$i$te,
afin que l'on ta$che d'en approcher le
plus que l'on pourra; &amp; que ce$te $cien-
ce ne $oit plus $i m&eacute;pri$&eacute;e comme elle a
e$t&eacute; iu$ques &agrave; pre$ent; mais qu'e$tant
couronn&eacute;e de toutes les fleurs qui luy
appartiennent, elle $oit honor&eacute;e $elon
$a beaut&eacute;, &amp; capable d'entrer chez les
Princes &amp; les Roys, &amp; finalem&etilde;t qu'el-
le $oit digne d'e$tre pre$ent&eacute;e au Sou-
uerain Autheur de toutes cho$es.
<HR>
<C>QVESTION VI.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir $i le $ens de l'ouye doit e$tre le iuge
de la douceur des $ons, &amp; des conceres,
ou $i cet office appartient &agrave;
l'entendement.</I></C>
<p>CEtre que$tion n'a pas e$t&eacute; meu&euml;
d'aujourd huy, elle a donn&eacute; de la
peine aux plus grands hommes du m&otilde;-
de, comme &agrave; Pythagore, Platon, Ari-
$toxene, Ptolom&eacute;e &amp; &agrave; plu$ieurs au-
tres, dont les vns ont defer&eacute; le iuge-
<pb n=145>
ment des $ons &agrave; la $eule rai$on, les au-
tres aux $ens, &amp; les autres ont conioint
le $ens &agrave; la rai$on. Ceux qui di$ent que
le $ens de l'o&uuml;ie doit e$tre le iuge de la
Mu$ique, $'appuyent $ur ce rai$onne-
ment. Si l'office, di$ent-ils, de iuger des
$ons appartenoit &agrave; l'ame rais&otilde;nable, ou
&agrave; la rai$on, elle iugeroit tou$iours de la
me$me fa&ccedil;on, d'vn me$me concert, &amp;
tous les hommes trouueroient les con-
certs d'vne me$me b&otilde;t&eacute;, car toutes nos
ames $ont &eacute;gales, n'y ayant nulle autre
difference entre les e$prits des hom-
mes, que celle qui vient des organes, &amp;
du temperament vniuer$el de tout le
corps, &amp; du particulier, &amp; $pecifique de
chaque partie d'iceluy. Or le iugem&etilde;t
le d&eacute;pend point des organes, car quel-
que mauuais temperament qu'on aye,
a partie de l'ame que les Grecs appel-
ent <G>i<*>s</G>, (qui e$t &agrave; l'entendement ce
qu'e$t la $plendeur &agrave; la lumiere, &amp; &agrave; la
yndere$e, ce qu'e$t le Pilote au Naui-
c) iuge tou$iours &eacute;quitablement, com-
ne nous experimentons aux propo$i-
ions vniuer$elles de la Philo$ophie na-
urelle, &amp; de la Morale, car tous les h&otilde;-
nes du monde auo&uuml;ent que le bien e$t
<pb n=146>
aimable; qu'il faut fuyr le mal, que l'e-
$tre vaut mieux que le non e$tre; qu'il
e$t nece$$aire que Dieu $oit tres-par-
faict; que rien ne $e peut faire $oy-me$-
me; que ce qui e$t limit&eacute; &amp; finy, a e$t&eacute;
fait; que l'ordre e$t plus excellent que
le de$ordre, &amp; mille autres $emblables
propo$itions, qui $ont reconu&euml;s vniuer-
$ellement par tout le monde, $ans qu'il
$oit nece$$aire de les apprendre. Il fau-
droit donc au$$i quand les c&otilde;certs $ont
bons, que tous ceux qui les entendent,
les iugea$$ent bons; ce qui n'arriue pas,
car ce qui plai$t &agrave; l'vn, d&eacute;plai$t &agrave; l'autre.
Il y en a me$mes &agrave; qui les bruits confus
plai$ent dauantage que les con$onan-
ces, &amp; qui ayment mieux entendre le
bruit des Canons, ou le bourdonnem&etilde;t
des mou$ches, que la plus grande dou-
ceur des meilleurs concerts. De dire
que l'on doit e$timer ces hommes l&agrave;
barbares &amp; brutaux, &amp; maintenir qu'ils
n'ont pas l'e$prit bien faict, ce n'e$t pas
r&eacute;pondre, car nous ne $&ccedil;auons pas $i au
contraire ils ont l'e$prit $i excellent &amp;
$i $ubtil, que le peu de perfection qu'il y
a dans nos concerts les ble$$e, ou $i c'e$t
quelque particuliere perfecti&otilde; de trou-
<pb n=147>
uet les di$$onances au$$i bonnes, ou
meilleures que les con$onances; $ui-
uant le dire ou le prouerbe commun,
&agrave; $&ccedil;auoir, que ce qui e$t rare e$t excel-
lent; il e$t donc in certain $i on les doit
appeller mon$tres d'imperfection, ou
prodiges de perfection, car on n'a point
encore demon$tr&eacute; que l'e$prit qui e$t
tellement proportionn&eacute; aux di$$onan-
ces, &amp; aux $ons a$pres, &amp; rudes qu'il s'y
pui$$e plaire, ne $oit pas $i excellent que
celui &agrave; qui les $ons aigres, &amp; les di$cords
d&eacute;plai$ent: &amp; comme ce qui e$t a$pre
$ignifie $ouuent vne grande chaleur, on
pourroit dire que l'e$prit qui $e plai$t &agrave;
l'a$pret&eacute; &amp; &agrave; la rude$$e des $ons, a vne
grande viuacit&eacute; &amp; vne grande force.
Ie pourrois confirmer l'excellence de
ces e$prits en rapport&atilde;t pour exemple,
quelques-vns de mes amis que ie $&ccedil;ay
ne prendre nul plai$ir &agrave; l'harmonie vo-
cale, ou in$trum&etilde;tale, encore qu'ilsay&etilde;t
bon e$prit, qu'ils $oient d'vn bon tem-
peram&etilde;t, &amp; plains d'vne $i grande dou-
ceur en leurs m&oelig;urs, &amp; en leur conuer-
$ation qu'elle e$t preferable aux plus
douces harmonies.
<p>D'abondant ceux qui jo&uuml;ent du luth,
<pb n=148>
ou de la viole, nous di$ent que la quin-
te qui e$t iu$te $elon la rai$on, n'e$t pas
$i agreable que quand elle e$t affoiblie:
&amp; l'orgue me$me ne $uit pas la rai$on
de la quinte du monochorde: de $orte
qu'il faudroit que la quinte du $ens fut
moindre que celle de l'entendement;
&amp; ceux qui $uiuent les rai$ons, &amp; qui $e
cont&etilde;tent de la Theorie de la Mu$ique,
confe$$ent que la quinte du $ens &amp; des
in$trumens e$t fort agreable, &amp; qu'elle
ne cede point &agrave; celle qui e$t pre$crite
par les nombres qui $eruent d'id&eacute;es &agrave; la
rai$on. En troi$ie$me lieu, les $ons ne
$eruent pas d'object &agrave; l'e$prit, mais &agrave;
l'oreille, car la verit&eacute; &amp; les cho$es intel-
lectueles, &amp; vniuer$elles $ont le propre
object de l'entendement, comme les
cho$es corporelles, materielles, &amp; par-
ticulieres, le $ont des $ens exterieurs,
or il appartient &agrave; chaque facult&eacute; de iu-
ger de $on obiect, de l&agrave; vient qu'on dit
que l'entendement e$t des cho$es vni-
uer$elles, &amp; le s&etilde;s des particulieres, c&otilde;-
me $ont les interualles des $ons. En ef-
fect nous experimentons en rai$onant,
que l'entendement n'a point de pro-
pres e$peces des s&otilde;s, ny des autres cho-
<pb n=149>
$es$en$ibles, ce qui fait qu'il n'en di$-
court qu'en general, en leur appliquant
quelques id&eacute;es &amp; notions vniuer$elles,
qu'il prend d'ailleurs, ou qui luy $ont
donn&eacute;es d&eacute;s le moment de $a creation:
&amp; qu'apres auoir bien trauaill&eacute; &agrave; la re-
cherche de la nature, &amp; de l'e$$ence des
cho$es particulieres, il e$t contraint d'a-
uo&uuml;er qu'il ne $&ccedil;ait rien, ou tout au plus
qu'en general &amp; confu$&eacute;ment, &amp; doit
tou$iours recourir &amp; de$cendre &agrave; ceq<*>
luy font connoi$tre les $ens, &agrave; qui la rai-
$on e$t redeuable de ce qu'elle com-
prend, comme elle t&eacute;moigne aux mala-
dies &amp; indi$po$itions qui arriuent aux
$ens, e$tant contrainte de rendre hom-
mage &agrave;l'oreille &agrave;l'&oelig;il, &amp;c. &amp; de demeu-
rer oy$eu$e au$$i long-temps comme
elle e$t priu&eacute;e de leur $ecours.
<p>D'ailleurs nous voyons que ceux qui
ont perdu l'e$prit, ou qui n'en ont ia-
mais eu, comme les fols, &amp; les idiots, iu-
gent de la Mu$ique, &amp; $e plai$ent plus
aux con$onances, qu'aux di$$onances,
&amp; neantmoins il $emble qu'ils ne $e $er-
uent que des $ens, puis qu'ils n'ont ia-
mais eu l'v$age de la rai$on: au$$i n'a on
peu d&otilde;ner de definition aux con$onan-
<pb n=150>
ces &amp; aux di$$onances, qu'en l'appre-
nant du $ens &amp; non de la rai$on, car
nous di$ons que la con$onance $e fait
de deux $ons qui $e font en me$me t&etilde;ps
&amp; qui $ont agreables &agrave; l'o&uuml;ie, &amp; que la
di$$onance $e fait de deux autres $ons
qui $ont de$agreables &agrave; l'oreille: &amp; qu&atilde;d
on concederoit que le $ens exterieur de
l'o&uuml;ie ne pout iuger des $ons, neant-
moins ce iugement appartiendroit &agrave; l'i-
magination, qui e$t au$$i bien dans les
be$tes que dans les hommes, car com-
me l'ame $en$itiue a $es $entim&etilde;s exte-
rieurs, qu'elle exerce par le moyen des
organes vi$ibles, au$$i a elle $es actions
interieures, dont l'vne e$t le di$cerne-
ment, l'approbation, ou le iugem&etilde;t des
obiects $en$ibles qui luy $ont agreables,
ou de$agreables $elon le rapport, ou la
di$proportion qu'elle a auec eux. Car
pui$que chaque e$pece d'appetit re-
quiert vne connoi$$ance de me$me g&etilde;-
re, &amp; que les animaux ont l'apperit
$en$itif, par lequel ils $e plai$ent, ou $e
fa$chent de ce qui leur e$t vtile, &amp; de-
lectable, ou de ce qui leur nuit, &amp; leur
d&eacute;plai$t, il e$t nece$$aire qu'ils ayent
vne connoi$$ance &amp; vne lumiere qui
<pb n=151>
$oit proportionn&eacute;e &agrave; leur appetit, qui
ne peut apperceuoir $on obiect, ny $e
porter vers luy par amour, ou par de$ir,
ou $e re$io&uuml;ir de $a po$$e$$ion, s'il n'e$t
conduit &amp; &eacute;clair&eacute; par la lumiere de l'i-
magination, dont elle a plus grand be-
$oin que les pieds n'ont be$oin des yeux
pour marcher a$$eur&eacute;ment.
<p>Nos Mu$iciens, ou ceux qui compo-
$ent les chan$ons, ou les motets, nous
confirment cette opinion, n'ayant au-
tre rai$on &agrave; alleguer pourquoy ils v$ent
d'vn pa$$age, d'vne c&otilde;$onance, ou d'vn
interualie plu$to$t que d'vn autre, que
de dire qu'ils ont trouu&eacute; que ces pa$$a-
ges $ont agreables &agrave; l'o&uuml;ye: iugeans $eu-
lement par la connoi$$ance des $ens, ou
de l'imagination: &amp; $'il $e rencontroit
quelqu'vn &agrave; qui la tierce mineure, ou
maieure, ou la $econde, &amp; la $eptie$me
fu$$ent plus agreables que la quinte, ou
l'octaue, il faudroit dire, nonob$tant
quelque rai$on &amp; Theorie qu'on eu$t,
que les premiers interualles $eroi&etilde;t des
con$onances plus agreables que les $e-
condes en comparai$on de celuy &agrave; qui
celles l&agrave; plairoient dauantage. Ce qui
<*>
<pb n=152>
&amp; &agrave; plu$ieurs hommes, dont les e$prits
$ont tellem&etilde;t di$po$ez, qu'ils re&ccedil;oiuent
plus de contentement d'e$tre meus, ou
alterez de la r&etilde;contre des $ons qui font
nos di$$onances, &amp; d'entendre les in-
terualles que nous iugeons in capables
d'entrer dans l'harmonie, qu'ils n'en re-
&ccedil;oiuent du chato&uuml;illement que font
nos con$onances: ce qu'on a remarqu&eacute;
de quelqu'vn qui preferoit le hanni$$e-
ment des cheuaux &agrave; la Mu$ique.
<p>Que $'il y en auoit plu$ieurs &agrave; qui la
me$me cho$e artiua$t, $ans doute nous
trouuerions des rai$ons pour prouuer
que ce que nous appellons maintenant
di$$onance, deuroit e$tre appell&eacute; con-
$onance, ce qui fait veoir que la rai$on
$uit le iugement des $ens, &amp; qu'elle $e
ploye comme on veut pour $'accomo-
der &agrave; eux, comme fai$oit la regle Le$-
bienne &agrave; toutes $ortes de lignes, &amp; d'ou-
urages, car $i la rai$on regloit les $ens, il
faudroit qu'elle tint ferme comme la
regle de Polyclete, &amp; que nous fi$-
$ions tou$iours le me$me iugement d'v-
ne me$me cho$e, pendant qu'elle de-
meure en me$me e$tat, ce qui n'arriue
pas $ouuent.
<pb n=153>
<p>Ceux au contraire qui tiennent que
l'entendement e$t le $eul iuge, di$ent
qu'en renuer$ant toutes ces rai$ons leur
opinion $'e$tablit d'elle me$me: Car il
e$t bien certain qu'&agrave; celuy qui a perdu
l'v$age de la rai$on, tous les $ens $ont
inutiles pour iuger, &amp; que c'e$t $e fein-
dre vne $tatu&euml; de bronze, qu'vn h&otilde;me
$ans entendement, qui le fait $eul e$tre
homme. Car de dire que les hommes
iugeroient tous de me$me fa&ccedil;on d'vn
me$me concert, $i le iugement depan-
doit de la rai$on, parce que nos ames
$ont &eacute;galles, &amp; que le iugement ne d&eacute;-
pend point des organes, comme l'on
experimente aux propo$itions de la
Philo$ophie naturelle &amp; morale, c'e$t
argumenter $ophi$tiquement: Car le
iugement pour iuger des cho$es vniuer-
$elles n'a que faire des $ens, non plus
que le Iuge pour e$tre bon Iuge n'a
que faire d'Auocats, ny de Procureurs,
car pour cela il luy $uffit d'auoir le cha-
ractere de Iuge, &amp; la con$tante &amp; per-
petuelle volont&eacute; de rendre &agrave;vn chacun
ce qui luy appartient: mais pour iuger
le different d'entre Titius, &amp; Meuius,
il a be$oin d'vn Aduocat qui l'in$trui$e
<pb n=154>
de leur different, &amp; des moiens qu'ils
ont chacun pour obtenir leur int&etilde;tion,
&amp; des Procureurs pour c&otilde;duire la cau-
$e, &amp; propo$er lesdem&atilde;des, &amp; les deffen-
ces $elon les formes v$it&eacute;es: au$$i pour
iuger de ce concert, ou de cet autre, le
iugement a be$oin que l'on luy rappor-
te quel e$t ce concert, ou cet autre: $ur
ce rapport il fait $on iugem&etilde;t, &amp; ce rap-
port $e fait par le $ens parfait.
<p>Quant &agrave; ceux que l'on dit qui ne $e
plai$ent point &agrave; la Mu$ique, ou qui $e
plai$ent plus &agrave; d'autres bruits qu'aux
con$onances, cela vient de ce qu'ils
n'ont iamais donn&eacute; d'accez &agrave; la Mu$i-
que dans leur e$prit, ny a$$ez d'att&etilde;tion
pour la gou$ter, ayant l'e$prit occup&eacute; &agrave;
d'autres pen$&eacute;es, &amp; remply d'autres de-
$irs, le$quels ne lai$$ent entrer dans l'a-
me aucune cho$e qui n'y contribu&euml;, c&otilde;-
me ceux qui $ont &eacute;chauffez &agrave; la guer-
re, ou ceux qui $ont acharnez au gain,
&amp; enclins &agrave; l'auarice, ou ceux qui
voient p&atilde;cher $ur eux quelque grande
perte, ou ruine, ne s'&eacute;meuuent pour
aucun $on, $i les vns n'entendent vn ca-
non, vn tambour, ou h&atilde;nit vn cheual,
les autres compter de l'argent, les au-
<pb n=155>
tres s'ils n'ent&etilde;dent quelque autre con-
fu$ion: &amp; ce qu'ils entendront contrai-
re ou n&otilde;, qui ne contribuerapoint &agrave; leur
pa$$ion, ne leur touchera nullement
l'e$prit, &amp; n'en feront aucun iugement:
ce qui mon$tre que c'e$t $eulement la
rai$on qui iuge, puis qu'il faut plu$to$t
que la rai$on $oit $aine, &amp; non malade
pour iuger, que le $ens, lequel quoy
que $ain ne peut iuger, $i la rai$on e$t
malade: la plus agreable Mu$ique du
$oldat $era donc le $on des tambours, &amp;
des Canonades: de l'auare, le $on de l'ar-
gent, du ma$$on, le bruit des marteaux:
de l'Apothicaire ou parfumeur, le $on
des mortiers de $a boutique: du meu-
nier, le claquet de $on moulin: de l'A-
uocat, la confu$ion d'vn barreau: du
menui$ier &amp; du charpentier, le coup de
maillet, &amp; le bruit de la $cie parce qu'ils
ont tous l'e$prit port&eacute; l&agrave;. Mais $i quel-
quefois l'e$prit $e met en repos, &amp; qu'il
quitte, ou qu'il remette $es pa$$ions &agrave;
vn autre temps, $i la Mu$ique $e pre-
$ente, il la lai$$e entrer doucement, &amp;
s'en trouue touch&eacute; in$en$iblem&etilde;t. L'&etilde;-
pire de la rai$on e$t $i grand $ur les $ens,
qu'elle les rebutte quand il luy plai$t,
<pb n=156>
&amp; leur emp&eacute;che d'apperceuoir ce qu'ils
$entiroi&etilde;t. Ce que c&otilde;$ider&atilde;t quelques-
vns ils l'&otilde;t e$tim&eacute;e vne diuinit&eacute; racour-
cie, &amp; vn rayon de la rai$on Archetype,
qui fait dans le corps humain ce que
Dieu fait dans le monde, ce qui e$t ve-
ritable en quelque fa&ccedil;on, car elle porte
l'image de la Diuinit&eacute;, &amp; commande
au corps comme &agrave; vn petit m&otilde;de, mais
il y a en effect des differ&etilde;ces au$$i gran-
des comme du finy &agrave; l'infiny.
<p>Il faut donc confe$$er que la rai$on
e$t nece$$aire pour iuger de la nature, &amp;
de la difference des $ons, comme Pto-
lom&eacute;e a prouu&eacute; dans le premier cha-
pitre de $onpremier liure de la Mu$ique
contre les di$ciples d'Ari$toxene qui
donnoient trop au $ens, bien qu'il leur
faille accorder quelque cho$e en ce $u-
iet, a$in qu'ils agi$$ent coniointement
auec la rai$on, comme il mon$tre au$$i
contre l'aduis des di$ciples de Pyta-
gore.
<p>Or il e$t $i veritable que la rai$on e$t
nece$$aire pour iuger des s&otilde;s, que nous
ne pouuons connoi$tre $ans $on ayde,
$i ce que nous oyons doit e$tre appell&eacute;
$on, ou concert: car les animaux, &agrave; qui
<pb n=157>
nous $erions $emblables, &amp; qui nous $e-
roient &eacute;gaux, $i nous n'auions la rai$on,
ne font point de reflexion $ur les acti&otilde;s,
ou les pa$$ions de leurs $ens exterieurs,
ou intetieurs, &amp; ne $&ccedil;auent ce que c'e$t
que couleur, odeur, ou $on, ny s'il y a
quelque difference entre ces obiects,
au$quels ils $ont plu$to$t emportez,
qu'ils ne s'y port&etilde;t eux-me$mes; ce qui
$e fait par la force de l'impre$$ion que
les obiects differents font $ur leurs or-
ganes, &amp; $ur leurs $ens, car ils ne peu-
uent di$cerner $'il e$t plus &agrave; propos d'al-
ler boire, ou manger, que d'aller faire
autre cho$e, &amp; ne boiuent, ne m&atilde;gent,
ny ne font autre cho$e, que quand la
pre$ence des obiets, ou l'imagination
brutalle les nece$$ite, &amp; les tran$porte
&agrave; leurs obiets, $ans qu'ils pui$$ent re$i-
$ter &agrave; telles impre$$ions, &amp; $ans qu'ils
connoi$$ent ce qu'ils font, $oit bien, ou
mal, ce qui nous arriueroit comme &agrave;
cux, $i nous e$ti&otilde;s de$tituez de la rai$on,
car ils n'ontde lumiere que ce qu'il leur
en faut pour prendre leur nourriture, &amp;
pour nous $eruir aux v$ages au$quels
Dieu les a de$tinez.
<p>Il faut donc conclurre nonob$tant les
<pb n=158>
rai$ons precedentes qui combattent en
faueur des $ens, que la rai$on &amp; l'o&uuml;ie
$ont nece$$aires pour iuger de l'harmo-
nie, &amp; du different des $ons; ce qui $e
fait neantmoins auec telle condition,
que l'o&uuml;ie re&ccedil;oit toutes les affecti&otilde;s des
$ons, le iugement de$quels e$t re$eru&eacute; &agrave;
la rai$on, de qui elle tient la iu$te$$e des
con$onances, des interualles, &amp;c. mais
la rai$on emprunte de l'o&uuml;ie ce qu'elle
auoit re&ccedil;eu deu&atilde;t, &amp; $e c&otilde;tente d'apro-
cher de la verit&eacute; des interualles, &amp; des
termes du graue, de l'aigu &amp; des autres
proprietez &amp; differences des $ons par
l'&etilde;tremi$e de l'oreille, a$in detrouuer en
$uite les vrais interualles, &amp; les exactes
differences des $ons par la force du rai-
$onnement, &amp; par les differentes com-
parai$ons qu'elle fait des vns auec les
autres.
<p>En effect, c'e$t la rai$on qui recher-
che les cau$es du mouuem&etilde;t &amp; du $on:
le $ens n'en re&ccedil;oit que l'impre$$ion, d&otilde;t
la rai$on doit iuger, puis qu'elle en con-
$idere les cau$es &amp; la nature, &amp; qu'elle
e$t $imple, &amp; vniuer$elle, n'&eacute;pou$ant
que laverit&eacute;, quelque part qu'elle la r&etilde;-
contre: mais les $ens $ont $uiets &agrave; toute
<pb n=159>
$orte d'alterations, &amp; de changemens,
&amp; $e trompent facilement &agrave; cau$e du
mouuem&etilde;t &amp; du flus perpetuel de leur
matiere, s'ils ne $ont conduits &amp; mam-
tenus dans l'ordre par la rai$on. De l&agrave;
vient que comme l'&oelig;il prend le cercle
qu'on fait par hazard $ans compas, pour
vn cercle parfait, quand il approche de
la perfection, iu$ques &agrave; ce que la rai$on
en fa$$e vn parfait, qui fait paroi$tre le
d&eacute;faut &amp; l'imperfection du premier,
que l'o&uuml;ie croit $emblablement que les
interualles con$onants, ou di$$onants
$ont paifaits, quandils approchent de la
perfection, mais elle e$t contrainte de
confe$$er leur imperfection, quand la
rai$on donne les parfaits, car il e$t plus
facile de iuger de cette perfection que
de la trouuer, comme il e$t plus facile
de iuger d'vn combat, que de combat-
tre, ou de la cour$e, que de courir, &amp;c.
Or encore que les $ens s&etilde;blent iuger de
la veritable difference des cho$es qui
leur $eruent d'obiect, &amp; qu'ils ne $e tr&otilde;-
pent pas de beaucoup, quand ils con$i-
derent de c&otilde;bien les parties $e $urmon-
tent lors qu'elles $ont grandes &amp; en pe-
tit nombre, neantmoins ils $e tr&otilde;pent,
<pb n=160>
&amp; la rai$on ne $e doit iamais fier &agrave; eux,
puis qu'elle rec&otilde;noi$t l'erreur to&ucirc;jours
plus grande, quand les parties $ont plus
petites &amp; en plus grand nombre: car
plus elles $ont petites, moins elles $ont
remarquables: par exemple, quand on
propo$e vne ligne droite, le $ens iuge
$i vne autre e$t plus l&otilde;gue ou plus cour-
te, en les comparant, &amp; les appliquant
l'vne &agrave; l'autre, ou en les diuis&atilde;t en deux
parties &eacute;gales, ou en les doublant &amp; fai-
$ant $eulement vne comparai$on pour
cet effect; que s'il la faut tripler ou di-
ui$er en trois, il e$t plus difficile, d'au-
t&atilde;t qu'il faut faire deux comparai$ons,
de $orte que les differences $ont daut&atilde;t
plus difficiles &agrave; e$tre remarqu&eacute;es que
les diui$ions, &amp; les parties $ont en
plus grand nombre, particulierement
quand il faut cont&etilde;pler les parties vne
&agrave; vne, comme il arriue &agrave; la proportion
$eptuple, ou au nombre diui$&egrave; en $ept,
qui n'a point de moiti&eacute;, &agrave; cau$e qu'il e$t
impair, &amp; qu'il ne contient nulles par-
ties qui nous en rendent la connoi$$an-
ce plus ai$&eacute;e, comme $ont les parties du
nombre 8, dont nous trouuons faci-
lement la moiti&eacute;, &amp; puis la moiti&eacute; de
<pb n=161>
la moiti&eacute;, de $orte que nous n'auons
que faire de con$iderer la huictie$me
partie, ou la rai$on octuple, mais $eule-
ment les moitiez de plu$ieurs nombres
inegaux, &agrave; $&ccedil;auoir les moitiez de 8. de
4. &amp; de 2. qui nous menent iu$ques &agrave;
l'vnit&eacute;: mais c'e$t tou$iours la rai$on
qui iuge, car $i c'e$toit le $ens exterieur
il faudroit qu'il iugea$t ou deuant que
d'auoir $enty, ou en $entant, ou apres
auoir $enty: de iuger auparauant, il e$t
impo$$ible, car <I>de ijs qu&aelig; non $unt, &amp; non
apparent idem iudicium.</I> De iuger en $en-
tant, il e$t impo$$ible, car tout iuge-
ment $e doit faire par reflexion, &amp; la
reflexion pre$uppo$e vn ordre de t&etilde;ps,
il faudroit donc qu'il iugea$t apres, or
$urquoy iugeroit-il apres, veu qu'il n'a
rien de pre$ent, &amp; qu'il manque de me-
moire &amp; d'imagination. Ce n'e$t donc
pas le $ens exterieur qui iuge, ny l'inte-
rieur, que l'on appelle <I>$ens commun,</I>
pource que les me$mes inconueniens
luy arriueroient qu'au $ens exterieur,
il s'en$uit donc que c'e$t la rai$on $eule
qui iuge. Or $i l'on applique &agrave; l'ouic ce
qui a e$t&eacute; dit des nombres &amp; de la veu&euml;,
qui di$cerne facilement quand vne li-
<pb n=162>
gne e$t double, ou $ouz double d'vne
autre ligne, il faut conclurre que com-
me la veu&euml;, ou la rai$on iugeant des
cho$es vi$ibles, a be$oin d'vne regle
pour iuger $i vne ligne e$t parfaitement
droite, &amp; d'vn compas pour iuger exa-
ctement du cercle, &amp; de $es parties, que
l'o&uuml;ie a be$oin de certaines regles pour
e$tablir les parfaites differ&etilde;ces des $ons,
leurs interualles, &amp; tout ce qui leur ap-
partient, car l'o&uuml;ie n'e$t pas plus $ubtile,
ny plus habile que la veue, qui $ur pa$$e
tous les autres $ens par la promptitude
&amp; l'excellence de $on action.
<p>Laregle, dont $e $ert la rai$on pour
dre$$er les $ons, &amp; pour trouuer exacte-
ment les interualles &amp; leur difference,
$e doit appeller Regle, ou <I>Canon</I> harmo-
nique, car ce$t l'office du Mu$icien de
con$eruer ou de trouuer les rai$ons de
ladite regle, qui s'accord&etilde;t auec l'o&uuml;ie,
$uiuant le $entiment de la plus grande
partie des hommes; comme celuy de
l'A$tronome e$t de con$eruer, ou d'e-
$tablir les hypothe$es des mouuemens
cele$tes, apres auoir ob$eru&eacute; tous les
Phenomenes qui paroi$$ent ordinaire-
ment.
<pb n=163>
<p>Car il appartient aux hommes $&ccedil;a-
uans qui employent leur vie, &amp; leur
e$tude &agrave; la contemplation, de mon$trer
que les &oelig;uures de la nature $ont bien
ordonn&eacute;es, &amp; qu'il n'y a rien qui $oit
confus, ou qui $e fa$$e par hazard, par
ticulierement dans ce qui concerne la
veu&euml; &amp; l'o&uuml;ie, qui approchent plus de
la rai$on, que les autres $ens, &amp; qui nous
$eruent pour apprendre les $ciences, &amp;
pour lo&uuml;er, contempler &amp; admirer les
&oelig;uures de Dieu, &amp; l'excellence, &amp; la
grandeur de l'ouurier.
<p>Quant aux autres obiections qui $e
font en faueur de l'oreille, ou des autres
$ens, elles font $eulem&etilde;t voir que l'o&uuml;ie
e$t nece$$aire pour la Mu$ique, daut&atilde;t
qu'il faut que les $ons aillent &agrave; l'e$prit
par $on moien: mais $i to$t qu'il les a c&otilde;-
nus, il les regle, &amp; rejette ceux qui
$ont contre la rai$on, &amp; qui l'offen$ent,
&amp; admet ceux qui $ont $uiuant la rai-
$on harmonique, &amp; en fait vn art, &amp; ne
<*>e contentant pas de cela, il cherche les
cau$es pour le$quelles certains inter-
<*>alles luy $ont conuenables, c'e$t &agrave; dire
plus agreables que les autres; ce qu'il
fait $i parfaitement, qu'il $e nece$$ite
<pb n=164>
luy-me$me d'auo&uuml;er que $on di$cours
e$t veritable: comme lors qu'il dit, que
ce qui e$t plus $imple, &amp; mieux ordon-
n&eacute; e$t plus facile &agrave; comprendre que ce
qui e$t compo$&eacute; &amp; confus; de l&agrave; vient
qu'il e$t plus facile de diui$er vne ligne
en deux parties &eacute;gales qu'en trois, ou
en cinq, &amp;c. dautant que deux e$t plus
$imple que trols, &amp;c. &amp; que l'on com-
prend mieux la figure d'vn quarr&eacute;, que
d'vn heptagone, &amp; que, pour ne $ortir
de no$tre $uiet, vn chant $imple fait $eu-
lement de trois ou quatre tons, $e com-
prend mieux, qu'vn plus diuer$ifi&eacute;. Ie
$&ccedil;ay neantmoin's que l'e$prit e$t quel-
quefois plus content lors qu'il contem-
ple quelque cho$e de plus difficile, c&otilde;-
me l'heptagone, que quand il con$ide-
re le triangle, ou quelqu'autre figure
plus $imple, &amp; plus facile, dont i'expli-
que la rai$on dans vn autre lieu.
<p>Il faudroit maintenant r&eacute;pondre &agrave;
chaque objection que i'ay faite pour
prouuer que les $ens doiuent e$tre les
iuges de leurs obiects, mais chacun le
peut faire, car il $uffit d'auoir r&eacute;pondu
en general.
<pb n=165>
<HR>
<C>QVESTION VII.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir s'il e$t expedient d'v$er du genre
Chromatic, &amp; de l'Enharmonic, ou $i l'on
doit $e contenter du Diatonic; &amp;
$i l'on peut reduire &oelig;s trois genres
en Pratique.</I></C>
<p>CEux qui n'ayment pas la nouueau-
t&eacute;, &amp; qui me$urent toutes cho$es
<*> leur capacit&eacute;, &amp; &agrave; l'experience, tien-
<*>&etilde;t qu'il n'e$t pas po$$ible, ou du moins
qu'il n'e$t pas expedient de chanter En-
harmoni quement, pui$que l'v$age e$t
contraire, &amp; que tous les $iecles ont
fait voir que le genre Diatonic e$t $uf-
i$ant pour ch&atilde;ter tout ce que l'onveut.
Et $i Timoth&eacute;e, qui e$toit le plus $&ccedil;a-
<*>ant Mu$icien de $on temps, fut banny
le $on pays pour auoir adiou$t&eacute; vne
nouuelle corde aux in$trumens, ils
peuuent dire que ceux l&agrave; doiuent e$tre
<*>annis plus loing, qui veulent intro-
<*>uire le genre Enharmonique, puis que
<*>ela ne $e peut faire $ans introduire l'v-
<*>age de plu$ieurs cordes, qui ne $<*>t
<pb n=166>
point $ur les in$trumens, &amp; dont les
voix n'v$ent pas.
<p>Car $i la doctrine de Socrate e$t veri-
table, la tranquillit&eacute; des Republiques,
&amp; la paix, &amp; la guerre dependent tello-
ment des cordes, ou des $ons de la Mu-
$ique, que les loix $alterent au change-
ment des cordes, &amp; des tons, dont les
vns con$eruent la temperance, &amp; les
bonnes m&oelig;urs, &amp; les autres introdui-
$ent le vice, le luxe, &amp; les d&eacute;reglem&etilde;s,
quifont &agrave; la fin dechoir, &amp; perir les Re-
publiques.
<p>Mais la meilleure rai$on $e prend de
la nature, qui ne donne pas les degrez
de la Chromatique, ou de l'Enharmo-
nique, comme ceux de la Diatonique.
Car la trompette ne fair pas le $emitoa
mineur, nv la die$e Enharmonique,
comme elle fait les tons &amp; le $emiton
majeur; &amp; les degrez de ces 2. genres
ne viennent pas de la difference des
Con$onances, comme font les degrez
Diatoniques, qui $eruent &agrave; pa$$er d'v-
ne con$onance &agrave; l'autre; ce qui prouue
que ces $euls degrez $uiuent l'intention
de la nature, qui approuue les $euls de-
<*>z, qui $eruent pour pa$$er aux con-
<pb n=167>
$onances, &amp; particulierement &agrave; l'vni$-
$on, comme &agrave; la plus grande perfection
de la Mu$ique.
<p>D'ailleurs, puis que la Mu$ique e$t
vn ieu d'e$prit, &amp; qu'elle a e$t&eacute; inuen-
t&eacute;e pour la recreation, &amp; pour preparer
l'ame &agrave; de plus hautes pen$&eacute;es, &amp; &agrave; des
$peculations plus $erieu$es, elle ne doit
pas e$tre $i difficile qu'elle donne trop
de peine &amp; de trauail aux auditeurs au-
trement elle les rendroit ineptes aux
exercices plus difficiles, &amp; plus releuez,
qui doiuent $uiure immediatement
apres; or le degr&eacute; Enharmonique ne
peut e$tre compris $ans vne gr&atilde;de con-
tention d'e$prit, dautant qu'il con$i$te
dans la comparai$on de 125 &agrave; 128. qui
e$t $urtriparti$$ante cent vingt cinq, &amp;
con$e quemment fort difficile &agrave; conce-
uoir.
<p>Et $i l'on veut trauailler vtilement, il
vaut beaucoup mieux employer le t&etilde;ps
&agrave; la recherche des cho$es qui peuuent
$eruir au bien du public, ou des parti-
culiers, qu'aux degr&eacute;s Enharmoniques,
qui $ont inutiles, &amp; qui $eroient peut-
e$tre, cau$e que pour 7.ou 8. heures que
les Chantres, &amp; les io&uuml;eurs d'in$trum&otilde;s
<pb n=168>
employent tous les iours &agrave; chanter la
Mu$ique, ils en perdroient pour le
moins deux fois autant.
<p>Et puis ces petits degrez Chromati-
que, &amp; Enharmoniques $ont $i char-
mans, &amp; $i la$cifs qu'ils enerueroient
le courage des auditeurs, comme l'on
peut iuger par les $emitons majeurs, qui
approchent de leur delicate$$e, &amp; de
leur mole$$e, &amp; par le trop frequent
v$age de la Mu$ique, qui rend les hom-
mes la$ches, &amp; effeminez; de l&agrave; vient
qu'il $uffit de dire qu'vn homme e$t
Mu$icien pour le decrediter, l'experi&etilde;-
ce ayant mon$tr&eacute; que cette $orte d'e-
xercice rend qua$i l'homme inutile, &amp;
in epte &agrave; toute $orte de vertu.
<p>Il faut neantmoms conclurre qu'il e$t
expedient, &amp; nece$$aire d'v$er de ces 3.
genres, pour chanter iu$tem&etilde;t, &amp; pour
trouuer tous les degrez Diatoniques
tant confonans, que di$$onans, com-
me il $era facile de conclurre, apres
auoir con$ider&eacute; les tables, qui contien-
nent tous les degrez de ces 3. genres, &amp;
leur v$age.
<p>Or ceux qui reiettent le genre Chro-
matic, &amp; l'Enharmonic, ne los enten-
<pb n=169>
dent pas, car tous les demitons qui $e
font hors du propre lieu, o&ugrave; $e rencon-
tre le demiton majeur Diatonique de
MI &agrave; FA, appartiennent au g&etilde;re Chro-
matique. Quant aux degrez Enhar-
moniques, l'explication de$dites tables
fait voir qu'ils $ont nece$$aires pour
trouuer les con$onances iu$tes en plu-
$ieurs endroits de la main, ou de l'&eacute;che-
le de Mu$ique, &amp; du clauier des Or-
gues, &amp; des Epinettes.
<p>Car encore que le temperament
des Orgues, &amp; des autres in$truments
approche $i pres de la iu$te$$e des ac-
cords, qu'il ne ble$$e pas l'oreille, qui
$ouffre ay$&eacute;m&etilde;t les quintes diminu&eacute;es,
&amp; les quartes augment&eacute;es des in$tru-
mens, l'on n'en re&ccedil;oit pourtant pas tant
de contentem&etilde;t que $i tous les accords
e$toient parfaits.
<p>Et quand il n'y auroit point d'autre
contentement que celuy de l'e$prit, qui
contemple la rai$on des con$onances,
&amp; des di$$onances, il e$t a$$ez gr&atilde;d pour
faire embra$$er ces 3. genres, &amp; pour
prouuer que la con$ideration n'en e$t
pas inutile.
<p>Mais c'e$t vne cho$e e$trange que l'on
<pb n=170>
ne peut e$leuer les Pratici&etilde;s &agrave; la rai$on,
dontils fuyent la lumiere, comme les
hiboux fuyent les rayons du Soleil, par-
ce qu'ils ont $i grande peur que l'on ne
d&eacute;couure leur ignorance, qu'ils ayment
mieux bla$mer la Theorie, &amp; dire qu'el
le e$t inutile, &amp; qu'elle ne $ert de rien &agrave;
la pratique de la compo$ition, que d'en
embra$$er la verit&eacute;, qui $urpa$$e autant
la pratique, que le Ciel $urpa$$e la terre.
<p>Or malgr&eacute; qu'ils en ayent, ils v$ent
$ouuent du demiton mineur dans leurs
chan$ons, particulierement quand ils
montent de la premiere note du troi-
$ie$me mode par degrez conioints, iu$-
ques &agrave; la Quarte, car ils hau$$ent le <I>fa</I>
qui fait la Tierce mineure contre le <I>re,</I>
d'vn demiton mineur, par le moyen de
la Die$e, afin que le chant en $oit meil-
leur, &amp; que le <I>re</I> fa$$e la Tierce maieu-
re contre le dit <I>fa.</I> Ils en v$ent encore
toutes &amp; quantesfois qu'ils pa$$ent de
la Tierce mineure &agrave; la maieure, &amp; de la
$exte maieure &agrave; la mineure.
<p>Mais afin qu'ils comprennent plus
ay$&eacute;ment la nece$$it&eacute; de ces 3. genres,
il faut remarquer que les interualles
Chromatiques, &amp; Enharmoniques,
<pb n=171>
ont $eulement e$t&eacute; inuentez pour ay-
der aux Diatoniques; &amp; que l'&otilde; ne peut
trouuer toutes les con$onances iu$tes
contre chaque note, ou corde Diato-
nique, $oit auec les voix, ou $ur les in-
$trumens, $ans l'ayde de ces degrez
Chromatiques, &amp; Enharmoniques,
comme l'onverra $i clairement dans les
3. tables qui contiennent ces 3. genres,
qu'il n'e$t pas nece$$aire de nous arre-
$ter plus long-temps $ur ce $uiet.
<p>I'adiouteray $eulement que la Theo-
rie de ces genres ne $eroit pas inutile,
encore qu'ils ne peu$$ent $eruir &agrave; la pra-
tique, ni aux compo$itions, d'autant
que la perfection de l'entendementne
con$i$te pas dans la Pratique. Mais dans
la contemplation; &amp; que ce qui tombe
dans la Pratique, e$t beaucoup moins
excellent, que ce qui n'y peut tomber,
car encore que Dieu $oit admirable d&atilde;s
la creation des e$tres corporels, &amp; des
intellectuels, il e$t neantmoins plus ad-
mirable infiniment dans la contempla-
tion de $oy- me$me, c'e$t &agrave; dire, de l'E-
$tre $ouuerain, qui ne pe ut e$tre fait ni
roduit en pratique; &amp; les bi&etilde; heureux
receuront vne plus grande perfection,
<pb n=172>
&amp; vn plus grand contentement en con-
templant ce qu'ils ne peuuent faire, &amp;
ce qui ne peut tomber $ouz la pratique,
qu'en con$iderant ce qui e$t dans leur
pui$$ance, ou dans celle de Dieu.
<p>De l&agrave; vient que la Theorie e$t plus
excellente que la pratique, qui n'e$t au-
tre cho$e que le plus gro$$ier, &amp; le plus
materiel de la Theorie, &amp; dont la plus
grande perfection n'arriue pas iu$ques
au degr&eacute; le plus bas de la $peculation,
de $orte que la pratique e$t &agrave; l'&eacute;gard de
la Theorie, ce que la terre e$t au regard
du Ciel, &amp; ce que les creatures $ont au
re$pect du Createur. Car celle- la d&eacute;-
pend de celle-cy, comme le rayon d&eacute;-
pend du Soleil, la chaleur du feu, l'ar-
tizan, &amp; le ma$$on de l'architecte, l'i-
mage de $on prototype, &amp; les e$tres ma-
teriels des id&eacute;es &eacute;ternelles.
<p>Il e$t impo$$ible que les $ons, ou les
concerrs apportent quelque degr&eacute; de
perfection &agrave; l'e$prit, s'il ne les &eacute;pure
premierement par la rai$on, &amp; $il ne les
d&eacute;po&uuml;ille de leur matiere, pour les
tr&atilde;$porter dans le Royaume des e$tres
intelligibles, &amp; dans l'e$tat de leur per-
fection.
<pb n=173>
<p>Mais il n'y a nulle rai$on, dont il ne
tire quelque auantage, &amp; quelque nou-
ueau degr&eacute; de l'vmiere, qui luy peut
$eruir de degr&eacute; pour monter &agrave; la Sou-
ueraine lumiere, &amp; &agrave; la rai$on indepen-
dente, dont il at tend $a derniere perfe-
ction.
<p>L'on peut donc conclurre de ce di$-
cours, que la connoi$$ance de ces trois
genres, &amp; de leurs rai$ons e$t plus ex-
cellente que toute la pratique de la
Mu$ique, &amp; con$equemment qu'il en
faut plus faire d'e$tat, pui$que les cho-
$es n'ont point de plus gr&atilde;de excellen-
ce, ny me$me de plus grande vtilit&eacute; &agrave;
no$tre &eacute;gard, que celles dont elles per-
fectionnent la plus noble partie de no-
$tre e$tre, &agrave; $&ccedil;auoir l'entendement, par
lequel nous $ommes en quelques ma-
niere &eacute;gaux aux Anges, &amp; $emblables
&agrave; Dieu.
<p>Mais ces pen$&eacute;es, &amp; ces id&eacute;es $ont
peut - e$tre trop $ubtiles pour entrer
dans l'e$prit de ceux qui preferent le
corps &agrave; l'e$prit, la terre au Ciel, l'vtile &agrave;
l'honne$te, la pratique &agrave; la Theorie, &amp;
les $ons materiels &agrave; leurs rai$ons: c'e$t
pourquoy ie lai$$e cette con$ideration
<pb n=174>
pour r&egrave;pondre aux rai$ons contraires,
dont la premiere e$t fond&eacute;e $ur ce que
l'on ne peut v$er du genre Enharmoni-
que dans les chan$ons; Mais ie fais voir
ailleurs que l'on $'en peut $eruir, &amp; qu'il
e$t entierement nece$$aire pour les c&otilde;-
po$itions ordinaires, que l'on appelle
Diatoniques.
<p>Quant &agrave; Timoth&eacute;e, il faut croire que
l'hi$toire en e$t fabuleu$e, ou que ceux
qui l'ont &eacute;crite, ont entendu quelque
nouuelle loy, qu'il vouloit introduire
contre la cou$tume receu&euml;, &amp; approu-
u&eacute;e, car les Anciens v$ent $ouuent
d'Enigmes, &amp; de metaphores pour ex-
primer leurs pen$&eacute;es. Or comme il ne
faut qu'vne $eule corde di$$on&atilde;te pour
ga$ter vn concert entier, de me$me la
$eule propo$ition, ou l'introduction d'v-
ne nouuelle loy, qui renuer$e la cou$tu-
me des peuples, e$t capable de faire d&eacute;-
choir les Republiques, &amp; de perdre les
Royaumes, &amp; les Empires, qui $ont
e$tablis $ur l'vni$$on que fait la volont&eacute;
du peuple auec celle du Prince. Ce
que l'on peut confirmer par l'experien-
ce de plu$ieurs nations, qui $e $ou$le-
uent, lors que l'on veut leur impo$er
<pb n=175>
quelque nouuelle loy, ou cou$tume,
qui leur $emble $i di$$onante, qu'ils ont
plus de peine &agrave; l'endurer que n'ont les
Mu$iciens &agrave; $ouffrir des di$cords dans
l'harmonie: quoy que le temps, les oc-
ca$ions &amp; la nece$$it&eacute; le requierent, &amp;
qu'il arriue $ouuent que les nouuelles
loix, &amp; les nouuelles cou$tumes r&etilde;dent
les E$tats, &amp; les Royaumes plus flori$-
$ants, plus $tables, &amp; plus pui$$ants, c&otilde;-
me il arriue que les di$$onances &amp; les
fau$$es relations rendent la Mu$ique
plus agreable, &amp; plus charmante, lors
que l'&otilde; en v$e &agrave; propos, &amp; aux endroits
qui donnent autant de graces aux con-
$onances qui precedent ou qui $uiuent,
que l'ombre donne de lu$tre &agrave; la lumie-
re, ou aux couleurs.
<p>Mais comme l'on experimente que
les Mu$iciens qui n'&otilde;t autre rai$on que
leur fanta$ie, &amp; quelque vieille routi-
ne, qu'ils ont appri$e de leurs mai$tres,
$ont tellement preuenus de l'authorit&eacute;,
ou de la cou$tume, qu'il n'y a plus de
place dans leur e$prit pour la rai$on, &amp;
qu'ils bla$ment certains pa$$ages, &agrave; rai-
$on qu'ils n'en o$ent pas v$er, ou qu'ils
ne les $&ccedil;auent pas employer comme il
<pb n=176>
faut, quoy qu'ils enrichi$$ent grande-
ment la compo$ition, &amp; qu'ils $oient iu-
gez tres-excellens, &amp; receuz pour des
raretez de la Mu$ique par ceux, $ur qui
la rai$on, &amp; la dem&otilde;$tration ont plus de
force que la cou$tume; de me$me l'on
experimente que le peuple qui ne re-
garde qu'&agrave; fes pieds, &amp; &agrave; ce qui e$t ap-
parent, n'approuue pas pour l'ordinaire
ce qui va contre $on $ens, &amp; ce qui $em-
ble combatre la cou$tume, quoy qu'il
$oit vtile, ou nece$$aire pour le bien ge-
neral du public, &amp; que ceux qui gou-
uernent l'e$tat, dont l'e$prit penetre
iu$ques au futur, &amp; les con$eils, &amp; re$o-
lutions $<*>e$tendent par toute la Repu-
blique, comme les rayons du Soleil par
tout le monde, pour con$eruer &amp; aug-
menter la gloire, &amp; la $plendeur des
E$tats, iugent qu'il e$t expedient de
changer quelques cou$tumes, &amp; de fai-
re de nouuelles loix, qui ne $ont pas
moins vtiles, ou nece$$aires au bien pu-
blic, que los pluyes, la neige, la glace, &amp;
les venis &agrave; laterre, quoy que les orages
&eacute;pouuantent les vigner&otilde;s, &amp; les labou-
rours, qui ne $ont pas a$$ez experimen-
tez, ou qui n'ont pas a$$ez de iugement
<pb n=177>
pour preuoir qu'il n'arriuera autre cho-
$e de ce temps, qui leur $emble $i rude
&amp; $i fa$cheux, que l'abondance de tou-
tes $ortes de fruits, dont ils auront apres
$uiet de leuer les mains au Ciel pour be-
nir l'Eternel, qui fait nai$tre de $i agrea-
bles accords, de $i rudes di$$onances,
qui fait re&uuml;$$ir des $ai$ons $i e$tranges &agrave;
de $i grands biens, &amp; qui tire tant de
graces, &amp; de benedictions, pour les r&eacute;-
pandre $ur nous, dece qui $embloit atti-
rer $a malediction $ur nos te$tes.
<p>En effect quand nous trouuons &agrave; re-
dire aux differentes rencontres, qui ar-
riuent aux bons &amp; aux mauuais, &amp; aux
afflictions, &amp; douleurs, dont les gens de
bien $ont atteints, tandis que les m&eacute;-
chants pro$perent, nous $ommes $em-
blables &agrave; la lie du peuple, quiiuge $ini-
$trement des actions de ceux, dont il
doit $uiure la conduite, &amp; dont il ne
peut rai$onnablement attendre qu'vn
heureux $uccez, $'il a tant $oit peu de
patience.
<p>Car il faut croire que Dieu e$tant vn
tres-bon Pere ne prend iamais les ver-
ges pour nous cha$tier, que ce ne $oit
tou$iours pour nous rendre meilleurs,
<pb n=178>
&amp; plus riches en vertus, &amp; pour $eparer
nos affections des cho$es mortelles, &amp;
peri$$ables, afin de les porter, &amp; de les
attacher &agrave; l'Immuable, &amp; &agrave; l'Eternel,
&amp; qu'il n'employe nulles di$$onances
dans le grand c&otilde;cert de toutes les crea-
tures, qui toutes chantent $es lo&uuml;an-
ges, chacune &agrave; $a fa&ccedil;on, que ce ne $oit
pour rendre l'harmonie qui en re$ulte,
plus charmante, &amp; plus parfaite.
<p>Or puis que les chordes qui $eruent
aux di$$onances ne r&otilde;pent pas, &amp; $ouf-
frent auec au$$i peu de contrainte d'en
e$tre le $ujet, comme font les chordes
qui $eruent aux con$onances; &amp; qu'el-
les $emblent t&eacute;moigner ce contente-
ment par leurs petits $auts, &amp; tremble-
mens, il e$t rai$onnable que tout hom-
me $e $ou$mette tres- vol&otilde;tiers, &amp; auec
contentement &agrave; la conduite de la pro-
uidence Diuine, &amp; qu'il re&ccedil;oiue &eacute;gale-
ment de $a tres-iu$te main les di$$onan-
ces des aduer$itez, &amp; des maladies, &amp;
les con$onances des pro$peritez, &amp; de
la $ant&eacute;: ce qui e$t tres-ay$&eacute; &agrave; faire, $i
l'on penetre plus auant dans le de$$ein
de Dieu que ne f&otilde;t ceux qui cherchent
$eulement les douceurs, &amp; les plai$irs
<pb n=179>
de ce monde, dont la ptatique, &amp; l'ex-
perience leur agr&eacute;e dauantage que la
$peculation.
<p>Mais ceux qui $ont plus $&ccedil;auans, &amp;
qui $'e$tudient &agrave; la Theorie de la volon-
t&eacute; de Dieu, &amp; de $es de$$eins, dans le$-
quels ils entrent $ouuent, comme dans
le $ouuerain Sanctuaire; &amp; dont ils $or-
tent apres auec des $atisfactions d'e$-
prit qui ne peuuent e$tre expliqu&eacute;es de
la langue des hommes, $ont au$$i con-
tents de $ouffrir que d'agir, &amp; d'e$tre le
$uiet, ou l'obiect des di$graces du mon-
de, que de $es faueurs, parce qu'ils re-
connoi$$ent que Dieu les gouuerne, &amp;
qu'il les a de$tinez pour cette partie de
l'harmonie vniuer$elle, tandis qu'il c&otilde;-
duit le concert &agrave; $a fin, c'e$t &agrave; dire &agrave; l'o-
ctaue, &amp; &agrave; l'vni$$on de la gloire eternel-
le, qu'il donnera &agrave; tous ceux qui auront
bien tenu leur partie, &amp; qui $e $eront
contentez du lieu qui leur a e$t&eacute; donn&eacute;
par le $ouuerain Mai$tre du gr&atilde;d ch&oelig;ur
de l'vniuers.
<p>Quant &agrave; la doctrine de Socrate, il la
faut prendre au me$me $ens; car tant
$'en faut que le g&etilde;re Chromatic, &amp; l'En-
harmonic b&atilde;ni$$e les vertus, puis qu'ils
<pb n=180>
$ont propres pour la contemplation des
cho$es cele$tes, &amp; pour le raui$$ement,
&amp; que le genre Diatonic demeure im-
parfait $ans leur a$$i$tance, comme l'on
verra dans des di$cours particuliers.
<p>La quatrie$me obiection e$t, ce $em-
ble, plus difficile que les precedentes,
car il e$t vray que le degr&eacute; Enharmoni-
que, c'e$t &agrave; dire la Die$e, ne $ert pas or-
dinairement pour pa$$er d'vne con$o-
nance &agrave; l'autre, dautant qu'elle n'en e$t
pas la differ&etilde;ce. Quant au degr&eacute; Chro-
matique, &agrave; $&ccedil;auoir au demiton mineur,
il e$t la difference des deux Tierces, &amp;
des deux Sextes, c'e$t pourquoy il le
faut receuoir comme nece$$aire, puis
que l'on pa$$e de la moindre de ces con-
$onances &agrave; la plus gr&atilde;de, &amp; que la voix
en v$e $ouuent, tant aux $imples recits,
qu'aux compo$itions &agrave; plu$ieurs voix.
<p>Pour la Die$e, endore qu'elle ne pro-
cede pas de la difference des con$onan-
ces, comme le degr&eacute; Chromatique,
neantmoins elle e$t la difference du de-
mit&otilde; maieur, &amp; du mineur, &amp; $ert pour
trouuer les con$onances iu$tes aux en-
droits du clauier des Orgues parfaictes,
qui ne $'y pourroient pas rencontrer
<pb n=181>
$ans elles. Mais ie parlerav plus ample-
ment de cette Die$e au di$cours des de-
grez qui $ont nece$$aires &agrave; la Diatoni-
que, ou dans celuy de toutes les manie-
res, dont on peut pa$$er d'vne con$o-
nance &agrave; l'autre: &amp; bien que ce degr&eacute;
fu$t au dela de ce que fait la nature, il
ne faudroit pourtant pas le reietter,
puis qu'elle re&ccedil;oit plu$ieurs ornemens,
&amp; perfections de l'art.
<p>Il n'e$t pas be$oin de parler icy du
Comma, qui e$t la difference du ton
maieur &amp; du mineur, puis qu'il ne $ert
que pour trouuer les con$onances iu-
$tes aux endroits o&ugrave; elles $eroient im-
parfaites, &amp; pour o$ter la nece$$it&eacute; du
temperament de l'Orgue, &amp; des au-
tres in$trumens: de l&agrave; vi&etilde;t que les deux
$ons, &amp; les deux touches, qui ne $ont
&eacute;loign&eacute;es que du Comma, ne doiuent
e$tre cont&eacute;es que pour vne me$me tou-
che, &amp; pour vn me$me $on, &amp; con$e-
quemm&etilde;t qu'il n'y a que 16. $ons, chor-
des, ou touches differ&etilde;tes dans le $y$te-
me parfait, &agrave; proprement parler, pui$-
que dans l'Octaue qui commence par
F, le $econd G, e$t pris pour le premier;
&amp; que dans celle qui commence par C,
<pb n=182>
le $econd D, e$t pris pour le premier,
comme ie fais voir ailleurs dans l'ex-
plication de ces deux Octaues.
<p>La cinquie$me obiection prouue plu-
$to$t qu'il faut admettre les petits in-
terualles du genre Enharmonique, &amp;
me$me ceux de tous les autres genres
que l'on peut inuenter, puis qu'elle e$t
appuy&eacute;e $ur le ieu de l'e$prit, qui con-
$i$te &agrave; connoi$tre toutes les rai$ons po$-
$ibles. Quant &agrave; l'oreille, il $uffit qu'el-
le $oit $atis faite de la perfection des c&otilde;-
$onances, qui ne peut $e r&etilde;contrer $ans
le genre Enharmonique; &amp; ie croy que
les Compo$iteurs aduo&uuml;r&otilde;t librement
que la perfection de tous les accords
(qui $ont diminuez, ou augmentez, $ur
les in$trumens ordinaites) recompen$e
abondamment la difficult&eacute; que l'on
prend pour la Die$e Enharmonique,
qui peut grandement enrichir la Mu$i-
que, $i l'on en v$e dextrement.
<p>Toutesfois $i les Praticiens cr<*>gnent
que l'v$age du genre Enharmonic les
la$$e trop, &amp; les rende ineptes &agrave; la $pe-
culation des autres cho$es plus $erieu-
$es, ou que leurs occupations ne per-
mettent pas qu'ils comprennent la de-
<pb n=183>
licate$$e de ce genre, ils $ont libres de
nes'en $eruir pas, &amp; peuuent quitter la
Mu$ique pour vaquer &agrave; des $peculati&otilde;s
plus releu&eacute;es: quoy qu'il ne $oit nulle-
ment nece$$aire de les exhorter &agrave; cela,
puis que tant s'en faut qu'ils vueillent
contempler des veritez plus excellen-
tes, puis qu'ils ne recherchent $eule-
ment pas les rai$ons de ce qu'ils font
dans leurs compo$ition.
<p>Mais cette obiection ne combat nul-
lement ceux qui v$ent de la Mu$ique,
comme d'vn doux repos pour $oulager
leur e$prit, &amp; pour les porter &agrave; la con-
templation de l'harmonie Cele$te, qui
$ert d'entretien aux bien-heureux, &amp;
qui la ioignent au labeur, comme les
peintres ioignent les ombres aux cou-
leurs, pour donner de la grace &agrave; leurs
$peculations plus releu&eacute;es, &amp; pour re-
tourner auec plus d'allegre$$e &agrave; leur
trauail ordinaire.
<p>En effect $i la Mu$ique doit $eruir &agrave;
quelque v$age, &amp; $i $a pratique a quel-
que fin, elle n'en peut auoir de plus ex-
cellente, apres la gloire de Dieu, qui e$t
la derniere fin de toutes les cho$es po$-
$ibles, que la recreation des $&ccedil;auans,
<pb n=184>
qui con$omment leur temps, &amp; leur
e$prit &agrave; la meditation des my$teres de
la Religion, &amp; &agrave; la recherche des rai-
$ons, qui $eruent pour combatre tous
ceux qui $'oppo$ent &agrave; la vent&eacute; infailli-
ble de no$tre Foy, &amp; pour per$uader cet-
te verit&eacute;, &amp; les vertus qui en dep&etilde;dent,
&agrave; tout le monde.
<p>La derniere obiection $uppo$e la
mauuai$e volont&eacute; de ceux qui abu$ent
de la Mu$ique, &amp; qui v$ent &agrave; mauuais
de$$ein des petits interualles Chroma-
tiques, &amp; Enharmoniques: car le plai-
$ir qui en reuient, e$t $i cha$te, &amp; $i pur,
qu'il faut e$tre plus effemin&eacute; que Sar-
danapale pour $'en $eruir &agrave; des v$ages
prophanes, &amp; la$cifs: &amp; l'on experi-
mente que le bon v$age de la Mu$ique
n'effemine pas les auditeurs, mais qu'il
les rend plus polis, &amp; plus vertueux, &amp;
que de farouches qu'ils e$toient, ils de-
uiennent plus courtois, plus doux, &amp;
plus accords, &amp; con$equemment plus
propres &agrave; toutes $ortes d'affaires.
<p>De l&agrave; vient que l'on dit qu'Orph&eacute;e
bati$$oit les villes auec les $ons de $on
Luth, parce qu'il raui$$oit tellement les
hommes, qui viuoient $eparez, par $es
<pb n=185>
li$cours, qui leur per$uadoit de demeu-
rer en$emble, &amp; de faire des villes, &amp;
des citez pour leur retraite, &amp; pour leur
$eiour: mais i'ay parl&eacute; plus amplement
de ce $uiet dans vn di$cours particu-
lier.
<p>Quant &agrave; ce que l'on obiecte de l'inu-
tilit&eacute; des Mu$iciens ordinaites, que l'on
appelle Mene$triers, dont plu$ieurs $e
$eruent pour leur pa$$e-temps, il ne
$ont pas bla$mables, puis qu'ils $e $er-
uent de leur indu$trie pour entretenir
leurs familles, car encore qu'ils ne $oi&etilde;t
pas $i vtiles que les autres arti$ans, on
les peut neantmoins tolerer dans les
Republiques, puis qu'ils ne font tort &agrave;
per$onne, &amp; que chacun peut reccuoir
quelque partie du plai$ir innocent, qui
procede de leurs $ons, &amp; de leur har-
monie.
<p>Quant &agrave; ceux qui $eruent &agrave; chanter
les lo&uuml;anges de Dieu, on ne $&ccedil;auroit
leur donner trop de lo&uuml;ange, puis qu'ils
font l'office des Anges, &amp; qu'ils repre-
$entent le Paradis dans ce monde, &amp;
l'Egli$e Triomphante dans la Mili-
tante.
<p>C'e$t pourquoy ils peuuent auec tou-
<pb n=186>
te a$$eurance de leur con$cience, pa$$er
les iours &amp; les nuicts &agrave; trouuer de nou-
ueaux chants, &amp; de nouueaux char-
mes dans les trois genres de Mu$ique
pour &eacute;leuer tous les mortels &agrave; la con-
templation des cho$es diuines, &amp; pour
&eacute;chauffer &amp; embra$$er leur volont&eacute; du
de$ir de la Ieru$alem cele$te, &amp; de l'a-
mour de Dieu, afin que toutes les crea-
tures, &amp; particulierement la Mu$ique,
nous $eruent de degr&eacute; pour paruenir &agrave;
la gloire eternelle, &amp; pour nous vnir &agrave;
celuy, dont nous e$perons toutes $ortes
de biens, &amp; de contentemens.
<p>I'exhorte donc tous les Mu$iciens du
monde &agrave; n'employer leurs compo$iti&otilde;s
qu&agrave; chanter les lo&uuml;anges de Dieu, &amp;
&agrave; $'exciter les vns les autres &agrave; le louer
par ces paroles du Prophete Royal: <I>Ecce
nunc b<*>dicite Dominum omnes $erui Do-
mini, &amp;c.</I> dont $e $eruoient vne partie
des Leuites, pour aduertir les autres,
tandis qu'ils pa$$oient les nuicts entie-
res dans le Temple de Salom&otilde; en prie-
res &amp; orai$ons: &amp; que l'on peut expri-
mer par cette excell&etilde;te Paraphra$e que
l'vn de mes amis excellent Po&euml;te, &amp;
Theologien a compo$&eacute;e.
<pb n=187>
<p><I>Vous qui pa$$ez en heur tant de peuples diuers,<lb>
Qui $eruez purement l'Autheur de l'vniuers,<lb>
Er connoi$$iz la main qui lance le tonnerre,<lb>
Fauoris du Seigneur, qui vous ouure les yeux,<lb>
Venez chanter $a gloire, &amp; $oyez $ur la terre<lb>
Ce que pour le benir les Anges $ont aux Cieux.<lb></I>
<p><I>T&eacute;moignez vo$tre ardeur vous en qui Dieu s'e$t<lb>
Saints Mini$tres &eacute;leuz entre le peuple &eacute;leu, (pleu,<lb>
Qui comme $es $oldats veillez &agrave; $es portiques,<lb>
N'en lai$$ez approcber $ilence ny $ommcil,<lb>
Et portez ju$qu'au Ciel le bruit de vos Cantiques<lb>
Tant que le $cin des eaux nous rende le Soleil.<lb></I>
<p><I>Quand la nuict vient noircir les objects les plus
beaux,<lb>
C'e$t lors qu'il faut veiller auecque ces flambeaux,<lb>
Dont les rayons dorez illuminent $es voiles,<lb>
Et leuant tout en$emble, &amp; vos yeux &amp; vos snains<lb>
Publier $a grandeur &agrave; l'enuy des &eacute;toiles,<lb>
Et vous rendre vn exemple au re$te des humains.<lb></I>
<p><I>Que le Dieu tout pui$$ant qui forma tout de rien<lb>
Qui cognoi$t le vray prix &amp; du mal &amp; du bien,<lb>
Te prepare vn loyer digne de $a ju$tice,<lb>
Qu'vn bon-heur eternel r&eacute;ponde &agrave; tes ferueurs,<lb>
Que quand tu le benis, luy-me$me te beni$$e,<lb>
Et donne &agrave; ton amour $es plus cheres fancurs.<lb></I>
<pb n=188>
<HR>
<C>QVESTION VIII.</C>
<p><I>A $&ccedil;auoir $i les chordes parfaitement &eacute;gales
e$tant tir&eacute;es d'vn mouuement &eacute;gal, on
&agrave;'vne force &eacute;gale par les deux extremi-
tez, ou par vne $eule extremit&eacute; $e rom-
proient, &amp; par quel lieu elles $e rom-
proient</I>
<p>IE $uppo$e qu'vne chorde d'or, d'ar-
gent, de cuiure, de fer, ou de quel-
que autre matiere que l'on voudra, $oit
parfaitem&etilde;t &eacute;gale en toutes $es parties,
il faut voir $i elle $e rompra, &amp; par quel-
le partie elle $e rompra.
<p>Premierement, quelques-vns tien-
nent que cette chorde ne peut e$tre r&otilde;-
pu&euml;, dautant qu'il ny a pas plus de rai-
$on qu'elle $e rompe par vne partie que
par vne autre; &amp; adjou$tent que $i elle
$e rompoit, il faudroit qu'elle $e diui$a$t
en toutes $es parties. Ce qui ne peut
arriuer, autrement il $e feroit vne diui-
$ion d'vne infinit&eacute; de parties; ce que ie
veux expliquer par d'autres exemples,
par le$quels l'on comprendra mieux
<pb n=189>
ce que i'ay dit de la chorde.
<p>Ie commence par vne boule de fer
enferm&eacute;e au centre de la terre, qui au-
roit $on centre conioint audit centre,
ou qui auroit $es parties &eacute;galement ra-
res, ou conden$es: Car bien que toute
la terre fu$t vuide, &amp; qu'elle n'eu$t que
l'&eacute;corce de $a $urface, neantmoins ce
fer ne pourroit monter en haut d'vn
co$t&eacute; ny d'autre, parce que n'y ayant
point de rai$on pourquoy il monte plu-
$to$t par vn co$t&eacute; que par vne autre, il
$eroit indiffer&etilde;t, &amp; ne pourroit quitter
ce lieu, encore qu'il y eu$t e$t&eacute; enfer-
m&eacute; auec viol&etilde;ce, &amp; qu'il ny ait rien qui
l'empe$che de monter.
<p>Quelques-vns rapportent ce repos
violent, &amp; ce defaut du mouuement &agrave;
la crainte du vuide, qui $e feroit au cen-
tre de la terre, $i les parties du Globe
de feu montoient toutes en$emble, ny
ayant pas plus de rai$on qu'vne certai-
ne partie commence $on mouuement,
que quel qu'autre partie que ce $oit.
<p>En effect nous voyons d'e$tranges ac-
cidens dans la nature; qui arriuent pour
empe$cher le vuide: comme quand vn
peu de poudre enferm&eacute;e dans vne mi-
<pb n=190>
ne, ou dans vn canon, fait creuer les
montagnes, &amp; iette les ba$tions entiers
par terre; ce que l'on peut rapporter &agrave;
la fuite de la penetration, qui e$t au$$i
contraire &agrave; la nature, ou du moins qui
$urpa$$e autant $es forces, comme le
vuide.
<p>L'on peut rapporter plu$ieurs exem-
ples $ur ce $uiect, car $i l'on fait chauffer
vne bouteille vuide, &amp; que l'on mette
$on col dans l'eau, elle mont era dans la
bouteille contre la propriet&eacute; qu'elle a
de de$cendre, d'autant que quand l'air
&eacute;chauff&eacute; $ent le froid de l'eau, &amp; d'vn
autre air plus froid, il $e re$$erre, &amp; $e
conden$e, c'e$t pour quoy l'eau monte
pour remplir le vuide que fait l'air, qui
$e retire dans vn moindre lieu.
<p>L'on rend la me$me rai$on des deux
co$tez d'vn $oufflet parfaitement bou-
ch&eacute;, &amp; ferm&eacute;, lequel on ne $&ccedil;auroit
ouurir; de deux pieces de bois, de mar-
bre, ou d'autre matiere parfaitement
planes, le$quelles e$tant mi$es l'vne $ur
l'autre ne peuuent e$tre $eparees, $i on
les tire perpendiculairement, car on les
peut $eparer par vn mouuement hori-
zontal, auquel il n'y a nul peril du vui-
<pb n=191>
de: des ventou$es, qui attirent la chair
qui $'enfle, de peur que l'air &eacute;chauff&eacute; ne
lai$$e du vuide en $e conden$ant: des
tonneaux, ou des bouteilles, qui ne
perdent point leurs liqueurs, encore
qu'elles $oient ouuertes en bas, dautant
que s'il en tomboit quelque goutte, il
$e feroit du vuide au fond du vai$$eau,
parce que l'air ne peut $ucceder. Quoy
que s'il $e fait quelque rarefaction dans
la liqueur, il en peut $ortir quelque par-
ties, $ans qu'il $oit be$oin que l'air y en-
tre.
<p>Il y a mille autres effects que l'on peut
attribuer au de$ir que la nature a de fuir
le vuide, ou au de$ir quelle a que $es
parties $oient vnies, dont l'experience
$e void aux tuyaux courbez de verre, de
fer, ou d'autre matiere: Car $i l'on men
l'vne de leurs extremitez dans vn &eacute;t&amacr;g,
dans vn tonneau, dans vne fontaine,
&amp;c. &amp; que l'autre extremit&eacute; de dehors
$oit plus ba$$e que la liqueur de dedans,
$i to$t que l'on aura tir&eacute; la liqueur auec
la bouche, ou que l'on aura remply le
tuyau d'vne $emblable liqueur, ou de
telle autre que l'on voudra, le $iphon
coulera perpetuellement iu$ques &agrave; ce
<pb n=206>
pris l'Exachordes dans lequel il a com-
pris les trois e$peces de Quarte, comme
i'ay dit ailleurs.
<p>L'on pourroit encore $'imaginer qu'ils
ont fond&eacute; toutem Mu$ique $ur le Tre-
tachorde, &agrave; rai$on que leurs premiers
in$trumens n'auoient que 4. chordes,
dont on peut tirer toutes $ortes de
ch&atilde;ts, &amp; d'harmonies, comme l'on ex-
perimente $ur les Viol&otilde;s, auec le$quels
les excell&etilde;s Mai$tres repre$entent qua-
$i tout ce que l'on peut $'imaginer, com-
me ie diray dans le liure des In$tru-
mens.
<p>Il ne faut pourtant pas $'arre$ter &agrave; ce
nombre de chordes, $oit qu'ils ayent
voulu repre$enter le nombre des &eacute;le-
ments, ou les 4. $ai$ons de l'ann&eacute;e, ou
quelqu'autre quaternaire de cho$es par
leurs 4. chordes, ou qu'ils les ai&etilde;t iug&eacute;es
$uffis&atilde;tes pour toute $orte d'harmonie,
dautant que l'on $&ccedil;ait que plu$ieurs au-
tres ont mis 7. chordes $ur leurs in$tru-
mens, comme l'&otilde; void dans l'Amphion
des Tableaux de Philo$trate, &amp; en plu-
$ieurs reuers de medailles; &amp; que les
autres ont vs&eacute; de 8. ou 9. chordes, &amp;
les autres de trois $eulement, comme
<pb n=207>
Olympe au rapport de Plutarque, &amp;
Mercure, dont parle Diodore: mais ie
parleray plus amplement du nombre
de ces chordes dans vn liure particu-
lier.
<p>Car ie veux employer le re$te de ce
di$cours &agrave; l'examen du quaternaire,
qu'ils ont peut e$tre choi$i, parce qu'il
repre$ente tous les nombres, dautant
que $es parties e$tant adiou$t&eacute;es font
dix, qui finit, ce $emble, tous les nom-
bres, puis qu'il comprend le nombre
pair, &amp; l'impair, le quarr&eacute;, le cube, &amp;
le premier compo$&eacute;, comme remarque
Ari$tore dans le; Proble$me de la 15.
$ection, o&ugrave; il dit que le dix e$t la fontai-
ne, &amp; le principe des nombres, parce
qu'il e$t compos&eacute; d'vn, de 2, de 3, &amp; de
4, que les Thraces ne pa$$oient nulle-
ment en c&otilde;ptant, $oit qu'ils eu$$ent la
memoire $i courte, ou l'imagination $i
foible qu'ils ne peu$$ent c&otilde;pter que iu$-
ques &agrave; 4. ce qui n'e$t pas vray $embla-
ble, attendu que les 5. doigts de la main
apprennent du moins &agrave; conter iu$ques
&agrave; 5. &amp; ceux des 2. mains iu$ques &agrave; dix;
o&ugrave; qu'ils ayent voulu $ignifier que l'on
peut trouuer toutes les parties tant ali-
<pb n=208>
quotes, que quantie$mes, ou aliquan-
tes du dix dans le quaternaire, car l'on
y trouue premierement 1. 2. 3. &amp; 4; &amp;
puis 5. en adiou$tant 1. &agrave; 4. ou 2. &agrave; 3; &amp;
6. en adiou$tant 2. &agrave; 4; 7. en adiou$t&atilde;t
4. &agrave; 3; 8, en adiou$tant 1, 3, &amp; 4; 9, en
adiou$tant 2, 3 &amp; 4; &amp; finalement dix,
en adiou$tant 1, 2, 3 &amp; 4.
<p>Ari$tote rapporte encore vn autre
priuilege du nombre denaire, &agrave; $&ccedil;auoir
qu'il a dix proportions, ou analogies,
dans le$quelles 4. cubes $ont acc&otilde;plis,
ce qui e$t $i mal ai$&eacute; &agrave; expliquer, que
Pierre de Appono y a trauaill&eacute; 4. ans,
au bout de$quels il dit, qu'vne lumiere
particuliere luy fei$t conceuoir que dix
fois dix, c'e$t &agrave; dire 100. contiennent
les 4. premiers cubes, &agrave; $&ccedil;auoir 1, 8, 27,
&amp; 64, le$quels e$tant adiou$tez font
cent: mais outre qu'il n'explique pas,
comment le n&otilde;bre denaire conti&etilde;t ces
4. cubes, &amp; qu'Ari$tote ne parle pas du
nombre de cent, mais de celuy de 10. il
ne m&otilde;$tre pas comment ce nombre c&otilde;-
tient 10. analogies, que l'on pourroit
expliquer des 10. termes qui $e $uiuent
en progre$$i&otilde; Gernetrique multiple en
commen&ccedil;ant par l'vnit&eacute;: par exemple
<pb n=209>
de ceux-cy, 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128,
256, &amp; 512, dont le premier, le 4, le 7, &amp;
&amp; le dernier $ont 4. cubes, par le 8. du
9. des &eacute;lemens, s'il e$toit $eulement
que$tion de 10. termes analogiques, &amp;
proportionels: mais puis qu'Ari$tote
parle des 10. analogies, il faut les trou-
uer dans le nombre denaire, ou confe$-
$er qu'il n'a pas parl&eacute; proprement, ou
qu'il n'a pas bien entendu le mot d'a-
nalogie, car il faut 12. termes pour fai-
re 10. analogies.
<p>C'e$t pourquoy l'&otilde; ne peut expliquer
le $ens de ce Proble$me pris &agrave; la rigueut
qu'en di$ant que les 10. Analogies c&otilde;-
pri$es par le nombre denaire $ont cel-
les qui ont les 10. nombres qu'il con-
tient, qui $ont les racines, &amp; la vertu
des 10. analogies qui $uiuent, dont. la
premiere e$t de l'vnit&eacute;, qui e$t $a raci-
ne, $on quarr&eacute; &amp; $on cube: la 2. e$t de
la me$me vnit&eacute;, qui $ert tou$iours de
premier terme &agrave; chaque proportion,
comme l'on void icy 1, 1, 1:1, 2, 4:1, 3,
9:1, 4, 16:1, 5, 25:1, 6, 36:1, 7, 49;
1, 8, 64:1, 9, 81:1, 10, 100.
<p>Par o&ugrave; l'on reconnoi$t que la dernie-
re analogie $e termine au quarr&eacute; de 10.
<pb n=210>
&amp; que le quaternaire contient les 4. ra-
cines des 4. cubes, qui font au$$i le n&otilde;-
bre de 100. lequel e$t contenu dans 4.
comme dans $a $ource, &amp; dans $on ori-
gine. Or ie veux encore remarquer
quelques autres cho$es du n&otilde;bre qua-
ternaire, &amp; du denaire: par exemple,
que la premiere, ou la moindre partie
de 4. e$tant adiou$t&eacute;e &agrave; 4. fait autant
que $es 2. autres parties du milieu 2. &amp;
3. adiou$t&eacute;es en$emble, &agrave; $&ccedil;auoir 5. &amp;
con$equemment que ces 2. additions
re$tituent le nombre denaire. En apres,
que 4. e$t $equitierce de $es parties ali-
quotes, &amp; con$equemment qu'il con-
tient la rai$on de la Quarte, ou du Te-
trachorde, dont nous auons parl&eacute;: 3.
que toutes $es parties, &agrave; $&ccedil;auoir 1, 2, &amp;
3. e$tant adjou$t&eacute;es font 6. qui e$t $e$-
quialtere de 4; &amp; parce que ces 2. rai-
$ons font la rai$on de l'Octaue, l'&otilde; peut
dire que 4. repre$ente toute la Mu$i-
que.
<p>Quant &agrave; 10. (qui contient tellement
tous les autres nombres, que ceux qui
$ont par del&agrave; ne $ont autre cho$e que la
repetition des precedens) $es parties
c&otilde;$titutiues, (c'e$t &agrave; dire toutes les par-
<pb n=211>
ties qu'il contient) e$tant adiou$t&eacute;es
font 45. qui e$t quadruple $e$quialtere
de 10. lequel e$tant adiou$t&eacute; au$dites
parties fait 55. qui e$t $e$quitiere de 45.
mais il e$t $e$quiquarte de $esparties ali-
quotes qui font 8. au$quelles e$tant ad-
iou$t&eacute;, il fait 18. qui e$t double $e$qui-
quarte de 9. &agrave; 4.
<p>Or encore que l'on ne pui$$e trouuer
la rai$on des cho$es naturelles dans les
nombres, parce que nous ne connoi$-
$ons pas les principes naturels, ils ont
neantmoins de merueilleu$es rencon-
tres, qui peuuent $eruir de conduite &agrave;
l'e$prit, pour contempler la nature des
cho$es, car cha$que nombre a quelque
propriet&eacute; particuliere, qui ne peut con-
uenir aux autres, c'e$t pourquoy ilpeut
$eruir de charactere pour repre$enter
chaque e$pece, &amp; cha que indiuidu.
<p>Par exemple, l'vnit&eacute; e$t propre pour
nous faire conceuoir la Diuinit&eacute;, le n&otilde;-
bre 120. dont les parties aliquotes font
le double, c'e$t &agrave; dire 240. &amp; le me$me
240. dont les parties aliquotes font le
triple, vn moins, &amp; tous les autres
nombres abondans peuuent $ignifier
les natures les plus fecondes, &amp; les n&otilde;-
<pb n=212>
bres 220. &amp; 284 peuuent $ignifier la
parfaite amiti&eacute; de 2. per$onnes, daut&atilde;t
que les parties aliquotes de 220. font
284. &amp; celles de 284. re$tituent 220.
comme $i ces deux nombres n'e$toient
qu'vne me$me cho$e.
<p>Or il importe fort peu $i ie n'ay pas
rencontr&eacute; la vraye rai$on pour laquelle
ils ont plu$to$t choi$i ce n&otilde;bre de chor-
des qu'vn plus grand, dant&atilde;t que quel-
que nombre que l'on en prenne, le tout
reuient &agrave; vne me$me cho$e, pourueu
que l'Octaue, &amp; lesautres con$onances
$oient parfaites.
<HR>
<C>QVESTION X.</C>
<p><I>A $&ccedil;auoir $iles $ons forment les m&oelig;urs, com-
me $uppo$e Ari$tote dans le 27. Proble$-
me de la</I> 19. <I>$ection; &amp; s'ils $ont plu<*>
propres &agrave; exciter les pa&szlig;ions de l'homme
que les couleurs, les $aueurs, &amp; les odeurs
&amp;c. &amp; pourquoy les $ons ont cette vertu
&amp; cette pui$$ance.</I>
<p>ARi$tote nous donne $uiet de di<*>
courir de cette matiere, lors qu'
<pb n=213>
dit au 27. Proble$me de la 19. $ection
que de tous les obiects des $ens il n'y a
que le $on qui $oit propre pour former
les m&oelig;urs, &agrave; rai$on qu'il con$i$te dans
vn mouuement, qui ne $e remarque pas
dans les couleurs, dans les odeurs, ou
dans les $aueurs, &amp; que les actions ont
vn $emblable mouuement, de $orte
qu'il prend l'imitation pour fondem&etilde;t
de $a $olution, qui doit, ce me $emble,
s'expliquer en cette maniere. Le mou-
uement des $ons e$t $emblable aux
actions, par le moyen de$quelles on ac-
quiert les habitudes de la vertu, &amp; par
le$quelles on e$t c&otilde;duit &agrave; la Morale; &amp;
con$equemment ils $ont propres pour
exprimer, &amp; pour former, &amp; con$eruer
les m&oelig;urs, pui$que chaque cho$e e$t
engendr&eacute;e, &amp; con$eruee par $on $em-
blable.
<p>En effet l'on experimente que nos
actions $e font par le mouuement, qui
produit vne habitude, lors qu'il e$t $ou-
uent repet&eacute;: de l&agrave; vient que l'on appr&etilde;d
&agrave; chanter par habitude: ce qui n'ar-
riue pas aux autres $ens, qui $uppo$ent
leurs obiects tous faits, mais chacun
peut ch&atilde;ter, &amp; con$e qu&etilde;ment peut for-
<pb n=214>
mer des obiects propres pour $on oreil-
le: ce qui n'arriue pas aux couleurs,
aux odeurs, &amp; aux $aueurs, qui $ont
hors de nous, &amp; qui ne $ont pas dans
no$tre pouuoir: De l&agrave; vient que nous
aymons mieux les $ons, parce qu'ils d&eacute;-
pendent, ou qu'ils peuuent dependre
de nous, cette dependance nous for-
&ccedil;ant qua$i &agrave; aymernoz effects, comme
l'on experimente aux parens, qui ay-
m&etilde;t beaucoup plus leurs enfans, quoy
que difformes, que ceux des autres, en-
core qu'ils $oient plus beaux. Ce qui
arriue $emblablement &agrave; ceux qui font
des liures, des tableaux, ou d'auties on-
urages &agrave; rai$on qu'ils d&eacute;pendent d'eux:
or l'on remarque c&eacute;t amour, &amp; cette
affection que l'on a pour les $ons; lors
que l'on chante quelquefois $ans pen-
$er &agrave; ce que l'on fait, quoy que l'on imi-
te les chants que l'on a o&uuml;ys.
<p>Quant aux couleurs, on les tient qua-
$i in differentes, &agrave; rai$on qu'elles ne de-
pendent pas de nous, &amp; qu'elles n'ont
nul mouuem&etilde;t $emblable &agrave; noz acti&otilde;s,
&amp; &agrave; noz pa$$ions, comme ont les $ons,
qui $eruent &agrave; exprimer les douleurs, les
plai$irs, la cholere, &amp; les autres affe-
<pb n=215>
ctions de l'homme, &amp; des animaux. Par
o&ugrave; l'on peut ent&etilde;dre pourquoy les An-
ciens fai$oient chanter leurs Loix, dont
il e$t parl&eacute; au 15. &amp; au 28. Proble$me
de la $ecti&otilde; 19 ce$t pourquoy ils appel-
loient leurs chan$ons <I>des Loix,</I> &agrave; rai$on
que l'on retient plus ay $&eacute;ment ce qui $e
chante, parce que le mouuement du
chant e$tant plus grand, &amp; mieux regl&eacute;
que celuy de la parolle, dont on v$e or-
dinairement dans les di$cours, fait vne
plus forte impre$$ion $ur l'e$prit des au-
diteurs, &amp; particulierement $ur les en-
fans, au$quels ont peut apprendre les
Loix auant qu'ils les pui$$ent compren-
dre par rai$on, parce que leur e$prit, &amp;
leur memoire e$t $emblable &agrave; vne ta-
ble d'attente, la quelle e$t $u$ceptible
de toutes $ortes de couleurs.
<p>De l&agrave; vient qu'ils reti&etilde;nent fort bien
ce qu'ils ont appris en leur ieune$$e, d&otilde;t
les parens, &amp; les mai$tres doiuent v$er
&agrave; leur aduantage, afin de leur imprimer
les Loix, &amp; la crainte de Dieu, qui doit
e$tre le fondement de toute leur vie, &amp;
de leurs actions, puis qu'elle e$t la fon-
taine de la vie, dans les Prouerbes cha-
pit.14. &amp; qu'elle e$t le commencement
<pb n=216>
de la $age$$e. Or pui$que les m&oelig;urs $e
forment par les actions, &amp; que les acti&otilde;s
$e font par des mouuemens, il faut v$er
des $ons, qui imitent le$dits mouue-
mens: ce qui e$t difficile &agrave; connoi$tre,
&amp; &agrave; executer, car il faut $&ccedil;auoir les
chordes, qui s&otilde;t plus propres &agrave; toucher
l'e$prit les vnes que les autres, &amp; com-
bien de fois chacune doit e$tre touch&eacute;e
pour paruenir au de$$ein que l'&otilde; $e pro-
po$e, &amp; con$equemment quelles chor-
des il faut lai$$er, &amp; de quels interual-
les on doit v$er, car les vnes $ont pro-
pres &agrave; l'amour, les autres &agrave; la tri$te$$e, &amp;
les autres &agrave; la ioye, &amp; &agrave; la cholere.
<p>Mais auant que de pa$$er plus outre,
il faut remarquer que la que$tion pro-
po$&eacute;e par Ari$tore peut e$tre reuoqu&eacute;e
en doute, parce que l'on experimente
que les couleurs, les $aueurs, &amp; les
odeurs ont vn grand pouuoir $ur nos
pa$$ions, car comme vn tableau, ou vn
vi$age tri$te, &amp; mal proportionn&eacute; nous
fa$che, &amp; nous d&eacute;plai$t, de me$me les
excellents tableaux, &amp; les beaux vi$a-
ges nous raui$$ent de contentement, &amp;
l'on rencontre des tableaux du vi$age
de no$tre Sauueur, que l'on ne peut l&otilde;g-
<pb n=217>
temps regarder $ans con&ccedil;euoirvne gr&atilde;-
de reuerence accompagn&eacute;e de quel-
que $orte de crainte, &amp; de frayeur: ce
qui arriue $emblablement lors que l'on
enui$age de certaines per$onnes, dont
le front, les yeux, &amp; les autres parties
du vi$age $ont remplies d'vne $i grande
maie$t&eacute;, &amp; ont vne $i grande pui$$ance,
qu'ils impriment tels mouuem&etilde;s qu'ils
veulent, $oit de crainte, &amp; de reueren-
ce, $oit de r&eacute;io&uuml;i$$ance, ou de tri$te$$e,
$ur ceux qui les regard&etilde;t attentiuem&etilde;t.
De $orte que l'on peut dire que l'im-
pre$$ion qui $e fait dans l'ame par les
yeux e$t du moins au$$i pui$$ante que
celle qui $e fait par les orcilles. L'on ex-
perimente $emblablement que les $a-
ueurs, &amp; les odeurs ont vne grande
pui$$ance $ur l'e$prit, car la $aueur ame-
re, &amp; l'odeur puante nous fa$chent ex-
trem&eacute;ment: &amp; $i l'on remarquoit au$$i
exactement les differens degrez des $a-
ueurs depuis la plus amere, &amp; la plus
fa$cheu$e iu$ques &agrave; la plus douce, &amp; la
plus agreable, comme l'&otilde; remarque les
differens degrez des $y$temes de la Mu-
$ique, l'on trouueroit, peut-e$tre, qu'el-
les ont des effects au$$i grands $ur l'e$-
<pb n=218>
prit que les $ons, &amp; les couleurs, &amp; con-
$equemment on pourroit e$tablir des
rai$ons, &amp; des proportions harmoni-
ques entre les $aueurs, &amp; les odeurs, c&otilde;-
me l'on fait entre les $ons.
<p>En effet les differentes odeurs ap-
portent de grands changemens aux e$-
prits, comme l'on experimente dans
les Egli$es, dont les $uffumigations, &amp;
les encen$em&etilde;s excitent &agrave; la deuotion:
&amp; dans les Ho$pitaux, dans les pri$ons,
&amp; dans les autres lieux renfermez, qui
rendent les e$prits lents, tri$tes, &amp; he-
betez, &amp; qui font mal au c&oelig;ur: &amp; lors
que l'&otilde; e$t au milieu d'vn parterre plein
d'&oelig;illets, de mariolaine, de ia$min, de
girofl&eacute;es, &amp; de ro$es, la vapeur, &amp; les
douces fum&eacute;esde ces fleurs qui embau-
ment l'air, charment l'e$prit de leur
douceur, &amp; l'enchantent au$$i douce-
ment que les concerts les plus raui$-
$ants: de $orte que les odeurs, au$$i bien
que les $aueurs, &amp; les couleurs, peuuent
di$puter, &amp; d&eacute;batre de la pr&eacute;eminence,
&amp; de la pui$$ance qu'elles ont $ur l'e$-
prit de l'homme contre les $ons; bien
qu'ils $oient beaucoup plus excellents,
$il'on con$idere le di$cours, au$quels ils
<pb n=219>
$eruent de matiere, mais nous parlons
iey des $ons, &amp; non de la parolle.
<p>Il faut neantmoins conclurre que les
$ons, &amp; les chants $ont plus propres que
les obiects des autres $ens pour exciter
les pa$$ions, dont Felix Accarombon
rapporte la cau$e aux differents mou-
uemens, c'e$t &agrave; dire aux me$ures l&otilde;gues,
&amp; briefues des chan$ons, &agrave; rai$on que
le m&eacute;lange des temps imite les actions
qui produi$ent les pa$$ions. Mais la
$eule melodie a de la force $ur les pa$-
$ions, encore que les differentes notes
ne changent point de me$ure, comme
l'on experim&etilde;te &agrave; l'interualle de la Sex-
te, &amp; de la Tierce mineure, qui exci-
tent la tri$te$$e, &amp; &agrave; tous les chants qui
fini$$ent par les demit&otilde;s, ou par les die-
$es: quoy qu'il $oit certain que les dif-
ferentes me$ures adiou$tent vne gran-
de force &agrave; la melodie c&otilde;me nous auons
dit ailleurs, &amp; que la rythmique ayt
toute $eule beaucoup de pui$$ance $ur
l'e$prit $ans la melodie, comme l'on re-
mar que aux battemens du tambour, &amp;
dans plu$ieurs autres mouuemens.
<p>Or la rai$on de cette pui$$ance que
les $ons imprim&etilde;t $ur l'e$prit, doit e$tre
<pb n=220>
pri$e des differens mouuemens, dont
ils frappent le tympan, ou la membra-
ne de l'oreille, &amp; con$equemment les
e$prits de l'o&uuml;ye: par exemple, lors que
l'on chante par l'interualle de la Sexte
mineure en montant pour exciter la
tri$te$$e, les e$prits $ont premierement
frappez 5. fois par le $on graue, &amp; puis
8. fois dans vn temps &eacute;gal par le $on ai-
gu, c'e$t pour quoy il faudroit con$ide-
rer pourquoy 8. coups, ou le battem&etilde;t,
dont la force e$t comme 8, a la pui$$an-
ce d'exciter la tri$te$$e, lors qu'il $uit im-
mediatement apres le battement, dont
la force e$t comme 5: ce que l'on peut
$emblablement con$iderer dans les au-
tres interualles.
<p>Quelques-vns $imaginent que les
Anci&etilde;s ont $&ccedil;eu quelles chordes il fal-
loit toucher les vnes apres les autres
pour exciter toutes $ortes de pa$$ions,
&amp; qu'ils auoient e$tably des loix pour
ce $uier, parce qu'ils li$ent dans Platon,
&amp; dans Ari$tote qu'ils auoient vne ma-
niere de Mu$ique pour exciter la cho-
lere, &amp; vn autre pour l'appai$er: &amp; que
Timoth&eacute;e mettoit Alexandre le Gr&atilde;d
en cholere quand il chantoit, ou qu'il
<pb n=221>
touchoit la Harpe, ou d'autres in$tru-
mens: mais nous ne voyons nul ve$tige
dans ces Philo$ophes qui pui$$e t&atilde;t $oit
peu per$uader qu'ils ayent connu les
pa$$ions, &amp; leurs mouuemens iu$ques
&agrave; vn tel point, qu'ils ayent peu e$tablir
des $ons, ou des chants pour &eacute;mouuoir,
&amp; pour appai$er chaque pa$$ion.
<p>En effect, $'il y eu$t eu des genres,
des e$peces, ou des modes de Mu$ique
du temps de Platon, ou d'Ari$tote, dont
les effects eu$$ent e$t&eacute; $i $ignalez, &amp; qui
eu$$ent eu vn tel a$cendant $ur les pa$-
$ions, &amp; $ur l'e$prit des auditeurs, ils
eu$$ent beaucoup mieux fait d'en$ei-
gner c&eacute;t art aux hommes, que la Mo-
rale, &amp; la Politique, dont ils ont trait&eacute;,
car il n'y a point de Rethorique a$$ez
pui$$ante pour faire quitter l'enuie, la
cholere, l'amour, &amp; les autres pa$$ions,
lors qu'elles $ont enracin&eacute;es dans l'e$-
prit; &amp; les Anciens confe$$ent eux-
me$mes qu'ils n'ont point trouu&eacute; de re-
medes pour appai$er les grandes tri$te$-
$es: &amp; $ils eu$$ent eu des $ons, &amp; des
chants pour ce $ujet, ils n'eu$$ent eu nul
be$oin de la fiction de leur Nepenthe, &amp;
de leurs boi$$ons imaginaires, pour ap-
<pb n=222>
pai$er les douleurs, &amp; pour calmer les
pa$$ions. Mais i'ay pari&eacute; plus ample-
ment de cecy dans vn autre lieu, o&ugrave; i'ay
mon$tr&eacute; que nul des Anciens n'a mieux
entendu la Mu$ique que nous, afin que
l'on ne $oit pas tellement pr&eacute;ocup&eacute; de
leurs &eacute;crits, &amp; de leurs hi$toires, que l'&otilde;
$uiue plu$to$t leur imagination, &amp; leurs
fautes, que l'experience, &amp; la rai$on.
Carie ne doute nullement que la Mu-
$ique ne $oit maintenant dans vne au$-
$i grande perfecti&otilde; que celle des Grecs,
$oit que l'on con$idere l'harmonie de
plu$ieurs parties, ou la melodie, &amp; la
conduite d'vne $eule voix, ou la gran-
deur, la bont&eacute;, la beaut&eacute;, &amp; la multitu-
de des in$trumens: $i ce n'e$t que l'on
die qu'ils auoient des voix plus nettes,
plus fortes, &amp; meilleures que nous: ce
qu'il faudroit prouuer auant que de le
croire.
<HR>
<C>QVESTION XI.</C>
<C><I>A $&ccedil;auoir comme il faut compo$er les chan-
$ons, pour e$tre les plus excellentes de tou-
tes celles qui $e peuuent imaginer.</I></C>
<p>PVis que la perfection de chaque
cho$e con$i$te en $on e$$ence, en $es
<pb n=223>
proprietez, &amp; en $es accidens, &amp; que
$on excellence doit e$tre me$ur&eacute;e $elon
$es principes, ou $uiuant la fin, &agrave; laquel-
le elle e$t de$tin&egrave;e, ie dis que la chan$on
qui aura tout ce qui e$t requis &agrave; $a per-
fecti&otilde;, &amp; qui $era la mieux proportion-
n&eacute;e &agrave; $a fin $era la plus excellente de
toutes.
<p>Or elle aura toutes $es parties, lors
qu'elle r&eacute;pondra parfaitement &agrave;la let-
tre &amp; au $uiet que l'on pr&etilde;d; &amp; ne pour-
ra iamais e$tre plus excell&etilde;te que qu&atilde;d
elle aura le $uiet le plus excellent de
tous, qui con$i$te a d&eacute;crire les gr&atilde;deurs
&amp; les lo&uuml;anges de Dieu, &amp; l'amour &amp;
l'ardeur dont nous deu&otilde;s l'adorer eter-
nellement.
<p>D'o&ugrave; il e$t ay$&eacute; de conclurre, que tou-
tes les ch&atilde;$ons de Cour, qui n'ont point
d'autre $uiet que les profanes, &amp; qui ne
contiennent autre cho$e que les lo&uuml;an-
ges des hommes, qui ne $ub$i$tent le
plus $ouuent que dans les flatteries, &amp;
qui n'ont point d'autre $ou$tien que la
vanit&eacute; &amp; le m&etilde;$onge, ne peuuent e$tre
parfaites, puis que la verit&eacute; leur m&atilde;que
$ans laquelle il n'y a nulle perfection, &amp;
quelles $ont priu&eacute;es du $uiet qui rauit
<pb n=224>
les Anges &amp; qui $eruira d'vn entretien
eternel &agrave; tous les prede$tinez, &amp; les
bien-heureux. Quant aux autres con-
ditions nece$$aires pour faire des ch&atilde;ts
&amp; des airs raui$$ans, i'en parleray dans
vn liure particulier, carie veux finir cet-
tuy-cy par ces vers qui s&otilde;t propres pour
chanter les lo&uuml;anges de Dieu.
<I>Tri$te ennemy des belles cho$es<lb>
Hyuer couronn&eacute; de gla&ccedil;ons,<lb>
E$t&eacute; qui meurit les moi$$ons,<lb>
Printemps qui fait fleurir les ro$es,<lb>
Gre$les, neiges, bro&uuml;illards &eacute;pais<lb>
Lo&uuml;&eacute;s le Seigneur &agrave; iamais<lb>
Celebrez $on nom adorable,<lb>
Tout ce qu'il produit e$t parfait<lb>
Et c&eacute;t vniuers admirable, (fait.<lb>
De $on diuin pouuoir n'e$t qu'vn petit ef-<lb>
Theatre famcux des naufrages<lb>
Mer dont les flots impetueux<lb>
Viennent d'vn pas re$pectueux<lb>
Bai$er le $ablon des riuages,<lb>
Creux &amp; va$te empire du venti,<lb>
Dont le calme e$t $i deceuant,<lb>
Molle ceinture de la terre,<lb>
Lien de cent peuples diuers<lb>
Champ de la paix &amp; de la guerre,<lb>
Beni$$ez &agrave; iamais l'Autheur de l'vniuers,<lb></I>
<C>FIN.</C>